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Les avis de - Shaddam4

Visualiser les 748 avis postés dans la bedetheque
    Shaddam4 Le 02/07/2018 à 11:16:55

    Très bonne découverte que ce nouveau scénario de Dorison avec un petit nouveau extrêmement talentueux aux dessins. Je m’attendais à une transposition de la Ferme des animaux adaptée aux enfants… et je me retrouve avec un pamphlet très violent et sans détours sur l’exploitation et le totalitarisme que n’aurait pas renié un Lupano… Les dessins, donc sont assez impressionnants même si dans le registre animalier beaucoup de dessinateurs savent rendre des planches très sympa. Je vous laisse aller faire un tour sur le blog de l’illustrateur pour voir de quoi il est capable… On a donc un château occupé par des animaux abandonnés par les hommes et où un Taureau assisté d’une bande chiens féroces à instauré une dictature sanglante où le culte du chef est érigé en obligation et où toute rébellion est punie d’une mort atroce. Pas de mise en place ici, on entre dès la première séquence dans le vif du sujet avec une vieille oie révoltée qui tente de faire se réveiller une chatte blanche qui encaisse les coups pour subvenir aux besoins de ses chatons.

    Les deux pages de rédactionnel alternent horoscope, météo et tractes dignes des meilleures plumes de Staline ou d’Hitler, de quoi vous mettre dans l’ambiance. Sinon, je préviens, c’est sanglant, du coup si vous voulez le lire avec vos pitchou je conseille pas avant 10 ans.

    Lire sur le blog:
    https://etagereimaginaire.wordpress.com/2018/05/30/festival-des-gazettes-le-chateau-des-etoiles-la-gazette-du-chateau-le-sang-des-cerises/

    Shaddam4 Le 26/06/2018 à 13:28:36

    L'éditeur a mis en place une page web très intéressante donnant plein d'infos sur l'auteur, les personnes rencontrées et l'ouvrage lui-même.

    A l'occasion de la réédition de Saison Brune, je vais vous parler de cet important album traitant du réchauffement climatique et des enjeux politiques qui sont derrière. La relecture de cet album paru il y a déjà six ans nous montre que l'alarmisme de l'auteur et des experts rencontrés pour l'occasion était loin de la réalité lorsque l'on regarde la situation de la planète aujourd'hui... Piqûre de rappel!

    Philippe Squarzoni n'est pas vraiment un auteur de BD. Il est plutot documentariste-dessinateur et traite de sujets à la fois personnels (il se mets en scène, mais pas à la manière d'un Michael Moore, de façon plus intimiste) et très politiques, globaux, comme cet ouvrage qui est un peu le pendant du film d'Al Gore "une vérité qui dérange", qui avait fait grand bruit à l'époque sur la question du réchauffement climatique.

    Le format BD documentaire est compliqué en ce qu'il joue sur un fil qui parlera à chacun selon ses sensibilités et ses envies. Je mettrais Squarzoni entre Lepage (pour l'implication intimiste), Joe Sacco (pour la précision documentaire) et Davodeau (pour l'engagement politique). Sur Saison brune il parvient en effet, en prenant le temps, à produite une somme, une enquête méthodique sur la question du réchauffement climatique, qui a l'intelligence de partir du point de vue du naïf...

    En début d'album l'auteur est en train de terminer son livre précédent (DOL, sur le second mandat Chirac) et s'interroge sur le débat concernant le réchauffement climatique et notamment les rapports alarmistes du GIEC. Il va alors s'informer, se documenter, interroger des experts et apprendre en même temps que le lecteur, lui expliquant avec pédagogie des questions souvent techniques sur le fonctionnement du climat, mais aussi des comportements humains. Par exemple, lorsque Squarzoni explique à sa femme que pour réduire l'impacte de la crise climatique il faudrait revenir au mode de vie d'un indien pauvre... et que personne n'a envie du niveau de vie d'un indien pauvre! Heureusement que le dessin (assez froid mais qui se prête bien à l'analyse) est là pour faciliter la compréhension, avec force illustrations pratiques (et une approche onirique qui me rappelle le travail de Shin'ichi Sakamoto sur Ascension par exemple).

    Je suis assez attaché au dessin dans la BD et je reconnais que le style hyper réaliste de Squarzoni (qui peut rappeler la technique d'un Christophe Bec par exemple) n'est pas forcément ma tasse de thé. Il permet néanmoins de poser une ambiance documentaire, journalistique, élément qui manque selon moi aux albums de Joe Sacco qui par son style presque cartoon casse un peu cette froideur utile au propos. Techniquement il n'y a rien à reprocher et certaines cases sont vraiment belles, notamment les nombreuses séquences contemplatives de nature.

    J'ai été assez bluffé par l'impression qui ressort de cet ouvrage. Une enquête qui demande de l'effort au lecteur, de l'implication, et dont on sort avec le sentiment d'avoir eu une démonstration totalement implacable, irréfutable, de la gravité de la situation climatique et de la responsabilité écrasante des dirigeants politiques et économiques. Le climat a déjà basculé et l'inertie du système fait que même si toute activité industrielle s'arrêtait immédiatement il faudrait une longue période pour que le système climatique retrouve son fonctionnement normal. En bref on n'est pas dans la merde...

    Les rapports du GIEC, critiqués pour leur caractère dramatique, sont ainsi des présentations déjà policées des observations de terrain. La seule faille dans laquelle s’engouffrent les climato-sceptiques est celle, imparable, de la courte période d'analyse. L'attaque est bien pensée puisque par définition, concernant le climat, seules des analyses sur des milliers d'années permettraient de démontrer par A+B la cause humaine du réchauffement. Al Gore avait assumé de forcer le trait en présentant dans son film des courbes à l'échelle géologique justement. Ceux qui voudront se voiler la face trouveront ainsi toujours des arguments techniques pour amoindrir la réalité de la crise. Il n'en demeure pas moins que l'ouvrage de Squarzoni, mais également toutes les autres œuvres ou documents sur le sujet convergent vers une analyse commune. L'homme est en train de creuser sa propre tombe et les éléments de langage politique sur la réversibilité de la chose sont totalement mensongers. Le mouvement est enclenché et ne pourra pas être arrêté.

    A lire sur le blog:
    https://etagereimaginaire.wordpress.com/2018/06/24/saison-brune

    Shaddam4 Le 26/06/2018 à 13:19:28

    Pour leur première incursion dans la prestigieuse collection Signé, l'auteur américain Charyn et le peintre virtuose Civiello nous narrent la geste courtoise (et un peu barbare quand-même...) de Guillaume Corb-Nez ou Guillaume l’hébreu, compagnon de Charlemagne inspiré du personnage historique de Guillaume de Gellone.

    La belle reine Witgar, épouse rebelle du duc de Bourgogne s'est enfuie chez le Wali de Cardona, à l'époque franque où Maures et basques parcouraient le sud de la France. L'empereur envoie Guillaume l'hébreu, féroce guerrier et fidèle compagnon d'arme pour récupérer la fuyarde et laver l'affront. Guillaume sera confronté tout au long de cette épopée à la contradiction entre sa fidélité envers Charlemagne et son amour pour la belle...

    Étrange album que ce gros volume de presque cent pages aux cases spacieuses en peinture directe auxquelles nous a habitué l'auteur de la Graine de folie. La difficulté de la technique en peinture directe (Rosinski aussi a eu quelques albums compliqués...) c'est que fondamentalement elle ne se prête pas à la BD: le découpage BD nécessite une certaine finesse et du mouvement, ce qui est difficile avec la peinture (à la différence de la colorisation en peinture directe qui utilise le dessin classique et l'encrage). La qualité graphique indéniable de la technique (notamment sur les plans serrés de visages) nécessite un découpage visuel, des dialogues, des paysages, des albums contemplatifs...

    Ainsi dans cette histoire nous profitons de planches très différentes, tantôt sublimes lorsqu'elles sont en plans larges ou très cadrées, parfois un peu brouillonnes lorsqu'il s'agit d'illustrer des séquences d'action et de batailles que le style de Civiello rend un peu figé. En revanche, dès les premières pages montrant le moine entamer son récit alors qu'il enlumine des manuscrits, l'on est subjugué par la qualité artistique des pages et par la suite les visages prennent un réalisme saisissant. Le style est particulier et ne plaira pas à tout le monde. Mais si vous aimez la peinture et les ouvrages d'illustration cela devrait vous plaire.

    Ce qui est le plus intéressant dans ce récit très original c'est la description d'une époque que l'on connaît mal. La figure de l'empereur à la barbe fleurie se mélange aux mœurs frustes que l'on imagine de l'époque, l'amour courtois se mêle aux pulsions les plus primales et les moines du grand Suzerain sont autant des propagateurs de la foi et de la culture que des seigneurs de guerre. Le scénario parvient à allier subtilement cette vision romantique et réaliste de cette renaissance de l'Occident après la chute de l'Empire romain. Comme souvent dans ce genre de récit, les moins à l'aise en histoire seront peut-être égarés dans cette époque, mais ils pourront se raccrocher à l'histoire d'amour et cette figure héroïque en diable que celle de Corb-nez.

    Le personnage, agencement de plusieurs figures plus ou moins historiques (on pense au Cide ou à Montecritso) est visuellement réussi avec sa figure en nez d'aigle, ses cheveux sauvages et ses cicatrices. La scène de combat dans la prairie est à ce titre très réussie en ce qu'elle illustre la rage et la puissance brute des corps nus en contraste avec l'apparat des tuniques du duc de Bourgogne ou du Sarrazin assiégé. La brutalité physique de Corb-Nez contraste avec sa pureté morale lorsqu'il se brouille avec la belle reine qui lui laisse entendre qu'il n'a pas l'obligation d'obéir à l'empereur. La réalité des relations féodales bouleverseront cette relation et l'approche du chevalier.

    Une drôle d'atmosphère flotte sur cette BD sur laquelle il est compliqué de fixer le propos. Est-ce une hagiographie d'un semi-héros? Une chronique historique? Une farce vulgaire ou encore une épopée médiévale? Le projet général me rappelle l'extraordinaire album Le chevalier à la licorne qui racontait la quête sans fin d'un chevalier revenu d'entre les morts et à la limite de la folie, pris entre la réalité brutale de son époque et ses valeurs chevaleresques... Le mélange d'histoire et de fiction participent sans doute à cela et à faire de Corb-Nez un album à part qui a toute sa place dans cette belle collection.

    A lire sur le blog:
    https://etagereimaginaire.wordpress.com/2018/06/20/corb-nez

    Shaddam4 Le 18/06/2018 à 14:21:11

    L'édition de Rapture est un classique Bliss: couvertures originales, court résumé du contexte, table des matière complète des épisodes, couvertures alternatives en fin de volume et galerie de planches n&b très intéressantes pour comprendre le travail de colorisation. A noter une interview du scénariste Matt Kindt sur le site de l'éditeur.

    Tama la géomancienne doit monter une équipe de toute urgence: le mage noir Babel, celui-là même qui était parvenu à percer les cieux avec sa tour dans l'Antiquité, a décidé de reproduire son "miracle" depuis le monde des morts. Seule l'aide du Shadowman peut empêcher la catastrophe. Mais ce dernier n'est plus que l'ombre de lui-même en subissant l'influence du Mal... La Géomancienne va devoir faire appel à Ninjak, Punk Mambo et un vieux guerrier de l'au-delà...

    Mon odyssée dans l'univers des héros Valiant est un peu méfiante car il y a parfois un écart entre une envie plutôt solide, les échos presse et blogs (comme sur la reprise de X-O Manowar) et mon ressenti. Ainsi on varie entre hauts en bas (les hauts sur The Valiant, Shadowman ou Harbringer Wars, les bas sur xo ou warmother...). Rapture fait clairement partie des hauts. Notamment, ne nous le cachons pas, grâce à des graphismes qui sont pour moi l'album les plus aboutis et constants de la gamme Valiant. Seuls deux artistes interviennent sur cette histoire, notamment Roberto de la Torre dont j'avais beaucoup apprécié les planches du monde des morts sur Shadowman. On a donc une vraie implication et un travail vraiment propre de Cafu sur la partie principale et De la Torre sur les parties de récit sur l'histoire de Babel. La lecture de comics nécessite tellement souvent une adaptation à des changements de dessinateurs de niveau inégal que je ne cache pas mon plaisir devant cet ouvrage sans faute graphique du début à la fin, malgré un décors nécessairement pauvre puisqu’il s'agit de l'au-delà. Les artistes parviennent néanmoins à développer des concepts intéressants, sur les démons, les costumes ou les quelques décors naturels.

    Côté scénario ensuite, si l'histoire est un peu court - c'est bon signe niveau plaisir de lecture! - et aurait mérité un autre volume pour permettre une entrée en matière et une clôture moins sèches, le thème simple mais évocateur est très bien choisi: une revisitation du mythe de Babel, quoi de plus pertinent pour une aventure entre mythologie (la Géomancienne) et monde des esprits (Shadowman). En outre la très bonne surprise est que ce volume peut faire office de suite directe de The Valiant (je suis loin d'avoir tout lu des comics Valiant et j'ai parfaitement raccroché les wagons entre ce Rapture et l'album introductif au guerrier éternel et la géomancienne). La narration de Matt Kindt est très fluide et relevée par des dialogues et des situations plutôt drôles avec un jeu sur le quatrième mur puisque Tama a potentiellement connaissance de toute l'histoire grâce à son livre qui décrit les événements à venir. Là aussi c'est un vrai plaisir tant on à l'habitude des scénarios artificiellement compliqués du côté des USA. Je conseille néanmoins d'avoir lu au moins The Valiant auparavant pour être un peu familiarisé et si possible Shadowman, mais la lecture en one-shot est également tout à fait possible et compréhensible, les auteurs faisant en sorte que l'on sache qui est qui.

    Rapture est une vraie réussite en ce qu'il parvient à allier dans la simplicité un plaisir de lecture d'une histoire d'action qui prolonge et éclaircit le récit global de l'univers Valiant, avec l'ambition de thèmes imaginaires puissants en ce qu'ils se raccrochent à un mythe fondateur de la culture judéo-chrétienne. Lorsque la BD parvient à être jolie, agréable et intéressante, on peut considérer que la mission est remplie, non?

    Lire sur le blog:
    https://etagereimaginaire.wordpress.com/2018/06/18/rapture

    Shaddam4 Le 18/06/2018 à 14:17:11

    Ce gros volume est découpé en quatre parties et se termine par une post-face de Roberto Scarpinato, "le dernier des juges antimafia" (dont le texte n'apporte rien de plus que l'album). Les deux premiers chapitres ont été publiés dans la revue dessinée.

    Attention album très important! Si beaucoup de documentaires nous enseignent sur des sujets plus ou moins majeurs et méconnus, le travail de Davodeau et Collombat se penche sur une période et un sujet relativement connu du grand public. Mais le détail de l'enquête, la précision des informations et témoignages délivrés donnent une réalité glaçante à des événements que les moins de cinquante ans (dont je fais partie) auront beaucoup de mal à imaginer comme réels. Le livre saisit par-ce qu'il parle de personnes qui ont exercé jusque tout récemment les responsabilités de l’État, par-ce qu'il parle de personnes tuées alors qu'elles officiaient à de très hauts postes, mais surtout par-ce qu'il ne parle pas d'Histoire mais de l'actualité presque immédiate... La France dépeinte est un régime mafieux aux méthodes fascistes. La couverture est à ce titre particulièrement provocante et pertinente: pas une fois le nom du général n'est cité alors que l'image éclaboussée qui présente l'album fait bien comprendre que le président était très logiquement informé de ces agissements.

    Le premier chapitre de la BD traite de l'assassinat du juge Renaud alors qu'il avait établi des liens entre le SAC et des braquages destinés a financer le RPR. L'affaire sera reprise par le film d'Yves Boisset, lui-même agressé et menacé suite à film, et qui donne foules d'informations toutes plus sidérantes les unes que les autres. Dans un contexte de guerre d'Algérie et de mai 68, personne ne veut prendre le risque d'une déstabilisation de l’État si les liens entre pègre, SAC et administration étaient révélés.

    Ensuite les auteurs détaillent les ramifications du SAC dans les administrations de l’État et le fonctionnement du régime gaulliste entre Françafrique, liens avec la pègre issus de la Résistance (voir l'excellent Il était une fois en France de Fabien Nury qui décrit bien ce "gris" qui posa tant de problèmes une fois l’État démocratique restauré à la Libération).

    La troisième partie qui nous laisse sidérés, raconte l'utilisation du SAC par un patronat revanchard afin de surveiller, intimider, agresser les syndicalistes et globalement le monde ouvrier après les accords de Grenelle sortis de mai 68. On y découvre des pratiques de régimes fascistes où pouvoir politique, milices employant barbouzes, repris de justice voir militaires et pouvoir économique mutualisent leurs moyens pour casser du rouge. Si certains témoignages peuvent être sujets à caution, les croisements et le sérieux du travail d'enquête de Benoît Collombat ne laissent pas de doute sur la réalité de ce qui est décrit. Glaçant.

    Vient enfin un très gros morceau, sur lequel le journaliste travaille depuis longtemps sur le sujet (il avait sorti une enquête en 2007): l'affaire Boulin, reconnue par toute la profession journalistique comme sans doute le plus gros scandale de ce Régime. Résultat de recherche d'images pour Relaté avec le langage du polar ou du reportage "pièce à conviction", le chapitre est totalement passionnant mais sans doute le plus inquiétant en ce que, contrairement aux parties liées directement au SAC et datées historiquement d'avant l'arrivée de la gauche (ce qui produisit un séisme dans ce milieu et un coup d'arrêt à un certain nombre de méthodes), cette histoire se prolonge jusqu'à aujourd'hui en impliquant un nombre incalculable de responsables de premier plan. Par respect du récit les auteurs attendent la fin de l'album pour répondre à la question que tous se posent: pour eux Chirac est le commanditaire de l'assassinat du ministre... Pourquoi le pouvoir mitterandien n'a-t'il jamais pu faire ressortir la justice? Cet État dans l’État était-il encore trop ramifié pour prendre ce risque?

    On ressort abasourdi de cette lecture et à la recherche de tous les films, reportages et ouvrages publiés sur l'époque. Ce document devrait être présent dans tous les CDI et toutes les médiathèques de France et être lu à titre d'hygiène démocratique.

    A lire sur le blog:
    https://etagereimaginaire.wordpress.com/2018/06/10/cher-pays-de-notre-enfance

    Shaddam4 Le 18/06/2018 à 14:09:23
    Il faut flinguer Ramirez - Tome 1 - Acte 1

    Après Zombies nechrologies (que j'ai du coup très très envie de lire), l'artiste lyonnais Nicolas Petrimaux qui a bossé notamment sur le jeu vidéo Dishonored mets tout son talent pour un ride échevelé dans les films policiers des années 80', une lecture béate, sourire aux lèvres où vous passerez dix minutes sur chaque planches à admirer les couleurs flamboyantes, la minutie des arrières-plans et la précision des cadrages. Il faut flinguer Ramirez est une très grosse claque BD. Ce n'est que l'Acte I. Et c'est le premier album solo du bonhomme...

    Il faut flinguer Ramirez est un album-concept. Un projet intégral où l'auteur s'est impliqué de la typo du titre au texte final en passant par l'habillage (des fausses pub et des transitions de chapitres en mode "XL"). Seule manque une bande originale Funk-jazzy pour que l'on se retrouve dans un film. Car dès le début Petrimaux annonce la couleur: "dessiné en mis en scène par...". Oui, il s'agit de mise en scène et non d'un simple scénario, c'est dit, assumé et totalement confirmé au long de ces 144 pages qui passent bien trop vite. J'avais eu un peu la même impression avec le Shangri-la de Bablet sur lequel on sentait l'investissement total d'un auteur. Ici aussi, dès la couverture on sent que l'on va avoir quelque chose de spécial. On est clairement dans l'affiche de cinoche B des années 70-80. Petrimaux se réclame de Tarantino et d'Edgard Wright et cela se sent (en un peu moins déglingue que chez Tarantino); tout respire le cinéma, est inspiré par le cinéma.

    Le travail de colorisation en premier lieu est ce qui marque le plus. Il ne s'agit pas seulement de couleurs vives, l'auteur utilise des filtres pour salir ses images, donner une ambiance de vieille pellicule. Les planches m'ont beaucoup rappelé le formidable Tokyo Ghost de Sean Murphy, tant dans la colorisation très spéciale que dans le trait à la fois fruste et extrêmement précis. Petrimaux marque même un point sur son confrère américain par un encrage fort qui permet de contraster entre premiers plans très noirs et arrières-plans fins et extrêmement précis. Rares sont les auteurs à ne délaisser ainsi aucun plans de leurs images (Petrimaux annonce avoir passé 1 an à préparer et un an à monter l'album), ce qui montre l'investissement et la conviction mise dans le projet.

    Ensuite la mise en scène donc... Le travail de découpage et le choix des plans est sidérante de réflexion et de pertinence. C'est la première fois que je passe autant de temps à zieuter une page montrant des employés en cravate dans une usine d'aspirateurs... La dynamique des cases (comme ce panache de fumée qui s'envole et nous hypnotise) montre un réel talent, jouant comme rarement sur les différents plans, enchaînements de cases et fil de textes. Pas un plan n'est standard, tout est pensé et sert la mise en scène donc. Totalement bluffant.Résultat de recherche d'images pour

    Niveau ambiance, on est dans le rétro à fond, à base de lesbiennes braqueuses de banque, de gangsters mexicains semi-débiles et d'une Amérique reaganienne triomphante que l'auteur se fait un plaisir de dynamiter en remplissant son histoire et ses dialogues d'un venin savoureux (amoureux de Lupano vous allez être servis!). L'immersion est totale et même si l'on n'aime pas l'esthétique années 80 (c'est mon cas) la qualité du boulot est telle que cela ne pose aucun problème.Résultat de recherche d'images pour

    Étonnamment il n'y a pas tant d'action que cela dans "Ramirez" car Petrimaux sait jouer sur les rythmes, donner envie, faire monter la tension et l'attente en nous en donnant juste ce qu'il faut pour repartir sans tout balancer. Le plus gros risque avec un album de ce type c'est que l'attente et l'envie sont tels qu'il ne faudra pas se louper sur la suite (série prévue en 3 Actes)...

    A mesure que je m'enflamme je m'aperçois que ma chronique est finalement assez dérisoire: à un moment il ne reste plus qu'à plonger dans les aventures de Jacques Ramirez et à savourer (avec une musique Funk genre Isaac Hays et une bière!). Vivez ce chef d’œuvre de la BD, un incontournable pour tout amateur de BD et de cinéma. Cela fait très longtemps que je n'ai pas ainsi "vécu" une BD. Merci l'artiste!

    A lire sur le blog:
    https://etagereimaginaire.wordpress.com/2018/06/08/il-faut-flinguer-ramirez

    Shaddam4 Le 18/06/2018 à 14:07:03
    Batman - The Dark Prince Charming - Tome 2 - The Dark Prince Charming 2/2

    Sur le premier volume sorti paru il y a peu j'avais été quelque peu mitigé, un peu agacé par la com' gargantuesque de Dargaud sur l’événement et par le caractère introductif du volume. Après la lecture de ce second tome qui clôt très joliment l'histoire, des confirmations et une information. Niveau fabrication, hormis une chouette couverture et une élégante maquette, on a le minimum syndical; un carnet comme sur le tome 1 n'aurait pas été un luxe.
    --------
    Je reconnais que je me suis trompé! L’impression mitigée sur le premier volume était bien due au découpage et confirme que l'éditeur aurait été inspiré de ne publier le volume qu'une fois clôture (surtout que la parution des deux tomes est très rapprochée). L'affaire est donc réglée puisque plus personne n'aura a attendre entre deux albums et je gage que Dargaud sortira à noël une intégrale joliment augmentée.

    Cet album est, me semble-t’il, encore plus axé sur le Joker que le premier et donne lieu à un humour noir très réussi, notamment dans la relation entre le clown, la gamine et Harley. C'est bien là l'innovation de ce titre qui introduit une lignée à un Bruce Wayne habituellement considéré comme incapable d'enfanter et d'avoir une vie relationnelle. Même si c'est par accident, on nous montre néanmoins le passé du jeune Bruce (ainsi que celui du Joker... ce qui est assez rare dans l'ensemble de l'édition Batman...) et ce qui aurait pu lui désigner une autre vie. Les scènes intimistes sont nombreuses et permettent de développer une psychologie complexe à un joker finalement pas si monstrueux que cela. Si la violence et le caractère adulte de "Dark prince charming" sont présents, Marini ne suit cependant pas les traces du tandem Snyder/Capullo (l'une des plus impressionnante variation mais aussi très noire). Comme je l'avais noté sur le premier volume, la filiation visuelle avec la trilogie de Christopher Nolan est cependant dommage (outre que je n'ai pas accroché avec cette esthétique réaliste) car elle perd l'originalité que l'on aurait attendu de l'artiste italien, qui semble néanmoins avoir pris un énorme pied à s'immiscer dans le monde du Detective. Néanmoins quel plaisir de voir un Gotham redevenu gothique et l'ombre de la chauve souris fondre sur les truands!

    Ce second tome donne lieu à quelques séquences remarquables, comme ce récital au piano du Joker dans une usine désaffectée montrant la bêtise de sa jolie copine, une citation de "singing in the rain" ou ce tordant face à face entre un Joker grimé en drag-queen et un Bruce Wayne bourru au possible. Comme souvent dans les histoires de Batman c'est donc encore une fois le Joker le clou du spectacle. L'auteur jour d'ailleurs très subtilement sur un quiproquo attendu concernant le titre: le Sombre prince charmant n'est pas forcément celui que l'on crois, notamment via une ultime pirouette vraiment réussie.

    Niveau action, Marini sort la grosse artillerie et maîtrise toujours aussi superbement son cadrage, son découpage, son rythme. Il parvient ainsi sur son double album à rendre aussi intéressantes les scènes de dialogues entre personnages, les panoramas nocturnes, les clowneries du Joker et les séquences testosteronées. DPC2.jpgJe pointerais juste une petite déception sur Catwoman, toujours aussi garce mais un peu délaissée. Il est vrai que sur une telle pagination il est compliqué de donner toute leur place à tous les personnage du panthéon batmanien et Marini semble avoir jeté son dévolu plutôt sur Harley Quinn (... logique vu que le focus va plus sur le Joker que sur le héros!).

    Cette aventure à Gotham d'Enrico Marini lui aura permis de se faire plaisir autant qu'à nous et de proposer aux novices en matière de super-héros une introduction franco-belge qui pourrait être le sas idéal pour pénétrer le monde des comics. Parvenant à respecter les codes de l'univers Batman sans trahir sa technique, Marini réussit haut la main la transposition. A se demander s'il est capable de rater quelque chose...

    A lire sur le blog:
    https://etagereimaginaire.wordpress.com/2018/06/11/batman-the-dark-prince-charming-2

    Shaddam4 Le 07/06/2018 à 21:38:57

    Le sympa envoi de l’éditeur Mosquito, grand défricheur des talents graphiques italiens et d’ailleurs, me permet de découvrir l’artiste Corrado Mastantuono, dont la couverture de l’album Klon est particulièrement réussie: énigmatique, dynamique et colorée. Il a publié récemment en France la série fantasy Elias le Maudit qui a plutôt de bonnes critiques et préalablement des albums de genre proches de la BD américaine des années 50.

    Son style est assez classique et j’avoue que si les couleurs de l’album sont très sympa, les images que l’on peut voir de ses autres séries, notamment western et polar montrent que c’est probablement en noir et blanc qu’il faut apprécier son talent. Le design général de l’album (qui est de la SF dystopique) est plutôt rétro, rappelant les BD SF des années 70-80, avec un petit côté Gillon/Moebius/Manara: une simplicité du trait, une certaine statique des mouvements en même temps qu’une grande précision anatomique et d’occupation de l’espace. Mastantuono a commencé dans l’animation et a travaillé chez Disney, et cela se voit dans cette maîtrise générale des cases.

    Dans un futur proche, les multinationales imposent leurs vues de gré ou de force aux gouvernements. Le ministre de la santé italien est pourtant un incorruptible. Chargé d’installer un nouveau système de sécurité imparable au ministère, l’anarchiste punk Rocco Basile assiste à une tentative d’assassinat et devient la cible d’une officine qui le pourchasse sans relâche. Mais pour ce nihiliste passablement shooté, la réalité n’est pas ce qu’elle semble être…

    L’intrigue de Klon est un peu perturbante par sa linéarité et par les effets de brouille que provoquent les sauts de réalité: le lecteur, comme le personnage, ne sait pas tout au long de l’album à quel saint se vouer, ce qui est réel et ce qui est rêvé, le pourquoi de cette fuite sans fin… L’histoire est très directement issue de l’univers de Philip K. Dick, teintée du pessimisme politique italien d’une société gangrenée par la corruption, l’affairisme et les mafia. C’est donc bien une BD d’une grande originalité que nous propose Mosquito, à la fois par ses thèmes et par son dessinateur, à peu près inconnu de ce côté ci des Alpes. Il plane une drôle d’atmosphère dans cet album qui débute par un long monologue du personnage principal commentant la société et ses contemporains tel un sage que les drogues auraient rendu extralucide. L’auteur affuble son héros d’une coiffure digne de Ziggy Stardust, d’un cache poussière sorti d’un Sergio Leone et de cernes qui ne le rendent pas franchement sympathique… Surtout, sa passivité chronique en font plus un témoin d’une machination infernale qu’un crack de l’informatique qu’il est censé être. Comme souvent dans les histoires conspirationnistes le scénario malmène ses marionnettes et son lecteur avec. C’est un peu frustrant car si des coups de théâtre surviennent dans cette course effrénée de 130 pages, ils ne reposent jamais sur des décisions du héros. Finalement cela correspond bien à la psychologie du personnage, extérieur à son environnement et à son existence, c’est cohérent avec l’intrigue, mais je trouve qu’il manque une petite étincelle pour véritablement immerger le lecteur. La chute de l’histoire est néanmoins bien menée et terriblement cynique.

    Graphiquement Mastantuono maîtrise sa partition et le style du dessin respire une certaine classe. J’ai eu un peu de mal néanmoins avec le design général de ce futur qui fait un peu daté. C’est une histoire de goût, là encore on sort des styles hyper-technologiques courants dans la BD de SF pour une apparence Old-school vue chez Moebius par exemple (j’ai retrouvé quelques ambiances de la regrettée série L’histoire de Siloé de Servain et Letendre).

    Au final nous avons une bonne histoire de SF paranoïaque assez classique qui permet de découvrir le travail d’un auteur au grand potentiel. Ce n’est pas la BD de la décennie mais un travail honnête pour des lecteurs curieux de découvrir la BD italienne.

    A lire sur le blog:
    https://etagereimaginaire.wordpress.com/2018/05/01/klon/

    Shaddam4 Le 04/06/2018 à 14:56:32

    Le volume est issu d'un partenariat entre l'éditeur La boite à bulle et Amnesty International, avec l'optique de proposer à des auteurs de traiter un sujet sur lequel Amnesty fournira son expertise, sa documentation et sa caution. Les auteurs choisissent librement leur sujet. L'album propose une préface d'Anjélike Kidjo, une postface d'un des militants des droits humains africain et un texte d'Amnesty sur les défenseurs des droits humains.

    La Lucha voit le jour à la suite des mouvements indignés et de la révolution tunisienne de 2011. Le mouvement impulsé par de jeunes étudiants de la classe moyenne congolaise dégoûtée par l'impasse de leur pays, la corruption, la pauvreté, s'inspire tant de la non violence que des mouvements citoyens aux préoccupations très concrètes. Le fait de ne pas à voir de hiérarchie coupe l'herbe sous le pied du système de corruption installé très solidement dans beaucoup de pays du tiers monde. Cette non organisation perturbe beaucoup une répression habituée au système de chefs, plus faciles à corrompre. Les militants, qui se voient persécutés, intimidés, emprisonnés, doivent combattre au moins autant les mentalités des populations que la répression politique qui est finalement souvent un colosse aux pieds d'argile dès lors que les mouvements sont médiatisés. Le mouvement commence par l'accès à l'eau puis part en lutte contre la mainmise de l'église catholique sur les écoles et la taxe qu'elle fait peser sur l'accès à l'école.

    L'association essaye de gérer sa crise de croissance en gardant une neutralité absolue, notamment vis à vis des partis. Les soutiens qu'ils reçoivent des ONG vise à compenser les attaques judiciaires et intimidations pénales dont ils sont victimes. Finalement le clivage entre la classe politique composée d'hommes ayant la culture du chef et de l'obéissance, n'est guère différent de la situation démocratique en Europe (si ce n'est d’échelle) où toute une génération tente de changer le fonctionnement de vieilles démocraties bourgeoises.

    C'est à mon sens la réflexion la plus forte et la plus grande vertu de cet album que de nous faire réaliser, nous occidentaux centrés sur des problématiques qui pourraient paraître futiles, que nous avons les mêmes combats: environnementaux, démocratiques,... La jeunesse du monde aspire à balayer les réminiscences de ce terrible XX° siècle qui aura fait tant de mal et dont les élites auto-reproduites s'accrochent violemment à leur domination. Mais les choses bougent et en Afrique peut-être plus qu'en Europe finalement l'on voit apparaître (au Libéria avec George Weah, au Sénégal avec Macky Sall, ...) de nouvelles figures issues de la société civiles et qui semblent décidées à combattre la corruption. Un très bel album qui donne de l'espoir.

    A lire sur le blog:
    https://etagereimaginaire.wordpress.com/2018/06/03/lucha

    Shaddam4 Le 04/06/2018 à 14:54:18

    Shadowman est une étrange série qui demande de la patience... que remplit parfaitement l'intégrale proposée par Bliss, l'éditeur des comics Valant! Ce très gros volume est très bien mis en page (quelques coquilles néanmoins), notamment sur le plan graphique avec l'ensemble des couvertures originales des épisodes (j'adore celles de Johnson, dont l'illustration choisie pour la couverture de l'intégrale) et une véritable orgie d'illustrations (couvertures alternatives et planches n&b). Malgré une page d'aide de lecture pour raccrocher la suite des aventures du Shadowman dans les autres séries Valiant, on aurait aimé un peu plus d’éditorial comme une introduction à l univers du personnage et à son histoire éditoriale. A noter que la dernière page laisse entendre un reboot en 2019... La série Shadowman est parue en 1992 et a été relancée en 2012 avec six volumes présents dans cette intégrale.

    Jack Boniface est un cajun de la Nouvelle-Orléans, orphelin placé en centre d'accueil et ayant appris à se débrouiller seul. Mais il est aussi l'héritier des Shadowman, généalogie de porteurs de l'esprit vaudou (Loa) "ombre" qui combattent les créatures des ténèbres. Son père, le dernier porteur, à été tué dans son combat avec le très puissant maîtres des arts obscures Darque. Happé malgré lui dans un monde de magie, d'ombres et d'esprits, il apprendra la guerre occulte que se livres des groupes humains, la réalité des liens entre monde des morts et celui de ses vivants... mais surtout il apprendra à retrouver un passé enfoui est une relation complexe entre amour et mort...

    Reprenant des éléments de Batman dans un univers vaudou complexe, Shadowman apporte une vraie originalité dans la relation que le porteur du Loa Jack Boniface assume avec cet esprit violent qui en fait le fléau des esprits maléfiques ...mais aussi de ses contemporains! La part d'ombre et la violence intrinsèque du héros le rapprochent du Bruce Wayne tourmenté chassant ses chimères.

    La première partie qui entre en matière très rapidement introduit le porteur de Shadowman et son ascendance ainsi que le grand méchant Darque, une des grandes forces du comics! L'intrigue est très classique mais permet d'introduire les différents personnages et l'univers magique de la série.

    Puis un second arc voit Darque tenter une bonne fois pour toute de rompre la barrière entre les mondes. Le fait de laisser son rôle très mystérieux en regard de sa puissance qui rend le Shadowman relativement dérisoire, apporte une tension inattendue. Si les pages se déroulant dans le monde réel sont très correctes graphiquement, celles situées dans l'autre monde sont remarquable, la technique utilisée instaurant une atmosphère voilée et sombre très originale et bien vues.

    L'intégrale nous propose ensuite de découvrir l'origine de Darque. Cette partie arrive a point nommé pour réactiver la connaissance de cet univers. L'un des meilleurs moments de l'intégrale.

    Les épisodes suivants sont très anecdotiques, histoires courtes du Shadowman de couplées de l'intrigue principale, avec des dessins très inégaux. C'est un peu le principe d'une intégrale que d'avoir l'ensemble des histoires qu'elle que soit sa qualité.

    Le gros arc s'oriente sur un Jack Boniface luttant avec son Loa, esprit qui le hanté et le rend violent... on continue à avoir une explication progressive de l'univers de Shadowman. C'est appuyé par des dessins remarquables de Roberto De la Torre qui avait introduit les séquences du monde des morts sur le premier arc.

    Si le destin de maître Darque et de Dox sont très surprenants, ils prennent cohérence une fois toute la série achevée. Commençant en série d'action avec des dessins chouettes mais assez classiques notamment sur la colorisation, Shadowman évolue dans sa seconde de partie vers un drame plus intimiste, liant l'histoire tragique de Jack avec la malédiction familiale appuyée par un graphisme plus adulte, plus complexe et une chute à la fois inéluctable, tragique et permettant une prolongation passionnante.

    Cette intégrale paraîtrait au final presque comme une introduction à une large saga qui ne ferait que commencer. Quel plaisir en tout cas de voir une BD de super-héros ( mais en est-ce une?) aussi mâture et assumant des choix scénaristiques risqués.

    Bliss vient de sortir le crossover ninjak/shadowman Rapture, qui devrait prolonger le récit. Après des hauts et des bas pendant la lecture, dus notamment aux nombreux changements de dessinateurs, à l'entrée en matière assez abrupte et aux quelques épisodes dispensables en milieu de volume, cette intégrale, outre le fait d'être un beau bouquin, est au final une très belle expérience, une belle découverte graphique et une immersion dans un univers fascinant que l'on n'a que très rarement l'occasion de voir en BD. Du coup j’attends avec impatience de lire ce qu'il adviendra de Jack Boniface...

    A lire sur le blog:
    https://etagereimaginaire.wordpress.com/2018/06/04/shadowman

    Shaddam4 Le 04/06/2018 à 14:34:47
    Sun-Ken Rock - Tome 14 - Tome 14

    Tae-Soo découvre que le soutien politique du gang (corrompu) est tombé et tente de savoir qui est derrière la menace alors que l'attitude de Ken fait vaciller la confiance de la Pioche... Mine de rien cette série construit à mesure des volumes une photographie sociale et politique de la Corée assez intéressante, avec l'histoire du pays avec ses voisins, la corruption politique, l'immobilier galopant... Étonnant manga avec ses côté vraiment "fan service" ou redondants (la bouffe...), caricaturaux et la noirceur de certaines séquences, la puissance des scènes d'action et la réflexion finalement assez ambitieuse.

    Lire sur le blog:
    https://etagereimaginaire.wordpress.com/2018/05/28/manga-en-vrac-3

    Shaddam4 Le 04/06/2018 à 14:34:03
    Sun-Ken Rock - Tome 12 - Tome 12

    le volume s'ouvre sur la fin de la baston contre KG et enchaîne sur une dépucelage de la bande à Ken dans un bordel (ça faisait longtemps que le mangaka n'avait pas eu le loisir de dessiner des filles à poil). On enchaîne sur des histoires de cuisine puis sur l'intro du nouvel arc où la bande va s'engouffrer dans l'immobilier.
    Encore un album à oublier. Je ne comprends pas ce qui amène Boichi à se perdre ainsi, loin de son histoire mafieuse ouverte il y a presque six volumes. Les lecteurs aiment SKR pour ses mafieux en costards poseurs, ses bastons dantesque et sa radicalité...

    Lire sur le blog:
    https://etagereimaginaire.wordpress.com/2018/05/28/manga-en-vrac-3

    Shaddam4 Le 04/06/2018 à 14:33:20
    Sun-Ken Rock - Tome 13 - Tome 13

    les choses sérieuses commencent pour la Sun-Ken rock team avec l'arrivée d'une équipe d'assassins professionnels qui ont pour mission d'éliminer ces éléments gênants. Le colosse de la bande se retrouve à affronter un trio de tueurs redoutables. Ouf! ce qui me plaisait dans cette série reprends sur les chapeaux de roue après un peu trop de volumes dispensables. Le sens de l'action, du mouvement, la puissance des dessins de Boichi s'expriment dans les combats. Quelle matière dans ces visages hurlant de toutes leurs veines, appuyés par des traits insaisissables... J'espère que cela ne va plus s'arrêter et que l'auteur va arrêter avec ses délires culinaires ou sexuels...

    Lire sur le blog:
    https://etagereimaginaire.wordpress.com/2018/05/28/manga-en-vrac-3

    Shaddam4 Le 04/06/2018 à 14:31:04
    Innocent - Tome 9 - Idéal d'avenir

    La première série Innocent se clôture d'étrange manière: reprenant à la césure du tome 8, l'histoire voit Charles-Henri remporter traitreusement son duel sur sa sœur pour la contraindre au mariage. On constatera qu'il est devenu la figure autoritaire et perverse de son père, gardien d'une lignée maudite mais que Marie-Joseph n'a pas dit son dernier mot en ayant parfaitement maîtrisé la situation des femmes et du pouvoir en cette fin de XVIII° siècle. Après des passages vraiment spéciaux inspirés des comédies musicales et des élucubrations sur la vie de cour autour de Marie-Antoinette, les auteurs nous redonnent envie sur la fin avec l'irruption d'une ancienne connaissance, idéaliste projetant d'ouvrir des écoles du peuple pour étendre les Lumières, accompagné d'une réflexion sur les régimes politiques en Occident. Il était temps, cette pourtant excellente série commençait à s’embourber dans les visions un peu farfelues des auteurs. Si la suite Innocent Rouge s'oriente vers la noirceur et la réflexion sociétale des premiers tomes je la lirais très volontiers.

    Lire sur le blog:
    https://etagereimaginaire.wordpress.com/2018/05/28/manga-en-vrac-3

    Shaddam4 Le 04/06/2018 à 14:28:00
    Radiant - Tome 8 - Tome 8

    La grande bataille de Cyfandir commence alors qu'on vient juste d'apprendre la conspiration des barons-marchands. Cet album semble une fin d'arc tant s'accumulent les révélations. La grande bataille est très impressionnante, le nombre de personnages conséquent et Tony Valente maîtrise parfaitement l'art d'en laisser sous le coude avec par exemple ces Thaumaturges dont on sait encore bien peu à dont chaque nouveau pouvoir semble plus puissant que le précédent... Visiblement Radiant est parti pour être une série longue puisque dans les échanges avec les lecteurs (en fin de chaque album) l'auteur semble confesser qu'il n'a encore abordé qu'une toute petite partie de l'univers de sa série. Tant mieux car tout ça est fort agréable à chaque tome! Et le tome 9 vient tout jute de sortir...

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    https://etagereimaginaire.wordpress.com/2018/05/28/manga-en-vrac-3

    Shaddam4 Le 04/06/2018 à 14:27:24
    Radiant - Tome 7 - Tome 7

    Seth se retrouve enfermé dans la forêt de Myr et s'y entraîne en compagnie du lutin qui lui révèle la nature du Fantasia et de l'Inquisition... Suite de l'arc chez les chevaliers-sorciers et qui oriente de plus en plus Radiant vers la fantasy écologique. Le personnage d'Ocoho prend de l'importance alors que Grimm a disparu... Comme pour la question des migrants dans le début de la série, la question de l'occupation de la terre par les hommes, de la cupidité du commerce (les barons marchands) et de la cohabitation avec la nature est assumée comme un sujet politique en phase avec la situation du monde réel. Radiant est pour cela un manga intelligent qui pose de vraies questions tout en restant ludique.

    lire sur le blog:
    https://etagereimaginaire.wordpress.com/2018/05/28/manga-en-vrac-3

    Shaddam4 Le 04/06/2018 à 10:03:44

    Guy Delisle est à l'origine animateur (cinéma d'animation) québécois que les activités professionnelles ont amené en Asie, à Shenzhen (Chine), et Pyongyang (Corée du Nord) dans le cadre du dessin animé Yakari. Puis il a suivi sa femme qui travaille pour MSF, d'abord en Birmanie puis à Jérusalem... Tous ces voyages imposés par sa vie professionnelle ou familiale ont donné lieu à un format qui constitue désormais son oeuvre: le journal de vie, mi humoristique mi documentaire.

    Ce qui caractérise les Chroniques de Jérusalem, BD hautement biographique donc, c'est le caractère du bonhomme. Sans savoir s'il scénarise son personnage ou s'il reflète réellement les sentiments de l'auteur, l'on suit une sorte de naïf désintéressé et observant de façon totalement détachée des événements aussi graves que l'opération Plomb durci qui a vu l'armée israélienne massacrer la population de Gaza en 2008-2009, se livrant tantôt à un commentaire posant des interrogations faussement naïves, tantôt considérant ce qu'il voit comme une simple information avant d'aller chercher ses enfants... Or on peut dire que ce qu'il nous décrit dans de courtes séquences de 1 à 10 pages n'est pas totalement "normal" au regard de nos critères européens! Outre la guerre et la présence militaire, c'est surtout l’apartheid de fait et l'omniprésence religieuse qui marque le lecteur. Pas une présence "normale" encore une fois, mais un concentré de toute la folie que peuvent véhiculer les religions: des ultra-orthodoxes par ici qui vous lancent des cailloux si vous roulez en voiture pendant Shabbat, des israéliens qui ne vous parlent pas si vous êtes étranger, des étudiantes palestiniennes qui s'enfuient en voyant un strip de l'auteur montrant une femme nue, des samaritains qui conspuent les juifs par-ce qu'ils traduisent mal la Torah ou des gardiens du Saint-sépulcre (chrétien) qui se répartissent depuis des siècles, quelle confession entretien quelle fenêtre et quel pan de mur... Bien sur on en rigole mais le ton adopté, sorte de Candide en Israël, nous rappelle que cette BD est un journal, un documentaire sur des faits. Et l'on n'a pas très envie d'aller vérifier la véracité de tout ceci tant cela aurait pu s'appeler "un homme au foyer chez les fous"...

    Ah oui, le côté "roman français" (qu'on retrouve aussi chez Riad Sattouf dans son Arabe du Futur) c'est que Guy Delisle est dessinateur mais surtout homme au foyer, à gérer les gamins et la logistique pendant que sa femme travaille sur de très grosses journées, à découvrir la vie d'expat' et à naviguer entre le tourisme (compliqué semble t'il), l'ennui et son statut théorique d'artiste (il n'arrive pas à travailler tout au long de l'album...). Cela crée une atmosphère de glandeur terre à terre bien savoureuse.

    J'ai beaucoup entendu parler de Guy Delisle, qui a la côté dans le landerneau médiatique parisien bobo. Si je reconnais sa maîtrise du format strip et une certaine efficacité dans l'expression minimaliste et la gestion des silences (très drôles), personnellement je préfère des BD documentaires un peu plus graphiques. Le strip est un format formidable... mais qui perd de son impact quand il est rassemblé sur 300 pages... L'album a le grand mérite de nous faire découvrir une réalité très lointaine et qui se veut objective (je rappelle chaque fois, comme le précise Davodeau sur la préface de Rural! que le documentaire a nécessairement une focale personnelle de l'auteur et par conséquent est orienté), dans ses différentes facettes. On s'y perd un peu par le côté déstructuré et l'absence de "récit" même si progressivement les "personnages" fréquentés par Delisle deviennent familiers.

    C'est a mon sens le côté "folie des religions" qui est le plus intéressant, entre le prêtre fan de BD et déconnant sur le Pape et les ultra-orthodoxes. Se défendant de tenir un discours politique, Delisle est pourtant contraint de prendre position notamment contre les colons et la politique de colonisation des gouvernements israéliens. On n'est pas dans le pamphlet chirurgical d'un Joe Sacco (cité dans l'album) mais l'objectivité lui impose de présenter les absurdités et injustices. Comme chez Sattouf l'image donnée du moyen-orient n'est pas reluisante, et l'on sort de la lecture un peu déprimé en se disant qu'une nation aussi psychotique n'est pas sortie de l'auberge...

    A lire sur le blog:
    https://etagereimaginaire.wordpress.com/2018/05/27/chroniques-de-jerusalem

    Shaddam4 Le 04/06/2018 à 09:58:47
    Love (Bertolucci) - Tome 1 - Le tigre

    Love propose au travers de graphismes absolument magnifiques et colorés, un reportage animalier en suivant à chaque album un animal sauvage dans ses activités quotidiennes. Ici nous suivons un tigre qui cherche à manger. Le dessin est réaliste et particulièrement réussi, on adore voir les têtes de peluches des félins, singes et autres animaux de la jungle. Album sans dialogues, Love nous illustre la dure loi de la Nature: manger ou être mangé, et où être le plus fort n'indique pas nécessairement que vous mangerez à votre faim... Maintes techniques de filoutage permettent à des animaux d'attraper une proie et généralement les plus malins, ceux qui attendent dans l'ombre de profiter du travail des autres sont récompensés. C'est aussi passionnant qu'un reportage animalier de France 5, très drôle et doté d'une morale succulente. Ça se dévore trop vite mais l'on n'a qu'une envie, d'aligner les autres albums de la série!

    Lire sur le blog:
    https://etagereimaginaire.wordpress.com/2018/06/01/la-trouvaille-du-vendredi-18

    Shaddam4 Le 04/06/2018 à 09:55:31
    Gon - Tome 1 - Tome 1

    Gon est l'une de mes premières lectures Manga, à une époque reculée où l'éditeur Glénat tenta d'introduire ces étranges BD petit format en noir et blanc, à l'époque des Akira, Appelseed, Dragonball,... Gon doit être l'un des tous premiers manga publiés par Casterman à cette époque et je dois dire que c'était assez gonflé tant cet ovni est particulier. Gon est un dinosaure... mais en format "SD"! Dans une époque reculée ressemblant à l'Amérique du Nord, ce tyran absolu doté d'une force démentielle parcourt la nature en cherchant de la nourriture, mais aussi à exploiter les animaux qu'il rencontre. Et quand on dit exploiter, cela signifie les violenter férocement pour les mettre à sa merci. Il faut voir des grizzly et autres lions rendus à l'état de chatons pour éviter de subir les foudres de Gon. Ce dernier est également capable de bons que ne renierait pas un certain Hulk et de raser une foret en quelques coups de dents. Bref, la terreur de l'ancien temps, le caïd du règle animal, j'ai nommé Gon! Le dessin très réaliste et les décors magnifiques participent de la qualité de ce manga muet (de fait) qui n'a jamais été copié et illustre la sensibilité toujours très particulière de nos amis nippons. Totalement burlesque, un (gros) brin sadique, Gon procure un sourire un peu gêné et demande à ne pas être allergique à l'humour noir.

    Lire sur le blog:
    https://etagereimaginaire.wordpress.com/2018/06/01/la-trouvaille-du-vendredi-18

    Shaddam4 Le 04/06/2018 à 09:53:43

    Pride of Bagdad proposait en 2006 soit juste après la seconde guerre d'Irak une parabole sur la guerre, le conditionnement, la sauvagerie... au travers de l'escapade (inspirée de faits réels) des lions du zoo de Bagdad libérés lors de l'attaque de la Ville par les forces américaines. J'aime la BD américaine (je préfère parler de BD en ce qui concerne les "graphic novels" comme ils disent... par-ce que "comics" est tout de même très très connoté super-héros) quand elle balance ainsi des paraboles puissantes, radicales, violentes, sans compromissions. Comme souvent les animaux permettent de parler des hommes en se centrant, par cet artifice du changement de prisme, sur le sujet brut. Ici le cheminement des animaux tiraillés entre leurs instincts dégradés par des années (voir une vie) de captivité et l'incompréhension des effets de la guerre qu'ils constatent, nous focalise sur ces visions d'apocalypse d'une cité plurimillénaire déserte. Outre les éléments sur le sort des animaux de cage, c'est bien le contexte politico-militaire de cet événement majeur des vingt dernières années qui donne toute la force au propos. Prédateur ultime, le lion ne comprend pas ce qui se passe, ce que sont ces animaux de fer lancés en furie, détruisant arbres et maisons, ce qu'est ce palais magnifique (celui de Saddam Hussein) doté de piscines et de peintures gigantesques. Créatures puissantes mais ingénues, ils sont observateurs de panoramas que peu d’œuvres ont permis de voir. A ce moment la BD se fait documentaire, prenant le recule de dépasser l'orgie d'images TV de l'époque. Les auteurs profitent des lumières du désert, de l'orient, de la finesse des félins. Dans le monde des animaux tout n'est que violence. Mais si petite au regarde de la violence des hommes, qui n'interviennent qu'à la toute fin, si cruelle, si terrible. Si bête.

    Lire sur le blog:
    https://etagereimaginaire.wordpress.com/2018/06/01/la-trouvaille-du-vendredi-18

    Shaddam4 Le 04/06/2018 à 09:51:55

    Grand fan de l'illustrateur Esad Ribic dont je remonte progressivement la biblio (souvent avec joie, parfois un peu moins), je suis tombé sur ce bouquin très bien critiqué, formant un one-shot et illustré intégralement par le croate.
    C'est la fin. le multivers des différentes réalités/personnages Marvel sont sur le point de se percuter, provoquant un affrontement sans précédent de l'ensemble des héros et vilains de l'histoire Marvel! Cependant, Reed Richards (Mister Fantastic), le plus grand génie de son temps, a mis au point un "radeau de survie" destiné à tenter de sauver ceux qui peuvent l'être. de la collision nait Battleworld, une planète-univers dirigée par le Dieu Fatalis et où les héros et vilains d'avant sont devenus autre chose...
    Les neuf parties de Secret Wars nous proposent rien de moins que la Fin des Temps et l'apparition d'un nouvel univers rebattant les cartes physiques et de rôles des personnages Marvel! Secret wars est sans doute l'un des albums de super héros les plus impressionnants graphiquement tout éditeur confondu, réalisé intégralement par un Esad Ribic au sommet de son art avec des couvertures d'Alex Ross. L' atmosphère est désespérée, rappelant le récent film Infinity war, proposant des les premières pages une bataille totalement dantesque (bien que difficilement compréhensible) et quelques planches d'une composition et d'une puissance apocalyptique très impressionnante. A noter que différentes séries sont publiées, tournant autour de l'event Secret Wars et détaillant tantôt la fin de certains personnages, tantôt les évènements d'une partie de Battleworld,
    La grande difficulté de cette fresque ambitieuse est d'une part le nombre invraisemblable de personnages (j'avais éprouvé les mêmes difficultés à la lecture de Kindom Come, d'Alex Ross justement), d'autre part le bouleversement des codes géographiques et de l'album même avec un chapitrage particulier alternant noms de chapitres et sous-parties à la régularité variable et aux titres qui n'aident pas forcément la lecture.
    Très clairement Secret Wars s'adresse à des lecteurs chevronnés de l'univers Marvel. C'est vraiment dommage tant l'immersion visuelle est une expérience à souhaiter à tout amateur de BD. Un tel objet aurait vraiment mérité un accompagnement plus conséquent que le seul texte d'introduction proposé par Pannini. Lorsque l'on voit le travail fourni par exemple par Bliss sur ses comics Valiant c'est le parfait exemple de soutien à la lecture pertinent, proposant a la fois des informations bibliographiques sur les différentes parties, des notes de contexte très pédagogiques et des résumés des événements nécessaires à comprendre l'histoire qu'on s'apprête à lire. Des infos qui manquent vraiment ici...
    Pourtant l'idée est vraiment chouette: un peu comme dans l'excellent Old man Logan (de Mark Millar), réorganiser l'ensemble des personnages est une idée très excitante. Si le démarrage nous perd complètement avec cette dimension de Fin des Temps et des insertions de planches totalement cryptiques, l'on atterrit en douceur sur Battleworld (le monde résultant de la collision du Multivers) où le scénariste nous accompagne via les personnages qui expliquent le fonctionnement de ce nouveau contexte où les héros connus ont changé de fonction et de personnalité. Ce monde dirigé par Fatalis (devenu Dieu) est organisé en baronnies dont le chef (tantôt un ancien Vilain, tantôt un ancien super-héros) prête allégeance au Seigneur de Battleworld. A ce stade le fait de ne pas connaître tous les personnages (Captain Britain, Sinestro ou la famille de Mister Fantastic par exemple...) n'a aucune importance puisque tout est rebattu. On apprend ainsi à découvrir, curieux, cette réalité alternative. Les choses se corsent lorsque apparaissent les rescapés du Multivers. L'on cherche alors à comprendre qui est qui, qui sur Battleworld est un rescapé ou est apparu à la recréation de l'Univers (en outre certains changements de costumes peuvent brouiller la compréhension pour ceux qui ne sont pas au fait des évolutions de garde robe de tous les héros)...
    Ces enchevêtrements sont finalement dérisoires car le principal intérêt de cet event est dans le graphisme somptueux et la possibilité d'expérimenter des scènes improbables (la Chose se battant avec Galactus (!!), Cyclope doté de pouvoirs divins ou Stephen Strange jouant un rôle bien surprenant...). Attention, le scénario, bien que complexe, n'est pas du tout anecdotique et va en se simplifiant à mesure de l'avancée de la BD. le choix de partir du chaotique des premières planches pour aboutir à un schéma archétypal (affrontement du bien contre le mal) n'est pas un cadeau au lecteur mais peut être vu comme une progression pertinente une fois l'album refermé. Personnellement j'ai un peu soufflé au rebondissement de mi-album. Mais sincèrement le travail d'illustration est totalement incroyable, sans nulle doute le boulot le plus abouti d'Esad Ribic qui peaufine absolument chacune des cases de ce volumineux recueil. On lui pardonnera (comme à son habitude) des décors un peu vides, tant le dessin des personnages sont impressionnants.
    Pour finir je reviens sur le parallèle avec le mythique Kingdome Come (chez DC cette fois), lui aussi foisonnant de héros, proposant des planches à tomber d'un grand maître de l'illustration, mettant en scène un futur alternatif, lui aussi très cryptique avec le personnage du Spectre et nécessitant une bonne connaissance de l'histoire de DC. La grande différence étant que Urban, l'éditeur de DC a proposé une quantité astronomique de bonus et explications dans son recueil. Gros point noir pour l'éditeur Pannini, qui limite du coup à 3 Calvin la note de l'ouvrage.

    Lire sur le blog:
    https://etagereimaginaire.wordpress.com/2018/05/21/secret-wars-2

    Shaddam4 Le 04/06/2018 à 09:31:14

    Je n'ai jamais été un lecteur assidu de Fluide Glacial mais je voue un culte absolu à Marcel Gotlieb qui incarne pour moi la quintessence de la BD d'humour maline, bien dessiné et loufdingue, avec notamment ses Rhâa gnagna et Rhâa lovely. Maëster, connu surtout pour sa série Soeur Marie-Therese des Batignoles (jouissive par son côté rentre dans le lard mais souvent un peu poussive a mon goût) est le disciple du maître (à qui il n'a pas grand chose à envier en matière de technique graphique) qu'il utilise pour jouer le héros de sa double histoire parodique, prétexte à dessiner des scènes et acteurs très connus du cinéma hollywoodien.

    "To die by fatal killing death"

    Pas vraiment nécessaire de raconter les histoires ni de décrire l'"humour Fluide", je me contenterais de vous citer les grandes références de l'humour absurde à la mode n'importe quoi: des Monty Python aux nuls, de Hot Shots aux films d'animation Aardman (Shaun le mouton, Wallace et Gromit), vous êtes entre de bonnes mains. Comme Maëster aime les jolies filles il en mets un peu partout mais à la mode caricature car c'est son style (faudrait pas trop se prendre au sérieux quand même. Pour avoir vu l'oiseau une fois en dédicace, je peux vous dire que son personnage de Piggs n'est absolument pas fictif: il drague tout ce qui bouge et n'arrête pas de raconter des conneries!

    " Un quartier très très affamé de la ville (c'est à dire tellement mal famé qu'on peut dire pas famé du tout, donc affamé, du préfixe privatif "af", comme dans "afficionado": privé de la moindre intelligence),..."

    Donc dans les deux volumes de Meurtres fatals (de même qualité), les deux héros vous transportent dans tous les grands blockbusters des années 80-90, d'Alien aux X-files, de Pulp Fiction à Titanic en passant par Batman et Blanche neige et les 7 nains (il se paie même le luxe de nous placer le bain turc d'Ingres)... C'est toujours un peu fripon mais surtout, SURTOUT, chaque séquence, que dis-je, chaque case est le prétexte à un bon mot et surtout à l'insertion de mille détails à la con qui font mourir de rire. Maëster a 10.000 idées débiles par dessin et le pire c'est que tout ça tient parfaitement, est totalement lisible et appuyé par des dessins vraiment chouettes. De quoi souhaiter qu'il s'essaye un jour (très peu probable à moins qu'il tombe en dépression...) à une "vraie" BD avec une vraie histoire.

    Vous passerez votre lecture à décortiquer chaque centimètre pour voir une idée textuelle ou dessinée débile, une référence à un des membres de l'équipe Fluide ou à un film, avec souvent un entrecroisement de tout ça, si possible dans la même image...

    "Larcenet, ta mère elle aime Nagui"

    Pour conclure, si vous vouez un culte à Marcel Gotlieb et aux Monty Pythons, courez acheter l'intégrale des Meurtres fatals, pour vous dérouiller les zygomatiques!

    A lire sur le blog:
    https://etagereimaginaire.wordpress.com/2018/05/18/la-trouvaille-du-vendredi-17

    Shaddam4 Le 16/05/2018 à 16:04:22

    Glénat a servi un très bel objet à un auteur que l'éditeur affectionne: grand format style broché (les pages sont bien collées mais comportent un liseré tissu décoratif à l'intérieur de la couverture). Le papier est épais, mettant en valeur les planches. L'album comporte une préface du scénariste Pierre Dubois (auteur de Sykes et grand connaisseur du Petit peuple), une post-face de l'auteur expliquant la genèse de cet ouvrage et rien de moins qu'un cahier graphique de 21 pages. Le grand luxe pour seulement 19€. Comme quoi il n'y a pas toujours besoin multiplier les formats "commerciaux" quand un éditeur tient à mettre en valeur une œuvre...

    Un artiste peintre vit retiré sur une crique en contrebas du Bluebells Wood, le bois des jacinthes baignant dans une étrange atmosphère mystique. Vivant difficilement un deuil il ne parvient pas à créer, malgré le soutien de son ami qui vient régulièrement lui rendre visite. Cette vie entre harmonie avec la nature et regrets de son amour passé bascule le jour où il découvre la présence de sirènes...

    Comme je l'avais expliqué sur le très beau Horla, j'ai une petite faiblesse pour Sorel, extraordinaire coloriste et artiste inspiré et intéressant, malgré quelques défauts techniques récurrents dans ses albums. Dès le début de cet ouvrage le préfacier nous rappelle que lorsqu'on ouvre un album de Sorel on ne quitte jamais vraiment Lovecraft et le fantastique. Or, comme la post-face nous le confirmera, Bluebells Wood n'est pas véritablement un album fantastique, ou plutôt un album romantique dans une ambiance fantastique. En effet l'auteur explique que c'est un véritable lieu qui l'a lancé dans cet album, une crique de Guernesey très proche de ce qu'il a dessiné et qui lui a inspiré une rencontre entre un homme et des sirènes, dont les planches du cahier graphique témoignent. Le problème de cette genèse c'est qu'il a dû greffer une histoire sur des visions et que comme souvent chez les illustrateurs, la greffe entre images et histoire est un peu compliquée. Alors oui, Bluebells Wood est imprégné d'une ambiance comme seul Sorel sait les poser, une inquiétude permanente inhérente au genre fantastique qui reste l'essence du travail de cet illustrateur. Mais la narration reste compliquée, notamment du fait d'une gestion du temps très floue (la sirène est là, puis plus là, combien de temps s'est-il passé?), peut-être recherchée si l'on regarde la chute de l'album, mais qui ne facilite pas l'immersion. De même, certaines scènes sont difficiles à expliquer (la séquence d'introduction) et à raccrocher au reste de l'intrigue et l'histoire se clôture de façon un peu obscure. J'ai eu l'impression que plusieurs envies graphiques (les sirènes, le Mythe de Cthulhu, les jacinthes, la mer) et thématiques (l'artiste, le deuil, la folie, l'isolement) pas forcément cohérentes avaient abouti à un album dont la colonne vertébrale est compliquée à définir.

    Alors bien sur il y a l'histoire d'amour avec la sirène qui occupe deux tiers de l'album en juxtaposition avec les problèmes créatifs du narrateur. Cette histoire permet à Guillaume Sorel de nombreuses cases de nu qui sont parfois très belles mais qui souvent buttent sur les problèmes anatomiques récurrents de cet auteur (disons le clairement, ce n'est pas le meilleur dessinateur de corps féminin du monde de la BD) et qui deviennent donc plutôt secondaires sur le côté visuel. Sorel sait très bien dessiner des expressions, des angoisses et des ambiances, moins les corps. Les séquences pleinement fantastiques sont puissantes et auraient peut-être nécessité de trancher dans ce sens. Ou alors les séquences naturalistes, contemplatives (les plus belles car permettant cette confrontation de couleurs vives, le bleu des jacinthes, le vert de l'herbe, le rouge des renards et écureuils) qui auraient orienté l'album sur l'inspiration artistique...

    Le cahier graphique illustre donc ces hésitations qui empêchent Bluebells Wood d'être un grand album en confirmant une faute originelle: une illustration de sirènes n'est pas un album de BD. Sorel a peut-être confondu les deux. C'est dommage car il ne fait pas de doute de son investissement sur ce projet qui reste un magnifique objet et par sa fabrication et par ses dessins. Une petite déception qui confirme l'importance d'un scénario et la difficulté des dessinateurs à traduire en intrigue leurs visions et envies artistiques.

    A lire sur le blog:
    https://etagereimaginaire.wordpress.com/2018/05/09/bluebell-woods

    Shaddam4 Le 16/05/2018 à 15:55:00
    X-O Manowar (2018) - Tome 1 - De soldat à général

    De soldat à général est une suite/reboot de la saga X-O Manowar de Valiant. A mesure que je découvre les comics Bliss je suis impressionné par la qualité du travail éditorial (hormis l'horrible bandeau jaune de la couverture reprise de l'édition US... qui aurait mérité une infidélité au matériau d'origine, d'autant que l'illustration en elle-même est magnifique!).

    Ayant découvert l'ancienne série je peux comparer et constater le saut du niveau graphique avec cette nouvelle série, avec une subdivision néanmoins: les trois premier épisodes (Soldat) dessinés par Tomas Giorello sont très impressionnants avec notamment une colorisation vraiment agréable. J'aime beaucoup le trait à l'effet crayonné de l'illustrateur argentin (tous les bons dessinateurs de comics seraient-ils non américains?...). Sur la seconde partie (Général) Doug Braithwaite (pourtant assez bon sur les autres séries Valiant) fait un travail un peu rapide qui baisse le niveau graphique de l'album. Néanmoins on reste plutôt dans le très bon au regard de la moyenne des productions US et je dirais que les exigences graphiques de Valiant sont assez élevées (du fait d'une petite équipe d'illustrateurs habitués sans doute), avec notamment - mais ça c'est plus coutumier de l'industrie du comics - des couvertures vraiment attirantes.

    En outre j'ai beaucoup aimé le design général de cette planète en guerre, à la fois tribal et technologique et qui aurait mérité d'être développé (mais j'y reviens sur la partie scénario). Au regard des extra-terrestres insectoïdes de l'ancienne série on a un sacré saut esthétique et c'est tant mieux. L'ambiance générale me rappelle un peu l'univers de Seven to eternity.

    Le problème de X-O Manwar est le "syndrome Superman": l'armure Shanhara dote Aric de pouvoirs a peu près infinis, ce qui rend compliqué d'installer une intrigue dramatique et de nous faire nous intéresser au personnage qui ne craint aucun antagonisme... Le début de l'album est pourtant sur ce point très réussi: avec un corps ravagé, un visage sombre et un refus d'utiliser l'armure, le personnage nous accroche! Impliqué malgré lui dans une guerre étrangère il utilise sa rage et ses capacités pour faire remporter une victoire impossible à son camp. Au-delà des scènes de bataille épiques qui occupent l'essentiel de l'album (un peu trop à mon goût), plusieurs séquences de dialogue entre Aric (le porteur) et l'armure, sorte de Stormbringer, posent la question de savoir si c'est Aric, redoutable combattant, qui va malgré lui dans des combats interminables ou si c'est l'armure qui lui amène la mort...

    L'intrigue très linéaire et progressive relate l'ascension d'un homme du statut de chair a canon à empereur, à la (quasi) seule force de sa hargne. Le premier volume raconte son itinéraire jusqu'au statut de général et sa mise au jour de la dualité perverse de tous les peuples guerriers de cette planète. Pourquoi combat-il? Pour l'armure comme le prédit sa compagne? Comme une fin en soi? Il y a une ambiguïté scénaristique en voulant nous montrer un guerrier qui se dispense de la force ultime de l'armure... alors que sans elle on comprend qu'il ne survivrait pas a cette guerre impitoyable. Le prochain volume a paraître en fin d'année racontera comment il remplacera l'empereur de ce monde.

    Partant sur un très bon rythme et niveau graphique, ce volume est un peu décevant. C'est un bon moment de lecture mais qui manque un peu d'originalité et n'atteint pas la richesse de The Valiant. Je lirais la suite de X-O Manowar mais j'attends de lire d'autres saga Valiant pour voir ce que cet éditeur a dans le ventre.

    A lire sur le blog:
    https://etagereimaginaire.wordpress.com/2018/05/14/xo-manowar-1-se-soldat-a-general

    Shaddam4 Le 16/05/2018 à 15:52:44
    Warship Jolly Roger - Tome 4 - Dernières volontés

    Warship Jolly Roger fait partie de ces belles découvertes de librairie, dont vous n'aviez pas entendu parler mais dont quelque chose vous a fait comprendre qu'il s'agit d'une série majeure à venir. Scénariste du réputé Orbital (que je n'ai pas lu), Runberg emmène son comparse l'espagnol Montllo dans une odyssée SF d'un héros de guerre parti se venger du président corrompu de la confédération humaine qui en seulement quatre tomes s'impose comme l'une des séries Space-opéra majeure de la BD.

    Le dernier acte approche. Réunis à bord du vaisseau de guerre Jolly Roger, les comparses de Munro ainsi que le couple de roboticiens enlevés précédemment préparent l'assaut final sur le président Vexon qui doit se marier avec une star de cinéma en pleine campagne présidentielle qui l'oppose à son ancien aide de camp...

    La trame principale de Warship Jolly Roger (WJR) est simple: une histoire de vengeance, d'un militaire discipliné contre un politicien pourri prêt à tout pour se maintenir au pouvoir. Dès le premier tome il emmène avec lui un équipage d'anti-héros absolus: un psychopathe, la fille de la cheffe de la résistance militaire à la confédération, un adolescent mutique semblant communiquer avec les machines... On a vu cela mille fois. Mais ce qui fait (sur le plan du scénario) la grande force de WJR c'est le traitement, l'itinéraire surprenant que prennent les personnages mais aussi cette trame. Par une infinités de décrochements par rapport à ce qu'on pourrait attendre, Runberg maintient notre intérêt au sein d'une atmosphère calée sur la psychologie de ce formidable héros qu'est Munroe: décidé, sombre, revanchard, l'on sait dès les premières planches que cette victime des plus terribles machinations, rouage abandonné à la cause du grand méchant, ne capitulera pas, quel que soit le prix. La cohérence des personnages est leur force et leur donne de l'épaisseur et aucun des trois acolytes n'est un faire-valoir. Le scénario évite ainsi subtilement tout cliché alors que l'enrobage y tendrait. Comme souvent ce sont donc bien les personnages et leur "vraie vie" (aucun ne glisse sur l'histoire sans heurts) qui constituent la force de cette histoire: un méchant abominable qui semble contre toute attente se laisser griser à l'amour malgré les abominations qu'il a commises, un anti-héros que le scénariste n'a pas fini d'assassiner psychologiquement, une jeune fille subissant les affres physiques de la guerre et décidée à combattre sa mère qui l'a remplacée pour une cause politique, un mutant autour duquel l'intrigue tourne étrangement, comme hésitant à en faire le véritable héros,... La galerie est réussie par-ce qu'ils vont jusqu'au bout de leurs décisions et que les auteurs aiment à leur donner du corps. Les soubresauts que vivent chacun des personnages rompt l'inéluctabilité de l'intrigue principale en nous faisant craindre réellement que le méchant puisse gagner à la fin...

    Mine de rien les thématiques de WJR sont nombreuses: avant tout la politique et sa corruption, mais aussi la colonisation, le rôle de l'armée entre garante de l'ordre et la responsabilité en cas de morts, les manipulations scientifiques, la pollution des planètes, la rébellion (thème déjà vue dans Shangri-la avec une même optique), le rôle des médias,... Les thèmes sont familiers aux lecteurs de SF et répartis de façon très équilibrée dans les quatre albums dont les scènes d'action ne sont pas forcément les moments les plus réussis (hormis les batailles spatiales), au contraire des dialogues percutants. La découverte de ce régime pourri et le côté vicieux avec lequel le scénariste malmène ses héros sont passionnants et donnent envie de s'y immerger.

    Le graphisme de Montllo produit exactement le même effet: avec une technique issue de l'animation, avec des textures très plates, le dessin pourrait passer pour simpliste, mais par sa maîtrise du mouvement, des visages (très travaillés, notamment dans leurs expressions), Montllo fait de WJR une série graphiquement très réussie et qui peut faire penser à Gung Ho. Petit bémol sur ce dernier album où l'auteur commence à utiliser une habitude des illustrateurs numériques: l'insertion d'images internet retouchées... dont la finesse laisse à désirer, ce qui est dommage. Mais ce sont des éléments mineurs dans ces planches aux cases larges, aux couleurs appuyées mais très réussies, toujours en clair-obscure (l'essentiel des scènes se passent dans l'espace, de nuit ou en intérieur). Si les décors et vaisseaux ont un effet "cartoon 2D", les gros plans de visages, les plans latéraux et même les anatomies (malgré le style simplifié) montrent la grande maîtrise technique de Miki Montllo, qui présente régulièrement sur les réseaux sociaux des vidéos de work in progres de ses planches.

    Alors laissez-vous entraîner dans l'équipage de Jon T Munro et apprécier ces moments comme dans toute bonne série télé où l'intrigue devient secondaire face à l'atmosphère et la proximité que l'on acquiert envers des personnages attachants et un méchant à qui on a très très envie de botter les fesses. La fin de Warship Jolly Roger, très réussie, permet en outre d'envisager une suite, que je suivrais très volontiers!

    A lire sur le blog:
    https://etagereimaginaire.wordpress.com/2018/05/16/warship-jolly-roger-4

    Shaddam4 Le 07/05/2018 à 13:15:39
    Les aigles de Rome - Tome 1 - Livre I

    Pour sa première série solo (dont le premier tome remonte à dix ans maintenant!), le grand Enrico Marini, toujours féru d'histoire, à mis la barre haut, voir très haut. Si l'on connaît son talent graphique depuis longtemps, l'aventure scénaristique était risquée: nombre de dessinateurs s'y sont cassé les dents, le travail de documentation historique est considérable tant visuellement que scénaristiquement ; enfin et surtout, la série a vu le jour alors que la grande série sur l'antiquité romaine, Murena avait déjà achevé son premier cycle et jouissait d'une renommée très grande notamment pour son sérieux historique. J'avais commencé la série et abandonné dès le premier tome, peu accroché par ce qui me semblait une intrigue cliché entre deux vrais-faux frères, dans un contexte historique déjà vu. Mal m'en a pris, Les Aigles de Rome tient très fièrement la comparaison avec Murena en assumant son identité propre.

    Sur le plan matériel nous avons une pagination classique mais une intrigue très dense pourrait faire croire à des albums de 80 pages... Un court résumé des précédents tomes est inséré en début d'album et un glossaire des termes latins à la fin. L'intérieur de couverture comporte une très belle et très utile carte de l'Empire indiquant notamment les noms et localisations des nombreux peuples germains qui sont au cœur de l'intrigue. Tout bon donc côté fabrication éditoriale, si ce n'étaient les couvertures qui sont comme souvent chez Marini très peu inspirées et peu alléchantes. Vraiment dommage lorsque l'on compare à la qualité des dessins intérieurs qui sont d'un niveau rarement atteint par l'illustrateur italien.

    Alors que la République touche à sa fin, un général romain se retrouve chargé d'élever son fils et le fils d'un chef germain emmené en "otage" comme signe de soumission à Rome. Alors que les deux fiers adolescents grandissent dans la culture romaine, ils vont se retrouver confrontés à leurs ambitions respectives mais surtout à leur identité de romains mais aussi des peuples conquis. Au travers de cette querelle de deux frères ce sont les prémices de la bataille de Teutobourg qui nous sont relatés, qui vit la plus grande défaite des légions romaines et l'arrêt quasi définitif de l'expansion de l'Empire en Europe.

    Marini - Les Aigles de Rome - Tomes 1 à 3Les Aigles de Rome a été une vraie surprise pour moi. J'aime l'Histoire, je lis Marini depuis le premier Gipsy (et j'ai d'ailleurs fait une rétro sur la série), j'ai adoré la série TV Rome qui a permis ce genre de traitement réaliste dans les fictions... et pourtant quelque chose ne collait pas. Je me suis donc trompé et je considère désormais cette série comme l'une des meilleures productions du dessinateur, d'une maturité qu'aucune de ses autres séries (à part peut-être L'étoile du désert) ne possède!

    D'abord le sérieux de la reconstruction donc, et sur ce point la comparaison est tout à fait pertinente avec Murena: dans les deux cas, un personnage historique (Arminius chez Marini, Néron chez Dufaux/Delaby) et son alter-ego fictif se croisent en amitié/concurrence. Murena prend la grande Histoire, Les aigles de Rome a l'intelligence de recentrer sur un événement précis et une série courte, ce qui évite de diluer l'intrigue sur de très nombreux volumes (Murena en est à 10 et ça commence à faire beaucoup...). Choix pertinent tant la quantité d'informations (termes latins, détails de la hiérarchie romaine ou des coutumes sociales, etc) est important, de même que les personnages dont nombreux sont dotés d'un vrai travail de caractérisation.

    Ces personnages que je craignais très archétypaux lors de ma première tentative s'avèrent assez complexes et dotés de motivations cohérentes ; hormis Varus aucun n'est un gros méchant né pour être méchant, à l'inverse, le héros Marcus nous change du héros parfait à la Scorpion: ténébreux, impulsif mais aimant, il accumule les boulettes tout en étant d'un courage et d'une force exemplaires. Un héros faillible, contrairement à son frère Arminius, que rien ne semble pouvoir faire échouer alors qu'il se transforme progressivement en vrai antagoniste de Marcus. Tout au long de l'histoire on ne sait qui est réellement le héros de Marini, celui de la petite histoire familiale ou celui qui marquera l'Histoire de son nom...

    Sur le plan graphique, si l'on a l'habitude de l'excellence, on atteint ici des sommets de reconstitution, que ce soit sur les costumes ou de multiples détails de décors militaires ou des intérieurs. Sachant tout dessiner, Marini est en outre un coloriste hors paire créant des atmosphères variées et évocatrice. Des visages des personnages aux paysage, tout est fin, subtile, précis et beau. Grande maîtrise des cadrages avec des plans dynamiques alors qu'il n'utilise pourtant aucune ligne de mouvement. Les séquences de bataille sont elles aussi impressionnantes de lisibilité et de style. Il est vraiment très fort! Alors il y a bien sur quelques tics graphiques comme les méchants qui sont souvent chauves, pâles et édentés ou la Germanie toujours couverte de brume et constellée d'arbres morts... Mais cela permet aussi une proximité avec le lecteur, une lisibilité qui n'est pas grossière non plus. Sur le plan documentaire comme sur le plan graphique, Les aigles de Rome peut assumer son statut de grande BD d'aventure historique, que personnellement je préfère donc à Murena.


    Les BD de Marini se bonifient avec l'âge et le bonhomme prends des risques en changeant d'univers: après le volume 2 de son Batman il enchaîne avec un nouvel épisode du Scorpion (la série s'approche de la fin) et travaille actuellement sur un one-shot en mode roman noir. De quoi saliver...

    Lire sur le blog:
    https://etagereimaginaire.wordpress.com/2018/05/02/les-aigles-de-rome

    Shaddam4 Le 07/05/2018 à 13:10:38
    Sanctum - Tome 1 - Raqiya - Volume 1

    J'ai découvert Boichi avec Sun-Ken Rock puis Wallman, et chacune des traduction de ses publications (tout récemment Dr. Stone) donne lieu à un gros engouement. Il faut dire que le coréen possède un style graphique très alléchant et puissant.

    Sanctum, série courte, propose une immersion dans le monde de l’ésotérisme eschatologique chrétien et toute l'iconographie fantastique que cette mythologie recouvre: conspiration de sectes occultes dans un contexte d'arrivée de la Fin des Temps... Le cadre est classique chez Boichi: une jeune japonaise voit sa famille mourir devant ses yeux et se retrouve liée avec un démon (aux courbes loin d'être démoniaques...) par un pacte. Ce premier volume à la progression complexe (plusieurs sauts dans le temps entre le récit directe et des récits secondaires de certains personnages) est plus dans la comédie familiale naïve typique de Boichi que dans le fantastique. Pourtant l'on a déjà quelques fulgurances visuelles de l'auteur et l'environnement général est en place en attendant de comprendre quel va être le rôle de l'héroïne: un trio d'amis (le blond voué au célibat, le brun marrant, la fille orpheline), une société multinationale impliquée dans l'armement, un démon qui fait commettre des crimes à des hommes faibles, une organisation secrète liée au Vatican et une secte organisant des orgies mystiques...

    Ce volume est donc une mise en place mais suffisamment accrocheuse visuellement et thématiquement pour donner envie de lire la suite, surtout que l'on ne part pas pour une série fleuve. Pour ceux qui ne connaissent pas Boichi ça peut être une bonne porte d'entrée: des personnages caricaturaux, un humour visuel appuyé en même temps que des séquences très réalistes et belles, un peu de baston et quelques courbes féminines. L'album est en outre agrémenté de quelques pages finales expliquant quelques termes "techniques" autour de l'Ancien Testament et les éléments mystiques autour des prophéties millénaristes.

    Lire sur le blog:
    https://etagereimaginaire.wordpress.com/2018/05/03/sanctum

    Shaddam4 Le 07/05/2018 à 13:06:21

    Milo Manara est considéré à juste titre comme l'un des plus grands gâchis de la BD. Artiste doté d'un talent sidérante il a le plus souvent fait le choix de la BD érotique très commerciale et très médiocre ou des délires Jodorowskiens pas toujours pertinents. "Malheureusement" un crayon est tenu par un cerveau avec ses passions et ses envies et parfois ça ne colle pas...

    Pourtant la biblio de l'artiste italien contient aussi quelques perles, parmi lesquelles la série des Giuseppe Bergman, aventures loufoques (un peu sexy quand-même...) mais surtout très liées aux univers de ses amis Hugo Pratt et Fellini avec des visions étonnantes et très artistiques.

    L'avant dernier épisode de la série, "Revoir les étoiles" est assez unique tant sur le plan graphique que thématique. Il forme une sorte de Requiem à la mémoire de ses deux mentor et à l'art, comme l'indique la couverture reprenant la Vénus de Botticelli.



    Mes vieux ne sont pas méchants, on joue simplement à quelque chose de beau.

    Manara aime les femmes et trouve de nombreuses occasion de les dénuder. Mais si l'on ne peut nier la qualité du trait et l'esthétique du corps féminin très présente du reste chez un très grand nombre d'illustrateurs, l'album devient intéressant lorsqu'il parvient à allier justement l’esthétique et la thématique: l'histoire de l'art et les liens entre monde réel et mondes fantasmés.

    L'intrigue, débordant de références qu'il peut être amusant de repérer, suit une ingénue un peu folle, sorte d'Alice perdue dans le monde des hommes, un monde fait des pires pulsions de la société italienne et européenne du XX° siècle, parcourant des représentations de tableaux classiques de la peinture et permettant à Manara de les revisiter. Cela pourrait être artificiel s'il n'y avait une cohérence de cette approche à double hélice, entre le monde de la beauté et de l'art de la fille et le monde réel de Giuseppe Bergman qui tente de la sauver d'elle-même et des dangers du monde.


    L'humanité ne semble être que cruauté, corruption, irrémédiablement dominée par le mal, incapable de tendre vers le bien...

    L'intrigue n'a pas grand sens, autre que de permettre des tableaux, des regards (beaucoup de regards comme ce face à face entre la jeunesse magnifique et ces vieillards dont on imagine mille pensées, dans une longue digression autour de la "Suzanne et les vieux" chez Veronese, Tintoret ou Doré). Il n'y a (presque) rien de vulgaire dans cet album dessiné en lavis superbes qui revisite un grand nombre d’œuvres majeures, du Déjeuner sur l'herbe à l'ile des morts de Böcklin. Seule la séquence de la reine Pasiphaé ne relève que des fantasmes de Manara et tombe un peu dans le gratuit.

    Prenant Giuseppe pour Lucignolo (personnage de Pinocchio) et se croyant au pays des jouets (toujours dans Pinocchio), la fille se retrouve confronté à la réalité policière et d'un mouvement fasciste "Amour et Argent" ainsi qu'à deux loubards qu'elle prends pour le chat et le renard du conte de Collodi. On est tout de même dans un album de Manara, qui profite du fait que les filles sont souvent nues dans la peinture classique pour se faire plaisir!

    Les pérégrinations l'amènent à Cinecita où se tourne un film sur l'Enfer de Dante, ce qui permet une très dure vision du véritable enfer, celui de la ville, de la Cité, du monde, bien plus détestable que le monde imaginaire des arts. La fin est la plus poétique: décidée à ne vivre que dans l'imaginaire, la fille se rend sur l'ile des morts où elle rencontre Picasso, Groucho Marx, Hugo Pratt ou Luccino Visconti... Une sorte de petit prince tente de la ramener à la vie grâce à des graffiti colorés, de Disney à Corto. Et l'album se termine magnifiquement par une case blanche invitant le lecteur à terminer l'histoire, bien ou mal, à lui de choisir... Revoir les étoiles est une très belle ode à l'imaginaire et à la beauté par un grand artiste qui devrait produire plus souvent des œuvres personnelles.

    Lire sur le blog:
    https://etagereimaginaire.wordpress.com/2018/05/04/la-trouvaille-du-vendredi-14

    Shaddam4 Le 07/05/2018 à 13:00:24

    Pour ma première BD de Davodeau (on parle beaucoup de lui dans la "bonne presse" et j'ai souvent des réflexes de recul quand tout le monde aime un bouquin...), j'ai opté pour Rural, sous-titré Chronique d'une collision politique... Alors il ne sera pas question de politique dans cet excellent (et très drôle) documentaire sur les transformations du monde rural et périphérique. Ou pas dans le sens journalistique. Mais de politique sociétale assurément car lorsque l'on fait des choix (généralement minoritaires), on fait bien sur de la politique! Et c'est ce que font les protagonistes de l'album.

    Les personnages de ce reportage en trois axes sont d'une part les associés d'un GAEC (groupement de producteurs) de vaches laitières Bio, d'autre part un couple chassé de sa maison par le passage d'une nouvelle autoroute, enfin les incidences et contextes de tracé de cette nouvelle voie aux incidences majeures sur des populations et des paysages. Un excellent résumé de notre époque où l'équilibre entre ruralité et urbanisation semble de plus en plus difficile à maintenir.

    Vers la fin de l'album, lorsque, logiquement l'auteur devrait aller voir les responsables de l'Autoroute ASF en bon documentariste qu'il est, afin d'avoir tous les sons de cloches, il explique sur une pleine page qu'il fait le choix de ne pas le faire: il ne souhaite pas diffuser la communication formatée et très efficace de l'entreprise sur les bienfaits de l'autoroute et sa démarche "écologique" et il assume la proximité humaine qu'il a tissé avec ces victimes du serpent d'asphalte pendant une année. En début d'album outre une préface de José Bové, Davodeau donne un point de vue très intéressant sur la subjectivité du documentariste et du réel. Il assume le fait que le bouquin sera un point de vue, son point de vue et que même avec une démarche d'objectivité, la réalité n'est pas la même pour tout le monde ; même des images filmées sont montées et scénarisées. Il nous invite alors à prendre son livre comme sa vision d'une réalité. Je trouve passionnante cette cohérence qui permet à la fois de lire le bouquin comme un reflet d’événements réels et de fait une "fiction" avec ses effets de style et la subjectivité (la sensibilité) de l'auteur. Néanmoins nombre de scènes et de dialogues sonnent tellement vrais que l'on ne peut s'empêcher de les sentir profondément sincères.

    Ainsi l'on apprend plein de choses dans ces aller-retours de Davodeau en R5 (l'affaire se déroule en 1997) entre la ferme du Kozon où les associés nous expliquent avec force pédagogie mille détails de la vie à la ferme, et la maison de Catherine et Philippe, passages les plus sombres de la BD tant est palpable la tension liée à ce sacrifice obligé d'années de travaux pour un rêve détruit. Les agriculteurs sont bavards et adorent expliquer leur travail, parfois technique, parfois trivial comme lorsqu'il faut naviguer entre les lâchers de bouses des vaches dans l'enclos de traite...

    La structure de l'album est clairement liée aux discussions entre le reporter et ses sujets, ce qui permet une souplesse et de lier incidemment chaque sujet les uns aux autres, nous permettant de ressentir les problématiques générales entre le collectif et l'individuel, entre les nécessités d'équipement nationales, les envies de passer au bio, les contraintes réglementaires,... Il n'y a pas a proprement parler de méchants dans l'histoire, même pas l'autoroute dont personne ne conteste l'éventuelle pertinence autrement qu'en rappelant qu'un élargissement de la nationale coûterait au contribuable alors qu'une autoroute est financée par le prestataire. Une question de choix...

    Le sujet de Davodeau n'est pas de parler de corruption (connue dans ces dossiers), de grands projets polluants, etc. Il cite simplement le président de l'association de sauvegarde du territoire qui pointe des questions liées au tracé. Il donne son point de vue personnel sur la destruction du paysage par les ponts et le goudron. Il montre l'effet du passage de la voie sur la maison des Soresi ou le fait qu'un élu local voulait un échangeur vers sa commune... Pas de polémiques donc mais simplement des illustrations documentaires des incidences d'une vision productiviste et industrielle d'une vie rapide et performante en regard de choix (collision politique nous disions...) d'individus d'une vie saine, tranquille et de la difficulté à pouvoir conserver son libre arbitre dans une société qui ne laisse plus beaucoup de place à des choix différents. Etienne Davodeau (dont je n'apprécie pas plus que cela le dessin, je précise) nous offre un très bel album où l'on sent l'investissement personnel et qui reste absolument pertinent même 18 ans après. Et si vous voulez prolonger en mode rigolade, les Vieux Fourneaux du grand Lupano traitent aussi de ces questions.

    Lire sur le blog:
    https://etagereimaginaire.wordpress.com/2018/05/06/rural

    Shaddam4 Le 07/05/2018 à 12:54:02
    DC Univers Rebirth - Tome 3 - DC Univers Rebirth : Le Badge

    Le Badge est un crossover entre Batman et Flash inscrit dans le reboot "Rebirth" de l'univers DC, et introduction à l'"Event" Doomsday clock annoncé depuis longtemps et qui verra se croiser les univers des héros DC et de Watchmen. L'album comprend les 4 épisodes parus aux Etats-Unis issus des séries Batman et Flash. Une double page en introduction contextualise l'album dans le contexte DC Rebirth initié par Flashpoint qui voit les incidences d'un voyage temporel de Flash bouleverser la temporalité des héros DC. L'album comprend les magnifiques couvertures alternatives ainsi que les premières pages (noir et blanc) de Doomsday Clock, faisant la jointure avec Watchmen.

    Batman découvre un pins en forme de smiley dans sa Batcave. Qui l'a apporté sans que ses systèmes le repèrent? La présence de ce simple smiley va avoir des conséquences que ni lui ni Flash ne mesurent...

    Peu disponible pour suivre l’ensemble des Event et Reboot des éditeurs de comics je n'avais pas prévu de lire cet album malgré une grosse communication et une couverture vraiment réussie. Ouvrant l'album, les dessins vraiment chouettes de James Fabok et Howard Porter et un découpage inspiré m'ont convaincu d'acheter ce petit album (environ 80 planches de BD) annoncé comme un one-shot (c'est le cas).

    Il y a deux albums dans "Le Badge" qui vous satisferont ou non selon le public que vous êtes. Soyons clair: cet album est le simple teaser de la série à venir et impliquant que vous achetiez Doomsday Clock mais aussi en toute logique que vous ayez suivi l'intrigue depuis Flashpoint. Les Comics sont avant tout une industrie (à la différence de la BD européenne) et l'enjeu commercial derrière l'opération est évident. Ainsi bien qu'il s'agisse d'un one-shot l'intrigue nécessite (même si c'est expliqué en début de volume) de connaître les événements de Flashpoint ; de même que la fin qui n'en est pas une débouche sur la lecture de Doomsday Clock. Voilà pour le côté désagréable.

    Néanmoins, Le Badge est un bel album, cohérent, intéressant et titillant l'envie de lire d'autres albums. Surtout, il respecte le lecteur novice qui pourra profiter de l'histoire avec ses qualités propres, qu'il soit thésard en univers DC ou débutant dans les héros en slip. Je le dis avec d'autant plus de franchise que je suis de loin l'univers des comics non par désintérêt des héros (j'adore ces mythologies) mais par rejet des démarches éditoriales qui couvent ces publications et que l'unicité d'un tel one-shot est assez rare il me semble. Ainsi le simple fait que les dessinateurs (je ne connaissais pas Fabok que je trouve vraiment très bon!) soient seulement deux sur tout l'album, de très bonne qualité et d'un trait pas trop éloigné, donne un vrai intérêt graphique qui justifie à lui seul la lecture du comic. Idem pour le découpage, qui me semble emprunter pour les premières planches à Watchemen (les cases en damier) et montre une vraie volonté artistique. La rencontre entre Batman et Nega-flash est à ce titre vraiment un très bon moment de BD. Enfin, les thématiques de paradoxe temporel et d'univers parallèles sont très alléchantes même si la pagination permet plus de mettre l'eau aux babines que de décrire réellement cet univers. Du coup vous êtes bons pour vous lire Flashpoint... La poursuite de la lecture n'a a mon sens de valeur que si vous avez apprécié Watchmen, le croisement de ces deux univers étant suffisamment improbable donc intriguant pour donner envie de le lire. Les graphismes des premières pages ne poussent pas à un grand optimisme mais gageons qu'une belle mise en couleur améliorera cela.

    Disons pour finir que Le badge n'est pas l'arnaque annoncée par certains mais s'appréciera surtout pour ce qu'il est: une courte séquences joliment dessinée dans l'univers de deux des plus intéressants personnages de DC.

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    https://etagereimaginaire.wordpress.com/2018/05/07/le-badge

    Shaddam4 Le 27/04/2018 à 14:29:15
    Radiant - Tome 5 - Tome 5

    Tony Valente arrive à se renouveler en élargissant fortement le périmètre du monde de son manga avec un voyage de Seth dans le monde des chevaliers-sorciers et des princes-marchands. Cela permet de découvrir de nouveaux personnages soit très drôles soit terriblement réussis niveau design. On retrouve également avec plaisir Alma et le Bravery Quartet qui me fait bien rigoler. Très joli rebonds pour la série que ce tome 5 qui retrouve l'équilibre action/aventure/humour.

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    Shaddam4 Le 27/04/2018 à 14:28:21
    Radiant - Tome 4 - Tome 4

    Les thaumaturges de Torque débarquent sur Rumble Town alors que le combat contre Hameline touche à sa fin. De nombreux et très puissants personnages apparaissent et la série prends une tournure nouvelle. Durant ces affrontements très joliment mis en image l'on perd un peu de la fraîcheur et de l'humour ravageur qui faisait le charme de Radiant. Dès le prochain volume on repart pour un ton plus léger, tant mieux.

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    https://etagereimaginaire.wordpress.com/2018/04/30/manga-en-vrac-2

    Shaddam4 Le 27/04/2018 à 14:27:06
    Innocent - Tome 8 - Duel de l'innocence

    Le conflit entre Charles-Henri et son excentrique sœur Marie-Joseph atteint son point culminant alors que la série s'approche de sa fin. L'affrontement aura bien lieu. Pendant ce temps l'auteur nous raconte l'arrivée de Marie-Antoinette en France et la crudité des règles de cour faisant de la femme une simple génitrice. Sakamoto a toujours entretenu une ambiguïté sexuelle sur ses personnages présentant de nombreux androgynes et homosexuels et transpose à la cour les perversions ou blocages sexuels. Malgré des thèmes toujours intéressants et un traitement graphique très poétique, la série ne parvient pas à retrouver la tension des premiers volumes et son discours sur la peine de mort.

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    Shaddam4 Le 27/04/2018 à 14:20:09
    Ajin : Semi-Humain - Tome 11 - Tome 11

    Pour le dernier volume paru en France (en ce mois d'avril!), on sent la fin approcher, alors que le nombre de sujets effleurés est énorme. Sato joue double ou triple jeu et son esprit machiavélique semble impossible à anticiper, même pour Nagaï. Le gouvernement a fait un premier pas en acceptant une négociation, mais peut-on faire confiance à ce génie du crime qu'est Sato? Gamon Sakuraï, comme depuis le début de sa série, sait manœuvrer des temps de pause qui nous font admirer ses magnifiques dessins entre des séquences d'action ou de suspens à la tension digne des meilleurs films d'espionnage! La diffusion de films et d'une série sur Netflix devrait inciter l'auteur et l'éditeur à prolonger le plaisir, tant l'univers développé est gigantesque et l'équilibre entre l'avancée d'une intrigue principale à grand spectacle et l'insertion de multiples éléments intime, socio-politiques (la démocratie, les médias,...) ou purement géopolitiques simplement parfaite.

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    https://etagereimaginaire.wordpress.com/2018/04/30/manga-en-vrac-2

    Shaddam4 Le 27/04/2018 à 14:18:54
    Ajin : Semi-Humain - Tome 10 - Tome 10

    Dans ce volume l'on découvre la maman de Nagaï, qui comme la plupart des personnages de la série rompt avec des habitudes manga d’archétypes genre "femmes au foyer traditionnelle soumise"... Ajin est une série résolument moderne, à la fois dans son traitement de l'actualité et des thèmes comme le terrorisme ou le racisme, mais également avec tout un pan de la société japonaise que Gamon Sakuraï dynamite avec grand plaisir. Alors que les séquences d'assaut sont dans une sorte de phase d'armistice, l'auteur nous emmène aux Etats-Unis découvrir ce qu'est allé y faire le professeur Ogura: nouvelle révélation (dans un manga qui n'en manque pas!) sur un mode de gestion du problème Ajin résolument différent entre le Japon et les Etats-Unis. Chez Sakuraï on sent la même volonté que Katsuhiro Otomo d'internationaliser (élargir la perspective) l'intrigue de son récit et d'introduire un conflit entre deux visions de ce que permet le pouvoir. Si le parallèle avec Akira fonctionne pour la critique du complexe politico-militaire, l’œuvre de Sakuraï est beaucoup plus acerbe ne serait-ce que par-ce qu'elle ne date pas son récit, apportant une proximité immédiate avec le Japon d'aujourd'hui.

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    Shaddam4 Le 27/04/2018 à 14:18:24
    Ajin : Semi-Humain - Tome 9 - Tome 9

    Sato parvient inéluctablement à ses fins, quel que soit le moyen. Pourtant, dans ce combat où Nagaï est entré en action directement alors qu'il se contentait jusqu'ici de planifier, des ruptures apparaissent, avec Tanaka notamment qui n'est pas aussi impitoyable que son chef et ressent de la compassion pour certains humains, ce qui l'amène à contester la décision de Sato. Son affrontement avec Izumi par fantômes interposés permet également de voir les capacités de combat de l'aide de camp de Tosaki. Enfin, la relation entre Nagaï et le jeune Nakano évolue alors qu'ils se retrouvent liés dans les combats et doivent se faire confiance mutuellement. Entre le héros et son jeune protégé, la relation à la mort et à l'empathie n'est pas la même, Nakano raccrochant Nagaï à sa part humaine quand il voudrait devenir insensible comme Sato. Alors que les assassinats vont se poursuivre comme prévu, le gouvernement reconnaît son échec et change sa position vis à vis des Ajin. Les cartes sont en train de bouger.

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    Shaddam4 Le 27/04/2018 à 14:16:50
    Ajin : Semi-Humain - Tome 8 - Tome 8

    L'édition Glénat comprend en début de volume un "who is who" et un salutaire résumé en image, bien plus efficace qu'un texte et c'est donc une très bonne idée. L'assaut touche à sa fin et pour la première fois l'équipe de Sato se voit contrecarrer par le plan de Nagaï, obligeant Sato à se déplacer pour finir le travail. Alors que depuis le début de la série, Sato, véritable croque-mitaine invincible ayant toujours trois coups d'avance sur ses adversaires, créait un sentiment d'inéluctabilité, le lecteur découvre que l'affrontement de l'intelligence risque de durer. Le rôle des différents protagonistes se mets en place, chacun doté de caractéristiques qui, alliés, leur permettront peut-être de contrer le génie du mal qu'ils ont face à eux. Dans un assaut toujours dynamique où Nagaï (dont le père a été absent) se lie avec Hirasawa, le vieux chef des humains de l'équipe Tosaki, le lecteur découvre une nouvelle capacité des Ajin via leur mode de régénération. La cohérence de la science des Ajin est remarquable depuis le début dans cette série et c'est un grand plaisir que de lire un manga d'une telle intelligence dans chaque séquence, chaque idée. Graphiquement le trait évolue vers un plus grand réalisme, des visages en gros plans assez absents au début de la série permettent de voir l'influence Otomo de plus en plus grande, et c'est tant mieux.

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    https://etagereimaginaire.wordpress.com/2018/04/30/manga-en-vrac-2

    Shaddam4 Le 27/04/2018 à 14:16:12
    Ajin : Semi-Humain - Tome 7 - Tome 7

    Le septième tome se structure sur le début d'une nouvelle attaque pour assassiner le PDG de la société de sécurité Forge, ce dernier convaincu qu'il empêchera le plan des Ajin rebelles. Alors que l'opération commence et que le groupe de Kei Nagaï (qui se révèle le véritable cerveau de l'équipe montée par Tosaki) prépare son piège, des flashback reviennent sur le passé militaire de Sato ainsi que sur son enfance, nous permettant de mieux cerner la psychologie de ce très charismatique méchant. Gamon Sakuraï parvient à alterner dans sa série (en seulement 11 tomes parus, c'est dire le rythme) des moments de respiration et des séquences d'action endiablées. Ici l'assaut par l'équipe de Sato démontre s'il le fallait l'intelligence scénaristique rare de l'auteur: le principe de l'immortalité permet des astuces vraiment originales dans le déroulement des combats (pour faire clair: l'un des Ajin est chargé pendant l'attaque de "réinitialiser" les autres en les tuant s'ils venaient à se prendre une fléchette tranquillisante... mais ce n'est pas tout!). Tout ceci garde un étrange aspect de banalisation de la mort dans un univers totalement bouleversé par la découverte de ces "créatures". Le nombre de sujets abordés dans chaque volume, subrepticement, par une séquence, par une case, est vraiment énorme et donne une richesse de background gigantesque. Sakuraï est en train de construire un monument du manga!
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    https://etagereimaginaire.wordpress.com/2018/04/30/manga-en-vrac-2

    Shaddam4 Le 27/04/2018 à 14:08:16
    City Hall - Tome 7 - Tome 7

    Pour ce dernier volume de la série (... et qui annonce une série de one-shot spin-off dessinés par un nouvel illustrateur) on revient aux grands moments de la série que permet le Monde à l'envers: des combats à rebondissements, irruption intempestives de Deus Ex Machina, le tout pour un final très réussi et cohérent. J'étais un peu inquiet de voir la série pas toujours maîtrisée dans certains volumes mais la fin était écrite depuis l'origine et cela fait du bien. Le combat final est aussi savoureux que ceux contre Black Fowl, les personnages toujours charismatiques et l'apparition de nouveaux Papercut (je vous laisse la surprise) vraiment ce qui donne du plaisir de lecture. Un bon final pour une bonne série.
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    https://etagereimaginaire.wordpress.com/2018/04/09/baggels-et-sushis-en-vrac

    Shaddam4 Le 27/04/2018 à 14:02:02
    Radiant - Tome 3 - Tome 3

    Petite respiration dans la série avec un album présentant un flash-back en forme d'explication du contexte de Rumble Town. Le thème de l'exclusion des gens différent est appuyé mais sinon il y a moins d'humour que dans les précédents. L'histoire se consolide et on commence à y voir plus clair entre les factions. Pas mal de combats, mais globalement un peu moins attrayant que les deux premiers volumes. j'espère que ça va repartir en mode délire sur la suite.

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    https://etagereimaginaire.wordpress.com/2018/04/09/baggels-et-sushis-en-vrac

    Shaddam4 Le 27/04/2018 à 14:01:15
    Innocent - Tome 7 - Fille de picaresque

    J'ai trouvé cet épisode un ton en dessous du reste de la série. Marie-Joseph a grandi et l'on sent poindre l'affrontement, alors que les deux monarques qui seront décapités à la Révolution arrivent en âge d'être mariés. Les dialogues sont par moments franchement ridicules et l'épisode est sauvé par des graphismes toujours somptueux et par une reconstitution sociale de l'époque très impressionnante.

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    Shaddam4 Le 27/04/2018 à 13:40:53
    Ajin : Semi-Humain - Tome 4 - Tome 4

    Les derniers événements au centre de détention des Ajin ont provoqués des remous dans la société: les médias mettent le gouvernement sur la défensive, l'armée voit des contestations internes et une confrontation apparaît entre Ajin, avec l'entrée dans un processus de terrorisme de Sato. Le héros a beaucoup changé dans cet épisode et apprend à contrôler son fantôme. Mais le grand événement de ce volume est l'arrivée du thème du terrorisme et du pouvoir des médias, deux sujets très actuels et qui collent la série à une actualité brûlante. Tant mieux!

    Shaddam4 Le 25/04/2018 à 14:44:07

    La première publication de Zao Dao chez Mosquito faisait saliver par sa puissance évocatrice fantastique, instillant une irrépressible envie d'avoir enfin une vraie grande histoire de démons et de chasseurs dans la Chine mythologique et il faut dire que cette Cuisine chinoise ne viens pas combler ce manque (peut-être le art-book "carnet sauvages" remplit-il cet effet... malheureusement je ne l'ai pas lu). C'est sans doute son principal défaut, car l'on sent dans chaque image la permanence de cet univers un peu cracra fait de personnages mi-hommes mi-démons, d'insectes et de fantômes aux physionomies toutes plus étranges. Certaines histoires sont un peu ésotériques notamment quand à leur chute et je pense qu'il est préférable (comme pour certains Miyazaki du reste) de prendre cette lecture plus comme des tranches d'univers culturel chinois que des récits construits. Il est probable que les codes des légendes chinoises soient assez éloignés des nôtres mais le travail graphique reste remarquable, notamment par les changements de techniques et de matériaux. L'utilisation du papier jaune notamment permet de fantastiques compositions, avec le personnage aux cheveux blancs qui revient souvent dans l’œuvre de l'artiste.

    Des cinq histoires racontées dans le recueil, deux m'ont parues de longueur et de construction permettant un véritable récit. Les autres sont plus des expérimentations (la deuxième séquence sur les insectes est peut-être la plus intéressante mais aussi la plus expérimentale, intime et éloignée du thème de la cuisine: un jeune homme assouvit sa rancœur de voir ses parents se battre en massacrant des insectes, permettant un beau travail graphique, mais oh que sombre!).

    - Hai Zi nous fait suivre un humain-démon passionné de cuisine et incompris et rejeté par les humains car il utilise des ingrédients dégoûtants pour ses créations. Son grand-père souhaite qu'il redevienne plus classique afin de pouvoir subvenir aux besoins de la famille grâce à leur restaurant... quand surviennent deux créatures aux goûts peu académiques.

    - Haleine d'immortelle est l'histoire la plus drôle qui est la plus proche d'un documentaire sur la cuisine en expliquant l'histoire d'un gâteau soufflé en pâte de riz et qui renfermerait l'haleine fétide d'une mamie...

    Au final si Zao Dao reste un auteur majeur proposant régulièrement des fulgurances et des expérimentations passionnantes, sa maîtrise des récits reste à développer et pour l'heure, personnellement je me reconnais mieux dans ses récits de fantômes même s'ils sont sous forme de simples illustrations. Son travail sur la cuisine lui aura sans doute permis d'apprendre certaines structures narratives et qu'elle nous proposera prochainement enfin la grande histoire évoquée dans le souffle du vent dans les pins...

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    https://etagereimaginaire.wordpress.com/2018/04/24/cuisine-chinoise

    Shaddam4 Le 25/04/2018 à 14:41:09
    Jazz Maynard - Tome 6 - Trois corbeaux

    Dernier volume d'un second cycle se déroulant en Islande, Trois corbeaux s'ouvre alors que l'ami Théo a été capturé par des suprémacistes et sera très probablement tué dans les prochaines heures. L'album commence immédiatement après la fin du précédent et va voir Jazz se lancer à la recherche de son ami en même temps qu'il doit remplir la mission que les iraniens lui ont confié. Pas ou peu de mise en place dans ce dernier album qui voit les planches débouler à cent à l'heure avec une maestria de découpage et de trait totalement ahurissante! L'action chez Raul et Roger c'est rapide, brutal, rugueux. Héros complet, Jazz sait pirater autant que combattre à main nue ou au fusil.

    Cet opus nous en apprend cependant encore un peu sur sa jeunesse aux Etats-Unis auprès d'un maître du cambriolage, même si j'ai été un peu déçu de ne pas assister à la formation proprement dite du prodige. Le passé se recoupera d'ailleurs avec le présent, la série liant toujours l'intime, le familial avec les affaires de corruption ou criminelles. Au-delà de héros a peu près invincibles, une des forces de la série est de proposer des galeries de gueules de truands, toutes aussi patibulaires, sadiques, perverses. Mais contrairement an premier cycle où les tueurs chauves mettaient fort à mal les talents de Jazz, ici le combat est plutôt une balade islandaise où malgré les séquences de combat extrêmement dynamiques, pas un instant l'inquiétude ne point sur le destin de notre héros. Ceci appuyé par un Deus Ex Machina pas forcément dérangeant mais sans doute un peu facile même s'il apporte une pointe de fantastique bien intrigante. De même, les quelques cases historiques (une première dans la série) illustrant des vikings nous font bien saliver quand à l'opportunité de trouver dans quelques années Roger dans une saga historique se rapprochant du travail de Ronan Toulhoat...

    Étant donnée sa construction il est préférable de lire les précédents tomes du cycle islandais avant d'entamer ces Trois corbeaux, qui reste malgré tout un nouveau chef d’œuvre visuel. Si la trilogie barcelonaise est un cran au dessus, Jazz Maynard reste, quel que soit l'album, un incontournable de la BD que l'on relis aussitôt l'album terminé pour ausculter chaque case.

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    https://etagereimaginaire.wordpress.com/2018/04/25/les-trois-corbeaux

    Shaddam4 Le 23/04/2018 à 16:08:08

    Cet étonnant album est ressorti cette année chez Dargaud avec une nouvelle couverture, ce qui m'a permis (grâce à la bibliothèque) de découvrir une très belle histoire et un illustrateur à surveiller de très près car il est vraiment très très subtile...

    Un jour le calife de Bagdad organisa un grand concours de contes. Au vainqueur plus de richesses qu'il n'en pourrait rêver, au plus mauvais l'exécution, car l'art noble ne peut être abaissé... Les meilleurs narrateurs du pays s'y inscrirent et parmi eux, cinq personnages qui les dépassaient tous: alors qu'une voyante leur prédit leur avenir ils seront amenés à un voyage au fond du monde afin de constituer le conte ultime...

    Ce qui fait une bonne histoire ce sont des personnages. Ce qui fait une bonne histoire ce sont aussi des paysages. Ce qui fait une bonne histoire c'est de l'exotisme, de l'aventure et un soupçon de magie... Velhmann connaît ses gammes. Si son histoire des mille et une nuits revêt un côté un peu hermétique (comme souvent dans les contes!), elle suit une progression linéaire et surtout une construction très audacieuse en jouant avec le spectateur en intégrant le rite du récit oral dans la BD. Ainsi l'album s'ouvre et se termine (dans un sublime noir et blanc estompé) par un narrateur qui va ouvrir et refermer son histoire que l'on tient entre les mains (ce n'est pas artificiel, vous verrez, c'est comme dans les films Marvel, faut rester jusqu'au bout!). Puis, dans cette histoire entrecoupée et plusieurs récits (on aurait aimé une petite audace de mise en poupées russes...), moultes réflexions interviennent sur la notion de public, sur la raison d'être du conte ou encore sur la destinée. Les récits ne sont alors pas tous passionnants (j'avoue être resté stoïque devant la double page de l'arbre aux oiseaux) mais la richesse du quintet permet de compenser cela.

    Dès la présentation (rapide) on se passionne pour ces cinq conteurs et pour les dialogues pleins d'intelligence et de mauvais esprit, en particulier l'excellent Anouar, vieil ermite anarchiste plus prompt à insulter son prochain qu'à émettre des tirades de sagesse. Car ce que recherche Velhmann au sein d'un cadre très formaté, c'est la surprise du lecteur. Dès les premières pages la voyante explique aux personnages et au lecteur les grandes lignes du voyage, déflorant le récit et quelques mystères. Ce voyage initiatique doit se passer au-delà des apparences. Alors inévitablement la chute n'est que l'aboutissement logique de la trame et ne surprendra pas le lecteur, amenant une petite déception...

    Pourtant cet album est doté d'un trait comme je n'en avais jamais vu (ou si, dans une variante, chez Edouard Cour sur Heraklès): d'un premier aspect gribouilli se cache sous la crysalide un dessin d'une finesse impressionnante. Je suis plutôt fasciné par les illustrateurs-encreurs comme Lauffray, Roger, ou Nicolas Siner, mais force est de reconnaître la capacité de ces très fines hachures à donner une texture, une vitesse et un dynamisme impressionnants au dessin. En une calligraphie aérienne Duchazeau nous dresse un paysage de l'Inde, De Grèce ou de montagnes. Une ombre crée une expression précise qui appuie l'humour très spécial de l'album. En ressort un album très élégant dont l'harmonie entre texte, dessin et couleurs force le respect.

    Je vous invite donc à écouter ce conte en suivant ces personnages hauts en couleurs et sans vous soucier plus que cela du sens de l'histoire, sur le fil de la plume de Duchazeau. Une très belle découverte.

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    Shaddam4 Le 23/04/2018 à 16:02:39
    Le troisième Testament - Julius - Tome 5 - Julius V

    La maquette de la série du Troisième Testament est toujours aussi travaillée, avec des pages de gardes et une ligne générale maîtrisée. Une série dont l'harmonie fait plaisir dans la bibliothèque. Pour rappel, "Julius" est la série préquelle du Troisième Testament d'Alice et Dorison, l'une des séries les plus acclamées et qui a lancé le genre de la BD historico-ésothérique (avec le Triangle secret , Le Décalogue, le Scorpion et toute la ribambelle de séries sur l'histoire occulte de l'Eglise).

    Julius est une série compliquée qui demande à son lecteur de la pugnacité. Pour expliquer cela je vais faire un petit rappel... Il y a vingt ans paraissait le premier tome d'une série qui allait révéler deux des auteurs parmi les plus réputés et influents aujourd'hui: Alex Alice (Le château des étoiles, Siegfried,...) et Xavier Dorison (Undertaker, Long John silver, Red Skin,...), deux autodidactes qui révolutionnaient le genre et permettaient à Glénat, éditeur connu pour ses BD historiques (Bourgeon par exemple) de moderniser son catalogue. Des dizaines de séries ont vu le jour suite à cette BD qui étale sa publication sur six ans en proposant un incroyable équilibre entre BD d'action, policière et BD historique, le tout inséré dans un scénario enchevêtré qui exige du lecteur de rester concentré. Tout cela directement inspiré bien entendu par le chef d’œuvre Le Nom de la Rose et surtout son adaptation au cinéma.

    Sept ans après la fin de la première série qui se clôturait sur un dénouement impossible à anticiper et complexe quand à ses ramifications, les auteurs faisait sortir une série devant relater l'histoire de Julius de Samarie dont la légende est le point de départ du Troisième Testament. La subtilité des indices semés rendaient la série originelle exigeante mais celle-ci était très rythmée par l'action et les visuels épiques.

    Le fait de changer complètement de décors (un général romain au visage de Marlon Brando...) est d'abord troublant pour un lecteur qui aurait lu la première série (je préconise d'ailleurs vivement de lire la totalité dans l'ordre de parution chronologique). Outre le changement de dessinateur au second tome (on gagne en qualité de dessin, Montaigne étant vraiment talentueux), ce choix va diriger une progression scénaristique laborieuse que je ne m'explique que par le départ de Dorison après la mise en route du premier tome. Le talent de scénariste n'est pas donné à tout le monde et malgré la grande qualité de ses ouvrages solo, Alice n'est pas du niveau du scénariste d'Undertaker... Ainsi, si la progression du personnage principal de général romain avide et incroyant à celui de prophète est bien amenée, l'intrigue générale est cahoteuse: après un premier tome très construit et qui amène notamment les fameux guerriers corbeaux qui pimentent la série, l'on part dans un étonnant périple en deux volume (subdivision interne de Julius... pourquoi ?), ce qui coupe l'intrigue. Dans les deux derniers volumes, et notamment le volume 5 l'on a d'incessants va et viens à la fois géographiques et dans la relation et les choix de Julius et du Sar Ha Sarim. L'on a bien compris que la série était structurée autour de cette dualité par ailleurs très intéressante (sorte de trinité avec Julius âgé, sa fille son gendre: Père-Fille-Saint-esprit?). Mais soit par mauvais choix scénaristiques soit par hésitations, on sent des flottements qui rendent l'évolution d'autant plus laborieuse que toute l'histoire tourne autour de ces personnages. Et à la différence de la première série, assez peu d'action vient finalement dynamiser cela et surtout la dimension fantastique est pratiquement absente jusqu'au dernier tome alors que les interventions du sénateur Modius, versé dans les arts noirs, était un des points forts du premier album... Le questionnement autour de l'identité du Sar Ha Sarim, du rôle divin de Julius, sont complexes, et jamais aucun élément ne viendra expliquer l'origine des guerrier-corbeaux, ce qui sera une des rares fautes du scénario, laissant une des grandes questions de la série totalement inexpliquée...

    Malgré toutes ces réserves, qui me faisaient craindre l'album de clôture, Julius reste une série unique, ambitieuse et assez fondamentale pour finir de comprendre la série mère. Le tome cinq nous amène à ce titre une conclusion très digne (toujours bringuebalant dans sa construction mais ramenant enfin ce fantastique et ce côté épique tant aimés). Construit autour du siège de Jérusalem par les armées romaines puis par les armées d'hommes corbeaux, il resserre l'intrigue comme un drame de théâtre en un lieu unique où tous les personnages vont converger. Tout se dénoue et à ce titre la série garde une grande cohérence générale. Les scènes de bataille apocalyptiques sont belles et bien faites, on a de l'héroïsme, bref, c'est chouette. Graphiquement c'est majestueux, encré, et très lisible ; la série aura permis de révéler un artiste très talentueux qui devrait compter à l'avenir. La maîtrise des plans impressionnants, de la zone grise entre le magique divin et l'historique cartésien sont vraiment bien gérés. De même les personnages sont subtiles et tous intéressants, même s'il aura été compliqué tout au long de la série de savoir quels personnages étaient importants: paradoxalement le plus visible, le colosse Shem n'est finalement qu'un acolyte mineur... Les failles principales sont les grosses ficelles (Julius rentre dans Jérusalem assiégée comme dans un moulin et en ressort aussi tranquillement) et le découpage des albums et de la série (le voyage en orient, pour intéressant qu'il soit nécessitait-il deux tomes?). Je dirais que chaque volume individuellement est remarquable, que la série rejoint et explique la série mère, mais qu'en tant que série elle reste assez bancale dans sa construction. Je pense que ceux qui auront aimé le Troisième Testament devraient lire Julius d'une traite et y trouveront grand plaisir, mais les cinq tomes de Julius pris isolements restent dispensables.

    Lire sur le blog:
    https://etagereimaginaire.wordpress.com/2018/04/18/le-troisieme-testament-julius-5

    Shaddam4 Le 12/04/2018 à 09:22:15
    Horacio d'Alba - Tome 1 - La République du point d'honneur

    La série a commencé à paraître chez 12bis avant sa disparition et a ensuite été reprise par Glénat en même temps que la sortie du tome 3. La maquette de couverture de l'édition Glénat est franchement moins élégante que l'originale, de même que l'illustration.

    Dans une Renaissance italienne uchronique, les cités du Nord de l'Italie se sont unies en une République transposant tout conflit dans des duels réglementés. Depuis cent ans l'art du duel est enseigné dans deux puissantes académies sous la coupe d'un Sénat empruntant aux traditions de la Rome antique. Le plus doué des duellistes est Horacio d'Alba. Pris entre son respect des traditions, l'obéissance au chef et les bouleversements politiques qui se trament dans l'ombre, il devra faire des choix... qui impacteront jusqu'à ses plus proches.

    Horacio d'Alba est une très belle série historique politique au format court et à l'ambition importante, pour deux jeunes auteurs (c'est la première BD du dessinateur, la seconde du scénariste). Les trois tomes semblent écrits par un chevronné tant ils sont équilibrés dans leur exposition et la montée en régime. Le côté dramatique, shakespearien est assumé et porté par des tableaux d'intérieur relevés par le dessin très encré de Siner, par des dialogues nombreux et des personnages tragiques (dès la scène d'introduction où Horacio tue sa femme en duel). J'ai trouvé le dessin très classe extrêmement proche de ce que faisait Alex Alice à ses débuts (regardez le premier volume du Troisième testament et celui d'Horacio d'Alba, Siner n'a pas à rougir), avec la même puissance mais aussi les mêmes défauts. L'illustrateur est en progression et propose tantôt des plans magnifiques de contrastes, d'encrages, de superbes visages, quand sur un certain nombre d'autres cases sa gestion des regards est un peu flottante. Il y a une grande proximité avec le travail de Dimitri Armand, tous deux ayant un vrai talent mais quelques défauts à corriger. Le second volume est l'un des plus réussis que j'ai lu en BD historique depuis quelques temps, avec notamment une scène d'affrontement à grande échelle entre les deux académies extrêmement puissante.

    On sent néanmoins le plaisir de dépeindre une époque faite d'art et d'artisanat. Ainsi le compagnon de route d'Horacio est un imprimeur et les auteurs présentent maintes digressions sur les avancées scientifiques ou médicales de la Renaissance, ce qui habille le contexte et donne un fonds très intéressant à la série. Une petite connaissance des périodes historiques aidera à s’immerger dans Horacio d'Alba mais n'est pas indispensable, le lecteur pouvant aussi se laisser porter par le récit comme il le ferait dans de la Fantasy. Car la série est à cheval entre les deux: un peu comme Servitude, elle revête un traitement résolument historique dans un contexte fictif et fantasmé (ce qui permet selon moi d'allier le meilleur des deux genres!). La dimension politique est centrale, avec une République soumise aux assauts d'un cardinal en passe d'être élu au pontificat, un roi de France observateur mais interventionniste et des conflits internes entre les Anciens et les Modernes de la Républiques du point d'honneur. Les dessins insistent sur les détail des objets, des costumes et des paysages (ces derniers ne sont cependant pas le point fort de la série) pour retranscrire une époque fascinante dont Horacio d'Alba propose d'être un moment caché, comme la chute du scénario l'amène très intelligemment. J'aime toujours quand la première case réponds à la dernière en bouclant la boucle, procurant une grande satisfaction de lecture.

    Avec ses quelques petits défauts graphiques, Horacio d'Alba donne pourtant envie que l'histoire continue tant les personnages et cette histoire sont originaux, dans la même idée que celle du Troisième Testament ou du Château des étoiles: une passion de l'Histoire et des histoires, en proposant de la BD d'aventures politiques et d'action à la fois grand publie et intelligente. On souhaite en tout cas de beaux projets pour ce couple d'auteurs qui confirme leur talent sur leur première série.

    Lire sur le blog:
    https://etagereimaginaire.wordpress.com/2018/04/11/horacio-dalba

    Shaddam4 Le 10/04/2018 à 10:51:04
    Les larmes du seigneur afghan - Tome 1 - Les Larmes du seigneur afghan

    En 2012 la grand-reporter belge Pascale Bourgaux sort son documentaire sur un seigneur de guerre afghan, compagnon d'arme du commandant Massoud et baron local du nord de l'Afghanistan. Tournant depuis dix ans dans ce territoire, la journaliste a connu les évolutions de la situation depuis l'intervention américaine de 2001. le documentaire témoigne de la nouvelle situation tragique qui voit une population désabusée et prête à rendre les rennes aux Talibans pour peu qu'ils garantissent la sécurité et l'éducation... En 2014 sort la BD du même titre: il s'agit d'une sorte de making-of, de transposition illustrée (certains plans sont repris du film), en bref ce qu'on appelle une adaptation.
    "Les occidentaux, vous êtes obsédés par la Burqa! Si cela pouvait être le seul problème des afghanes je serais ravie, Pascale."
    Il est probable que peu de personnes aient vu le film (diffusé une fois sur canal+) et la BD est l'occasion de s'immerger dans ce formidable récit, d'en ressentir la tension. Elle permet aussi de voir l'envers du décors. Les réactions de la journaliste quand elle craque, ses interrogations, les images tournées mais non retenues ou les séquences intégrales avant montage qui nous donnent à voir des discussions qui n'étaient pas montrables. Bien sur, il y a toujours une part de fiction (dans un film comme dans une BD) mais le projet d'adaptation, outre de très belles illustrations (et quelles couleurs!) est vraiment pertinent et donne à lire une oeuvre à part entière. Je trouve simplement regrettable qu'aucune information ne soit donnée sur l'origine du projet, sur le film, sur l'auteur. Plus que toute autre BD, une BD-docu nécessite à mon sens un avant propos et des annexes permettant d'élargir son périmètre, de mieux appréhender ce que l'on vient de lire et de faire la part des choses entre le réel et le récit. L'album y perd beaucoup, en se terminant brutalement sur une page blanche de garde, c'est dommage.
    Après une entrée en matière classique qui m'a fait craindre un énième reportage illustré, j'ai été surpris par le stress ressenti dès lors que les personnages commencent leur voyage vers la région tribale de Mamour Hassan (le chef). Sans le son d'un reportage vidéo, sans le réel des images, le seul contexte rappelé, les dialogues des personnages, nous font ressentir à la fois l'urgence, le danger permanent et le fait d'être au bord du monde que l'on connaît. L'écart de culture, même chez cet ami puissant, respecté, adversaire radical des talibans, fait que l'incident peut survenir à tout moment. Un geste, une phrase déplacée peut jeter la honte sur un sage observé de tous, le contraindre par honneur à des gestes, des décisions qu'il ne souhaite pas et qui fragilisent l'équilibre entre la guerre civile et le retour à la civilisation de ce pays.
    "Le chauffeur était prêt à nous trahir. Mais quand il réalise que le prix de cette trahison risque d'être plus élevé que prévu il renonce."
    Sans appuyer, par le seul témoignage, l'on a le sentiment de comprendre la réalité du pays de 2014: un pays rural, pauvre, peuplé de personnes pour qui la seule éducation est celle des mollah. Là le rôle du seigneur de guerre Mamour Hassan devient plus fondamental encore que celui du gouvernement central: c'est lui qui construit les écoles, qui nomme les instituteurs. Des instituteurs qui ont pour partie basculé dans le camp des talibans alors qu'ils sont fonctionnaires de l'Etat... Car l'Etat est Mamour Hasan dans cette province reculée. Les Talibans sont déjà dans les têtes de populations qui ne voient pas arriver les milliards de l'aide occidentale, détournée par la corruption de Kaboul. Une population qui vit depuis des décennies dans une version obscurantiste de l'Islam. Et seule l'autorité morale de Hasan maintient sa ville sur le chemin des Lumières. Dans cet environnement insidieux, caché, collaborationniste, la journaliste occidentale n'est acceptée que par-ce qu'elle est l'invitée du chef. Elle et son cameraman savent qu'à l'instant où le chef est parti ils sont en danger de mort.
    Les larmes du seigneur Afghan est une BD très forte pour qui s'intéresse à l'actualité, au difficile sujet de la cohabitation entre deux cultures, l'Islam et l'Occident, à un pays probablement unique dans l'histoire du monde. Un pays qui cristallise depuis si longtemps les soubresauts du monde et dans lequel des habitants ne demandent qu'à sortir des projecteurs.

    Lire sur le blog:
    https://etagereimaginaire.wordpress.com/2018/04/08/les-larmes-du-seigneur-afghan

    Shaddam4 Le 06/04/2018 à 16:50:26

    Une jolie édition (couverture très efficace) avec petite bio des auteurs et bibliographie très intéressante à la fin. Les auteurs avertissent le lecteur sur le  caractère fictionnel de cet album... basé sur des personnages et faits réels. On reste donc bien dans de la BD docu.

    Béatrice, fille d'appelé d'Algérie n'a jamais pu entendre son père parler de cette guerre qui a pourtant marqué la famille comme beaucoup d'autres foyers. Elle décide de partir en Algérie à la recherche de témoignages pour comprendre ce qu'a été cette guerre. Elle y découvre un versant enfoui: celui de la place et du rôle des femmes dans la guerre d'Algérie.

    Le grand intérêt de cette BD est son caractère pédagogique et le fait de traiter du rôle et de la situation des femmes dans cette salle guerre. Le scénario reprend le classique cheminement en entretiens avec différents témoins lors du voyage en Algérie que fait le personnage focus, ce qui permet à la fois de structurer le récit et de décrire différents points de vue, intelligemment reliés les uns aux autres. On suppose que cet enchevêtrement des récits est inventé mais son efficacité est pertinente en évitant que l'album ne soit qu'une succession de témoignages.

    Sous un schéma classique, les auteurs nous permettent de parcourir un plan large de ce qu'a été la guerre d'Algérie. Depuis quelques années on a un nombre non négligeable d'ouvrages, films, documentaires, articles traitant de cette dernière guerre coloniale mais la complexité qu'elle recouvre rend salutaire la démarche de Merali et Deloupy. De manière accessible, sans reculer devant la dureté de montrer (la torture, les mutilations,...), ils nous font entrer dans ce qu'ont vécu ces femmes très différentes, avec leur subjectivité. Mais la relativité des faits est une partie de la mémoire. Ce qui importe c'est la parole (ce qui ressort de tous les témoignages de périodes de génocides et de guerres). L'ouvrage s'ouvre sur les silences du père et l'on comprend très vite que tout va tourner autour du récit. L'une des femmes a été moudjahidine, a vécu la torture mais aussi les premières heures de la Nation algérienne, avec ses corruptions et sa perte d'idéal. Une autre, pied-noire restée sur place, n'a pas compris pourquoi on lui enlevait son Algérie, niant le sort fait aux indigènes. Une fille de Harki se souvient de cette fuite du rapatriement et l'internement dans des camps en Provence,... Ce sont autant de facettes de la réalité d'une guerre sale, grise, sans héros, sans victoire. Il ne manque plus que le récit de l'histoire de la colonisation, seule à même d'expliquer l'inexplicable. Ce n'était pas l'objet de l'album et aucune œuvre ne peut aborder une problématique si complexe, s'étalant sur 130 ans.

    Le prisme adopté est celui des femmes. Mais l'on comprend à la lecture qu'il aurait pu être celui des pieds-noirs ou des berbères, des enfants d'appelés,... autant de victimes de la guerre menée par des hommes chrétiens et des hommes arabes qui ont oublié pourquoi ils se battaient. Cette BD est une vraie belle action citoyenne et une très bonne porte d'entrée sur un sujet souvent évité. Une belle occasion.

    Lire sur le blog:
    https://etagereimaginaire.wordpress.com/2018/04/01/le-docu-du-week-end-3-2

    Shaddam4 Le 06/04/2018 à 16:48:31

    Le travail du jeune éditeur Bliss est tout à fait remarquable. J'ai l'habitude des comics indé d'Urban, assez propres, mais ici on fait un saut qualitatif avec un descriptif minutieux de chaque épisode, une galerie de couvertures, les couvertures originales des épisodes et un making-off passionnant à la fin. Tout cela constitue un véritable guide de lecture bien salutaire et qui prouve le sérieux du boulot d'édition. bravo, ça fait plaisir et renvoie un certain Panini à l'âge de pierre...

    Depuis des millénaires l'Ennemi éternel affronte le Guerrier éternel Gilad Anni-Padda, protecteur des Géomanciens et le vainc chaque fois, rompant l'équilibre entre le bien et le mal, entre la Terre et l'obscurité. Mais les choses ont changé: alors que la confrontation se profile à nouveau, les alliés du projet Rising Spirit entrent en action pour protéger la Géomancienne de l'adversaire...

    La première chose qui marque dans ce comics ce sont ses dessins, assez old-school mais très précis, proches de la ligne claire par moments... ce dont on n'a plus trop l'habitude de voir dans les comics. On a une certaine statique du style mais cela reste assez élégant.  L'album reste néanmoins bien encré et très efficace. Le design de l'Ennemi notamment m'a marqué: il est très compliqué de représenter le démon absolu, invincible, et les auteurs sont parvenus à créer une représentation intemporelle, effrayante à la fois psychologiquement et physiquement. Tirant ses pouvoirs autant de l'esprit de ses adversaires que du monde matériel, ce méchant est l'un des plus marquant qu'il m'ait été donné de voir dans une BD, tant par son côté invincible, inéluctable, que par la diversité des inspirations qu'il reprend. Et quand le méchant est réussi on a déjà fait plus de la moitié du chemin vers une bonne, voir une très bonne BD...

    Ensuite les personnages, dont Bloodshot (qui se révèle être central dans l'intrigue et les suites envisagées) qui sous des airs de faux Wolverine (le guerrier immortel, sauvage, puissant, contaminé par la technologie) arrive lui aussi à nous intéresser par des bribes d'informations sur sa vie passée et des dialogues savoureux dans ses échanges avec la Géomancienne. Car la grande force de cet album (relativement court) c'est de distiller une grande quantité d'informations, suffisamment légèrement pour titiller la curiosité mais sans nous assommer comme dans beaucoup de comics Marvel ou DC. Ici le lecteur novice est le bienvenu et traité avec égards pour son intelligence et ses capacités à déchiffrer et anticiper les informations.

    L'univers proposé est complet et complexe, donnant envie de lire les séries indépendantes de chacun des héros et donc il est certain que la mission de porte d'entrée que revêt cet album est totalement réussie. En moins de cent pages, sans se précipiter, on nous présente Bloodshot, Ninjak, le Guerrier Éternel, Casseur, Aric et bien d'autres. On comprend qu'une organisation internationale emploie des héros pour lutter contre les menaces, tout cela en suivant la trame très claire de la lutte millénaire autour des Géomanciens. Beaucoup de choses parfaitement équilibrées. En outre le côté écologique, les héros torturés, le voyage dans le temps et surtout la dimension mythique du combat avec les grandes figures du Mage-Princesse, du Démon et du Protecteur permettent un véritable supplément d'âme à ce comic qui crée un vent de fraicheur sur l'univers des super-héros hautement blasant depuis bien longtemps.

    Si vous n'êtes pas familier avec l'univers Marvel /DC et craignez de vous y perdre, Valiant est fait pour vous. Cet album au ton étonnamment mélancolique et à la fin surprenante est l'un des meilleurs que j'ai lu depuis longtemps et fait découvrir un nouvel imaginaire que j'ai hâte de découvrir.

    Lire sur le blog:
    https://etagereimaginaire.wordpress.com/2018/04/02/valiant-1

    Shaddam4 Le 06/04/2018 à 16:44:19
    Urban - Tome 1 - Les règles du jeu

    La maquette est élégante comme toujours chez Futuropolis et le format large permet d'apprécier la qualité des dessins et du découpage. C'est confortable. La ligne graphique des couvertures, si elle est cohérente avec l'atmosphère de la série, n'est pourtant selon moi pas très efficace pour donner envie...

    Dans un futur proche le réchauffement climatique à submergé une grande partie des terres habitées, provoquant un exode sur les planètes et satellites du système solaire. Dans ce monde dystopique où l'écart entre riches et pauvres a atteint le stade du XIX° siècle, la cité de Monplaisir fait figure de respiration pour une population aux aboies: pendant deux semaines par an ils peuvent s'adonner à tous les plaisirs au sein d'une cité hyper-connectée et gérée par une intelligence artificielle. Un paradis...?

    Si certaines séries sont plus visibles pour le marketing qui les entoure, on peut dire que les auteurs d'Urban ne vont eux pas vers la facilité et que les choix scénaristiques ne souffrent d'aucun compromis. Il s'agit d'une BD qui nécessite de s'immerger, de prendre le temps et surtout, de tout lire à la file, tant Luc Brunschwig a construit son intrigue de façon très progressive, lentement, séparant chaque album quand aux protagonistes centraux ou via des flashbacks. Tel un puzzle en cinq tomes, les différents éléments convergent progressivement vers la conclusion, de façon tout a fait cohérente et maîtrisée. A ce titre cette BD force le respect pour la rigueur du travail d'écriture. Pour résumer, Urban s'appréciera idéalement en format intégrale.

    Ainsi l'entrée en matière est compliquée. L'on suit un colosse un peu simplet parti contre l'avis de sa famille pour devenir policier à Monplaisir et discutant avec un personnage qui semble imaginaire... Dès l'entrée en matière, une galerie de personnages hauts en couleurs nous immergent dans un monde de carnaval permanent où tout le monde est déguisé et où il est compliqué de démêler la réalité de la fiction (imaginaire, virtuel?) dans un contexte futuriste sur lequel le lecteur n'a que très peu d'informations. Ce brouillage est calculé mais il faudra avancer dans la série pour s'en apercevoir. Des personnages nouveaux surviennent sans que l'on sache s'ils sont importants ou périphériques et même le personnage principal, Buzz, est assez peu présent dans les albums. Le découpage lui-même joue de cela avec des irruptions brutales de scènes au milieu d'autres, non reliées directement... Je ne veux pas donner une l'image d'une série ardue car Urban est vraiment une bonne BD, mais il me paraît important d'être prévenu pour apprécier celle-ci à sa juste valeur.

    Heureusement les dessins, de très grande qualité et très lisibles (notamment la mise en couleur un peu floutée et jouant sur un éclairage électronique permanent), permettent de faciliter la lecture durant les premières pages. Le jeu discret du repérage des héros de l'imaginaire collectif (Batman par-ci, Zoro par là...) présents dans Monplaisir est également savoureux et incite à se plonger dans les cases larges de Ricci. L'artiste propose un design SF élégant, coloré, et une réalité crue: dans ce paradis des plaisirs le sexe et la violence sont bien présents, permettant des scènes d'action efficaces bien que peu nombreuses. Ce qui est le plus perturbant c'est de ne pas avoir de personnage à suivre (hormis Buzz) mais cela nous pousse à chercher d'autres focales, d'autres personnages, à échafauder des théories, ce qui est probablement recherché et est fort agréable, comme dans un bon polar (Brunschwig est auteur de l'Esprit de Warren, un polar sombre réputé à sa sortie en 1996). L'intrigue suit autant Springy Fool, le grand architecte transmuté en lapin d'Alice que ce couple de mineurs de Titan, un gamin et sa nounou que cette prostituée tatouée... L'illustrateur prend grand plaisir et précision à nous les présenter et nous les attacher si bien que l'on ne sait jamais qui est le réel centre de cette histoire.

    A mesure que l'on avance dans l'intrigue la réalité se durcit, le rideau de la féerie se déchire pour laisser transparaître une réalité dystopique bien noire... Car le message de Brunschwig est simple: que se passera t'il dans quelques années dans un monde libéralisé où les États auront abandonné leur devoir de protection des population à des sociétés connectées qui pourront se comporter en démiurges autoritaires? Un monde où Disney allié à Google aura gagné, contrôlant nos vies d'endettés accro aux loisirs? J'avais retrouvé une idée proche d'Urban dans l'excellente série américaine Tokyo Ghost (en version trash...) comme dans l chef d’œuvre de Pixar Wall-E.

    J'ai découvert à travers cette série un excellent dessinateur et retrouvé un auteur que je n'avais plus lu depuis ses débuts. Le plus gros défaut d'Urban est qu'il faudra attendre encore un an avant de connaître la conclusion...

    Lire sur le blog:
    https://etagereimaginaire.wordpress.com/2018/04/04/urban

    Shaddam4 Le 29/03/2018 à 12:53:17

    Etienne Gendrin nous propose pour sa première BD publiée, un reportage sous la forme d'entretiens qu'il a pu mener au sein d'un foyer de mineurs étrangers, avec une galerie d'exilés en attente de droit d'asile.

    Dès mon second billet pour cette rubrique je fait une entorse sur le côté graphique: il faut reconnaître que nous avons là un premier album d'un auteur amateur... avec un niveau graphique pas terrible. Mais je le dis souvent ici, on adapte ses exigences à l'auteur. J'avais été assez dur avec le Roy des Ribauds 3 de Toulhoat (auteur que j'adore par ailleurs) et surtout avec Pontarolo sur les Déchaînés, par-ce qu'il s'agissait d'auteurs professionnels. A l'inverse, le niveau technique de Gaël Henry sur Jacques Damour ne m'avait pas posé de problème par-ce que l'auteur sait compenser par une maîtrise du cadrage, des expressions et des situations. Bref, Gendrin propose ici un reportage qui vaut surtout pour ce qu'il nous apprend, pour le projet en lui-même que pas le graphisme qui finalement nous apporte peu.

    L'album est donc structuré en plusieurs parties centrées sur le récit d'un migrant. Ils viennent d'Afrique, du Caucase ou d'ailleurs mais ont en commun leur dynamisme (ils ont parcouru seuls des centaines, voir des milliers de kilomètres par-ce qu'ils voulaient s'en sortir) et leurs traumatismes. Ici a priori rien d'inventé (j'y reviens). Parfois l'auteur ne parvient pas à faire parler le jeune et se fie à un tiers (le directeur du centre, un autre migrant,...). Mais ces récits sont touchants par-ce qu'ils nous mettent devant les yeux la vraie vie souvent incroyable de personnes banales dans un foyer banal. L'un a vu son père tueur à gage officier devant lui, un autre a été enrôlé de force dans une guerre civile,... Ces traumatismes sont relatés de façon froide, au travers du graphisme, sans aucun jugement ni commentaire. Les seuls analyses viennent des personnels du centre (le directeur donc, mais aussi deux professeurs de français). Ce sont eux qui donnent le recul à ces récits en nous apprenant plein de choses sur un sujet peu traité par les média par-ce que très règlementé (et donc peu sujets à débat ou à passions...). Par exemple que les mineurs arrivant sur le territoire sont obligatoirement logés, nourris et éduqués par la Nation, jusqu'à leurs 18 ans. Alors ils deviennent soit sans-papier soit reçoivent leur statut de réfugié. Ainsi le personnage s'interroge sur l'intérêt pour un pays de renvoyer dans leur pays des gens pour qui il a été dépensé de grosses sommes pendant des années, qui parlent le français, ont des compétences... On apprend également la situation du Cabinda, enclave de l'Angola en situation de guerre civile et dont aucun média ne parle... Les professeurs nous rappellent que ces jeunes, qui cohabitent avec des jeunes français placés dans le foyer (pour d'autres motifs donc, qui ne seront pas abordés dans l'album), tirent tout le groupe vers le haut, par leur envie de s'en sortir, par leurs efforts constants, exemples que devraient suivre certains pensionnaires au vécu parfois moins compliqué.

    A un moment Gendrin dit au détour d'une phrase qu'il a changé le décors de l'entretien pour ne pas froisser le témoin... ce qui mine de rien nous rappelle que dans un documentaire seule la franchise de l'auteur nous permet de nous convaincre que tout est vrai! Un réalisme fragile donc. Certains petits détails graphiques se penchent sur l'auteur de BD doutant, parlant un peu de lui et de son travail ou sur les habitudes des pensionnaires du centre. Cela donne du corps à l'album et c'est à ce moment que malheureusement la qualité graphique affaiblit un peu le propos.

    Droit d'Asile, monté comme un formidable guide pédagogique (que tout CDI et bibliothèque devrait avoir), n'en reste pas moine un très bon petit livre et l'auteur l'a pas à rougir de ses faiblesses tant la lecture est agréable et surtout très instructive. Etienne Gendrin a depuis publié un album brossant le portrait de sa grand-mère  aux éditions Casterman.

    Lire sur le blog:
    https://etagereimaginaire.wordpress.com/2018/03/25/le-docu-du-week-end-2

    Shaddam4 Le 29/03/2018 à 12:51:05
    Low - Tome 4 - Derrière le brouillard

    LOW est une série exigeante. De part les dessins très particuliers de l'illustrateur, par les sauts incessants dans le temps ou dans l'espace entre les volumes, par les bulles de narration qu'aucune indication ne rattache à un personnage en particulier... Le scénariste nous malmène dans un monde désespéré, entre des personnages torturés par la vie (au propre comme au figuré), affrontant les pires créatures de ces bas fonds. Cela car la ligne de force de ce comic est l'espoir dans un contexte d'apocalypse. Le trait est appuyé afin d'illustrer qu'au défi de toute rationalité, seul l'esprit peut maintenir cet espoir (comme l'explique le gourou de Stel dans le premier volume).

    Ce (déjà) quatrième volume est un peu moins intéressant (à la fois graphiquement et quand à l'intrigue): il se résume en une poursuite diluée artificiellement par un premier chapitre en flash-back permettant un Deus-ex machina un peu facile. Probablement que Remender est allé un peu loin dans la destruction de toute possibilité et doit s'en remettre à cette facilité scénaristique pour retomber sur ses pieds (pas aberrante mais un peu grossière). Surtout, le fait de revenir à Salus enlève la richesse des découvertes d'univers que permettait la série à chaque volume. Du coup le tableau est celui d'une cité (déjà vue) en fin de décadence, avec une population s'adonnant au suicide dans le plaisir... Les teintes graphiques sont également un peu ternes et visuellement le chapitre 1 revenant dans l'arène de combat des pirates où Marik affrontait des Léviathan est le plus sympa. Il faut reconnaître que le fait de changer de personnage focus régulièrement dans la série ne facilite pas l'addiction du lecteur!

    Pour ne pas noircir le tableau de ce qui reste un bon album, les points forts de la série demeurent: des séquences d'action vraiment talentueusement menées, des dialogues fins et qui apportent une vraie réflexion, enfin, last but not least, des fulgurances visuelles et conceptuelles sur des enchaînements découpés ou des pleines pages, qui nous font oublier les tics de Greg Tocchini avec ses déformations improbables.

    Rick Remender fait généralement des séries courtes. L'histoire et le concept semblent arriver à leur terme et il est probable (souhaitable) que le prochain tome soit le dernier. Une série en 5 volume est un format raisonnable et la fin de ce volume laisse augurer un changement d'environnement qui devrait permettre un apothéose graphique à ce qui restera une très bonne série de SF.

    A lire sur le blog:
    https://etagereimaginaire.wordpress.com/2018/03/26/derriere-le-brouillard

    Shaddam4 Le 29/03/2018 à 12:48:31

    Depuis quelques années Hermann travaille exclusivement avec son fils, souvent dans la collection Signé. Son style graphique en couleurs directes est reconnaissable et souvent très élégant. Côté scénarii c'est plus variable, notamment avec Yves H qui produit souvent des trames un peu alambiquées voir incompréhensibles. J'apprécie pourtant généralement les albums des deux Hermann... pourtant ici on a vraiment le minimum syndical et il est parfaitement incompréhensible de la part de l'éditeur de sortir un aussi petit album dans une collection jadis aussi prestigieuse. Pour faire vite on a l'idée d'un "The thing" mélangé à du paradoxe temporel envoyé à la va-vite et sans aucune explication. Ça ne fait pas peut, les dessins sont tout gris et il n'y a vraiment aucune originalité dans cet album. Je mets 1* pour l'idée de départ et le travail du papa. A éviter.

    A lire sur le blog:
    https://etagereimaginaire.wordpress.com/2018/03/27/albums-en-vrac

    Shaddam4 Le 29/03/2018 à 12:38:01
    Les sentiers de Wormhole - Tome 1 - Les Sentiers de Wormhole

    Pour ce projet vieux de 15 ans l'éditeur "participatif" Sandawe nous présente une sorte de Mad-Max rural dans une France de dégénérés au rouge qui tache... Le western à la mode France-profonde est assez décapant, entre la galerie de tronches toutes plus affreuses et édentées les unes que les autres et les Ragougna, sortes de monstres humanoïdes en guerre contre les habitants du "Comté" dirigé par un dictateur tout puissant. Sur un scénario de "sauvetage chez les indiens" assez linéaire, on découvre dans cet album un dessinateur vraiment intéressant, à la fois techniquement très maîtrisé et doté de son propre style (bien que se réclamant de Franquin). Il y a de la bouteille derrière ces crayons et notamment une colorisation et des textures vraiment chouettes. L'album comporte en outre à la fin un making of super intéressant. Une bonne découverte à laquelle je souhaite plein de succès et qui incite à regarder la suite avec attention.

    A lire sur le blog:
    https://etagereimaginaire.wordpress.com/2018/03/27/albums-en-vrac

    Shaddam4 Le 29/03/2018 à 12:35:11
    Katanga - Tome 2 - Diplomatie

    J'avais beaucoup apprécié le premier tome lu il y a quelques semaines. Ce second opus (qui attend un troisième) a l'étrange particularité de commencer quelques planches avant un titre de "deuxième chapitre"... comme si le premier album avait été amputé de quelques pages. On enchaîne donc sur l'équipée des barbouzes pour récupérer les diamants en territoire sauvage... et le mot est faible. Même petite gène que sur le T1 à voir ces hordes de noirs en machettes semi-cannibales. La lecture est toujours plaisante, visuellement et pour  les dialogues. Cette brochette d'ordures finies est amusante à regarder tant on ne s'attache à aucun, mais l'intrigue, plus action que sur le premier volume (étrange titre un peu trompeur d'ailleurs) est un peu réchauffée. Ça reste de la très bonne BD mais la recette de Vallée et Nury utilisée sur Il était une fois en France commence à tourner un peu en rond.

    Lire sur le blog:
    https://etagereimaginaire.wordpress.com/2018/03/27/albums-en-vrac

    Shaddam4 Le 29/03/2018 à 12:33:12
    Les tuniques Bleues - Tome 60 - Carte blanche pour un Bleu

    Après une énième charge Chesterfield se retrouve amnésique ou "courgette" selon les termes du toubib. Blutch a une semaine pour lui faire retrouver ses esprits... On capte vite l'idée de ce 60° album de Blutch et Chesterfield: faire revivre des moments passés de la série au prétexte d'une thérapie de choc. Autant le dernier album m'avait plutôt botté (sans y trouver une fraîcheur débordante) l'humour était rodé et efficace, autant ici je me suis un peu ennuyé. C'est cousu de fil blanc, les bon mots reviennent sans grande originalité (la fameuse "courgette" qui doit nous faire rire toute les 3 pages...) et il me semble bien que les auteurs ont déjà utilisé ce ressort pour d'autres albums. Vu le nombre de volumes que comporte la série, vous pouvez parfaitement oublier celui-là...

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    https://etagereimaginaire.wordpress.com/2018/03/27/albums-en-vrac

    Shaddam4 Le 29/03/2018 à 12:32:05
    Radiant - Tome 2 - Tome 2

    Seth, dit "biquette" poursuit son apprentissage et cimente son groupe dans sa quête du Radiant. Je me suis marré au moins autant dans ce second volume, dont le dessin est toujours tip-top, les personnages grossiers à souhait (avec juste ce qu'il faut de scato-vomi...) et les combats hyper-dynamiques. L'idée du Fantasia comme incarnation de la magie permet de belles volutes dans les planches et le méchant du volume est charismatique et inquiétant à souhait. Les échanges verbaux sont tordants (mention spéciale pour le capitaine Konrad de Marbourg (référence quand tu nous tient...) totalement parano). Pour l'instant on a un sans faute avec une progression hyper rapide et 100 vannes par case. Chapeau l'auteur, moi je continue!

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    https://etagereimaginaire.wordpress.com/2018/03/27/albums-en-vrac

    Shaddam4 Le 29/03/2018 à 12:26:38
    Azimut (Lupano/Andréae) - Tome 4 - Nuées noires, voile blanc

    Comme sur tous les albums de la série, l'intérieur de couverture comporte un extrait du dictionnaire des oiseaux du monde d'Azimut. L'illustration de ce quatrième tome est moins chatoyante que précédemment... mais je chipote. La maquette est toujours aussi élégante et prépare agréablement la lecture. En revanche le titre du volume est en tout petit sur la couverture et n'apparaît pas sur la tranche, ce qui est dommage. Beau travail éditorial néanmoins.

    Azimut est depuis quelques années ma série préférée avec Servitude. A l'époque je connaissais le scénariste Lupano par sa première série Alim le tanneur mais je n'avais pas fait attention à sa présence (pourtant essentielle!) sur la série. Non, l'argument de vente a été l'univers fantastique absolument incroyable d'un adorable illustrateur à la modestie infinie: Jean-Baptiste Andreae. Pour les plus anciens, son premier ouvrage "Mangecoeur" avait fait parler de lui pour l'univers à la fois coloré et inquiétant qu'il proposait, un monde empli d'objets mécaniques improbables, de poupées aux dents pointues ou de visages déformés. Son monde peut s'approcher de celui d'un Tim Burton par un esprit doux-amer, mais en bien moins sombre cependant.

    Azimut réussit le pari incroyable de mettre cet illustrateur de grand talent (et adepte des femmes charnues) au cœur même de son imaginaire graphique! Comme un enfant dans un bac à sable absolu, il peut laisser libre court à ses visions, au sein d'un scénario qui semble totalement fait pour lui, épousant, utilisant, tout en guidant son style. J'appelle cela l'alchimie parfaite entre le dessin et l'écrit. Avec un humour désormais connu de Wilfried Lupano, que demander d'autre que d'avoir l'une des plus importantes séries BD des vingt dernières années? (oui-oui, j'assume!).

    L'histoire basée sur le temps (avec ses corollaires du paradoxe temporel, du retour en arrière et autres sauts tous azimuts...) est complexe, révélée progressivement. Pourtant chaque album reste rapidement et agréablement lu même si l'on ne se replonge pas au préalable dans l'intégralité de la série. Une série à plusieurs niveaux en somme: le premier empruntant aux créations passées d'Andreae (comme le mésestimé Terre mécanique) construite comme une poursuite perpétuelle entre un groupe de freaks mignons et des poursuivants très méchants, le second très sophistiqués articulé sur plusieurs époques entre lesquelles les personnages naviguent en laissant le lecteur soupçonner qu'untel est le passé ou le futur d'un autre ou que cette séquence se déroule dans l'esprit de celui-la... Très casse-gueule comme scénario mais jusqu'ici admirablement construit et pas un instant l'on peut soupçonner le scénariste de partir sans plan préconçu. Après tout Bajram sur Universal War 1 avait bien un plan entièrement ficelé qui lui a permis de boucler magistralement son histoire de paradoxes spatio-temporels.

    Ce qui permet de fluidifier cela c'est donc le monde peint par l'illustrateur. Un monde aux oiseaux mécaniques, aux titans enchaînés dans un zoo côtoyants des poupées de chiffon animées et des tortues-cyborgs! Un enchevêtrement de tout de qui peut être amusant, joli, exotique... et le tout reste cohérent entre les mains de ces deux grands artistes que sont Andreae et Lupano, et surtout follement drôle. Fidèle à lui-même, le scénariste en profite même pour glisser quelques idées très politiques comme cette image muette après le passage des nuées noires, où les hommes ont été ensevelis et qu'il ne reste dans le royaume de Baba Musiir que des femmes hébétées.

    Bon, je vais m'arrêter là pour ne pas vous saturer de louanges. Les fana de Lupano sauront de quoi je parle, pour les autres, laissez vous porter par la poésie de ces mondes où chaque image regorge de détails, où chaque nom évoque un tas d'idées et de références. Azimut est une grande BD, une très grande BD.

    Lire sur le blog:
    https://etagereimaginaire.wordpress.com/2018/03/28/nuees-noires-voile-blanc

    Shaddam4 Le 23/03/2018 à 14:23:48
    Sun-Ken Rock - Tome 11 - Tome 11

    Le volume 11 raccroche avec les thématiques précédentes: mélange de corruption, de traite des femmes et de baston mafieuse. On revient dans la ligne qui fait l’intérêt de Sun-Ken Rock. A noter que le trait évolue vers quelque chose de plus éthéré, noir, moins manga-déconne. Et plus esthétique que jamais!

    Shaddam4 Le 23/03/2018 à 14:23:20
    Sun-Ken Rock - Tome 9 - Tome 9

    Le volume 9 voit Ken engagé comme chauffeur d’une star de la chanson. Il se retrouve quasi-esclave du manager et soumis à la tentation de la jolie Sun. L’auteur semble avoir voulu explorer le monde des fans et du star-système coréen. Pas franchement convaincu par cet arc.

    https://etagereimaginaire.wordpress.com/2018/03/12/sun-ken-rock-8-11/

    Shaddam4 Le 23/03/2018 à 14:22:53
    Sun-Ken Rock - Tome 10 - Tome 10

    Dans le volume 10 un groupe de chanteuses est recruté et mis sous l’aile de Ken qui doit les protéger de l’appétit sexuels du manager et qui va être très tenté par les mœurs très très libérées des donzelles…

    https://etagereimaginaire.wordpress.com/2018/03/12/sun-ken-rock-8-11/

    Shaddam4 Le 23/03/2018 à 14:18:07
    Bug - Tome 1 - Livre 1

    L’album est de belle facture, au format comics, que je trouve particulièrement pertinent du fait du découpage assez aéré des productions de Bilal (grandes cases). La couverture est très jolie, comme d’habitude chez l’auteur. Petite réticence (là encore désormais habituelle chez cet auteur) sur la typo très informatique des cases de narration… c’est moche et un côté carré qui rompt avec le dessin artisanal de l’illustrateur.

    En 2041 un événement mondial fait disparaître toute donnée numérique, provoquant un cataclysme dont personne n’est en mesure de comprendre la portée… Dans la sidération totale, dans un monde déjà soumis aux soubresauts des évolutions géopolitiques voyant des califats et conglomérats économiques s’émanciper des États, dans un monde totalement dépendant de ses technologies, un père et sa fille vont se retrouver au cœur de toutes les convoitises, détenant peut-être la clé de cette crise historique.

    Bilal et moi c’est une succession de déceptions et d’envies d’avoir envie… Je me suis éveillé à la BD avec notamment La Foire aux immortels, puis les Partie de chasse, Phalanges de l’ordre noir, etc. Son univers géopolitique et/ou SF m’a toujours parlé et, bien sur, les dessins, si particuliers! Si ses meilleurs scénarios sont ceux de Pierre Christin du temps de leur collaboration, Bilal reste un très bon scénariste, avec son style pas forcément grand public, mais une franchise et un politiquement incorrecte que j’aime. Pourtant son cycle du Monstre m’a énormément déçu. En partie du fait de l’attitude hautaine voir méprisante de l’illustrateur pour ses lecteurs, mais surtout par-ce que tout simplement ce n’était plus de la BD! Il y a eu tromperie sur la marchandise comme on dit. Voir même arnaque: le premier volume Le sommeil du monstre est l’un de ses meilleurs albums… puis progressivement une série prévue en 3 tomes devient 4 et se mue en un obscure objet pédant à cheval entre l’illustration libre et la philosophie de bazar. L’artiste dira qu’il est libre de sa création. Mais la BD reste un format balisé qui doit être intelligible. On n’achète pas une BD que pour son auteur… Bref, je m’étais promis que Bilal c’était fini.Image associée

    Puis vint cet album au sujet compréhensible, d’actualité et un premier écho plutôt favorable dans la blogosphère (par-ce que dans la presse… Bilal c’est comme Woody Allen, c’est forcément bien…). La bibliothèque m’a permis de tenter l’objet sans risque… et je dois dire que j’ai été plutôt (re)conquis!

    Bug (premier album d’une série) est même étonnamment didactique, prenant le temps de poser, d’expliquer, d’avancer. On est loin de l’obscure objet graphique qu’ont été beaucoup d’albums de l’auteur. La principale difficulté vient du dessin de Bilal, ses personnages (on en a l’habitude) ont tous la même tête et malgré des coiffures originales, on peine parfois à savoir qui est qui. Nouveauté en revanche, dans l’utilisation pour les décors de photographies retouchées. Ça peut être vu comme une facilité mais c’est très efficace et aide au côté « propre » et un peu moins fou-fou de l’album.

    Le scénario classique de Science-fiction aurait presque pu être écrit par un Christophe Bec (Prométhée) ou un Fred Duval (Travis, Carmen Mac Callum, etc) et pour une fois c’est vraiment sage, presque trop. Car en 82 pages (cases larges aidant), on a plus une atmosphère qu’une véritable intrigue. Personnellement j’aime ses dialogues à l’emporte-pièce, ses jeux de mots vaseux et ses trouvailles toujours un peu punk et hyper-actuelles (comme ces journaux en mauvais français du fait de la disparition des correcteurs orthographiques…). Le plus intéressant dans Bug c’est bien les effets (montrés par l’absurde) de la disparition brutale de toute technologie numérique sur une société devenue dépendante. Les thèmes chers à Bilal sont eux aussi présents mais plus en sous-texte (la mémoire, l’obscurantisme, les conventions,…). Hormis quelques excentricités, on est assez loin du Bilal fou de ces dernières années. Pas de poissons volants ou d’animaux miniatures, seul le graphisme sort un peu de l’univers d’anticipation standard qu’il décrit. Un Bilal sage pour une BD de SF grand public aux thèmes hyper-actuels. Au risque de tendre vers la platitude si le dessinateur n’arrive pas à décoller dans les prochains albums. Un a priori plutôt positif qui me donne envie de lire la suite.

    Lire sur le blog:
    https://etagereimaginaire.wordpress.com/2018/03/14/bug/

    Shaddam4 Le 23/03/2018 à 14:16:32
    Innocent - Tome 6 - Décapitation de la statue

    Après l’épisode assez insoutenable du supplice du régicide la série revient aux habitudes du mangaka, avec visuels fantasmagoriques, sexualité ambiguë et mœurs violentes des puissants. Le manga s’articule rapidement autour de la relation (que l’on anticipe comme conflictuelle) entre Charles et sa jeune sœur torturée par une grand-mère sadique. Dans ce volume 6 le père et la grand-mère se sont retirés et l’on assiste en parallèle à la maturité de Charles et à l’émancipation de sa furie de sœur. Les liens avec l’histoire et les personnages importants de la Révolution à venir sont toujours soignés et la série avance très rapidement, d’une lecture agréable (plus légère donc) et l’on souhaiterais presque qu’elle se prolonge au-delà des 9 tomes tant sa richesse est grande. Ça tombe bien, la suite s’appelle « Innocent-rouge« .

    Lire sur le blog:
    https://etagereimaginaire.wordpress.com/2018/03/14/manga-en-vrac/

    Shaddam4 Le 23/03/2018 à 14:15:35
    Ajin : Semi-Humain - Tome 3 - Tome 3

    Suite de l’évasion de Nagai. L’arrivée d’un chercheur excentrique travaillant pour les américains nous permet d’en apprendre plus sur les visées des différents protagonistes gouvernementaux et notamment le patron de la chasse aux Ajin. Nagai constate qu’il est manipulé et ne peut faire confiance qu’à ses amis. Pendant l’évasion il apprend à maîtriser son fantôme. À mesure que les enjeux et protagonistes sont révélés une ambiance à la Akira se met en place (sacrée référence!) et je dois dire qu’Ajin tient la comparaison haut la main. L’humour apparaît également avec le professeur Ikuya et les dessins sont toujours aussi acérés et efficaces.

    Shaddam4 Le 23/03/2018 à 14:15:09
    Ajin : Semi-Humain - Tome 2 - Tome 2

    On continue dans la foulée du premier volume sur un rythme effréné. L’introduction passée, nous découvrons les motivations des deux Ajin japonais, pas forcément toujours honnêtes: dans cette guerre occulte, personne n’est propre et les objectifs restent cachés. Lorsque le héros est capturé et soumis aux traitements inhumains réservés aux Ajin, l’on comprend que nous aurons affaire à un manga sombre où seule l’amitié présentée dans le volume 1 sera un fil auquel se raccrocher. Le tome 2 montre néanmoins que certaines personnes se préoccupent du sort des Ajin, ce qui permet d’introduire des sujets très actuels des liens entre gouvernements prêt à suspendre les libertés publiques et une société civile qui cherche sa responsabilité collective (Wikipedia apparaît et ce n’est pas anodin de la part de l’auteur). Nous apprenons également de nouvelles choses sur les deux espèces d’Ajin cohabitant et sur les effets des morts successives…
    Le manga est toujours aussi bon, l’univers se développe, les séquences d’action sont redoutables d’efficacité, de nouveaux mystères apparaissent et certains se révèlent. On n’a qu’une envie: continuer.

    Lire sur le blog:
    https://etagereimaginaire.wordpress.com/2018/03/14/manga-en-vrac/

    Shaddam4 Le 23/03/2018 à 14:14:18
    Radiant - Tome 1 - Tome 1

    Excellente surprise (comme tout ce que publie Ankama…?) que ce manga français dont je n’avais pas entendu parler et trouvé par hasard à la bibliothèque. C’est le premier manga français publié au Japon (mais quand-même la sixième série de l’auteur, passé par l’école Arleston–Soleil et ça se sent!) et pour cause, les codes manga sont là et c’est vraiment très drôle et très maîtrisé (plus que City Hall). Ce très bon volume d’introduction présente un monde où ceux qui ont survécu au contacte d’un Némésis (monstres mystérieux) deviennent des sorciers. Seth part à la recherche de la source des monstres, le mythique Radiant…

    Les lignes de ce manga sont l’humour à base de baffes, de personnages ridicules et de dialogues absurdes. Assez classiques du code manga mais vraiment efficace et soutenu par un dessin sans faute. J’adore l’idée d’un Harry Potter un peu grunge. Les personnages sont tous typés et sympa et les dialogues m’ont beaucoup fait rire.

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    https://etagereimaginaire.wordpress.com/2018/03/14/manga-en-vrac/

    Shaddam4 Le 23/03/2018 à 13:59:05
    Violette autour du monde - Tome 3 - En route pour l'Himalaya

    Ce troisième volume a toujours la même qualité de dessin artisanal au crayon et permet de découvrir les beaux paysages de l’Himalaya. L’humour est présent avec quelques scènes de poursuite rigolotes mais surtout, la philosophie de Papy Tenzin donne une belle leçon de vie aux jeunes lecteurs dans un esprit animisme écologique où tout revient à la Nature et tout part de la Nature en un cycle éternel…

    Au-delà du message, si la lecture reste toujours aussi sympa, l’harmonie de la série est difficile à saisir (ce que je signalais déjà dans la critique des premiers albums): dans les deux précédents albums la série semblait partir sur une thématique artistique en présentant un nouvel artiste majeur à chaque album, ici ce n’est plus le cas, non plus que la géographie puisque le cirque traverse différentes régions sans particulièrement décrire un lieu en spécifique. Difficile alors de s’accrocher aux personnages ou à une thématique. La série Violette est un joli moment mais qui semble mal défini et par les auteurs et par l’éditeur. Le jeune public pourra se perdre dans des thématiques un peu compliquées et les personnages typiques et rigolos ne sont pas assez mis en avant. Il est peut-être temps que la série s’arrête…

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    https://etagereimaginaire.wordpress.com/2018/03/20/en-route-pour-lhimalaya/

    Shaddam4 Le 23/03/2018 à 13:51:25
    Angel Wings - Tome 1 - Burma Banshees

    Avec les aventures de cette forte femme, Yann et Hugault nous plongent dans les soubresauts de cette guerre, entre sabotages, missions de sauvetage de pilotes éjectés et attaques ennemies. Pour ceux qui ne connaissent pas, Romain Hugault est un superbe dessinateur passionné d’aviation et pilote hors de la planche à dessin. Il est ainsi le chef de file d’une école de BD d’aviation et à moins que vous ne soyez allergiques à ce qui à des ailes et des hélices, il faut dire que l’ensemble de ses albums regorge d’illustrations de voltige et de batailles aériennes absolument magistrales de virtuosité et de précision documentaire. Il faut voir le dessin de chaque vis et rivet pour imaginer le travail de documentation et la passion du détail qui anime l’illustrateur.

    J’ai découvert Hugault sur son premier album et premier succès, le Dernier envol, recueil de quatre histoires, de quatre vies liées aux avions, pendant la seconde guerre mondiale. Si cette période occupe la quasi-totalité de son œuvre (hormis une escapade sur la première guerre mondiale dans Le pilote à l’Edelweiss) ce n’est pas uniquement par-ce qu’elle lui permet de dessiner des avions de guerre mais bien par-ce que les années 1940 le fascinent. Dans Angel wings plus que dans ses autres séries, le scénario de Yann insiste particulièrement sur le sort réservé aux femmes dans une Amérique machiste, qui plus est lorsqu’elle est en guerre. Cette BD que l’on pourrait presque qualifier de féministe a l’intelligence de ne pas être anachronique comme le sont souvent les histories contestant une situation historique. Angela est révoltée bien sur, mais femme de son époque, elle accepte en partie sa condition qui ne changera que dans le regard que lui portent les hommes de la base en constatant son courage. L’on en sait très peu sur cette étrange aviatrice sachant se battre, manier un fusil et survivre dans la jungle birmane, qui est étonnamment assez peu présente dans les cases hormis dans la trame générale du scénario qui semble tourner autour du décès de sa sœur, aviatrice comme elle. Et pour cause, il faut le reconnaître, l’histoire est assez anecdotique et plus un prétexte à illustrer des séquences d’aviation via le personnage du pilote de chasse Rob, des paysages et des séquences de bataille. C’est la recette de tous les albums de ce dessinateur (ses autres séries sont peut-être un peu plus consistantes), mais cela n’en fait pas moins de magnifiques BD bien au-dessus de la moyenne des albums grand-public historiques.

    A la documentation visuelle de l’illustrateur répond une précision historique concernant une foule de détails sur les bases militaires en Asie, le quotidien d’un soldat sur le Front oriental ou la politique de déstabilisation radio du Japon (méthode certainement coutumière de tous les régimes en période de guerre mais saisissante ici: insidieusement on insinue que les médicaments donnés par l’armée US rendent impuissants, que les femmes restées au pays trompent les soldats, etc)… Je disais que l’histoire était un décors. Cela n’est pas une critique: la force de ces albums est documentaire et sur ce point c’est une grande réussite. Personnellement j’ai moins apprécié ce décors birman que les précédents albums du tandem Yann-Hugault en Europe, mais cela reste passionnant de réalisme, que ce soit les dialogues, les poses, les coiffures, on sent l’envie de cartes postales les plus précises et on apprend plein de choses. Bien sur on reste du côté hollywoodien, c’est clair, coloré, plein de bons mots. Cela n’empêche pas des drames, mais la dureté de la guerre reste au loin, comme dans l’esprit d’un aviateur perché sur son aigle d’acier au-dessus des combats.

    Pour résumer, si vous aimez les avions, les belles images colorisées au numérique, la précision historique, les femmes (côté émancipation et côté rondeurs…), les années 40… foncez, au risque de découvrir un auteur que vous ne pourrez plus lâcher.

    Lire sur le blog:
    https://etagereimaginaire.wordpress.com/2018/03/21/angel-wings/

    Shaddam4 Le 23/03/2018 à 13:39:36
    Wild Blue Yonder (2013) - Tome 1 - Wild Blue Yonder #1

    Critique de l'édition française intégrale, chez Glénat comics:

    Le première surprise de ce très bon comic vient des dessins. Zach Howard a commencé à publier dans les années 2000 et n’a pas une biblio très fournie, hormis The cape sorti en France et doté d’une bonne réputation. Son style me fait penser à un mélange de Vatine et de Travis Charest (excusez du peu!). Avec sa propre originalité (notamment une étonnante utilisation des trames pour ombrer ses dessins, un peu comme dans les Manga), il propose un dessin très encré, parfois sales, au découpage serré et toujours très propre techniquement. J’adore! Son design des engins est de style post-apocalyptique type Mad-Max. On a vu plus inspiré concernant les engins, mais l’atmosphère générale de la BD est réussie et décrit un univers classique du genre, crasseux, à la fois technologique et bricolo. Les films de George Miller sont clairement la première inspiration de cet ouvrage qui met en opposition un groupe idéaliste (incarné par le formidable personnage de Cola, super-pilote éternelle optimiste dont la foi en l’homme est indestructible) et un autre, militarisé, hyper-hierarchisé derrière le Juge, chef nihiliste qui tente de réunir une élite devant recréer l’humanité avant l’élimination du reste de l’humanité… J’ai aimé outre la maîtrise graphique et la vraie personnalité de ce dessinateur, une cohérence et une implication dans un projet personnel, non issu d’une grosse machinerie.

    Comme tous les post-apo la différence joue à peu de choses et ici à un relationnel original entre les personnages: le cœur de l’équipage de l’Aurore repose sur une famille (la mère commandante, le père ancien pilote et la fille, héroïne de l’histoire) confrontée aux nécessités militaires de la survie face aux attaques du Juge. Peut-on être mère quand tout un équipage compte sur vous? La fille pilote peut-elle vivre avec une mère qui refuse de se comporter comme telle? Peut-on encore avoir confiance en un étranger et croire en l’amour dans ce monde sans espoir? Wild Blue Yonder est un peu la BD que Vatine aurait dû faire depuis longtemps (au vu de ses nombreuses illustrations de ce style) et donc une surprise inespérée.

    Les séquences d’action aériennes sont nombreuses et très bien menées, assez crasseuses et souvent barbares avec le génial personnage de Scram, sorte de furie indestructible équipée d’un Jetpack, sautant d’avion en navire volant, échappant aux balles et emmenant les têtes de ses adversaires avec sa hache… Le format one-shot en quelques 200 pages ne permet malheureusement pas de développer beaucoup plus les personnages, l’univers ou de prendre plus de temps dans les séquences aériennes. Mais les auteurs proposent néanmoins un remarquable équilibre entre les scènes de dialogues, les intérieurs métalliques des navires et les plans larges aériens. Avec comme petite cerise qui semble anodine mais apporte une touche d’humanité, un cœur à cet album: le chien aviateur (que le dessinateur explique être inspiré de son propre chien disparu). Un toutou craquant qui fait de ce comic indépendant une œuvre efficace et touchante, une belle respiration dans la BD américaine.

    Lire sur le blog:
    https://etagereimaginaire.wordpress.com/2018/03/19/wild-blue-yonder/

    Shaddam4 Le 13/03/2018 à 11:54:16
    Innocent - Tome 1 - Le sang des innocents

    Innocent et sa suite Innocent-rouge sont les dernières productions de Shin'ichi Sakamoto que j'avais découvert avec l’excellent manga sur l'alpinisme Ascension. Les grandes qualités graphiques de cette dernière se retrouvent ici dans une série courte qui tient son lecteur en haleine tout au long d'un récit qui ne nous épargne pas émotionnellement.

    La précision technique et documentaire sont particulièrement impressionnantes chez Sakamoto et son équipe. Le réalisme quasi-photographique de la plupart des décors permet l'immersion dans une histoire réellement éprouvante de par son sujet et la crudité de son traitement. Avec la même maestria que sur les éléments techniques d'escalade sur Ascension, le mangaka a tenu à la plus grande précision dans les costumes, lieux et mœurs de l'époque. Car Innocent est autant un brutal plaidoyer contre la peine de mort (pour rappel le Japon fait partie des dernières démocraties à pratiquer encore régulièrement la peine de mort) qu'une description sociologique des dernières années de l'Ancien Régime français, de sa violence, sa corruption et son inégalité criante. C'est aussi (comme pour beaucoup de manga) l'émancipation d'un être sensible et fragile contraint par la pression familiale et sociale aux pires sévices, vers une utilisation de sa charge pour accompagner à sa façon une Révolution qui gronde. Là encore le miroir trouvé avec une société japonaise très conservatrice est très clair et prouve la maturité et l'ambition de ce grand mangaka.La dynastie des Sanson destine chacun de ses enfants à être le Bourreau du roi ou un bourreau de province. Tenue d'une main de fer par une grand-mère totalement abominable de cruauté et d'archaïsmes (elle va jusqu'à torturer sa petite fille pour lui faire comprendre le rôle de génitrices des femmes de l'époque...), la famille enseigne autant la médecine que les arts de la torture: dans une vision scientifique, le bourreau doit savoir comment donner la mort (mais aussi soigner pour maintenir en vie!) avec précision. La description des scènes est froide, cynique, clinique et seuls le visage à la pureté virginale du personnage principal et les allégories graphiques intercalées (technique propre à Sakamoto sur tous ses manga) permettent de soulager une tension de lecture parfois insoutenable. L'auteur prolonge les séquences, sans voyeurisme mais avec la même démarche que la plupart des militants de l'abolition: montrer froidement la réalité de cet acte barbare, de l'humanité des suppliciés, pour faire comprendre dans une démarche des Lumières que la civilisation ne peut plus autoriser cela.

    Au-delà de ce plaidoyer la description historique est vraiment réussie. Le poids de la figure royale d'essence divine écrase une société apeurée qui doit comprendre au travers du supplice du régicide Damiens que personne ne peut prendre ce risque... Le tome 4 décrivant l’écartèlement est rude, mais cela ne doit pas atténuer l'intérêt du manga sur les dernières années avant la Grande Révolution, via une multitude de détails de la cour comme dans le peuple.

    Graphiquement Sakamoto reprends ses personnages au visage d'ange, à androgynie appuyée jusque dans une sexualité refrénée aux penchants homosexuels. Chacun des personnages est très différent et reconnaissable et la maîtrise technique, anatomique notamment (par exemple sur les chevaux) est remarquable. Les planches sont toutes magnifiques, sans défaut, même sur les images de rêverie ou de cauchemars très sombres.

    Innocent est un très grand manga qui dépasse très largement le seul loisir culturel par l'ambition politique de son auteur. On pourra suspecter une insistance morbide sur certains détails mais à mon sens cela appuie vraiment le propos de fonds. Jamais l'on n'a vécu le règne de Louis XV avec une telle précision documentaire. Ce n'est bien entendu pas une série à mettre entre toutes les mains, la cruauté étant présentée sans détours. Mais l'effort en vaut la peine.

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    https://etagereimaginaire.wordpress.com/2018/02/26/innocent-1

    Shaddam4 Le 13/03/2018 à 11:51:45

    Une édition spéciale enrichie d'un cahier historique de 22 pages est également disponible. Format compact de l'excellente collection "Mirages" de Delcourt (celle de des albums de Cruchaudet, Un océan d'amour et Endurance par exemple). La couverture (qui ne reflète pas vraiment l'album mais participe à l'implication du lecteur pour ce pauvre singe) est très belle et inspirée.

    En 1814 alors que la haine réciproque entre français et anglais est plus forte que jamais, un navire de l'Empire fait naufrage sur les côtes de la perfide Albion. En réchappent un jeune mousse élevé par une nourrice anglaise et un singe. Cela va déclencher dans ce petit village de pécheurs bouseux une réaction de haine absurde contre ce "français"... de singe!

    Attention, chez Lupano s'il y a toujours de l'humour, il peut être féroce, voir très noir. C'est le cas avec cette fable issue d'une légende anglaise (expliquée par une post-face de l'auteur) qui illustre le mécanisme de haine collective qui peut se déclencher lorsque le nationalisme exacerbé tombe sur des enclaves isolées. Les affreux sont des anglais, ils auraient pu être français ou malgaches... Car le propos est le même que dans toute fable, dans tous récit absurde (genre souvent exploité chez Lupano comme récemment avec son Cheval de bois, cheval de vent): explorer les mécanismes collectifs qui dépassant la raison et dévoilent les noires pulsions humaines et leur ridicule.

    La mise en scène est très proche du théâtre, avec une presque unité d'action et un singe qui aurait pu être totalement absent (cela aurait pu renforcer le côté absurde). Mais les auteurs tentent par moment de nous présenter ce regard incrédule du Chimpanzé pour toucher notre humanité justement. Pourtant le propos n'est pas le tragique de sa situation (puisqu'on fréquente peu le singe) mais le côté ubuesque de cette population désirant utiliser cette présence "française" pour dépasser l'insignifiance de ce village trou du cul de l'Angleterre. Ainsi, si l'identité du français ne pose de problème à personne, tout l'enjeu des villageois, à travers un procès fidèle aux valeurs démocratiques de la grande Nation et des glorieux sujets de sa majesté est de prouver que l'espion attrapé préparait une invasion du Royaume par les troupes napoléoniennes... Le scénariste a tout bon lorsqu'il s'abstient, même avec le personnage témoin du médecin, de comparer les bons personnages des mauvais et de toute mièvrerie. La scène ne mérite pas de commentaire et Lupano laisse le lecteur-spectateur seul face à sa sidération. Tout est compris, il n'y a plus rien à dire.

    Graphiquement Moreau croque ses pécheurs de façon atroce, comme ce vieux vétéran des guerres américaines, sorte de morceau de barbaque sur un charriot (il a perdu ses jambes) ou le maire, plus simiesque que le singe. Les couleurs sont très jolies et participent à l'ambiance très théâtrale de la BD (le rouge sanglant du ciel lors du procès). Mais soyons clair: dans cette comédie humaine le dessinateur nous croque une farce, sorte de florilège de toutes les pires expressions et visages de l'humanité haineuse. On retrouve par moment l'esprit de Masbou sur De capes et de crocs lorsqu'il dessine des scènes de panique générale avec forces caricatures.

    Le Singe de Hartlepoole est une BD cruelle. Lupano laisse peu de place à la compréhension dans la connerie humaine qui concerne à peu près tout le monde (sa série des Vieux Fourneaux est bien plus optimiste si l'on peut dire) et fait feu de tout bois, avec intelligence, subtilité, radicalité. Un grand scénariste.

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    https://etagereimaginaire.wordpress.com/2018/02/28/le-singe-de-hartlepool

    Shaddam4 Le 13/03/2018 à 11:47:56
    La quête de l'oiseau du temps - Tome 9 - L'emprise

    Je n'ai jamais été un super-fana de Régis Loisel et de la Quête (série avec laquelle est née à l'héroïque-fantasy toute une génération des années 70) mais j'ai appris à apprécier le monde d'Akbar et le style cracra-réaliste insufflé par Loisel. J'avais pourtant pris le train en marche d'Avant la quête et apprécié la série malgré un étirement de publication qui mine de rien joue en défaveur d'une implication du lecteur. Il faudra probablement attendre le dénouement (au prochain tome on l'espère) pour vraiment apprécier la valeur de ce projet dans une lecture intégrale et chronologique des aventures de Bragon.

    Ici Etien remplace un Mallié qui avait suscité l'espoir d'être le dernier dessinateur de la série. Ce dernier avait su trouver un style à la fois respectueux du graphisme de Loisel et possédant son caractère et rehaussant un niveau fragilisé par l'album moyen (graphiquement) d'Aouamri. Comme beaucoup l'ont dit, l'un des intérêt de cet album est donc plutôt graphique, le nouveau venu s'en tirant vraiment bien et Loisel assurant (comme Yslaire sur Sambre) une direction artistique redoutable mais vraiment justifiée lorsque l'on voit l'homogénéité que recouvre cette saga.

    Pour le reste, on se demande tous le pourquoi de cet album... La Quête formait une quadrilogie, l'Avant aurait pu se clôturer au bout de cinq. D'autant que l'essentiel de la genèse du chevalier Bragon a déjà été racontée à ce stade et les pistes vers l'évolution de Mara déjà posées. Les principaux piliers ont été abordés: si l'ami Javin pouvait être une introduction originale, le grimoire, le Rige et la formation du chevalier ont été traités chacun dans un album. Quel est le thème de L'emprise? Outre un piétinement sur l'intrigue générale, la ficelle scénaristique (l'amnésie de Bragon et l'emprise) de l'album est vraiment faible. Alors ce tome se lit bien, est visuellement très agréable, mais l'on a un désagréable sentiment d'un tome 5.1. Surtout que le ton utilisé est étonnamment grand public (venant d'un Loisel dont l'érotisme et la violence marque le style...) et perd un peu le côté "sérieux" de la saga. Ce qui m'inquiète c'est que la seule justification à cela serait la volonté de prolonger commercialement la série sur un long court. Si le prochain est le dernier je fais confiance à la troupe pour clôturer cela de façon classieuse et ce tome 6 n'aura été qu'un semi-loupé. Sinon je risque fortement d'arrêter les frais avant d'être allé trop loin.

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    https://etagereimaginaire.wordpress.com/2018/03/02/lemprise

    Shaddam4 Le 13/03/2018 à 11:39:51
    Ira Dei - Tome 1 - L'Or des Caïds

    Le couple d'auteurs BD Brugeas/Toulhoat est l'un des mes favoris depuis pas mal d'années maintenant, après la découverte uchronique Block 109... et toutes leurs autres séries que j'ai lu avec grand plaisir malgré quelques défauts parfois. Après un échec sur la (pourtant excellente) série SF Chaos Team qui a remis en question pas mal de choses chez eux, ils ont été acclamés par la critique et le public avec leur polar mafieux médiéval Le Roy des Ribauds. Ronan Toulhoat ayant une productivité proprement hallucinante (il doit en être à une moyenne de 2-3 albums par an avec des paginations d'environ 100 pages par album...), il remets le couvert cette année avec un premier opus d'une nouvelle série médiévale (le second arrive en fin d'année il me semble) avant la sortie d'un album sur l'univers de Conan le Barbare cet été chez Glénat.
    En l'an Mille la Méditerranée est au carrefour des peuples et de l'Histoire: l'empire Byzantin encore puissant occupe les îles italiennes face aux seigneurs occidentaux et aux musulmans. En Sicile le siège d'une cité stratégique va permettre au seigneur Normand Tancrède de fomenter sa vengeance contre un ennemi mystérieux, dans une alliance trouble avec l'Eglise...
    J'avais laissé le premier cycle du Roy des Ribauds sur une note mitigée. La sortie d'un nouvel album ne m'a guère surpris, en revanche, qu'il se situe encore au Moyen-Age et la description de l'éditeur ne m'avaient pas donné envie, pour la première fois concernant ce duo! J'étais donc assez sceptique et pas du tout sur d'acheter l'album. Quelques visites sur le forum bdgest et des retours assez positifs, mais surtout le fait que la série s'articule sur des cycles de 2 albums m'a convaincu de me laisser tenter, notamment pour la graphisme toujours aussi classe de Ronan Toulhoat. Et donc?
    Je dirais que si le style scénaristique et graphique ressemblent au Roy, le côté ouvert, la structure en aller-retours entre passé et présent, les couleurs de la Sicile rendent la série suffisamment attrayante pour distinguer Ira Dei. Il est d'ailleurs surprenant que l'éditeur des séries historiques (Glénat) ne se soit pas laissé tenter tant le travail documentaire est sérieux (Brugeas a une formation d'historien pour ceux qui en doutaient). le principal défaut de la série est donc bien d'arriver après Le Roy des Ribauds, ce qui en atténue la fraicheur. Cela contentera parfaitement les fans d'action et d'aventure médiévale, ceux qui attendaient de la nouveauté seront un peu déçus.
    Pour ne pas faire un faux procès et critiquer cette BD pour ce qu'elle est et non pour ce qui était attendu, elle reste un excellent moment de lecture, doté de plans très forts comme Toulhoat sait les faire, notamment lors des scènes de siège et de bataille. Les ombres et lumière sont toujours aussi beaux et si les arrières-plans sont un peu délaissés (rapidité de production oblige), le niveau reste très élevé. Personnellement j'aime toujours autant le graphisme de cet artiste. Ce qui me plait dans ses dessins publiés sur Facebook et dans ses premiers album c'est le côté barbare que l'on perd un peu à mesure que le lectorat s'agrandit je pense. L'incursion chez Conan me démentira peut-être. Cet album permettra (je l'espère) à de nouveaux lecteurs de découvrir ce duo talentueux et pour les familiers il se lira un peu comme le nouvel opus d'un XIII ou d'un Largo Winch: sans surprise mais avec plaisir. Comme je l'ai dit dans un précédent billet, un lecteur n'attend pas la même chose de tous les auteurs. Aux très bons on peut demander de l'excellence.

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    https://etagereimaginaire.wordpress.com/2018/03/06/ira-dei

    Shaddam4 Le 13/03/2018 à 11:35:18
    La guerre des Sambre - Maxime & Constance - Tome 3 - Chapitre 3 - Eté 1794 : Le regard de la veuve

    Pour rassurer tout le monde, cet ultime (et épais) volume est probablement l'un des meilleurs de la Guerre des Sambre. Non qu'il soit parfait, les graphismes très inégaux sur l'ensemble des 80 pages (un double album...) n'étant pas toujours à la hauteur de la qualité de Sambre. Il semble que les deux auteurs aient eu du mal à organiser cette histoire entre les trois albums et aient été contraints de grossir le dernier tome après un retard à l'allumage, les deux premiers volumes s'étant un peu trop étendus sur la jeunesse tourmentée de Maxime. Boidin qui avait remarquablement collé à l'esprit général de la saga sur le deuxième Cycle, donne une partition mi figue mi raisin, certains visages étant vraiment grossiers avec des effets de crayonné dont il a coutume mais qu'il avait abandonné sur Werner & Charlotte et qui ne collent pas avec la "ligne" Sambre. D'autres cases sont remarquables de composition, d'expression. Certains décors sont vraiment vides et plats quand d'autres sont très puissants d'évocation de la Terreur révolutionnaire... Personnellement j'ai le sentiment que Boidin a eu du mal à produire la quantité astronomique de cases demandées par un scénario extrêmement verbeux et découpé en petites images...

    Si la partition graphique reste donc loin de ce qui a été fait sur les autres cycles, la conclusion dramatique de la série atteinte en revanche une maîtrise à la fois littéraire, thématique et passionnelle de très grande qualité. Ce qui m'avait lassé sur les deux premiers tomes c'était l'insistance un peu lourde sur le traitement fait à Maxime, le sadisme permanent, l'absence totale de lumière et de personnage positif auquel se raccrocher. Au commencement de ce troisième volume la situation est installée et l'on peut entrer dans le cœur du sujet (qui nous intéresse): la période révolutionnaire et comment dans cette tourmente historique un orphelin issu d'une noblesse tardive va épouser la grande vague de l'Histoire et fabriquer la génération bourgeoise que nous connaissons dans la série mère. C'est donc bien le moment qui est passionnant et Yslaire fait le choix un peu perturbant d'utiliser la femme de haute lignée de Maxime comme narratrice, nous laissant tout au long du volume lire une description toute orientée (version noblesse revancharde) de la Révolution. L'auteur adopte t-il ce pointe de vue? Rien ne permet de le savoir mais si les abus de la Terreur peuvent être condamnés par tous, le point de vue pro-noblesse est sommes toutes assez perturbant. Il permet néanmoins de comprendre l'attitude d'anguille de Maxime, dont l'unique raison d'être est son ambition et sa propre survie. Nous l'avions déjà vu dans Hugo & Iris, ce personnage est très certainement le plus détestable de l'ensemble de la série! Yslaire ne permet absolument aucune compassion pour ce personnage, ce qui rend là encore la lecture à la fois complexe et éreintante. Et si Constance est la harpie manipulatrice présente dans chacun des albums Sambre, Etienne, le jeune et innocent fils de Maxime et Josepha, sa sœur, donnent une lueur de naïveté et d'idéalisme qui corrigent la noirceur du scénario.

    L’œuvre de l'auteur belge atteint avec cet ouvrage, (je pense le plus ambigu) une ambition rarement vue en BD, comme pyramidion un peu bancal mais qui structure l'ensemble de la saga. En raccrochant Sambre au basculement révolutionnaire, il brise un peu la structure familiale qui organise ses récits mais s'appuie sur un bouleversement absolu, ressenti par chaque être au quotidien, pour hisser plus haut que jamais la saga des Sambre.

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    https://etagereimaginaire.wordpress.com/2018/03/07/le-regard-de-la-veuve

    Shaddam4 Le 13/03/2018 à 10:41:14
    Red Skin - Tome 1 - Welcome to America

    Comme beaucoup la couverture tape à l’œil du tome 1 m'a fait de l’œil justement, avant de voir les noms des auteurs de ce comics publié en France (je ne sais pas comment il faut l'appeler du coup vu que le scénariste est français et les codes franco-belges mais le dessinateur américain avec un style comics...) et quels noms: l'un des tout meilleurs scénaristes depuis pas mal d'années maintenant et un auteur chevronné (que je ne connaissais pas) au style très proche du grand maître Frank Cho et sa Liberty Meadows, excusez du peu.

    Il s'agit donc bien d'une BD de super-héros (moderne= sans pouvoirs): dans les années 80 Red Skin est une espionne envoyée en Amérique pour décrédibiliser une candidate à la Maison-Blanche qui risque de faire de ce pays une théocratie de fondamentalistes chrétiens. Outre ses capacités de combat hors norme, elle va surtout aider la production d'un remake porno du film de chevet des bigots de l'Amérique de la Bible-belt...

    Alors certains ont trouvé une malhonnêteté dans des couvertures (Dodson se fait plaisir en mode Pin-Up) et un pitch qui pouvaient laisser imaginer une BD sexy. En réalité on reste très comics-compatible dans cette BD (la série est publiée aux Etats-Unis) et c'est surtout l'environnement (le porno californien) et les courbes divines de l'espionne qui pimentent cette BD au demeurant pas plus chaude qu'un Largo Winch. En revanche l'esprit très frais, les réparties drôles entre la donzelle et son hébergeur-réalisateur porno ronchon et les scènes d'action en font une BD plaisir vraiment sympatoche. Outre une histoire qui parvient à nous accrocher malgré un côté dérisoire (la maîtrise de Dorison se ressent), la grande force de Red Skin c'est le personnage principal, absolument craquante à chacune de ses apparitions. Le talent de Dodson y est pour beaucoup, si bien qu'on a envie de passer plein de temps avec cette drôle de nana à la fois désarmante de naïveté et forte comme le roc. Surement une incarnation du fantasme masculin auquel les auteurs répondent intelligemment sans verser dans le nu inutile (le reproche que je faisais à Boichi sur Sun-ken Rock justement).

    Une bonne BD rafraîchissante qui se poursuivra sur un troisième volume.

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    https://etagereimaginaire.wordpress.com/2018/03/08/red-skin

    Shaddam4 Le 22/02/2018 à 12:25:13

    L’édition originale comporte deux volumes, ensuite rassemblés en une intégrale très joliment fabriquée en grand format (comme pour Shangri-la). Vu que la césure n’a pas d’intérêt scénaristique, l’édition intégrale peut être considérée comme la seule intéressante.

    L’homme est immortel. Il a vu tomber sa cité, son peuple, sa famille. Il ne se souvient plus. Errant à travers la Grèce antique, il cherche à comprendre le pourquoi de son immortalité, jusqu’à défier les dieux de l’Olympe.

    C’est étonnant, j’ai lu la série Heraklès et cet album de Mathieu Bablet dans la foulée et les deux ont a peu près le même questionnement: comment un être immortel peut-il cohabiter avec les hommes alors qu’il est semblable à un dieu? Comment peut-il s’intégrer, être accepté alors qu’il est « anormal ». Si l’album d’Edouard Cour est plus axé action et humour, celui de Bablet est clairement contemplatif et philosophique. Pourtant c’est la même envie qui a visiblement lancé ces deux jeunes auteurs sur leur album qui comprennent d’ailleurs tous deux un lexique des personnages en fin de volume.

    Bablet m’avait soufflé avec son Shangri-la, salué unanimement malgré un dessin des personnages qui a entraîné des débats. Je dois dire que dès son deuxième album (Adrastée, publié avant Shangri-la donc…) son style est installé, avec ses forces et ses faiblesses: oui ses personnages sont plats, sans expression, peu esthétiques. Ses décors en revanche… quelle virtuosité, quelle ambition! Bablet cisèle ses planches avec une minutie extrême et une prédilection pour les architectures rectilignes, les pavages à perte de vue, par ailleurs déstructurés en des amoncellements cyclopéens envahis par la nature. Les points de vue vertigineux sont impressionnants et gonflés. Il y a du « level design » dans ses albums, cette envie de construire un tableau dans lequel ses personnages statiques pourront se déplacer (l’intérieur de couverture représente d’ailleurs le périple du héros en mode jeu vidéo sprité). Les détails semblent prévus pour annoncer le cheminement du personnage, descendant un escalier puis passant sous une arche, etc. Vous m’excuserez l’analogie mais on peut retrouver l’esprit des albums « où est Charlie » dans cette profusion… Clairement chaque album de Mathieu Bablet est une claque.

    L’histoire en revanche m’a laissé sur ma faim. Peut-être n’étais-je pas assez concentré (l’album est contemplatif, énormément de passages voient des successions de cheminements muets dans des paysages grandioses), mais je n’ai pas été accroché par cette histoire hormis le côté visuel. Pour revenir à Heraklès, moins précis graphiquement mais autrement plus maîtrisé sur le plan de la BD, j’ai pris bien plus de plaisir sur l’album d’Edouard Cour. Adrastée se savourera néanmoins en grand format pour ses planches, mais là où les thématiques SF de Shangri-la avaient fait mouche et permis de dépasser ses lacunes, Adrastée est un peu court niveau intrigue et dialogues. Pour un second album cela reste diablement ambitieux et bien construit. Mais je le conseille pour les fans de mythologie grecque et ceux que les personnages de Bablet n’ont pas gêné.

    A lire sur le blog:
    https://etagereimaginaire.wordpress.com/2018/02/06/adrastee/

    Shaddam4 Le 22/02/2018 à 12:22:25
    Mondo reverso - Tome 1 - Cornelia & Lindbergh

    Album recueil des chapitres courts parus dans la revue Fluide glacial en 2017. Une édition luxe grand format dos toilé avec cahier graphique de 8 pages est disponible en édition limitée.

    L’ouest sauvage, magnifique, éblouissant, poussiéreux. Ses despéradettes, ses hordes d’indiennes sanguinaires, ses saloons gorgés de prostitués… Hein? Quoi??!!… Oui les amis, on est chez Fluide glacial et on renverse tout: dans ce western les hommes sont des femmes et les femmes sont des hommes. Et inversement… bref…

    Donc on est chez fluide, donc c’est de l’humour, gras, poilu, odorant, lourd. Si c’est pas votre tasse de thé ou que vous êtes un peu prude, passez votre chemin visage pâle! Sinon… bienvenue dans une bonne tranche de rigolade qui retourne les neurones et fait (un peu) réfléchir quand même! Au premier abord je m’étais dis ouais bof, des garçons en robe et des filles en pantalon on a déjà vu ça… Mais ce qui est très réussi dans Mondo Reverso c’est que les auteurs jouent sans arrêt sur nos références sociales imprimées profondément dans nos cerveaux reptiliens. Aucun détail n’est épargné: la cheffe des bandits pisse comme le ferait un pistolero mais… comme une fille, les filles rotent, pètent et jurent. Les hommes (barbus, poilus et moustachus comme à l’époque) sont des chochottes qu’il faut protéger ou troncher… On est dans les codes du western, manichéens, macho… en inversé. Et ça fonctionne! Le comique de situation habituel (… à la sauce Fluide quand même, c’est a dire « bite-couille-nichon-prout-caca » avec une once de tronches éclatées et de cervelles répandues) est franchement rehaussé par ces inversions de codes qui nous fait (les garçons en tout cas) réfléchir à des choses tellement grosses qu’elles étaient devenues invisibles. Du coup il va être dur de lire ou regarder un western normalement après ça! La féminisation des noms joue également ce rôle de perturbateur de lecture (vous savez, on ne lit qu’une partie du texte, on devine l’essentiel). La Christe s’appelle Jesuse et l’on se confesse à sa mère,… On atteint le summum des nœuds lorsque bien entendu la femme doit se déguiser en… femme et l’homme en homme… Les auteurs s’en sont donné à cœur joie dans cet embrouillamini et personnellement j’adore!

    Niveau dessin c’est du Bertail: lavis sépia dont il a l’habitude, décors magnifiques et gueules tordues. J’avais découvert cet auteur sur l’excellente série d’anticipation Ghost Money (scénarisée par Smolderen), sur des tons plus bleutés mais également au pinceau. Il est vraiment fort et semble produire avec facilité. Sa technique ne donne pas des dessins très techniques mais vraiment esthétiques (la section dans les Rocheuses est magnifique). Je regrette qu’il abuse un peu de tronches à la fluide glacial (on est parfois pas loin d’Edika…), mais c’est sans doute le genre qui veut ça. L’esthétique du western est superbe et par moment on aimerait qu’il redevienne sérieux et nous propose une vraie histoire de l’ouest, de sang et de fureur…

    Mondo reverso est une excellente surprise, pas loin de l’esprit « n’importe quoi » de la série Infinity 8 (dont le premier volume est signé… Bertail) qui paraît en ce moment. Pas loin du 5 Calvin que j’aurais peut-être mis si j’avais eu l’édition collector entre les mains en place de la version numérique.

    Shaddam4 Le 22/02/2018 à 12:16:15

    Comme beaucoup, Spirou a fait partie de mes professeurs en BD… enfin pas le même Spirou, moi ce fut celui de Tom et Janry, qui sont les seuls à avoir véritablement refondés le héros après les années Franquin et ses successeurs. Avec eux Spirou est devenu un héros moderne, une sorte d’Indiana Jones appuyé par un dessin à la fois « gros nez » et réaliste. Bref, après leur passation de pouvoir suite à Machine qui rêve (le meilleur album de Spirou toute époque confondue et véritable ovni très gonflé) je n’ai jamais pris le temps de tenter à nouveau l’aventure. L’arrivée de ce Triomphe de Zorglub m’a attiré par un graphisme qui m’a rappelé celui de Janry… mais laissé sceptique par une communication assez calamiteuse de Dupuis qui le présente comme lié à la sortie du film. Alors oui le timing est le même et l’histoire est celle d’un film tourné sur Spirou et Fantasio… mais une fois ce pitch passé, on est surtout dans une vraie histoire de Spirou, drôle, pleine de mises en abymes et d’action débridée. Je n’ai absolument pas envie de voir le film, pourtant je me suis régalé à la lecture de la BD. C’est iconoclaste, un peu scato sur les bords et vraiment percutant.

    Les dessins sont très correctes, un peu plus réalistes que d’habitude et la mise en couleur très vive et agréable. On saute du coq à l’âne par des ellipses temporelles et géographiques vertigineuses, mais cela n’a aucune importance: on a du Zorglub (le vrai… bien qu’un peu faiblard), du Champignac, du Slip (… pardon, Spip..), Sécotine et un Fantasio que j’ai rarement vu si drôle avec sa tignasse qui a du beaucoup inspirer les auteurs. L’histoire du film permet une immersion dans le monde du cinéma et des commentaires sur le statut de héros. Le découpage propose quelques séquences qui vont vous faire pleurer de rire… Une vraiment belle surprise humour que je n’attendais pas et qui montre que l’on peut allier démarche commerciale et réussite artistique.

    A lire sur le blog:
    https://etagereimaginaire.wordpress.com/2018/02/08/le-triomphe-de-zorglub/

    Shaddam4 Le 22/02/2018 à 12:14:08

    New-York, période de la Prohibition. Alors que les gangs s’affrontent pour le contrôle de la ville, des meurtres atrocement sanglants sont perpétrés. La fille d’un antiquaire autrefois assassiné se retrouve au centre d’une poursuite qui va voir s’affronter différentes visions de la réalité et dont d’étranges indiens arrivés de leur Nevada pourraient avoir la clé.

    Paru il y a 24 ans alors que Ledroit venait de clôturer sa participation aux Chroniques de la Lune noire (dont il continuera à réaliser les superbes couvertures jusqu’à aujourd’hui), Xoco lui permettait de partir dans un registre à la fois plus réaliste (des crimes pendant la Prohibition) et collant à son univers noir et gothique en illustrant une histoire fortement inspirée de l’univers de HP Lovecraft. Certainement sa meilleure œuvre (tant graphique que scénaristique), le double album adopte une technique en peinture directe (son premier il me semble) et aux traits beaucoup plus sérieux que ses albums d’Heroïc-Fantasy. Le film Seven, sorti en même temps que le second volume Notre seigneur l’écorché adoptait une esthétique très proche: une ville sombre, poisseuse, humide où la lumière semble fuir. le lien entre les deux ne s’arrête pas là car la mise en scène de la BD est extrêmement cinématographique, avec travelings, zooms et dézooms, textes hors-champ etc. L’esthétique art-déco irradie des décors très fouillés et surtout, Ledroit développe ce qui a fait sa marche de fabrique: la destruction de pages par un savant jeu de cases rompant totalement avec les codes de la narration franco-belge et entièrement fusionnées avec ses nécessités graphiques. L’inspiration vient probablement du Manga puisque même Sin City de Frank Miller (qui a lui aussi révolutionné la construction des planches) sort à peu près en même temps.

    Thomas Mosdi n’est sans doute pas pour rien dans cette évolution plus cadrée de l’art de Ledroit, puisqu’il avait produit le scénario de la première série de Guillaume Sorel, également très teintée de Lovecraft (l’Ile des morts) et très travaillée en matière de découpage. Toutes les autres BD d’Olivier Ledroit ont le gros défaut d’être basées sur des scénarios de jeu de rôle, sans grande ambition, laissant libre court à la furie des pinceaux de l’illustrateur. Xoco est d’abord une histoire sur le voile des réalités, des démons d’entre les mondes et des pouvoirs des esprits (les chamans navajo). Une histoire solide, à la progression construite et laissant la place aux séquences dialoguées, aux atmosphères (dès l’intérieur de couverture un rapport de police nous immerge dans l’histoire). Probablement que Ledroit s’amuse plus en envoyant des légions de millions de dragons se fracasser sur des murailles titanesques… mais ses albums en pâtissent. Ainsi hormis la fin apocalyptique et très noire, la plus grande partie du récit est une enquête policière relativement classique. Ça reste sombre, violent, mais c’est de la très bonne BD, de l’excellent scénario: en clair, un film sur papier.

    J’hésite souvent à penser qu’Olivier Ledroit gâche son talent et ne choisit pas vraiment les bons scénaristes qui le bousculeront… Sa tentative de scénario sur le très bon Les irradiés (jamais poursuivi faute de succès) m’incite à penser que cela aurait pu l’amener à diversifier ses histoires et sa technique. Il y a plein de raisons de ne pas aimer les BD de Ledroit, malgré des planches objectivement magnifiques… Si vous êtes de ceux-ci, lisez Les deux tomes de Xoco et savourez un artiste ambitieux, travailleur, exigeant.

    A lire sur le blog:
    https://etagereimaginaire.wordpress.com/2018/02/09/xocco/

    Shaddam4 Le 22/02/2018 à 12:11:13
    Wallman - Tome 1 - Volume 01

    J’ai découvert le mangaka Boichi très récemment et notamment son œuvre phare (et la plus longue): Sun-ken Rock. C’est clairement en parcourant les recherches d’image Google que j’ai flashé sur ces cases dont certaines sont réellement sidérantes. Wallman étant en seulement trois volumes à ce jour (probablement un premier cycle) je me suis laissé tenter. Et donc qu’est-ce que ça vaut?

    Et bien je dirais plutôt très bien et plutôt mieux que Sun-Ken Rock. D’abord, la série étant plus récente, son dessin est déjà à pleine maturité (les premiers tomes de Sun-Ken Rock étaient « à améliorer ») et son style également.
    Les fondamentaux sont là: on est dans un manga d’action effrénée où l’humour vaguement scato ou sexuel et les (très) jolies filles (très) aérées ont une place sinon centrale, disons régulière. Boichi adore les plans osés sur les petites culottes. L’insistance est un peu lourdingue mais question virtuosité cela permet des plans assez incroyables dans les scènes d’action. De même, les filles ont une fâcheuse tendance à oublier de mettre des pantalons/des soutifs… bref. L’artiste un peu Otaku sur les bords se fait plaisir et finalement il n’est pas le seul dans l’univers de la BD à aimer dessiner les filles…

    Passons donc au cœur du manga: l’action. Là-dessus on entre directement dans le vif du sujet avec des acrobaties câblées de Maître Ku et sa charmante disciple (format oblige: on est sur trois volumes dans une histoire finie quand Sun-Ken Rock se clôt en 25 volumes avec quelques longueurs) dès les premières pages. Ça va même un peu vite pour du manga et on est un peu frustré de passer si rapidement sur ces affrontements qui virent dès le second volume en mode jeu vidéo (inspiration claire de Boichi) avec boss successifs avant d’atteindre la fin du « level ». L’originalité des combats câblés est réelle et permet à la fois une scénarisation des combats et des innovations graphiques franchement chouettes. Le design et concept des adversaires est également hissé vers le haut et l’on pense parfois aux inventions du jeu vidéo Metal Gear Solid avec ces boss aux qualités très spécifiques. Niveau dialogues ça ne vole pas haut mais on n’est pas là pour philosopher…

    Ce qui fonctionne très bien dans ce manga c’est l’articulation du trio Maitre Ku (le héros +/- assexué)/Nami (la bombe anatomique qui voit en lui un père/amant)/Kubota (l’ami mangaka rigolo). Kubota apporte un vrai plus niveau humour, ce petit gros expert en grand écart sauté avec fusil à pompe est très drôle et tempère le caractère ténébreux du héros. Il permet également d’introduire le thème des armes à feu, comme sur le tome 3 où l’auteur nous explique les subtilités des calibres des fusils antichar des soviétiques et des finlandais… Le côté technique est très sympa dans cette série et me rappelle un peu Appleseed.

    En trois tomes sur les chapeaux de roue on n’a pas vraiment le temps d’installer une histoire, mais le troisième volume (clairement le mieux) commence à détailler l’univers des agences d’espionnage et des organisations occultes qui embauchent les Wallmen. Ça semble bien plus touffu et avec un plus gros potentiel que Sun-Ken Rock… auquel Wallman est lié puisque Nami apparaît dans la grande série de Boichi et que Wallman nous parle du Gang que Ken (qu’on voit apparaître à la fin) a décimé.

    Le mangaka est pour l’instant parti sur une nouvelle série (Origin, à paraître en France en juin chez Pika), ce qui reporte la suite des aventures de maitre Ku, mais il est certain que l’assassin câblé va voir de nombreux tomes dans le futur, pour notre plus grand plaisir!

    A lire sur le blog:
    https://etagereimaginaire.wordpress.com/2018/02/12/wallman/

    Shaddam4 Le 22/02/2018 à 12:00:05

    A sa sortie cet album m’avait intrigué par sa couverture rigolote. Les illustrations regardant le lecteur dans les yeux (ça me fait penser à La folle du sacré-cœur de Jodo et Moebius) c’est toujours efficace/dérangeant. Mais pour la même raison que je n’avais pas tenté Jazz Maynard (couleurs ternes de Roger peu attirantes), j’avais continué mon chemin. Ayant vu cet album dans plusieurs des sélections de la BD de la semaine et ayant depuis totalement flashé sur le dessin de l’espagnol Roger, j’ai sauté à pieds joints sur cette BD… pour une excellente surprise!

    Tout d’abord précisons une chose: ce long titre est une fausse bonne idée. D’abord par-ce que cet album n’est pas franchement ironique comme cela pourrait le suggérer et par-ce que niveau com’ c’est quand-même long à retenir. Un peu comme pour « il faut sauver le soldat Ryan« , parfois les auteurs devraient consulter avant de choisir un mauvais titre… Ce roi de Prusse c’est Michel, esprit d’enfant dans un corps de géant et dont la vieille mère s’occupe quotidiennement. C’est elle qui « reprise les chaussettes ». Sauf qu’ici il n’est aucunement histoire de Geste héroïque ni de guerre mais bien du combat d’une mère fatiguée mais éternelle optimiste pour gérer les sautes d’humeur et les paniques subites de son fils handicapé mental.

    Zidrou nous offre une très belle histoire. Belle par-ce que franche mais sans pathos. Le sujet n’est pas le handicape mais bien l’amour maternel et la difficulté à gérer ce qui n’est pas gérable, dans une inversion des rôles néanmoins tragique. Le trait en encrages puissants de Roger participe beaucoup de cette tendresse, dans des regards et des visages par moment pas loin du cartoon. L’album se découpe en plusieurs séquences vaguement thématiques qui voient progresser notre compréhension de la situation de cette famille brisée par la mort du père puis par l’accident du fils Michel. Le lieu n’est pas connu (c’est dommage, l’atmosphère nocturne de Barcelone était très forte dans Jazz Maynard) et l’on plonge surtout dans l’univers étroit de ce colosse enfantin fait de caprices, d’activités cycliques et de la tendresse de son entourage. L’album est dédié à cette héroïne moderne, minuscule bonne femme capable de déplacer des montagnes et que rien ne fait capituler. Concernant le dessin, donc, Roger est pour moi l’un des tout meilleurs dessinateurs actuels (j’en ai parlé ici), mais sa colorisation très monochrome me fait me demander s’il ne ferait pas bien de prendre un coloriste… Son style s’accommoderait parfaitement du noir et blanc et ses couleurs n’apportent pas grand chose à ses planches. Pas sur que des couleurs vives n’écrasent pas ses encrages mais pour une BD de la sorte je pense que ça collerait plus avec l’atmosphère recherchée.

    Il n’en demeure pas moins que ce « Roi de Prusse… » est un très beau petit album. Pas de ceux qui vous transportent ailleurs mais un moment de calme à partager avec cette belle personne à admirer les coups de pinceaux d’un grand artiste.

    A lire sur le blog:
    https://etagereimaginaire.wordpress.com/2018/02/13/pendant-que-le-roi-de-prusse-faisait-la-guerre-qui-donc-lui-reprisait-ses-chaussettes/

    Shaddam4 Le 22/02/2018 à 11:57:10
    Mattéo - Tome 4 - Quatrième époque (août-septembre 1936)

    Magnifique album, comme toujours chez Futuropolis (peut-être l’éditeur le plus attaché à ses maquettes avec la collection Metamorphose), les couvertures de la série sont chaque fois à tomber. La couverture est un peu trompeuse puisqu’il n’est (presque) pas question d’aviation… Ce quatrième tome forme un second cycle entamé avec le 3 sur le Front populaire et se poursuivra au moins sur un cinquième tome pour clôturer le cycle. On aurait aimé un cahier graphique…

    Je suis (comme beaucoup) Gibrat depuis son grand succès Le Sursis, superbe diptyque sur l’amour, l’attente, la guerre… Chacun de ses albums est très bien accueilli malgré des répétitions que l’on ne peut nier (toutes ses filles ont le même – magnifique! – visage…) et cela pour une simple et bonne raison: il est pour moi l’illustrateur BD qui a probablement la plume la plus virtuose du circuit. Rares sont les grands illustrateurs dont les textes sont presque plus puissants que les images et c’est le cas avec Gibrat. Pourtant on part de très haut et il n’est pas besoin d’appuyer beaucoup sur les qualités des dessins et notamment des couleurs directes.

    "Les grandes idées ne se claironnent plus, elles se chuchotent. L’idéal dévalué, la peur restait une valeur refuge"

    Pour rappel, après la première guerre mondiale dans le tome 1, la révolution russe de 1917 dans le 2 et le front populaire dans le 3, Mattéo se retrouve (comme la fin du précédent le laissait entendre) embarqué dans la révolution espagnole (ou plutôt catalane) contre les phalanges franquistes. Une situation politique qui représente le personnage: idéaliste et désabusé. Ce thème permet à l’auteur de s’étendre sur ces grandes pages sur les magnifiques paysages semi-arides de l’Espagne, les petites ruelles du sud qu’il aime tant dessiner, ces bleus qui irriguent le ciel… C’est beau, très beau, on a l’habitude avec lui. Ce qui est plaisant dans la série Mattéo, plus que dans ses autres, c’est cependant son effort sur les visages ou plutôt les tronches. Mattéo d’abord, vraiment caractérisé, avec son nez cassé et son regard sombre, mais aussi les camarades vociférants. On est pas loin des gueules de Bourgeon mais en plus délicat.

    "Je vois que l’activité politique bat son plein… toujours sur la même ligne… celle du petit blanc"

    Image associéeMattéo est une série flamboyante par-ce qu’elle propose une traversée de la première moitié du siècle et se ses soubresauts politiques. C’est la série la plus engagée de Gibrat et sa longueur semble indiquer qu’il s’y fait plaisir, à la fois graphiquement et intellectuellement. Je n’ai pas relu récemment les précédents tomes (la série a 10 ans) mais je dois dire que ce volume est celui qui m’a le plus marqué au niveau des textes. Il y a une vraie inspiration dans les commentaires du narrateur sur la situation de ces pieds nickelés alcooliques engagés pour l’aventure ou pour la démocratie (on ne sait pas trop…) et sur les réparties à la fois drôles, vives, acerbes. Une vraie ambition littéraire qui fait relire plusieurs fois certaines bulles pour s’en imprégner, pour les savourer, comme on savoure ces aquarelles superbes.

    "… nous ne faisions guère mieux que des iceberg, on se fabrique sous un climat, on s’en détache, et on dérive le nez au raz des vagues."

    Niveau scénario il y a bien une petite difficulté quand à la disparition soudaine des personnages entre les albums de la série et au sein d’un même album. C’est perturbant car cela brouille un peu la simplicité du récit. Probablement car Mattéo est l’axe de ses récits, le reste, comme l’histoire, comme la guerre, étant dérisoire à ses yeux. Il y a pourtant de l’aventure dans cette série (je ne dirais pas de l’action, qui n’est peut-être pas le fort de Gibrat) et l’on aime suivre les pérégrinations tant amoureuses que militaires de notre gueule cassée préférée.

    Mine de rien Mattéo est en train de devenir une référence dans la BD historique et sans doute la meilleure série de son auteur. Une série qui peut se prolonger sans soucis et pour notre plus grand plaisir encore sur de nombreux albums, tant que le siècle a encore des horreurs à montrer.

    A lire sur le blog:
    https://etagereimaginaire.wordpress.com/2018/02/14/matteo-4-epoque/

    Shaddam4 Le 22/02/2018 à 11:50:55
    Dragon Ball Super - Tome 3 - Le plan

    Édition très propre de Glénat reprenant exactement l’élégante maquette japonaise. En intro chaque volume comprend un mot du dessinateur et en fin quelques pages bonus.

    Après la fin du tournoi entre les champions des univers (#1 et 2), l’on découvre qu’un double maléfique de Goku a ravagé le futur et pratiquement exterminé l’humanité. Commence une enquête autour de Beerus le dieu de la destruction, les Kaïo Shin des différents univers et la bande de Goku pour éliminer ce danger.

    On continue avec toujours autant de plaisir cette improbable résurrection de Dragon ball qui avait tout de la prolongation de trop alors qu’elle gagne à chaque volume et est pour moi, alors que je lis ce troisième tome, meilleure que DBZ, à cheval entre les délires du premier Dragon ball et les élucubrations SF de DBZ. Il y a étonnamment peu de combats ici, pas mal de dialogues, tous très drôles, décalés voir totalement délirants. Énormément de second degré (les noms des différentes formes de super Sayan ou la semi-débilité de Goku). L’intro du second chapitre où le dieu de la destruction joue à Mario kart avec la bande de Sangoku vaut ainsi son pesant de cacahuètes! La mythologie que continue de développer Toriyama est cohérente même si ça part toujours dans tous les sens et que les lois et hiérarchies qu’il a édictées sont sans cesse transgressées. C’est drôle, familier, rythmé et l’auteur parvient même à instiller une vraie curiosité en mode polar. Les intrigues sont nombreuses (autant que les personnages!) et sont résolues assez rapidement, évitant une histoire qui s’étirerait trop. On est dans des questions de voyage temporel et leurs paradoxes, expliqués de façon très pédagogique.

    Sur le plan graphique, si le maître Toriyama (toujours au scénario et ça se ressent!) a passé les crayons à un jeune mangaka qui apprend au contacte de son mentor, ça reste de très bon niveau et hormis quelques approximations (mais les premiers DB étaient-ils tous nickel?) La traduction semble menée -rapidement- avec grand soin et sans censure: de nombreuses explications sur les noms « alimentaires » des personnages ou le langage de charretier de Vegeta…
    DBS est vraiment une de mes meilleures lectures manga en ce moment et j’attends avec grand impatience la suite des aventures galactiques des sayans.

    A lire sur le blog:
    https://etagereimaginaire.wordpress.com/2018/02/19/dragon-ball-super-3/

    Shaddam4 Le 22/02/2018 à 11:49:07
    Bob Morane - Renaissance - Tome 1 - Les Terres Rares

    Je n’ai jamais lu de Bob Morane que je ne connais que par la chanson d’Indochine… La reprise de la série avec le dessinateur du très réussi Sykes était l’occasion pour moi de découvrir ce personnage, aidé par une couverture du premier tome vraiment chouette.

    Après avoir sauvé le futur président du Nigéria, Bob Morane, brillant idéaliste rompu aux zones de guerre devient son conseiller spécial, chargé de mettre en oeuvre un ambitieux plan d’éducation des populations nigérianes grâce à une technologie d’apprentissage neural. Mais alors que des attentats brutaux attisent les tensions, les motivations du président et de sociétés françaises deviennent plus troubles et obligent l’Aventurier à remettre ses convictions en question.

    Malgré un a priori plutôt positif, j’ai été assez déçu par les deux premiers albums sensés former un premier cycle alors qu’ils ne clôturent rien mais ressemblent plutôt à une introduction au personnage. Le problème c’est que tout va beaucoup trop vite pour un album introductif à un personnage mythique. Je ne sais pas si Bob Morane à été modernisé ( il est ici un idéaliste archidiplomé et engagé pour des raisons humanitaires dans les casques bleus) mais si l’environnement géopolitique est assez contemporain, l’introduction d’une part non négligeable de SF ne prends pas vraiment. J’attendais plus de la BD d’aventure à la Largo winch et ici Bob Morane est totalement trimballé par le scénario sans aucune décision ni réflexion de sa part. Du coup, si l’on peut s’intéresser à une intrigue d’anticipation proche de ce que produit Fred Duval dans la collection Série B Delcourt, le personnage nous laisse assez distants. C’est dommage car le scénario est assez ambitieux, mais j’ai éprouvé du mal à identifier cette BD entre différents genres, ce qui empêche d’être véritablement happé. Sur un thème proche, le Katanga de Fabien Nury, plus faible niveau graphique, est beaucoup plus réussi dans le traitement de la relation politique entre Occident et pays africains.

    Niveau dessin, si le trait très encré de Dimitri Armand collait parfaitement à l’ambiance western de Sykes, on alterne ici entre certaines cases très inspirées, notamment au niveau des visages et beaucoup d’autres assez lambda avec des arrière-plans délaissés. Je ne suis pas sur que l’on puisse reprocher grand chose à Armand (son travail reste plus que correcte) hormis que son style ne s’accommode pas vraiment avec des atmosphères futuristes. Les hésitations graphiques que je notais sur Sykes sont toujours d’actualité et la technique de l’illustrateur à peu progressé depuis, ce qui est étonnant. On dira que c’est inégal.
    Du coup il est peu probable que je continue une série qui a mon avis aura du mal à attirer des lecteurs ignorants de la série originelle. Un coup dans l’eau pour le Lombard.

    A lire sur le blog:
    https://etagereimaginaire.wordpress.com/2018/02/20/bob-morane-renaissance/

    Shaddam4 Le 22/02/2018 à 11:44:59
    City Hall - Tome 5 - Tome 5

    Dans cette série Steampunk de style Manga, entre humour et action et caractérisée par un rythme effréné (qui peut parfois épuiser le lecteur!), Jules Verne accompagné d’Arthur Conan Doyle et d’une agent spéciale envoyée en Europe par par Eliott Ness se retrouvent à Paris à la recherche du texte descriptif du méchant Black Fowl afin de sauver son père. Le tome commence directement dans le Monde à l’Envers, de l’autre côté du Miroir (le monde d’Alice au pays des Merveilles) où le Chat de Cheshire soumet Houdini (envoyé là par son double maléfique) à des énigmes redoutables. L’histoire progresse ainsi en parallèle entre les mésaventures de Houdini qui rencontrera le créateur de ce monde parallèle, Lewis Caroll, et les héros qui sont eux recueillis par un Victor Hugo membre d’une résistance occulte comprenant rien de moins que Maupassant, Agatha Cristie, Edgar Poe, Tolkien et Maurice Leblanc (Arsène Lupin)… ouf!

    Vous l’aurez compris, la grande force de cette série est l’extraordinaire imagination et le patchwork cohérent qu’ont réussi à créer les auteurs autour de ce monde où le papier permet de générer une réalité par sa simple description. Sortes de sorciers dotés de crayons à la place de baguettes, les personnages sont tous des figures de l’histoire littéraire (mais également Lincoln, Graham Bell, Malcolm X,…). Le concept est extrêmement audacieux et excitant et si les premiers volumes souffraient de quelques défauts de jeunesse, les auteurs atteignent ici pleine maturité de leur récit. On reste dans du manga ce qui implique une relation entre les personnages un peu manichéenne, des dialogues un peu ado et des découpages où le rythme est la vertu cardinale. Mais l’ensemble reste assez lisible et surtout le design général est vraiment alléchant. L’ambiance steampunk laisse le champ libre à toutes les possibilités scénaristiques concernant des innovations technologiques à vapeur (les auteurs s’inspirent des découvertes récentes… à la sauce Révolution industrielle). Les grande auteurs, tous dotés d’une créature imaginaire issue de leurs crayons sont dessinés de façon totalement libre et fantasmée, comme des héros de jeux-vidéo. Les conspirations, agences secrètes et histoire occulte foisonnent dans cet univers, si bien que malgré la grosse pagination, on trouverait presque que tout va trop vite et l’on souhaiterait que la série continue (elle s’achève au septième tome). Ce volume comporte plus de découvertes que d’action mais reste sur un très bon équilibre entre les dialogues too-much de Jules Verne, l’univers fantasmagorique de l’autre côté du miroir (même la Reine de cœur apparaît!) et la confrérie occulte de Victor Hugo.

    C’est plein, ça déborde de cœur et d’envie de la part des auteurs (comme cette double illustration en transparence!) qui ont voulu mettre tout leur amour des imaginaires dans leur création et je vous invite vraiment à découvrir ce très bon manga français (surtout si vous n’êtes pas férus de manga) qui fait de la littérature classique un monde d’action, d’énigmes et d’aventure!

    A lire sur le blog:
    https://etagereimaginaire.wordpress.com/2018/02/21/city-hall-5/

    Shaddam4 Le 22/02/2018 à 11:39:18
    Katanga - Tome 1 - Diamants

    L’indépendance du Congo en 1960 attise les convoitises sur les matières premières d’un territoire encore mal contrôlé par un régime hautement corrompu. La Francafrique se mets en place à l’aide de conseiller de l’ombre et de barbouzes cherchant de l’activité après la fin des guerres coloniales. L’histoire ne sent pas bon et les hommes sont cupides. Bienvenue dans la réalité de la Francafrique…

    Le duo d’il était une fois en France se reforme pour une série très ressemblante dans son traitement historico-realiste mais transposé dans la francafrique. Ce que j’aime chez Fabien Nury, comme chez Lupano, c’est que tout en restant dans de la vraie BD plaisir ils gardent toujours une part politique, polémique, grise.

    J’avais lu avec réticence Il était une fois en France dont le thème ne m’attirait pas, avec des dessins que je trouvais assez grossiers… Et à la lecture j’avais été conquis par le talent d’écriture du scénariste et par une certaine expressivité des visages du dessinateur. Il en est de même ici. On part dans une BD d’aventure politique au sein des sales opération politico-economiques, à base de barbouseries les plus noires. Les héros sont de gros réac venus en Afrique pour buter du nègre et se remplir les poches… Pas vraiment de gentils chez Nury, mais comme il se place dans de la BD d’aventure cela n’est pas déprimant comme peuvent l’être certaines BD documentaires. La vision des africains pourrait même friser le racisme… si les blancs n’étaient pas tout aussi monstrueux.

    La part graphique est étonnante, avec le trait presque cartoon ou BD jeunesse de Vallée qui s’avère (une fois qu’on s’y est habitué) très précis, lisible et particulièrement bien découpé. Si la version N&B de l’album permet d’apprécier les encrages du dessinateur, ce sont surtout les extraordinaires couleurs de Jean Bastide (pour moi le meilleur coloriste actuel) qui rehaussent ces dessins de façon impressionnante. Nous avons ici une vraie BD à trois mains où du scénariste au coloriste chacun participe à une partition graphique d’assez haut niveau.

    Malgré son traitement vraiment sans détours et totalement pessimiste, Katanga réussit le pari d’allier l’action, l’exploration historique et la dénonciation d’une époque au sein d’un album de BD très grand public. Une réussite qui donnent envie de lire la suite.
    Lire sur le blog:
    https://etagereimaginaire.wordpress.com/2018/02/22/diamants/

    Shaddam4 Le 05/02/2018 à 10:33:23
    Astérix - Tome 37 - Astérix et la Transitalique

    J'avoue que j'ai décroché d'Astérix depuis Chez Rahazad qui reste pour moi un des meilleurs de toute la série. J'avais lu quelques albums suivant mais c'était franchement moins bon. A partir des sorties de faux albums (genre "la rentrée gauloise" ou "comment Obélix est tombé...") j'ai complètement laissé les gaulois de côté. Les plutôt bonnes critiques de la Transitalique et surtout l'excellente adaptation animée d'Astier m'ont donné envie de m'y remettre. Et du coup à la lecture de cet album je crois que je vais me faire un rétro sur les deux autres albums de la reprise.

    Donc après une entrée en matière fort rapide, une course est organisée en Italie pour démontre la qualité des voies romaines. Différents équipages venus des quatre coins de l'Empire entrent en lice, à la poursuite de l'étrange champion romain doté d'un casque.  Obélix s'avère être un excellent aurige (conducteur de char) et les péripéties permettent aux auteurs d'introduire moultes anachronismes et jeux de mots.

    Franchement je me suis bien marré en retrouvant nos deux moustachus. Les noms des concurrents sont toujours aussi bien trouvés et les situations sont fidèles à ce à quoi la série nous a habitué (les deux numides parlant par hiéroglyphes sont très drôles). Rien de révolutionnaire et on pourra bien sur trouver quelques manques: peu de baffes aux romains, un Astérix pas si malin que d'habitude, peu de caricatures et surtout l'absence de la page traditionnelle présentant le village des irréductibles cerné par Babaorum, Petitbonum et laudanum (absence incompréhensible et qui a soulevé un début d'émeute parmi les fans...). Nombre d'albums oblige, on retrouve des éléments du Tour de Gaule ou d'Astérix légionnaire par exemple, mais l'humour est là. Pour moi le contrat est rempli. J'imagine que des puristes trouveront toujours un sacrilège à conspuer mais les nouveaux auteurs parviennent à conserver le plaisir. Tant que les lecteurs auront envie de lire de nouveaux albums, pourquoi pas?

    A lire sur le blog:
    https://etagereimaginaire.wordpress.com/2018/01/30/asterix-la-transitalique

    Shaddam4 Le 05/02/2018 à 10:31:16
    La horde du Contrevent - Tome 1 - Le Cosmos est mon campement

    L'édition simple (à grosse pagination!) comprend une préface joliment écrite de l'auteur du roman, Alain Damasio, ainsi qu'un cahier graphique en fin d'album. Pas d'information sur l'auteur (biblio etc), c'est toujours dommage. Il existe une édition N&B... plus chère comme de coutume, pratique que je ne comprend pas hormis pour faire payer les fans. Franchement, même si le dessin d'Henninot est très bon, je pense que la version couleur reste meilleure. La couverture est un peu terne à mon goût et aurait mérité quelque chose de plus énigmatique, de plus poétique.

    Sur une terre balayée par des vents continus et puissants, depuis huit siècles la cité d'Aberlaas forme la Horde, équipe de spécialistes de différents arts destinés depuis l'enfance à remonter la "bande de contre" à destination de l'extrême-amont, la source des vents. Huit siècles que le but n'a pas été atteint. Mais cette trente-quatrième Horde est certaine d'être la dernière.

    Quelle surprise cet automne lorsque j'ai appris la publication d'une adaptation BD de ce chef d'oeuvre qu'est la Horde du contrevent! J'avais découvert le bouquin lors du projet de film d'animation il y a quelques années (projet avorté après échec du financement  participatif). J'adore la SF et plutôt en one-shot. De bons souvenirs de romans SF avec Bordage et surtout un pitch très alléchant. L'ouvrage a été dévoré et j'ai été comme beaucoup fasciné par l'inventivité, les dialogues percutants, la dramaturgie aux petits oignons et la maîtrise de la langue de l'auteur avec notamment ce duel de palindromes qui restera dans les mémoires... Bref, l'adaptation d'un livre adoré est toujours dangereuse pour un lecteur. J'étais très sceptique, n'ayant en outre pas une très bonne image des BD de Henninot. Comme je suis curieux et que j'adore néanmoins voir ce que d'autres font d'une oeuvre, j'ai lu la Horde version BD.

    Et bien c'est absolument excellent! D'abord les dessins, pas extraordinaires, pas d'une originalité folle, mais dotés d'une personnalité, d'une finesse dans les traits des visages notamment, qui le mettent dans la moyenne supérieure de ce qui se fait. Le design ensuite, risqué dans le cadre d'une adaptation, est réussi, même si je chipoterais en disant que sur un monde de vents la logique voudrait que les tenues ne soient pas amples... mais c'est moins graphique. Mais la très grande force du dessinateur repose sur le travail... des vents! Si les paysages montrés sont a peu près ceux que l'on imagine, comment dessiner les vents? La grande inventivité de Henninot a été d'associer des courbes omniprésentes à des effets de souffles (comme dans les manga ou les traînées d'avions à réaction) et d’onomatopées. De l'ensemble ressort un sentiment de bruit omniprésent, de mouvement, celui que l'on ressent en pleine bourrasque. Les images sont saturées visuellement, ce qui donne une impression de plein. L'atmosphère si importante est pleinement rendue et c'est un tour de force. Parmi les petits regrets je trouve dommage de ne pas avoir plus représenté l'effort permanent, l'horizontalité des hordiers, ainsi que la séquence du Furvent. Henninot a choisi la même voie que le livre: ce n'est pas représentable, donc ellipse. C'est son choix, respectable, mais cela aurait été tellement beau...

    Je tiens à préciser la remarque de Damasio dans la préface: une adaptation est personnelle et il est illusoire de chercher à retrouver un livre dans une BD ou un film. L'adaptation est autre chose. Ce que l'on doit rechercher c'est un plaisir, un cœur. Et ce cœur y est! Eric Henninot a réalisé l'ouvrage seul et son scénario est très bon. Le découpage et surtout les dialogues, centraux dans l'oeuvre, dans l'articulation entre les personnages, sont vraiment réussis. Les personnalités sont là, les échanges vifs, percutants, permettent de cerner la psychologie de chacun dans cette situation extrême, aberrante. La BD commence en prologue, à la fin de la formation des hordiers à Aberlaas, soit avant le roman. C'est bien car cela permet de mieux situer le contexte. De même la présentation en plan du monde des vents, du trajet et des lieux à parcourir facilite l'immersion dans cet univers. En revanche, (dans le tome 1 tout au moins) la particularité du texte original d'utiliser la ponctuation pour décrire les vents et les symboles représentant les personnages ont disparu au format BD. Ça ne touchera que les fans mais je trouve que cela aurait pu être utilisé facilement. De même (je chipote) dans cet univers horizontal et avec un matériau si exceptionnel, pourquoi ne pas avoir opté pour des planches horizontales? Ce n'est pas le format classique de la BD mais d'autres expériences plus extrêmes ont déjà vu le jour en BD, à commencer par les destructions et retournements chers à Olivier Ledroit.  Tout ça pour dire qu'un brin de folie aurait pu réhausser encore cette excellente BD.

    Je tiens à finir en m'adressant à ceux, majoritaires qui n'ont pas lu le roman. D'abord pour dire que la BD ne le nécessite pas, elle est excellente toute seule, comme tome unique et comme démarrage de série (que j'imagine en 5 ou 6 parties au regard de la progression du tome 1 et de l'intrigue globale). Fans de SF ou novices (voir réticents), lisez la car il s'agit d'abord d'une aventure humaine, de relations au sein d'un groupe, de membres ayant chacun son univers, sa philosophie, sa morale (tiens du coup ça me rappelle une autre "expédition", celle de l'Endurance, chroniquée ici). Le but est illusoire, impossible, alors pourquoi passent-ils leur vie entière à remonter cette terre? Chacun pour des raisons qui lui sont propres, à la fois unité et partie d'un organe appelé la Horde. Il n'y a pas a proprement parler de fantastique dans la Horde et la seule part SF est celle de se situer sur un autre monde.

    Laissez-vous porter par l'image, le son, par les mots. Un auteur totalement impliqué dans son projet ne laisse généralement personne de marbre. Surtout que le tome 2 devrait présenter ma séquence préférée du livre: le navire fréole.

    A lire sur le blog:
    https://etagereimaginaire.wordpress.com/2018/01/31/la-horde-du-contrevent

    Shaddam4 Le 05/02/2018 à 10:30:06

    Lubin est un artiste, acrobate, un peu immature mais heureux dans sa vie. Puis il constate qu'un autre lui prends possession de son corps, d'abord un jour sur deux puis de plus en plus. Comment va-t'il gérer, admettre cela? Son entourage? Est-ce inéluctable et surtout, à mesure que cela évolue, ne risque-t'il pas à terme de disparaître complètement?

    Gros album avec beaucoup de séquences muettes, illustrant le passage des jours, de plus en plus rapide, de plus en plus chaotique. Structure des cases assez rectilignes, assez classique, comme le dessin de l'auteur, très ligne claire avec des aplats de couleurs peu nuancés. Je reconnais la qualité de cette BD qui, malgré sa pagination importante se lit bien, rapidement, sans ennui. De même le traitement en mode thriller de cette relation à son moi invisible, bien mené. Je dirais que techniquement cet album est irréprochable.

    Pourtant il ne m'a pas touché, que ce soit au niveau du dessin ou au niveau de l'histoire. D'abord par un côté très lisse du graphisme qui ne me parle pas. J'adore Juillard, les albums de Vivès, pourtant très épurés et parfois proches de Le Boucher, me touchent, j'y perçois une sensibilité qui ne me paraît pas ici. De même pour le scénario, trop linéaire, trop sombre (hormis les dernières planches qui, enfin, un peu tard, proposent une touche poétique). Cette couverture reflète bien cette impression lisse, informatique. En outre l'album est souvent présenté comme fantastique, ce qu'il n'est pas. C'est un roman graphique de forme thriller psychologique qui pourrait se rapprocher d'un Hitchcock et proche de ce qu'à fait Marietta Ren sur Phallaina, la BDfilée numérique sortie il y a quelques temps. Il y a une inquiétude inéluctable qui est assez désagréable pour le lecteur, une tension. On pourra aimer cela mais personnellement je n'ai pas eu grand plaisir à lire cet album. encore une fois c'est subjectif et je comprend que beaucoup aient pu l'apprécier. Timothée le Boucher est un vrai auteur et sait faire de la BD. Il progresse en outre graphiquement entre ses albums. Mais son style n'a pour moi pas assez de caractère et je ne comprend pas ce qu'il a voulu faire, dire, avec cet album. Bref, je suis resté à l'extérieur.

    Lire sur le blog:
    https://etagereimaginaire.wordpress.com/2018/02/01/ces-jours-qui-disparaissent

    Shaddam4 Le 05/02/2018 à 10:27:59

    [...]
    Probablement conscient de l'impasse dans laquelle il se trouvait vis a vis du public, Ledroit a entrepris un virage vers un graphisme beaucoup plus lumineux avec Wika, dont deux tomes sont parus (le troisième ne devrait plus tarder): série médiévale-fantastique, proche de l'univers visuel des Chroniques, mais qui a permis à Ledroit d'axer son travail sur la thématique des fées (sujet sur lequel il a toujours fait beaucoup d'illustrations et sur lequel il a produit un gros art-book). Le livre que je présente ici est issu de ce nouveau thème sur lequel il travaille visiblement depuis pas mal d'années (un certain nombre d'illustrations sont datées de 2010).

    La fabrication est très sérieuse: ouvrage grand format avec jaquette plastifiée détachable (la couverture elle-même ne comporte aucune illustration). Le papier est de qualité et les impressions lumineuses. Ce livre est issu d'une exposition sur le thème des fées dans l'univers de Wika.

    L'ouvrage prend la forme d'une sorte de carnet de voyage dans un XIX° siècle uchronique où après la découverte de l'Aether le monde des fées a fusionné avec le monde humain pour donner naissance à une civilisation steampunk où des créatures magiques sont omniprésentes. Plusieurs parties thématiques proposent de visiter Londres, New-York, Paris, Tokyo,... au travers de magnifiques pin-up-féériques. Il s'agit essentiellement pour Ledroit de variations sur le thème de la très pulpeuse fée, tantôt dotée d'ailes mécaniques (voir à vapeur), tantôt naturelles. Le travail des costumes et étoffes est formidable et certaines illustrations très poussées à la peinture sont véritablement magnifiques. Quelques erreurs d'édition (...pas forcément évitables) à regretter, comme cette magnifique peinture sur deux pages où la couture du livre arrive en pleine face... Un certain nombre d'illustrations ne sont pas colorisées ou ressemblent plus à des crayonnés poussés, ce qui me fait dire que l'on est plus dans le recueil d'illustrations sur une thématiques que dans un livre conçu par Ledroit à l'origine. On aurait aimé que toutes les images soient aussi abouties que les doubles pages: les albums de l'auteur sont parfois plus fouillés que certaines illustrations de ce art-book. Étant donné le prix relativement modeste pour un art-book on acceptera cela mais je reconnais que l'ouvrage entraîne une petite frustration.

    Son grand intérêt reste cependant la cohérence thématique et surtout la technique récente de Ledroit d'utiliser des dentelles et pièces métalliques peintes en doré ou argenté qu'il colle sur ses illustrations. Cela a déjà été vu que les albums de Wika et donne un cachet très particulier, physique aux impressions. Il effectue également des collages de papiers différents. Je ne suis pas totalement convaincu de l'intérêt de cet effet patchwork, mais bon, cela participe d'un tout. Fées et amazones est à ranger dans la catégorie des "petits" art-book destiné à fructifier sur l'imaginaire développé autour de la série BD Wika. Pour un regard plus général sur l'art de Ledroit depuis ses débuts on préfèrera ses ouvrages chez Daniel Maghen.

    Lire sur le blog:
    https://etagereimaginaire.wordpress.com/2018/02/02/fees-et-amazones

    Shaddam4 Le 05/02/2018 à 10:24:52
    Extraordinary X-Men - Tome 1 - Refuge-X

    L'arc Extraordinary X-men scénarisé par Jeff Lemire fait suite à celui de Brian Michael Bendis intitulé Uncanny X-men (je ne suis pas un spécialiste, c'est juste pour resituer). La série est récente puisque publiée en 2016 aux Etats-Unis. Panini nous a donc sorti un premier volume doté d'une superbe couverture d'Umberto Ramos (... comme d'habitude l'artiste en charge est ma première motivation sur la lecture d'un Comics), qui comprend la premère partie intitulée "Refuge-X":

    Après la libération des brumes teratogènes (voir mon billet sur les Inhumains, situé dans la même chronologie) et les mystérieux mais terribles actes de Cyclope, les mutants sont menacés (à nouveau...) et persécutés par les humains. Storm, qui a repris les rênes de l'école du professeur Xavier, tente de rassembler les mutants tandis qu'un adversaire bien connu des X-men refait surface...

    Comme je l'ai dit je me suis laissé tenter par cet album en raison de la présence d'Umberto Ramos, qui fait partie des meilleurs illustrateurs US. Là-dessus il n'y a pas d'arnaque: hormis une poignée d'épisodes dessinés (assez correctement) par Victor Ibanez toutes les planches sont dessinées par le mexicain. Ce n'est pas le travail le plus impressionnant qu'il ait donné mais il garde une patte qui rend tout de même la lecture bien agréable. Le point positif (un peu l'inverse de Inhuman) c'est donc que la force de cette première partie repose sur le scénario et surtout les dialogues, percutants, qui nous font retrouver ce qu'on avait adoré sur les premiers films X-men de Bryan Singer: des répliques cinglantes, des vannes à tour de bras entre Wolverine et les X-men, une focale sur les démons intérieurs des personnages et leurs relations plus que sur le grand spectacle. La question de l'identité et de l'acceptation de la différence est toujours centrale. C'est devenu un classique mais c'est toujours pertinent et un message politique dans une industrie dominée par l'entertainment il faut le saluer. J'ai eu grand plaisir à rencontrer des personnages plus ou moins connus (je ne connaissais pas la Magik, la sœur de Colossus, très chouette mutante extrêmement puissante avec son épée des âmes).

    Le retour de Wolverine issu de l'arc Old-man Logan (futur alternatif qui voit Wolverine tuer tous les X-men et les vilains devenir maîtres de la Terre) est également très sympa tant le personnage est désormais familier de tous les amateurs (hardcore ou dilettantes comme moi) de super-héros.

    Ce relativement court épisode voit donc une chasse pour récupérer Jean Grey, Diablo, Wolverine (qui a désormais un jeu à trois avec Jean Grey en relation père-fille et Iceberg un peu jaloux) et les retrouve confrontés à Sinister. Les cinq parties débouchent sur l'apparition d'Apocalypse et ses cavaliers (episodes 6 à 20, à paraître dans les volumes suivants chez Panini). Il y a globalement pas mal d'actions, les X-men comme les méchants sont toujours a peu près invincibles, mais encore une fois ce sont les dialogues qui font mouche. Cet arc est donc plutôt une bonne surprise et je continuerais probablement la série, curieux de voir les versions graphiques des personnages de l'univers X-men dessinés par Ramos. Et si vous aimez cet auteur, sachez que son grand oeuvre, Crimson est ressorti en Omnibus chez Glénat dans une très belle édition.

    Lire sur le blog:
    https://etagereimaginaire.wordpress.com/2018/02/05/extraordinary-x-men

    Shaddam4 Le 29/01/2018 à 12:36:54

    Album grand format, couverture classique tout a fait dans l'ambiance western. Édition des années 80, sans qualité ni défaut particulier.

    On m'avait offert cet album il y a fort longtemps et il a toujours été pour moi une étrangeté: depuis que je m'intéresse à la BD je n'ai jamais entendu parler de Sicomoro alors qu'à l'époque et encore aujourd'hui le graphisme de ces quatre histoires est totalement unique! Un peu comme les films maudits et uniques de leur auteurs qui sont entrés au panthéon comme des singularités.

    Sicomoro (il s'agit d'un pseudo) est de l'école italienne et a participé à la formation de beaucoup d'auteurs de la péninsule. Très vite on reconnaît le trait comparable à celui de Manara, Serpieri, Liberatore,... Giraud avait également ce style sur certains Blueberry. C'est un style des années 70-80 qui sied parfaitement au noir et blanc. Un style entre l'hyperréalisme d'un Alex Ross et les contrastes d'un Hugo Pratt. D'ailleurs, récemment, seuls certains illustrateurs américains se rapprochent ce ce type de dessin. Un style totalement western, faisant ressentir l'épaisseur du cuir des vêtements, la texture de la poussière, la densité des chevelures en bataille et des moustaches touffues. Ça me rappelle les magnifiques illustrations de l'édition Folio junior du Seigneur des Anneaux des années 80 par Philippe Munch (pour ceux qui sont passé par là...).

    Cet album totalement unique, comme si Sergio Leone avait été adapté en BD par Sicomoro, propose quatre histoires de l'Ouest:

    Celle d'un vieux trappeur retiré des hommes et qui tombe sur une petite frappe qui l'obligera à renouer avec la morale, pour le pire...
    Celle d'un tireur professionnel s'entraînant en prévision d'un duel qu'il attend de longue date pour venger son honneur,
    Celle d'un desperados décidé à quitter sa vie de pillages et qui tombe sur une caravane de Mormons, pas si pacifiques lorsque surviennent les indiens...
    Celle de la guerre d'indépendance américaine, histoire un peu particulière par sa construction et par le fait qu'elle ne se situe pas dans le thème du western.
    Toutes ces histoires sont marquées par un pessimisme féroce, cette destinée noire qui ramène toute volonté humaine à la réalité de la violence de ses contemporains. Il n'y a pas d'espoir véritable dans l'Ouest. Seulement des personnages qui croient qu'ils vont surmonter leur destin. Sicomoro fait corps avec ces thématiques classiques du western. Les regards sont puissants dans ses dessins, ceux de la femme, de l'enfant, du père. Ces regards presque angéliques tombent sur une crasse, des peaux burinées par le soleil. Rarement un dessin aura autant incarné un style, une époque. Le Western est un thème on ne peut plus graphique. Ici, entre des séquences de vie quotidienne, de chevauchée et de quelques paysages, quelques fulgurances percutent le lecteur comme cette page de fusillade au dynamisme incroyable. Ce dessin est étonnant tant en quelques coups de hachures il donne à la fois un réalisme et un dessin totalement BD à la fois. La maîtrise de l'italien est impressionnante. Que ce soient les décors, les vêtements, les expressions, les séquences dynamiques, les cadrages, tout est maîtrisé à la perfection chez Sicomoro, ce qui fait revenir la question: comment un tel dessinateur peut-il être si peu connu dans notre pays alors que ceux cités plus haut sont reconnus comme des maîtres? Sans doute par l'absence de BD populaire dans sa biblio et par une atténuation de son style lorsqu'il est colorisé. Sicomoro n'aurait dû faire que du noir et blanc (comme un certain Alberto Varanda). En attendant cet album est un must-have à découvrir de toute urgence si vous aimez le western.

    Lire sur le blog:
    https://etagereimaginaire.wordpress.com/2018/01/19/rio-grande

    Shaddam4 Le 29/01/2018 à 12:35:19
    Inhuman - Tome 1 - Inhumanité

    Cette histoire se place dans la continuité de l'arc "Infinity" scénarisé par Jonathan Hickman et qui voit l'arrivée de Thanos sur Terre à la recherche de son fils. Un résumé introductif explique ces événements et leur conclusion: suite au duel de Thanos contre Flèche Noire (le roi des Inhumains) la cité d'Attilan, siège millénaire de la civilisation inhumaine, est détruite et révélée aux humains. Un nuage Teratogène se répand sur la Terre, révélant la nature génétique jusqu'ici cachée de milliers d'inhumains. Alors que les Avengers entrent en contact avec la reine Medusa et tentent de comprendre ce qu'il se passe, une ancienne faction inhumaine résidant en la cité d'Orollan cherche à rassembler les nouveaux inhumains qui découvrent soudainement leur nouvelle apparence et leurs pouvoirs...

    Une galerie de couvertures originales des fascicules est présente entre les parties et à la fin (notamment une - assez moyenne - de Manara).

    Je suis relativement novice en matière de chronologie de Super-héros et ai découvert assez tardivement le groupe des Inhumains (qui ne me semblent guère autre chose que de nouveaux Mutants à l'instar des X-men...). J'ai donc lu cet album avec un regard de novice, public cible de la collection Marvel NOW (destinée à proposer des reboot pour différents super-héros, ne nécessitant pas une connaissance approfondie de tous les arcs précédents). Tant mieux car les rares chroniques que j'ai trouvé concernant cet album critiquent justement le côté pédagogique et sur-place de l'intrigue. Personnellement je trouve que c'est pour une fois totalement adapté à un lectorat novice qui est souvent perdu dans la multitude de références aux événements précédents présentes dans les comics.

    L'opération éditoriale semble donc plutôt réussie pour Marvel qui rassemble une équipe artistique relativement homogène graphiquement et un scénario très progressif et pédagogique expliquant de manière répétée qui sont les inhumains et quels sont les enjeux de l'explosion d'Attilan: cohabitation entre humains et mutants, administration d'une nouvelle Cité aux yeux de tous alors que les Inhumains ont toujours agi dans l'ombre, acquisition de nouvelles identités pour les Novhumains (nouveaux inhumains révélés par le nuage Teratogène), apparition de factions dans le monde Inhumain... On comprend que les fans hardcore de ces personnages soient peu intéressés par cette série mais elle est une véritable porte d'entrée dans l'univers des super-héros et des Inhumains, ce qui n'est pas si courant. Je suis cependant surpris que les Avengers (qui sont très présents dans la première section dessinée par l'excellent Olivier Coipel et qui permettent au lecteur familier des films de rentrer progressivement dans ce nouvel univers Marvel) disparaissent ensuite presque totalement.

    Ce scénario ni révolutionnaire ni indigne pour un comics de super-héros est rehaussé par des illustrateurs qui proposent un niveau plus que correcte. L'industrie du comics nous a habitué à supporter des planches atroces à côté des illustrations des maîtres du dessin US alors pour une fois on ne va pas bouder son plaisir. Dans le comics je lis essentiellement des one-shot ou des arcs créés par des duos d'auteurs alors je dirais qu'ici c'est une agréable surprise.

    Personnellement un nom m'a donné envie de lire ce récit: le trop rare Joe Madureira, auteur du mythique Battle Chasers et parti depuis de longues années dans le monde du jeu vidéo. Il est la star du récit, illustrant trois parties que j'ai savouré longuement. Que ce soit dans le pur graphisme (les ombres chinoises jouant sur la chevelure de Medusa) ou dans les scènes d'action (la bataille avec Cap' est courte mais vraiment excellente), Madureira est vraiment un des tous meilleurs illustrateurs actuels de comics (... et ce depuis longtemps!). Ceux qui le découvriront à l'occasion de cette BD pourront lire le fameux Battle Chasers et les déjà-fans seront ravis d'apprendre qu'il a annoncé (... depuis quelques temps maintenant...) travailler enfin à une suite après la sortie de son dernier jeu vidéo issu de l'univers de BC. Olivier Coipel n'illustre que la première section, pas très bien colorisée mais vraiment agréable au niveau du dessin. Enfin Ryan Stegman m'est totalement inconnu mais arrive à maintenir la barre derrière ces deux monstres. Une rapide recherche d'image sur internet montre un travail vraiment intéressant de cet artiste. J'aime bien découvrir de nouveaux auteurs, notamment via les comics et je crois que dorénavant je regarderais d'un peu plus près ses productions.

    Au final on a une BD qui commence un cycle et a les défauts du système de l'édition BD US (multiplicité d'auteurs-tacherons, histoire à rallonge, schémas très manichéens) mais a le grand mérite d'être accessible aux lecteurs novices en matière de comics. Surtout, elle permet de savourer des planches magnifiques de Joe Madureira et d'Olivier Coipel. Plaisir des yeux comme on dit!

    Lire sur le blog:
    https://etagereimaginaire.wordpress.com/2018/01/22/inhumans-inhumanity

    Shaddam4 Le 29/01/2018 à 12:31:26
    Les tuniques Bleues - Tome 61 - L'étrange soldat Franklin

    Alors qu'ils patrouillent Blutch et Chesterfiels tombent sur un homme noir en fuite qu'ils sauvent des rebelles. En le ramenant au camp ce soldat Franklin s'avère bien mystérieux et déclenche une enquête du général...

    Le tome 61 des tuniques bleues est loin d'être aussi mauvais que ne le disent un certain nombre de critiques sur le web. Inévitablement, après autant d'albums, on retombe sur des ch



    oses connues, les scénarios ont du mal à surprendre. Mais pour une BD d'humour au long court, le plaisir de retrouver nos deux énergumènes Blutch et Chesterfiels est toujours entier. Il s'est installé une familiarité et un système de running-gag sur les formules de Blutch et l'éternelle amitié-répulsion. Stark est toujours là, toujours increvable, Stilman a toujours sa paille en bouche et Arabesque fait toujours aussi bien la morte... Personnellement je me marre toujours autant à leurs bêtises même si je reconnais qu'on est dans le plus grand confort (de l'auteur comme du lecteur). Mais ces séries familiales ne sont-elles pas justement là pour ça?

    Niveau dessin je critiquerais plus la colorisation numérique (installée sur la série depuis quelques albums maintenant) que le trait qui a déjà été pire sur d'autres albums. On ne sent aucun laisser aller désabusé chez les auteurs qui semblent s'amuser comme au premier jour avec leurs personnages. Avec ce bel âge, la série passe selon moi bien mieux l'usure qu'un certain Thorgal par exemple...

    L'histoire titille la curiosité avec efficacité et si elle manque peut-être un poil d'action pour accélérer la lecture très franchement je ne me suis pas ennuyé. L'étrange soldat Franklin n'est sans doute pas le plus percutant des albums des Tuniques, mais certainement pas le pire. Et on rigole en apprenant deux-trois trucs sur la période de la guerre de sécession, le cœur de la série. Que demander de plus?

    Lire sur le blog:
    https://etagereimaginaire.wordpress.com/2018/01/23/letrange-soldat-franklin

    Shaddam4 Le 29/01/2018 à 12:29:45
    Les passagers du vent - Tome 8 - Le Sang des cerises - Livre 1 (1/4)

    Journal très grand format, noir et blanc, incluant une page de garde indiquant la nature du projet, une page d'interview avec Bourgeon détaillant son travail, les liens entre les trois cycles des Passagers du vent et une page d'historique sur la période du début de la III°République et des premières réformes de Jules Ferry. Passionnant, pour ne pas dire indispensable à la lecture de cette histoire touffue.

    Suivant la tendance (que j'ai déjà salué) à publier des BD en format journal à épisodes, Delcourt se lance avec le rachat du catalogue Bourgeon (passé par Glénat puis Casterman, puis 12 bis puis Delcourt, ouf!) dans la prépublication en format gazette du nouveau tome (le huit) des Passagers du vent. Je suis très surpris car je n'en avais pas entendu parler et avec les déboires éditoriaux du maître et l'interminable parution du cycle de Cyann, je pensais que la retraite avait sonné. Heureusement pour nous, le chef fil de la BD historique reviens avec une vraie-fausse suite de sa série phare. Les deux derniers volumes sur la petite-fille d'Isa avaient un côté un peu artificiel et formaient aux dires de l'auteur un second cycle qui se poursuit ici avec un troisième et dernier cycle en deux albums.

    L'éditeur au triangle rouge propose donc (un peu cher...) un album (le tome 1 donc) en quatre partie en noir et blanc. On est dans de la vraie prépubli comme à l'époque bénie de la revue (A suivre), avec du rédactionnel d'actualité, comme pour la gazette du Château des étoiles. Avant la pose des couleurs - Bourgeon est un excellent coloriste - on constate déjà que l'illustrateur a continué à travailler pendant ses années maigres: son trait à évolué et pris encore de la précision depuis Cyann. Mieux, les quelques défauts connus de son dessin (certains angles capricieux) semblent résolus et hormis une certains statique qui caractérisent depuis toujours ses BD, on touche la perfection, notamment au niveau des visages et expressions.

    Ce premier épisode montre l'arrivée dans la capitale d'une jeune bretonne ne parlant pas français [attention, plusieurs dialogues sont en breton... non traduit, l'éditeur nous expliquant gentiment que les traductions seront incluses en fin de l'album à paraître en fin 2018... Ça s'appelle arnaquer le lecteur en l'obligeant à acheter les deux versions!]. Elle tombe sur le cortège des obsèques de Jules Vallès et sur Zabo, la petite fille d'Isa que l'on a découverte sur le précédent cycle en Louisiane (la petite fille bois-caïman). Cet épisode extrêmement documenté, comme toujours chez Bourgeon, montre dans ce très grand format les paysages du Paris de 1885, des dialogues en breton, en argot et surtout de magnifiques visages, tantôt de badauds, tantôt de personnages historiques. On a d'ailleurs un sourire en coin lorsque Bourgeon-le-rouge nous croque un certain Pierre Gattaz en bourgeois versaillais et sa greluche Anne Parisot, se prenant des cailloux de la foule. Il fallait oser et c'est l'un des meilleurs moments de l'épisode! Les expressions des visages sont extraordinaires et les trognes des parisiens (le curé!) toujours redoutables comme à la bonne heure des Compagnons du crépuscule.

    On retrouve dans ces pages tout ce qui fait la qualité des albums de Bourgeon: la documentation graphique et historique très poussée, le réalisme cru des personnages, la langue,... Les habitués savent que ce n'est pas de la BD à la lecture facile. Les nombreuses références historiques nécessitent d'avoir une certaine culture, de se renseigner en parallèle... ou de passer outre. Personnellement j'adore quand un bouquin m'apprend des choses sur une période ou un évènement spécifique et m'incite à me documenter. Ici on est dans la même thématique que les albums de Tardi sur la Commune. C'est peu connu mais passionnant. En outre l'auteur s'est toujours impliqué du côté des sans grade face aux puissances, dans une histoire réelle, celle du terroirs, de la crasse, des dents cassées. C'est la France d'en bas authentique, violente, aux mauvaises mœurs, auxquelles Bourgeon ne cherche pas d'excuses. L'humanité est sombre, qu'elle soit populaire ou puissante. Seules ont grâce à ses yeux quelques femmes. Ses héroïnes sont anachroniques, modernes en diable, rebelles, libres. Ce sont d'ailleurs les seuls personnages beaux au milieu de hordes de gueules tordues. Il y a du Sergio Leone dans Bourgeon, dans ses gros plans de visages, dans cette réalité crasse.

    Je me suis longuement étendu sur ce blog sur la série que je considère héritière de Bourgeon: Servitude. La proximité entre les dessins de Bourgier et de Bourgeon me semble évidente (l'influence tout au moins) et je suis ravis de lire à nouveau l'inventeur d'un certain type de BD adulte, historique, crue, politique. Cette première partie est une mise en place qui se lit bien, aérée, sans trop de textes malgré la profusion de dialogues sur lesquels il faut parfois s'accrocher pour les suivre. On comprend par ailleurs que la bretonne sera le fil narrateur de l'histoire puisqu'on la voit en 1953 raconter sa vie à ce qu'on suppose des journalistes, devant le mur des fédérés. Le message est clair et on n'aime jamais tant Bourgeon que lorsqu'il dénonce et assume. Je pensais n'acheter que les journaux, je crains de ne devoir passer par la case album, en espérant qu'une édition collector grand format avec des annexes soit prévue.

    Lire sur le blog:
    https://etagereimaginaire.wordpress.com/2018/01/24/le-sang-des-cerises-journal

    Shaddam4 Le 29/01/2018 à 12:27:49
    La mondaine - Tome 1 - Tome 1/2

    Le nom de Zidrou est un peu partout en ce moment et ses BD jouissent de très bonnes critiques (ou mode...?). Par ailleurs je reconnais que les dessinateurs avec lesquels il travaille sont plutôt bons, notamment une sorte d'armada espagnole que Zidrou côtoie. J'avais feuilleté les albums de Jordi Lafebre et si le style proche du cartoon m'attirait moyennement, je lui reconnais une maîtrise technique vraiment intéressante. Du coup le diptyque La mondaine était dispo en bibliothèque et j'ai tenté le coup.

    L'album suit un nouvel inspecteur à la bridage mondaine, chargée avant la seconde guerre mondiale de gérer la prostitution, autant les prostituées que les clients. Ils font office de bureau de renseignement, de cabinet noir du gouvernement, capable de donner des informations compromettantes sur des hommes de pouvoir fréquentant les charmes des demoiselles.

    La série est inégale. Autant le premier volume est très bien mené, alliant exotisme du sujet et humour des situations, servi par le trait acéré (proche de la caricature, mais toujours précis) de Lafebre, autant le second volume m'a un peu perdu. En effet, l'histoire débute sur des thèmes fort intéressants: la brigade suit la vie souterraine d'une France encore sous le carcan de l’Église et d'une certaine pudibonderie que la réalité du sexe fait voler en éclat. Ces policiers voient la réalité de cette société, avec une certaine légèreté. Plein de détails mi amusants mi terrifiants (les méthodes connues de la police, le tabassage à l'annuaire ou les agents qui profitent des services des prostituées, y compris très jeunes) jalonnent l'album mais toujours avec un regard coquin des auteurs. Dans le second volume deux éléments font irruption, qui déstabilisent le récit, lui faisant prendre une tournure sombre que l'on attend pas et qui à mon sens fragilisent les thèmes proposés: la rafle du Vel d'Hiv et la folie du père d'Aimé. Le ton devient très sombre même s'il est enchâssé eu milieu de scènes burlesques. Idem pour l'histoire de la taïtienne qui paraît un peu en trop.

    Je pense que le scénariste a trop voulu en mettre en seulement deux volumes. Ce qui était intéressant c'était bien le début de l'album, le paris souterrain, la dérision, le regard puceau d'Aimé et finalement, ce rôle politique de la Mondaine qui ne sera finalement presque pas exploité (... et que l'on retrouvera dans Shi du même scénariste). Le ton et le style de dessins ne collent pas vraiment avec les sujets sombres traités dans le second volume. Du coup on n'est pas vraiment dedans et l'on est frustrés avec une impression de "à quoi bon?". Le sujet des relations entre la police et la collaboration aurait mérité une série entière. L'excellent "Il était une fois en France" faisait bien ce travail. L'histoire familiale du héros pouvait à la rigueur s'insérer mais pas de manière aussi centrale. C'est vraiment dommage car j'ai par ailleurs vraiment apprécié l'ambiance générale, l'humour et le dessin, mais le sentiment que les auteurs n'ont pas bien défini leur sujet gâche un peu le plaisir. La Mondaine reste cependant une bonne série qu'on peut lire avec plaisir.

    Lire sur le blog:
    https://etagereimaginaire.wordpress.com/2018/01/25/la-mondaine

    Shaddam4 Le 29/01/2018 à 12:25:51
    Ajin : Semi-Humain - Tome 1 - Tome 1

    Les couvertures des albums (assez ternes mais très homogènes) m'avaient attiré l’œil et j'avais mis ce titre de côté (je lis peu de manga et j'essaye de sélectionner vraiment la qualité). A l'occasion d'une critique pour Iznéo j'ai sauté le pas et c'est une excellente surprise. D'abord par la rapidité de l'introduction: en moins de 10 pages l'on sait qu'il y a sur terre des Ajin, humains ressuscités que les Etats tentent de récupérer afin de les étudier. Le Japon en a trois et fait des expériences barbares sur eux. Un jeune lycéen perd la vie et se révèle un Ajin, désormais en fuite avec l'aide de son ami d'enfance...

    Alors que nombre de BD et de Manga mettent plusieurs volumes à faire durer le suspens, rarement une série m'avait aussi rapidement et pédagogiquement immergé dans son background. Le premier volume nous a déjà installé dans une poursuite entre le héros, des agences gouvernementales, des factions d'Ajin, les pouvoirs que l'on découvre progressivement, etc. De même, les manga tournent souvent autour du seul japon; ici dès les premières pages l'on nous parle de cette course entre nations pour avoir ses Ajin et en découvrir les secrets. Le contexte de fonds est à la fois clairement révélé mais garde bien certains mystères évoqués. Le lecteur n'a pas la crainte d'une intrigue au long cours tant les événements et les informations s'enchaînent, sans aucune difficulté à les digérer. Je dois dire que par ce traitement à la fois frontal, conspirationniste et à la divulgation d'info maîtrisée me fait fortement penser à X-files. Les auteurs ne tournent pas autour du pot puisque le lecteur connaît le pitch. Celui-ci est donc balancé en quelques planches pour s'attaquer directement au développement de l'intrigue. Je trouve ça super agréable!

    Ajin nous présente donc une intrigue classique mais que personnellement j'adore: certains humains ressuscitent et se trouvent dotés de pouvoirs. L'on comprend que loin d'être un petit nombre, beaucoup n'ont pas été repérés par les autorités et s'organisent dans l'ombre d'une guerre entre factions dans une guerre occulte. La réflexion sur l'attitude des humains qui ne cherchent que gloire et argent en "attrapant un Ajin" permet d'élever le manga au-dessus du simple fantastique. Très vite se pose la question de qui est humain et qui ne l'est pas, les actes rendent-ils humains, tout le monde n'est-il pas un Ajin en puissance?

    Les dessins sont standards dans le genre manga mais plutôt de bon niveau, notamment au niveau des mouvements (peu étonnant vu le média). Je scrute régulièrement les séries manga à succès et suis rarement accroché par ce que j'en lis. Ici je comprends le succès de cette série qui sait se sortir de la masse des publications. Si vous aimez le fantastique et les conspirations cela devrait vous plaire.

    Lire sur le blog:
    https://etagereimaginaire.wordpress.com/2018/01/29/ajin-semi-humain-1

    Shaddam4 Le 29/01/2018 à 12:08:01
    Brane zéro - Tome 1 - Tome 1

    Présenté en deux volumes de 78 et 114 pages  (soit une histoire de 200 pages pour un premier album, excusez du peu!), Brane Zéro illustre la politique du jeune éditeur Akileos de donner leur chance à de jeunes auteurs pour partie autodidactes, dans des formats adaptés à leurs désirs créatifs (comme le format comics des ouvrages de Ronan Toulhoat). La maquette est remarquablement efficace avec l'utilisation du logo (essentiel dans l'histoire) qui nous fait immanquablement penser à la référence majeure de Thonon : Akira. Une couverture tout a fait réussie, élégante et une continuité graphique entre les deux volumes (si l'on excepte un léger décalage de taille de caractère du texte de la quatrième entre les deux tomes... mais l'on est là dans le chipotage).

    Brane zéro est un récit de SF "quantique", c'est à dire assez pointu en ce qu'il traite à la fois du voyage dans le temps et du principe du Multivers. Pour résumer sans déflorer une intrigue très bien ficelée malgré sa complexité, deux espaces-temps rentrent en résonance, mettant en danger notre réalité. Des personnages vont être envoyés dans l'autre dimension afin de trouver la source du problème, dimension où d'étranges créatures, les Langoliers, absorbent la couleur...

    Il est peu de dire que le premier tour de force de l'auteur (aux dessins et au scénario!) est d'avoir construit une histoire s'inscrivant dans les concepts de la théorie des cordes, sans perdre le lecteur et en parvenant à retomber sur ses pieds. Très clairement, si Denis Bajram fait figure depuis des années et la sortie de la première Universal War de père de la BD SF, l'ouvrage de Mathieu Thonon peut aisément être comparé à son aîné dans sa construction et son originalité. Il est d'ailleurs dommage qu'il ne bénéficie pas du même succès que Block 109 (même éditeur), qui revêtait à sa sortie les mêmes qualités et les mêmes attentes: un scénario presque parfait sur des dessins très prometteurs mais en devenir. Je dirais à titre personnel que la technique de Thonon surpasse même celle de Toulhoat lorsqu'il commençait. Les pages de ville en ruine et certains plans fulgurants sont véritablement saisissants. A la première lecture la comparaison avec l’œuvre majeure de Katsuhiro Otomo (Akira) fait ressortir les défauts (ou la progression) des dessins. Mais il est injuste de comparer le premier ouvrage d'un auteur autodidacte et un monument de la BD mondiale... Cela illustre seulement le fait que Mathieu Thonon devra à l'avenir s'émanciper de son illustre modèle pour faire fleurir son talent comme il le mérite. Au final l'on a un quasi sans faute et l'une des meilleures (et intelligente) BD SF de ces dernières années. Avec quelques années de maturité (et d'ambition) graphique de plus Brane Zéro serait entré dans le cercle des BD de référence. Rencontré à Angoulême, Thonon dit travailler sur un nouveau projet SF. Excellente nouvelle!

    Lire sur le blog:
    https://etagereimaginaire.wordpress.com/2016/09/05/brane-zero

    Shaddam4 Le 29/01/2018 à 11:54:58
    Cyber Weapon Z - Tome 1 - Jeunesse éternelle

    Qui se souvient de Tonkam, le libraire-éditeur de la rue des Ecoles qui œuvra a peu près autant que le grand Glénat pour faire connaître le manga et son univers culturel aux français ? Aujourd'hui absorbé par Delcourt, Tonkam a permis la publication d'auteurs majeurs comme Masakazu Katsura et, donc, Andy Seto sur le manga chinois Cyberweapon Z.

    Ce "Manhua" (manga chinois) au titre improbable est une singularité dans l'édition de mangas en France et n'est plus édité aujourd'hui (mais on peut trouver la collection des 10 volumes en occasion sur le Bon coin ou les sites spécialisés). Sa principale qualité (outre sa longueur très raisonnable) repose sur ses graphismes tout en couleur directe (peinture). L'histoire est totalement banale (un traitre attaque le Temple de Shaolin, où sont réunies toutes les connaissances sur l'humanité et défendues par les techniques martiales ultimes...) mais guère pire qu'un Dragonball par exemple. On est dans le manga d'arts martiaux classique où l'on attend plus de beaux combats chorégraphiés qu'un scénario à la Hitchcock...

    Sur ce plan donc on en a pour son argent. Le type sait tenir ses pinceaux même si par moment la foison d'effets spéciaux et de couleurs peut gêner la compréhension des cases. Mais c'est flamboyant, ça castagne à coup d'attaques spéciales aux noms improbables et de méchants invincibles. Une très bonne lecture "plaisir des yeux" en somme, une curiosité y compris pour le travail de fabrication très particulier de Tonkam, assez luxueux (rabat souple, pages de papier transparent et plein d'illustrations bonus). Attention cependant, la série étant assez rare, des coquins spéculent et les 10 tomes peuvent atteindre plus de 200€...

    Lire sur le blog:
    https://etagereimaginaire.wordpress.com/2017/06/30/cyber-weapon-z/