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Les avis de - Shaddam4

Visualiser les 767 avis postés dans la bedetheque
    Shaddam4 Le 24/07/2024 à 11:55:57

    Déjà six ans que Sean Murphy a dynamité la mythologie Batman avec son White Knight. L’année dernière il concluait (?) sa trilogie avec un Beyond the White knight franchement décevant. Avec ce spin-off où Murphy n’intervient pas et laisse le scénario à Katana Collins, auteur de romans Young adult et scénariste du très bon Harley Quinn, on ressent que le concept commence à s’étirer et qu’il serait temps de conclure définitivement…

    Attention Spoilers!

    Vous aurez peut-être tiqué en voyant la bannière « jeunesse » en tête de cette chronique et je confirme le changement de tonalité, tout à fait assumé par les auteurs mais qui semble traité de manière un peu étrange par l’éditeur qui ne laisse en rien penser à un pas de côté lorsqu’il reprend la maquette Black Label et inscrit « pour lecteur averti » au dos de l’album. Je vais donc être clair: cet album, s’il peut être pris comme une suite chronologique du White knight: Harley Quinn en mettant en scène les deux enfants de Harley et du Joker, rompt totalement avec les concepts et la tonalité très sombre de l’univers de Sean Murphy. En faisant des deux enfants les héros de l’intrigue, en rangeant Batman au rang de figurant de luxe, en prenant la très bonne Mirka Andolfo (dont on connaît le style cartoon) pour les dessins, les auteurs ne comptaient tromper personne. En ce sens il est dommage que Murphy illustre toutes les couvertures d’épisodes en brouillant les cartes. L’aspect vendeur de l’auteur est évidemment la motivation principale mais un certain nombre de lecteurs risquent d’être déçus malgré les qualités réelles du volume. Il est toujours important d’être clair sur le lectorat ciblé par une BD. Bref…

    Nous avons donc nos deux bambins qui fuguent avec une batmobile grâce à leur super-papa numérique dont la conscience a été ressuscitée dans Beyond the White knight. Leur maman part à leur poursuite en parallèle au FBI… et bien entendu un tonton Bruce Wayne qui s’évade de prison quand il veut et donne des coups de pouce quand il faut. Cette échappée est l’occasion d’étudier les relations des deux enfants, la fille ayant commis des grosses bêtises sur le précédent album et de craindre qu’ils ne suivent l’évolution de Jack Napier devenu le Joker. Ils vont se retrouver confrontés à quelques vilains de Gotham dans leur double quête: renouer avec leur papa et permettre à sa conscience numérique de perdurer éternellement.

    Comme album jeunesse ou young adult ce Generation Koker est plutot chouette, en abordant les thématiques des relations des enfants avec un père qu’ils n’ont pas connu, avec cette crainte de devenir comme lui tout en recherchant leurs racines. Les jeunes sont évidemment des geek avec quelques sujets bien attendus comme l’épistolaire numérique avec un ami qu’on ne connait pas et autres piratages informatiques. La question de l’identité et du choix de qui on veut être reste un classique, pas très original mais approprié. Graphiquement Mirka Andolfo fait le job élégamment et surtout très joliment colorisée par un Alejandro Sanchez que je découvre et qu’il faudra suivre.

    Sur l’insertion dans l’univers White knight en revanche la déception est franche. Pratiquement pas de Batman malgré la love-story impossible avec Harley qui permettait des choses très intéressantes, le retour de personnages que Murphy s’était fait une discipline de purger pour développer sa chronologie et donc des péripéties gentillounettes qui nous laissent loin des profondes introspections sur la psyché des personnages et sur le mythe de Batman. Au final on se trouve donc en présence d’un joli album qui se lit bien pour peu que l’on ait compris la thématique et que l’on ne s’attende pas un un album du murphyverse. Tout cela ressemble donc à une fausse bonne idée et il revient aux éditeurs US et français de trouver l’astuce pour assumer cet aspect spin-off découplé du canon White Knight.

    Lire sur le blog:
    https://etagereimaginaire.wordpress.com/2024/06/10/batman-white-knight-generation-joker/

    Shaddam4 Le 24/07/2024 à 11:53:57
    Semper Feri - Tome 1 - Space Marines

    Cet album a attiré immédiatement mon attention en me plongeant dans l’archéologie du blog, lorsqu’il y a presque huit ans (ça ne nous rajeunit pas!) je chroniquais un de mes premiers albums de retour de mon unique séjour à Angoulême où j’avais pu rencontrer le très sympathique Mathieu Thonon sur sa première publi, le brillant diptyque Brane Zero. Guettant de temps en temps une nouvelle création d’un auteur fort prometteur, je me suis précipité sur cette nouvelle série, un peu trop vite peut-être. Car Semper Feri est à la jonction entre l’album jeunesse et le Young Adult, propulsé par le scénariste El Diablo, venu de la presse BD satirique, et donc loin de la Hard Science qui m’avait tant plu sur Brane zero. Les qualités scénaristiques de Thonon sont donc hors sujet et sa technique, si elle s’est clairement développée sur la colorisation numérique plutôt chouette pour le genre, n’a que peu progressé depuis ses débuts.

    On est donc en présence d’une honnête BD de SF militaire dystopique qui reprend une multitude de passages obligés et se repose essentiellement sur des designs plutôt réussis. Associés à un découpage très efficace, on peut dire que la forme joue son office malgré des personnages qui hésitent entre le style épuré type Animation mais sans la technique permettant une dynamique des mouvements, et le style jeunesse qui atténue la violence insistante de l’univers. Avec des personnages archétypaux et des scènes téléphonées comme cette belle scientifique résistante de l’ombre qui va emballer le cœur de notre gros bourrin de héros, le scénario a lui aussi un habillage alléchant mais une maîtrise partielle que les dialogues n’aident pas à alléger.

    Comme souvent dans cette part de marché (comme sur le dernier Batman: White Knight), selon le public concerné le lecteur pourra passer outre ces limites calibrées ou les trouver trop déjà-vus pour s’arrêter sur cette création au milieu des centaines d’autres en librairie…

    Lire sur le blog:
    https://etagereimaginaire.wordpress.com/2024/06/12/semper-feri-1-space-marines/

    Shaddam4 Le 24/07/2024 à 11:47:37

    Chef de file de l’école hispanique doté d’une très solide formation technique, Jordi Lafebre est arrivé chez nous par la grâce de monsieur Zidrou qui lui a offert de jolis projets, lui permettant aujourd’hui de devenir un auteur complet avec un sacré sens des dialogues et des situations. Son précédent album Malgré tout avait été accueilli par des avalanches de fleures et l’auteur embraye trois ans après par un génial one-shot de cent pages qui se dévore avec un plaisir continu.

    L’idée de créer un personnage (qu’on espère récurent vu le plaisir de la rencontre) de psy pour une enquête non-officielle est brillante en ce qu’elle permet tout un tas de saillies sur la galerie de personnages, que ce soit au travers des cases de narration issues de la séance chez le psy ou de bulles de dialogue direct. La répartie de la foldingue est absolument savoureuse notamment lorsqu’elle se confronte à la troupes de mâles Alpha qui habitent ce milieu de la grande bourgeoisie catalane. Vous l’aurez compris, le scénario se construit à partir de cette séance initiale et nous raconte cette improbable enquête entrecoupée par les interruptions du psy ou des trois voix de femmes qui habitent notre héroïne dysfonctionnelle… mais terriblement attachante. Eva est bien sur la première qualité de cet album: jeune femme forte et brillante qui n’a peur de rien et cohabite avec ses quelques problèmes d’alcool, de tabac et de passé familial. Ses tribulations vont nous envoyer dans le monde des vignobles et des secrets de (grosses familles) ainsi que des magouilles agro-réglementaires lorsque des intérêts économiques sont en jeu.

    Lafebre accompagne son scénario déjà fourmillant d’idées par un dessin semi-réaliste excellement dynamique, dans la ligne de Blain ou Gomont mais en se rapprochant de la finesse graphique de ses homologues espagnols. Outre la dynamique des corps, l’auteur utilise toutes les possibilités du dessin pour faire parler ses cases, émettre des sons ou créer du mouvement. Les lecteurs de Malgré tout ne seront pas surpris par la fluidité de lecture et l’attachement très fort aux personnages.

    Auteur complet au sommet de son art, Jordi Lafebre est de ceux pour qui la BD semble si facile à dessiner et à lire en nous rappelant pourquoi nous sommes si durs dans nos avis BD sur ce blog et pourquoi la BD est vraiment un art total!

    Lire sur le blog:
    https://etagereimaginaire.wordpress.com/2024/06/17/je-suis-leur-silence/

    Shaddam4 Le 24/07/2024 à 11:46:06
    Birdking - Tome 1 - Vol.1

    L’an dernier le duo nous proposait la très bonne surprise Raiders et remet le couvert cette fois sur une série qui reprend les codes de la dark fantasy où de sombres monarques oppressent les honorables et où l’héroïsme se hissera seul parce que l’injustice c’est mal! « Mêmes joueurs jouent encore » puisque si l’on change d’espace, on retrouve toutes les qualités et caractéristiques du précédent album mais aussi les limites d’un dessin dont l’encrage grossier ne rend pas toujours hommage à la qualité des designs de CROM.

    Car la qualité première des auteurs est de proposer de la pure série B en assumant ses clichés, ses références pour le simple plaisir de l’aventure et de l’épique. On sent à chaque instant combien le plaisir de créer de puissants chevaliers en armures ou des tortueux combattants issus du bestiaire fantastique japonais aurait pu prendre le dessus sur l’histoire et étouffer le projet, mais Freedman structure l’ensemble en proposant une narration fluide, simple, basée sur la quête du maitre et de son disciple, en attendant la confrontation contre l’empire du
    nécroman. Découpé en sept chapitres courts plein d’une action dynamique influencée par les codes de l’Animation, Birdking se lit agréablement en proposant une progression régulière sans nous frustrer puisque les personnages attendus se révèlent de vrais héros d’action, à commencer par cette sorte de Golem qu’est Birdking, l’esprit du roi de la colline aux plumes…

    Comme sur Raiders, l’univers très riche déborde largement des pages et laisse une foule de possibilités narratives après cette prise de contact avec les personnages qui prend soin de laisser le grand antagoniste dans l’ombre. Visuellement sombre (voir un peu vide niveau arrière-plans), Birdking devrait logiquement évoluer au tome deux vers un apprentissage entre l’héroïne bad-ass et son compagnon, reprenant le modèle du gentil-géant doté de pouvoirs qu’il ignore. Comme toute ouverture on reste un peu dans l’expectative mais pour peu que vous accrochiez avec le style particulier de CROM, le duo propose une belle aventure bien ficelée et généreuse.

    lire sur le blog:
    https://etagereimaginaire.wordpress.com/2024/06/22/birdking-1/

    Shaddam4 Le 24/07/2024 à 11:44:24
    Twig - Tome 1 - Dans l'ombre du héros

    Depuis quelques temps Urban tente de trouver la parade à la démographie famélique des lecteurs de comics et pourrait bien avoir trouvé la parade au travers de deux collections d’une qualité semblent vouée à remplacer l’autrefois imparable Black Label. Après la collection Urban proposant de grands formats luxueux et livrant des créations aussi riches que Nice House on the Lake ou Le dernier des dieux, L’Urban Blast propose désormais des formats comics souples, plus proches que jamais du format originel et après le génial Phenomena, nous livre un nouveau joyau avec ce personnage éponyme qui pourrait bien lancer une incroyable série tant cette découverte frise la perfection! On pourra juste tiquer sur un prix élevé pour ce format et en regard des collections plus qualitatives de l’éditeur…

    Twig est pour une fois un vrai album jeunesse, dont la qualité graphique éclatante (avec notamment une colorisation incroyable du canadien Jean-François Beaulieu, familier de Young depuis plusieurs albums) est loin d’être le seul atout. Cette histoire one-shot (…mais qui annonce déjà d’autres aventures) est d’une richesse folle qui ne surprendra pas les habitués de Skottie Young, notamment sur l’excellent MiddleWest. Le personnage principal archi-mignon est ce qui marque tout d’abord. Ses interactions avec ses copains séduiront totalement les jeunes lecteurs et attendriront leurs parents. Car comme pour tout grand album jeunesse la richesse permet d’intéresser à égalité des adultes et le public cible. En suivant Twig dans sa quête on va progressivement entrer dans des thèmes plus sombres comme le deuil d’un parent ou tout simplement la fin du monde. Car l’album n’est pas mièvre et place de redoutables méchants dans sur le chemin de notre héros bleu. Accompagné de son ami-couteau suisse qui
    agit à la fois comme aidant technique et psy soulignant les éléments de sous-texte du récit, Twig va affronter des dangers topographiques, des paysages fantastiques et des ennemis déterminés… mais aussi faire des rencontres qui interpellent sur la conscience animale, le sacrifice et bien sur l’amitié.

    Bondissant de péripétie en péripétie, l’histoire suit le schéma d’un jeu vidéo, jusqu’à ces visions qui nous montrent un « héros (celui du titre) » en illustrant l’arrière-cuisine des jeux vidéo fantastiques où de petits êtres doivent bien préparer la quête des personnages qui seront ensuite mis en lumière. Sans entrer dans le principe du Isekaï très populaire dans le manga, Young complexifie son univers en cassant une linéarité liée à la narration jeunesse. Devant suivre une carte et récolter des items, Twig va devoir faire des choix et surtout collaborer avec ses amis.

    Sans aucun temps mort, sans faiblesse apparente, Twig est la nouvelle pépite de Urban Blast, un nouveau joyau dans la superbe biblio de Skottie Young et une lecture obligatoire qui entre directement dans le top de l’année 2024!

    lire sur le blog:
    https://etagereimaginaire.wordpress.com/2024/06/24/twig-1/

    Shaddam4 Le 24/07/2024 à 11:43:17
    Once Upon a Time at the End of the World - Tome 1 - L'Amour aux temps de la Friche

    Le vétéran et multiprimé Jason Aaron s’associe au Rookie-frenchie Alexandre Tefenkgi dont le Good Asian lauréat en 2022 de pas moins qu’un Eisner et un Harvey Award (les deux prix majeurs de la BD américaine) n’est étonnamment toujours pas sorti chez nous… pour une surprenante série post-apo tragi-comique prévue a priori en trois volumes. Dans L’amour aux temps de la Friche nous suivons l’alliance contre nature de deux jeunes gens perdus au milieu d’un chaos où la nature n’existe plus, où ce qui se rapproche le plus d’animaux consiste en des rats sanguinaires ou des monstres tentaculaires et où ce qu’il reste d’humanité semble être constitué de cadavres en sursis ou des fanatiques Rangers, descendants des premiers survivalistes. L’entrée en matière pose immédiatement les deux personnages dont l’opposition va structurer tout le récit sous forme de fable.

    Maceo vit seul dans une tour protégée des affres de l’époque, jouissant de tout le confort composé d’artéfacts du temps d’avant bricolés et qui semble parfaitement apprécier son mode de vie consistant à profiter d’une nostalgie positive. A l’inverse Mezzy est une survivante, la guerrière ultime qui a appris tout ce qu’il faut auprès des Rangers pour vivre jusqu’à la fin de cet enfer. A quoi bon vous direz-vous? Et c’est bien la petite graine de doute que sa rencontre avec Maceo va faire germer dans ses certitudes et sa rigueur robotique. Alors que les deux entament un périple mystérieux surgit le clan de Mezzy, ces Rangers dont elle a volé l’unique livre, leur Bible vénérée servant de guide au sein de ce monde barbare.

    Ceux qui ont déjà lu du Jason Aaron (et notamment son chef d’œuvre le Massacreur de dieux) ne seront pas surpris de constater qu’il sait manier la langue et son duo est clairement l’atout de ce projet. Si Maceo peut sembler fatiguant au premier abord, ce qu’il incarne avec sa comparse, le positif face au pessimisme, la faiblesse face à la force, le ying et le yang quoi, transforme assez vite cette petite histoire apocalyptique en une réflexion plus élevée. Sans non plus atteindre la grande philosophie, l’auteur utilise son intrigue pour questionner sa société sur ses marqueurs moraux, entrecoupé d’absurde qui évite de tomber dans quelque chose de top sombre. Lorsque surviennent les rangers le message se précise en anticipant la victoire de cette Amérique qui monte et qui ne cesse d’inquiéter les inventeurs d’histoires. Les auteurs américains n’auront jamais autant décortiqué l’essence même de leur société schizophrène dont la déliquescence les amène à traiter de valeurs fondamentales telles que la violence, l’amour, l’humanité. Cela peut paraitre gnangnan mais le questionnement est cruellement actuel alors que toutes les valeurs universalistes semblent remises en question de part le monde et à commencer par le pays des cowboys.


    Alors pour les plus allergiques à l’américano-centrisme comme moi, on pourra se lasser de lire des histoires écrites par des américains pour des américains traitant de gimmicks et de références américaines (clairement, les rangers et autres scouts, on s’en contre-fout…). Il faut dire que le dessinateur français n’aide pas beaucoup à s’immerger dans un récit dont il se contente de dessiner rapidement les personnages principaux, laissant l’arrière-plan totalement vide. Il faut ainsi beaucoup d’imagination pour vraiment découvrir cet univers, laissant la partie graphique clairement de côté. Il semble que les deux autres tomes soient prévus avec d’autres partenaires aux crayons, aussi cet écueil pourra être minimisé sur la suite.

    Le vétéran et multiprimé Jason Aaron s’associe au Rookie-frenchie Alexandre Tefenkgi dont le Good Asian lauréat en 2022 de pas moins qu’un Eisner et un Harvey Award (les deux prix majeurs de la BD américaine) n’est étonnamment toujours pas sorti chez nous… pour une surprenante série post-apo tragi-comique prévue a priori en trois volumes. Dans L’amour aux temps de la Friche nous suivons l’alliance contre nature de deux jeunes gens perdus au milieu d’un chaos où la nature n’existe plus, où ce qui se rapproche le plus d’animaux consiste en des rats sanguinaires ou des monstres tentaculaires et où ce qu’il reste d’humanité semble être constitué de cadavres en sursis ou des fanatiques Rangers, descendants des premiers survivalistes. L’entrée en matière pose immédiatement les deux personnages dont l’opposition va structurer tout le récit sous forme de fable.

    Maceo vit seul dans une tour protégée des affres de l’époque, jouissant de tout le confort composé d’artéfacts du temps d’avant bricolés et qui semble parfaitement apprécier son mode de vie consistant à profiter d’une nostalgie positive. A l’inverse Mezzy est une survivante, la guerrière ultime qui a appris tout ce qu’il faut auprès des Rangers pour vivre jusqu’à la fin de cet enfer. A quoi bon vous direz-vous? Et c’est bien la petite graine de doute que sa rencontre avec Maceo va faire germer dans ses certitudes et sa rigueur robotique. Alors que les deux entament un périple mystérieux surgit le clan de Mezzy, ces Rangers dont elle a volé l’unique livre, leur Bible vénérée servant de guide au sein de ce monde barbare.

    Ceux qui ont déjà lu du Jason Aaron (et notamment son chef d’œuvre le Massacreur de dieux) ne seront pas surpris de constater qu’il sait manier la langue et son duo est clairement l’atout de ce projet. Si Maceo peut sembler fatiguant au premier abord, ce qu’il incarne avec sa comparse, le positif face au pessimisme, la faiblesse face à la force, le ying et le yang quoi, transforme assez vite cette petite histoire apocalyptique en une réflexion plus élevée. Sans non plus atteindre la grande philosophie, l’auteur utilise son intrigue pour questionner sa société sur ses marqueurs moraux, entrecoupé d’absurde qui évite de tomber dans quelque chose de top sombre. Lorsque surviennent les rangers le message se précise en anticipant la victoire de cette Amérique qui monte et qui ne cesse d’inquiéter les inventeurs d’histoires. Les auteurs américains n’auront jamais autant décortiqué l’essence même de leur société schizophrène dont la déliquescence les amène à traiter de valeurs fondamentales telles que la violence, l’amour, l’humanité. Cela peut paraitre gnangnan mais le questionnement est cruellement actuel alors que toutes les valeurs universalistes semblent remises en question de part le monde et à commencer par le pays des cowboys.

    Alors pour les plus allergiques à l’américano-centrisme comme moi, on pourra se lasser de lire des histoires écrites par des américains pour des américains traitant de gimmicks et de références américaines (clairement, les rangers et autres scouts, on s’en contre-fout…). Il faut dire que le dessinateur français n’aide pas beaucoup à s’immerger dans un récit dont il se contente de dessiner rapidement les personnages principaux, laissant l’arrière-plan totalement vide. Il faut ainsi beaucoup d’imagination pour vraiment découvrir cet univers, laissant la partie graphique clairement de côté. Il semble que les deux autres tomes soient prévus avec d’autres partenaires aux crayons, aussi cet écueil pourra être minimisé sur la suite.

    Ainsi Once upon a time… propose un concept intéressant et des personnages qui auraient dû nous emmener vers une jolie aventure mais ce premier tome est vraiment peu inspiré graphiquement, manque singulièrement d’action et fatigue un peu avec son adresse très américaine. On pourra lui laisser sa chance sur un second tome qui a (au vu de la structure) la capacité d’un gros rebond, mais ce démarrage reste assez faiblard. Avec la profusion d’albums disponibles on a le droit d’attendre plus.

    Lire sur le blog:
    https://etagereimaginaire.wordpress.com/2024/06/25/once-upon-a-time-at-the-end-of-the-world-1/

    Shaddam4 Le 24/07/2024 à 11:40:00
    Les brumes écarlates - Tome 2 - Les rivaux

    Le chinois Wu Qingsong revient cinq ans après un premier volume publié en VO en 2019 et dont le présent tome suit de près la publication chinoise. Il s’en excuse dans une brève post-face en annonçant le (peut-être?) dernier tome pour l’année prochaine. Au vu des qualités folles des dessins et de la très volumineuse pagination, il sera difficile de le lui reprocher. Sur les planches, si le cadrage plus serré permet moins de visions grandioses, on conserve une qualité graphique de très haut niveau tant dans les décors que dans le design des personnages et des armures, puisque c’était cette originalité esthétique qui faisait du premier volume une magnifique surprise asiatique.

    Continuant de développer un univers de steam-fantasy (mais sans vapeur), Quingsong nous alimente en continu en Kaiju gigantesques, en peuplades exotiques comme ces hommes-oiseaux et surtout en chevaliers steel-mystiques dont la puissance issue de pierres magiques permet des affrontements titanesques qui rappellent par moment Saint-Seiya (Les Chevaliers du Zodiaque) ou Funerailes. Regorgeant de séquences de combats virevoltants, les deux-cent pages du volume ne sont pas franchement ennuyeuses.

    Les dialogues restent également très accessibles et bien tournés mais s’orientent résolument vers ce qui apparaît ici le cœur du projet de l’auteur et l’inévitable faiblesse de ces Brumes écarlates: les très complexes jeux d’échec occultes entre factions dans cet enchevêtrement de royaumes aux alliances fragiles. Après avoir fait connaissance avec le groupes de « ronins » qui ont enlevé la princesse, nous voilà lancés dans la quête de la Pierre aux Cinq couleurs, joyau doté d’une énergie mystique absolue qui renvoie les cristaux alimentant les armures des protagonistes au rang d’allumettes. Alors que tout le monde se tombe dessus pour posséder cette pierre, différents émissaires des royaumes dissertent sur leur billard à 25 bandes. Appuyé sur des planches dont toujours appétissantes et aucun problème de rythme, la série est pourtant victime d’une complexité renforcée par l’éternel problème des noms que l’on a le plus grand mal à retenir. L’indispensable carte d’intérieur de couverture, perfectible sur le premier volume, s’élargit ici en nous noyant encore un peu plus dans les interactions entre royaumes. Du coup on suit tout cela avec attention et concentration, mais l’on se perd régulièrement sans trop savoir laquelle des éminences grises nous suivons. Ajouté à cela d’étonnants sauts narratifs, on remercie grandement la sciences du rythme de l’auteur pour nous éviter de plonger.

    Il est très frustrant de minorer ainsi les très grandes qualités de ce manhua surtout lorsqu’elles sont liées à un genre dont il respect les codes et une langue qui n’a bien évidemment pas à s’adapter au lecteur occidental. On parcourt ainsi un album sans réelles fausses notes, toujours élégant, d’une richesse de background très grande (et illustrée par les pages d' »encyclopédie » qui sépare les parties), mais dont la complexité diplomatique et les mystères nécessitent un certain niveau de concentration, d’autant que l’auteur ouvre plus de portes qu’il n’en referme. Néanmoins très fun, créatif et donc toujours aussi beau, Les brumes écarlates reste une BD exigeante mais fort agréable. A voir si le troisième volume simplifiera quelque peu les interactions et permettra d’assumer un coup de cœur qui n’est pas loin.

    Lire sur le blog:
    https://etagereimaginaire.wordpress.com/2024/07/06/les-brumes-ecarlates-2/

    Shaddam4 Le 24/07/2024 à 11:29:19
    Randolph Carter - Tome 1 - La ville sans nom

    Engagé dans la Légion étrangère sur la Somme, l’archéologue Randolph Carter assiste à l’irruption de créatures indicibles massacrant son bataillon. Rescapé il entame un voyage en orient sur les traces du médaillon jadis trouvé dans le métropolitain de New-York et représentant une figure à tête de poulp….

    Amis Lovecraftphiles bienvenue dans une nouvelle et très élégante itération de l’univers de l’écrivain de Providence qui nous fait découvrir le personnage récurrent de Randolph Carter. Le personnage apparait dans sept récits de Lovecraft en marge du mythe de Cthulhu. Ancêtre d’Indiana Jones, il est archéologue et homme d’action engagé pour un idéal dans la Première Guerre mondiale et relié au culte des Grands Anciens par sa généalogie.

    Un peu passif sur ce premier tome (notons que l’histoire aurait probablement justifié trois ou quatre volumes), Carter sert principalement de fil rouge permettant des découvertes racontées par lui et ses interlocuteurs et relatant l’apparition de ces créatures non-humaines. Apparaissant déjà construit, le héros nous narre en deux temps l’histoire de sa famille et comment il en est venu à débarquer avec les boys sur la Somme doté d’un médaillon représentant le grand Cthulhu. Un peu linéaire mais très bien huilé dans l’enchainement des situations classiques des récits lovecraftiens (la rencontre du dément qui a rencontré les Autres, la secte occulte et ses agents infiltrés, le rationnel confronté à l’irrationnel,..), ce premier tome se lit avec grand plaisir et remplit le cahier des charges sur le plan narratif.

    Le cadeau bonux est sur les dessins qui sortent du lot par leur qualité qui s’autorisent quelques planches particulièrement inspirées, notamment dans l’utilisation d’une colorisation adaptée aux ambiances. Sans être virtuoses, les dessins sont de ceux qui glissent sous les yeux mais que l’on réalise après coup pour leur lisibilité, leur finesse et leur qualité technique, discrète mais au-dessus de la moyenne.

    Cette lecture est donc une excellente surprise, qui plus est chez Soleil qui a la fâcheuse habitude de reproduire les recettes et peine à sortir des rails de la maison. Avec deux tomes annoncés et un héros récurrent qui permet de découvrir une autre facette du gigantesque monde de H.P. Lovecraft, il serait dommage de se priver de cette jolie récréation.

    Lire sur le blog:
    https://etagereimaginaire.wordpress.com/2024/07/08/randolphe-carter-1-2-la-ville-sans-nom/

    Shaddam4 Le 24/07/2024 à 11:03:23

    17.000 chalutiers européens et chinois pillent les ressources marines du golf de Guinée pour alimenter la voracité des consommateurs occidentaux en saumon et thon. La mondialisation apparait dans toute sa concentration, créant de la misère, de l’insécurité, déracinant les familles et détruisant les écosystèmes. Le commandant d’un navire Sea Sheperds raconte cette réalité crue…

    La riche collection Delcourt/Encrages voit arriver un nouveau documentaire percutant qui parvient à synthétiser en cent pages nombre de problématiques liées à la fuite en avant capitaliste. Le soucis de beaucoup d’albums docu est souvent de rester trop près de leur sujet en oubliant d’en extraire l’essence et de proposer des solutions. Nombre de photographies immédiates qui ont le mérite de révéler des horreurs mais qui nous laissent un peu sans ressources.

    Ce n’est pas le cas de Pillages qui a d’abord le mérite d’être une vraie BD et l’intervention du semi-pro Renan Coquin étonne par sa maitrise du langage séquentiel. Avec une colorisation tradi variée et élégante, il crée des atmosphères crédibles en nous promenant sur la terre d’Afrique, sur les ponts rouillés des navires ou dans les rues de Paris. Déroulant le scénario fictif le dessinateur fait respirer ses pages en alternant le découpage, tantôt classique, tantôt en gaufrier muet et entrecoupe les séquences par des doubles-pages très didactiques où l’on revient sur les données chiffrées qui permettent de mieux appréhender le récit que nous venons de lire. L’expérience de l’artiste avec la Revue Dessinée se ressent et c’est un bon point.

    Le narratif est écrit par un spécialiste qui évite de s’enferrer dans la technique de données empilées et nous raconte son histoire à hauteur d’hommes et de femmes, un pécheur contraint de trouver une solution à l’absence de poissons et une capitaine de navire qui collabore avec un gouvernement africain pour attraper les chalutiers clandestins ou simplement en infraction. Ces deux personnages aux deux bouts de la chaine structurent l’histoire et permettent de varier les thématiques sans se disperser. Nous découvrons ainsi que la quasi-totalité de la piraterie mondiale a migré de l’Océan indien vers le golfe de Guinée, que la corruption empêche les autorités de faire appliquer la loi et que l’Europe en alimentant la concurrence entre flottes de pêche joue du cynisme qu’on lui connait.

    Pour qui s’intéresse aux migrations et aux questions environnementales les éléments apportés ne seront pas une grande révélation. Pourtant l’aisance avec laquelle les multiples problématiques sont mises en lien cohérent, que ce soit pas l’explication ou par l’image brute, montre un travail pédagogique remarquable. Rien n’est plus dur que d’expliquer simplement la complexité pour impliquer son lecteur en le considérant comme acteur et non comme consommateur. La post-face de Camille Etienne appuie ainsi le propos de l’album en nous rappelant que faute de respect démocratique des contestations, dans le capitalisme le consommateur a un pouvoir gigantesque, celui de ne pas consommer. Et après cette lecture vous retrouverez avec plaisir les petites en boite en consommation ponctuelle. C’est bien suffisant et vous serez heureux de lutter à votre échelle contre ces ogres qui tuent notre environnement.

    Lire sur le blog:
    https://etagereimaginaire.wordpress.com/2024/07/15/pillages/

    Shaddam4 Le 24/07/2024 à 10:51:27

    Le retour de Steve Cuzor après son marquant Cinq branches de coton noir était attendu. De retour chez Air Libre, le dessinateur adapte ce qui est considéré comme un des premiers romans modernes de la littérature américaine, The Red Badge of courage, roman viscéral qui relate les sensations d’un jeune volontaire de la Guerre de Sécession lors de batailles infernales, encensé par Ernest hemingway excusez du peu.


    Comme sa couverture l’album est austère et magnifique. Austère par le traitement porté par très peu de textes, alternant quelques échanges entre soldats et des réflexions qui permettent de saisir la progression psychologique de ce jeune bouseux parti vivre une vie d’action et confronté à sa lâcheté, à sa peur, à son adrénaline dans le feu d’une action aberrante. Le caractère absurde et aveugle de la guerre est parfaitement retranscrit, appuyé sur des planches d’un dessin brut, aussi obscure que précis. Comme un Larcenet, Cuzor va à l’essence du fusain et nous laisse percevoir au sein de bouillies de noirs des silhouettes en mouvement, des explosions, des lumières fusant entre les feuilles d’un bosquet où les points cardinaux semblent avoir disparu, faisant tourner son héros dans un pandémonium sans but, sans direction, sans temporalité.

    Sur ce plan le caractère sensitif de l’œuvre est excellement traité. Laissant son personnage dans l’ombre lors des premières parties, sans visage, plongé dans l’ombre et peinant à sortir dans la scène, l’auteur va progressivement faire prendre consistance à Henry Fleming à mesure que ses interlocuteurs le confrontent, que l’action entraîne des prises de décisions. Malheureusement ces partis pris enlèvent beaucoup de leviers à Cuzor pour créer une progression dramatique et l’album finit pas ressembler graphiquement et scénaristiquement à l’univers mental confus du personnage éponyme. On enchaîne ainsi les batailles, les désorientations, les retrouvailles avec un camarade ou un autre. L’idée est là mais narrativement cela reste répétitif et limite ainsi l’immersion du lecteur.


    Car graphiquement la partition est encore une fois impressionnante, si bien que l’on se demande régulièrement si certaines planches ne sont pas des photographies d’époque retouchées. Cadrées souvent très serrées, les cases multiplient les effets visuels avec toujours une précision et une justesse sidérantes au vu de la technique utilisée. J’ai hésité à opter pour la version n&b de l’album, peu friand des BD utilisant des aplats monochromes, mais le prix assez prohibitif m’a fait me contenter de la version classique.

    Expérience immersive, sensitive, dans la tête d’un troufion sans envergure mais que la guerre peut faire passer d’un instant à l’autre du statut de traitre à celui de héros, Le combat d’Henry Fleming vaut le détour mais convaincra principalement pour sa partie graphique. Fausse bonne idée inadaptée au format BD ou projet trop ambitieux, on remerciera de toutes façon l’auteur pour sa tentative et pour la leçon de dessin tout au long des cent-vingt pages de l’album.

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    https://etagereimaginaire.wordpress.com/2024/07/20/le-combat-dhenty-fleming/

    Shaddam4 Le 24/07/2024 à 10:48:40

    Au milieu de ses multiples licences orientées young adult (TMNT, Star Teek ou Power Rangers,…) IDW publishing sort régulièrement de très jolis projets indé. En associant l’élégant dessinateur de l’excellent Alienated et l’ambitieuse Gwendolyn Willow Wilson, Les affamés du crépuscule nous propose un decorum fantasy tout ce qu’il y a de plus classique mais dont le traitement va nous plonger dans une lecture bien plus émouvante qu’attendu. Sur un ton désabusé qui sent bon le post-apo, la chasse aux redoutables adversaires va recouvrir une découvert ethnologique réciproque qui sera le cœur du projet. Ainsi les personnages très bien écrits, au premier chef celui de la jeune orc mage-guerisseuse et du ranger Callum, vont découvrir qu’ils ne sont pas si différents bien que des siècles de racisme réciproque laissent l’espoir de cohabitation bien mince. Du côté du seigneur Throth c’est la civilisation avancée des orcs qui va nous être dévoilée, avec une inversion très intéressante puisque d’elfes on n’entend pas parler (a moins que…), que l’élégance se trouve chez les orcs et que les humains semblent réduits à quelques fermiers et ces guerriers maraudeurs certes très efficaces dans leur liberté mais bien faibles face à une armée organisée qui pointe à l’horizon.

    En parcourant le cahier de recherches ont comprend qu’un travail très important a été réalisé sur le worldbuilding, que ce soit les costumes, les sigles des clans orcs, l’histoire de ce monde ou son bestiaire. Le travail de storyboarder et de designer de Chris Wildgoose se ressent et densifie fortement cet univers aux décors plutôt désolés. L’enjeu de ces personnages, outre l’alliance face aux Vangols, va être de dépasser l’inévitable qui les ramène à une histoire d’adversité (y compris entre clans orcs qui s’opposent entre conservatisme et espoir) et de croire que l’amour et la solidarité pourront triompher et sauver leurs deux peuples.

    Remarquablement découpé avec des scènes d’action très efficaces (et bien trash), un rythme très bien balancé entre les séquences stratégiques et la découverte de la culture orc et surtout des personnages que l’on a envie de suivre et de voir réussir, Les affamés du crépuscule réussit son pari de réinventer le genre fantasy en osant y apporter en sous-texte l’élément écologique original et inattendu. Étonnamment sous son apparence désespérée, c’est plus l’espoir qui ressort dans ce nouvel exemple de la fantasy colapsologique que je vous convie à découvrir.

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    https://etagereimaginaire.wordpress.com/2024/07/22/les-affames-du-crepuscule1/

    Shaddam4 Le 24/07/2024 à 10:44:06

    Cet album aurait pu être un morceau de « poids » au même titre que le monumental La bombe paru il y a quatre ans. Pagination gigantesque, documentation extrêmement précise, dessin noir et blanc proche de la ligne claire et très élégant, et surtout, sujet très intense. Il ne fait aucun doute que le roman dont il est adapté est une œuvre importante (couronnée de plusieurs prix), notamment sur le plan juridique. Sur le plan formel la masse de travaille fournie par les trois auteurs est phénoménale. Sur le plan BD Retour à Lemberg nous fait profiter d’un vrai travail graphique et narratif qui évacue le problème récurrent des documentaires-BD qui oublient de raconter une histoire.

    Construit comme une enquête personnelle de l’auteur sur son père qui n’a jamais voulu parler de son passé pendant la Guerre, l’album est chapitré alternativement autour de figures de la Shoah ou de sa propre famille. Lemberg a la particularité d’être une ville située à la jonction des influences russes et germaniques et a changé plusieurs fois de nom et de rattachement, tantôt polonaise, tantôt soviétique, tantôt allemande. En bordure du grand Est choisi par les nazis pour leur Solution finale, Lemberg a été témoin de l’expérimentation dans la persécution puis l’extermination des juifs de l’Est. Le père de Philippe Sands était originaire de cette ville et une grande partie de sa famille a ainsi disparu à différentes étapes de la seconde Guerre mondiale. L’aspect documentaire porte ainsi sur un cas précis, une cité au cœur de la tourmente, nous immergeant dans la folle destinée de ces pauvres gens, dont la survie fut souvent liée au hasard. Fil conducteur de l’enquête, Lemberg permet à l’auteur de parler d’un des condamnés de Nuremberg, un brillant professeur de droit devenu gouverneur de la zone et applicateur zélé de l’oppression nazie, mais aussi des deux concepteurs de notions majeures sur lesquelles Sands travaille aujourd’hui, le Génocide et le crime contre l’humanité utilisées pour la première fois dans l’accusation des Alliés à Nuremberg.

    L’idée était intéressante pour se raccrocher à l’histoire de ces principes de la civilisation moderne, qui donnent lieu ces derniers mois à des combats sémantiques très importants. En cela l’ambition de l’album pouvait rivaliser avec celle du travail d’Alcante, Bollée et Rodier sur la Bombe atomique (dont on se demande s’il n’aurait pas donné envie à Nolan de réaliser son grand Oppenheimer…). Mais le projet de Sands est bancal à plusieurs titres. Le premier est l’aspect extrêmement familial qui met souvent mal à l’aise avec le sentiment d’entrer dans l’album photo de sa famille. Bien sur le contexte en lui-même rend intéressant le destin de ces personnes, mais en entrant dans mille détails on baille un peu en attendant le lien avec l’Histoire. Les deux figures historiques alors suivies sont traitées de la même manière, très documentaire, très précise, très juridique parfois, laissant le lecteur un peu sur la touche par rapport aux subtilités soulevées. Le livre est peut-être destiné à des personnes férues de droit. Côté BD on rate ainsi le coche.

    La partie la plus intéressante reste donc la fin relatant le déroulé de l’accusation de Nuremberg, nous faisant entrer dans les arcanes de cette ébauche de droit international. Et si la partie historique joue parfaitement son rôle, on reste en surface quand à l’importance des deux notions elles-mêmes, faute de les raccrocher à ce qu’il en sera fait dans les décennies suivantes. Alors on se rattache à la découverte de deux personnalités ayant fait l’histoire (dans l’ombre), frustrés de très bien connaitre les personnes, beaucoup moins leur importance pour l’évolution des concepts juridiques de l’Ordre des Nations Unies. Comme l’illustre la couverture se contentant de reproduire celle du livre, l’adaptation aurait nécessité un travail spécifique et semble n’être qu’un décalcomanie dessiné…

    Alors que l’hyper-actualité (la mise en accusation du Premier ministre israélien et de dirigeants du Hamas pour crimes contre l’humanité) met en lumière l’importance du droit et rappelle Nuremberg plus que jamais, Retour à Lemberg apparait comme une grosse occasion manquée de réaliser une œuvre historico-juridique marquante.

    Lire sur le blog:
    https://etagereimaginaire.wordpress.com/2024/05/25/retour-a-lemberg/

    Shaddam4 Le 24/07/2024 à 10:42:39
    Les antres - Tome 2 - Quéa

    Ayant passé avec brio son arrivée dans le monde de la BD, Eric Puybaret arrive au plus dur, le second tome, toujours attendu et souvent décevant.. Ici on perd un peu de la folie absurde de l’ouverture et je reconnais que l’histoire amoureuse et la multiplication des deus ex machina atténuent quelque peu notre intérêt.

    L’aspect positif de cet album reste le dessin et la mise en scène ainsi que des dialogues toujours très littéraires et élégants. Le schéma du voyage initiatique (nous allons entrer plus avant dans le passé d’Anton) qui peut par moment rappeler la Divine Comédie reprend ce qui fonctionnait, à savoir les intrusions de personnalités des arts et de la culture dans cet infra-monde et l’irruption de créatures. Le rythme reste enlevé et l’auteur maintient des scènes d’action efficaces. Mais une fois la surprise de l’absurdie passée, on retombe dans une intrigue et un monde fantastique sommes toutes classique où le palot personnage principal reste littéralement balloté au gré du vent (on rendra à Puybaret d’assumer visuellement cet état narratif!) et où la quête principale (retrouver la belle Quéa) manque de piment, notamment du fait de l’absence d’antagoniste. Si le premier tome était facile d’accès, les personnages qui arrivent dans ce volume restent mystérieux pour certains: après Nina Simone et Chopin rescapés du premier tome, voici rappeur Notorious Big (que je découvre), le général Custer, Géronimo en médium et d’autres figures plus énigmatiques. On tablera sur la grande culture de chacun pour retrouver ses petits mais ces personnalités ne font au final que de la figuration.

    On appréciera l’apprentissage musical d’Anton auprès de la diva noire et du pianiste polonais dans l’optique d’aller envouter le seigneur de ces Antres. Cela permet quelques scènes sympathiques et une allégorie élégante. Avec moins de folie que le précédent, Quea nécessite plus de concentration et respect le format du ventre mou d’une histoire avant de découvrir au prochain tome le paradis. A suivre…

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    https://etagereimaginaire.wordpress.com/2024/07/03/les-antres-2-quea/

    Shaddam4 Le 22/07/2024 à 12:51:17
    The magic Order - Tome 2 - Volume 2

    2019… cela fait un monde que nous attendons la suite de ce Magic Order avec la promesse d’un niveau artistique de folie sous les pinceaux du grand Stuart Immonen. Les deux bonshommes ont déjà collaboré sur l’assez décevant Empress mais la radicalité et la qualité de l’univers de ces sorciers faisaient de cet album un des plus alléchants depuis longtemps. Malheureusement l’inspiration (ou le travail?) du golden-boy Millar semble s’être tarie et ce nouvel opus d’une série qui tarde à arriver en format audiovisuel sur la plateforme au N rouge ne nous rassure en rien sur sa capacité à proposer de nouveaux monuments du comic indé. La source se serait-elle tarie?

    On ne pourra en effet rien reprocher au dessinateur canadien qui s’il a tendance à rechercher la simplification des dessins, n’en explose pas moins de talent à chaque fois qu’il sort du pure illustratif. L’enchaînement des séquences reste lisible et les moments d’action plutôt fun. La tâche n’était pourtant pas facilitée par un scénario qui semble vouloir se concentrer tout le long sur la petite histoire, celle des sorciers en jogging et des problèmes de couple, comme si Mark Millar avait voulu faire, plus encore que sur le premier, un néo-polar londonien à la sauce Avada Kédavra… Peu de moments épiques à se mettre sous les yeux donc.

    A cela le péché majeur du scénariste est d’abuser totalement du Deus Ex-machina qui rend le tout presque risible tant il ne s’encombre à aucun instant de construire un puzzle. La linéarité du tout est confondante de faiblesse et malheureusement ce n’est pas la poudre de perlimpinpin jetée grâce à la maîtrise graphique d’Immonen qui masque l’absence de projet pour ce opus qui pourrait à ce rythme se prolonger sur des dizaines d’albums. Ainsi le méchant sorcier d’une lignée vaincue rassemble des pierres cachées pour se venger et reprendre le pouvoir sur les Moonstone… Hum, on a vu plus original. Accordons toutefois à Millar son caractère de sale gosse qui assume tout, tuant n’importe qui à tout va, donnant par-là un peu de sel à une intrigue qui en manque diablement.

    Il ressort de ce très attendu album un sentiment de gros gâchis qui fait hésiter entre le conserver pour les planches ou s’en séparer devant une telle incurie. Si l’on fait le compte le Magic Order #1 est le dernier vraiment bon album de Millar (en sauvant Sharkey pour son aspect fun qui a un bon potentiel en série). A force de se reposer sur une armée des plus grands dessinateurs de comics pour garantir les ventes, l’auteur semble en oublier la deuxième patte d’un bon album BD.

    Le troisième tome de Magic Order est en cours de publication aux Etats-Unis (avec l’italien Gigi Cavenago aux crayons) et les premiers aperçus (très impressionnants) des planches du quatre avec Dike Ruan indiquent une sortie dans la foulée, probablement fin 2023. Lorsqu’on sait que la newsletter publiée par Millar parle de Greg Capullo, Travis Charest ou encore le retour de Coipel, on a de quoi se faire briller les mirettes. Les séries Netflix semblent sur le point d’être lancées en production. De quoi rester confiant sur le catalogue Netflix. Côté BD pas forcément…

    Lire sur le blog:
    https://etagereimaginaire.wordpress.com/2022/10/08/the-magic-order-2/

    Shaddam4 Le 22/07/2024 à 12:48:30
    The magic Order - Tome 3 - Volume 3

    Dans le yo-yo qualitatif des publications Millar je fais partie des optimistes qui voient dans le plus punk des scénaristes de comics un auteur toujours brillant qui jongle entre facilité d’écriture, feignantise du patron qui laisse ses employés graphiques faire le job et intelligence disruptive qui surgit… quand il s’en donne la peine.

    Après un excellent premier tome qui rappelait au monde du comic Indé qui est le boss en ouvrant d’immenses possibilités à son univers d’Harry Potter pour adulte, un second très faible épisode qui ressemblerait à un spin-off généré par une IA si ce n’était faire offense au pauvre Stuart Immonen pour le coup bien mal tombé, ce troisième tome rassure quand au potentiel des aventures des Moonstone. En semblant vouloir oublier l’égarement du précédent, le scénariste écossais ouvre une histoire en deux partie (qui se conclura au quatrième volume dessiné par Dike Ruan et que l’on espère voir rapidement en 2024) en se raccrochant résolument à ce qui avait fait le sel de l’ouverture, les parts sombres de la famille Moonstone.

    Le nombre de pistes ouvertes et le signal donné que personne n’était garanti de ne pas chuter permet ainsi de créer une atmosphère paranoïaque pour des lecteurs qui savent déjà que l’image n’est qu’une façade qui renferme bien rarement la réalité. Jouant sur plusieurs temporalités en juxtaposant l’histoire intime des membres du clan Moonstone (le père, la nièce, l’oncle ou… la mère!), Mark Millar joue avec nos nerfs en continuant à se faire plaisir dans un infini des possibles qui voit des créatures telles que le « puzzle-vampire » ou une sorte de Grand-Ancien sorti tout droit de l’univers Lovecraftien mettre en danger la Création. Les dialogues sont toujours aussi punchy et tout est fait pour qu’on se sente en terrain familier… juste pour nous tordre le bras à chaque page.

    La petite faiblesse de ce volume réside dans les planches de l’italien Gigi Cavenago surtout connu pour avoir travaillé sur le personnage de Dylan Dog. Non que l’artiste (et sa très bonne coloriste) ne réalise un travail assez remarquable, mais quand on passe après Coipel et Immonen (tous deux dans un registre assez proche, que rejoint Dike Ruan), le style de Cavenago tranche et modifie l’atmosphère réaliste recherchée par Millar. En adoptant un design anguleux en aplats, le dessinateur est parfois moyennement lisible, ce qui est problématique lorsqu’il s’agit de retranscrire une certaine folie visuelle où le scénariste se joue des formes, des dimensions et du Temps depuis la première page de la série. Disons qu’en tant que tel le travail graphique est tout à fait intéressant mais niveau cohérence on a une petite faute de gout de la part de son employeur qui avait pourtant des dizaines de graphistes plus adaptés à sa disposition.

    Volume qui aurait du être titré « première partie », ce nouveau Magic Order reste donc un plaisir de lecture qui ne se refuse pas sous la plume décidément unique de Mark Millar. Pour peu que vous soyez gourmand graphiquement et passiez sur la rupture de style, on plonge donc très volontiers dans les manipulations de ces terribles magiciens avec une grande envie et un soupçon de crainte sur ce que Millar va nous réserver pour la suite et la conclusion de la saga prévue au tome cinq. En attendant, une très grosse fin d’année côté Millarworld avec toujours des monstres aux crayons et de quoi alimenter encore et toujours les critiques agacées des fans devant les publications Millar.

    Lire sur le blog:
    https://etagereimaginaire.wordpress.com/2023/09/14/the-magic-order-3/

    Shaddam4 Le 12/07/2024 à 11:11:05

    Voir Sean Murphy s’offrir une variation sur le personnage de Zorro n’est guère surprenant. Ce très américain dessinateur trouve dans le Renard une icône du mythe américain et lui permet d’étudier (très légèrement…) à nouveau le lien entre mythe et réalité crue, après son très bon Plot Holes et bien sur la réinvention de Batman. Seuls les aveugles ne verront pas en Zorro l’ancêtre du Chevalier Noir, jusque dans sa Caverne que l’on pourra comparer avec amusement avec la Batcave de Murphy. Réalisé via un financement participatif, cet album en quatre parties (qui atterrit étrangement dans la collection Urban plutôt quand dans le format comic classique) n’a d’autre justification que l’envie d’un des cadors de l’industrie comics de se faire plaisir graphiquement.

    Pour le coup on retrouve toutes les qualités du dessinateur et notamment sa capacité à proposer des pages posées à la composition marquante (on notera en comparaison la très banale illustration de couverture choisie par l’éditeur français) et la dynamique de ses cases sur une aventure qui regorge d’action. Trop sans doute. Car si l’on prend un sincère plaisir de lecture loisir on a immédiatement le sentiment, en refermant le livre, d’un petit caprice de dessinateur avec une intrigue famélique et vue mille fois. En choisissant de transposer la figure de Zorro de nos jours dans une vallée gangrénée par un cartel Murphy ne cherche pas d’autre vraisemblance que celle de lui permettre de dessiner les bagnoles dont il raffole. Le reste se bricole pour faire rentrer le tout en quatre parties et en allant piocher des personnages directement dans ses précédentes créations (comme ce guérillero dont on ne sait rien hormis qu’il semble débarquer de Punk Rock Jesus).

    La bonne idée est de faire de Zorro un benêt que le traumatisme d’enfance a cantonné dans les histoires. Se prenant pour Zorro (et en ayant le talent athlétique), il jacte à l’ancienne en se croyant dans les aventures du héros masqué. Cela crée un humour en décalage avec la crudité des affrontement très sanglants contre les mafieux. Cet apport participe à la dynamique d’ensemble mais ne participe pas à construire des relations entre personnages et une histoire intéressante.

    On ressort donc avec un plaisir immédiat mais le sentiment tenace que Sean Murphy s’est bien amusé mais n’a jamais tenté de créer une BD digne de ce nom. Si vous êtes amateurs du personnage de Zorro ou fana de tout ce que fait Murphy cela pourra vous contenter et justifier de conserver ce bel objet dans votre bibliothèque. Pour les autres ce Zorro s’avère un effort très dispensable et très oubliable auquel on préfèrera le Don Vega bien plus intéressant.

    Lire sur le blog: https://etagereimaginaire.wordpress.com/2024/07/12/zorro-dentre-les-morts/

    Shaddam4 Le 02/07/2024 à 14:55:42

    Avec une couverture bien peu attrayante et la signature d’un Scott Snyder dont je me méfie beaucoup depuis son chef d’œuvre La Cour des Hiboux il était peu probable que j’en vienne à chroniquer ce western horrifique. Mais Western et Panosian ont suffi à attirer ma curiosité, l’artiste américain étant un des plus intéressants dessinateurs indépendants en exercice, ce que confirme l’originalité de son travail sur Canary. Derrière un dessin de type « sale » mais très élégant, Panosian colle des peintures en gros plan qui créent des arrières plans lumineux évoquant des décors rocheux ou des ciels torturés. L’effet est saisissant et installe une atmosphère vénéneuse très appropriée.

    Snyder commence son histoire comme un polar sur un chasseur de serial-killer enquêtant sur des affaires étranges. Immédiatement nous sommes pris par des dialogues très inspirés qui caractérisent des personnages forts aux interactions crédibles. Après avoir fait la connaissance du barjo Hyrum Tell qui semble très lié à l’histoire personnelle du héros, se forme un trio savoureux composé de Holt, le scientifique noir élégant et l’héritière bad-ass du magnat local qui a disparu voici des années dans l’effondrement d’une mine. Bien vite tout va se concentrer autour de cette mystérieuse mine que certains veulent finir d’enterrer quand d’autres rêvent de la voir réexploiter.


    Si l’histoire pourrait avoir des airs des Mystères de l’Ouest sur le début (avec les engins mécaniques du prof’ et un soupçon d’occultisme), on va migrer progressivement vers ce qui fait la marque de Scott Snyder… et son gros défaut: la création d’une cosmogonie démoniaque démesurée qu’il ne sait malheureusement pas contrôler. Soyons clair, l’idée de faire tomber son héros de western dans un pandemonium païen vaguement référencé d’éléments bibliques est plutôt bonne et donne une vraie ampleur à un genre habituellement peu original. Mais sa propension à abuser de zblub et de zblob dentus et abominables a tendance à nous mener vers le ridicule. C’est là qu’on peut remercier son collègues aux pinceaux qui parvient à garder une homogénéité graphique qui reste plus inquiétante que grand-guignolesque. Le talent de Dan Panosian pour croquer des visages expressifs est évident et il parvient même à proposer quelques monstres graphiquement recherchés au milieu de zombies ridicules. Retrouvant une esthétique vue sur d’autres œuvres de Snyder on peut gager que c’est bien lui qui impulse cette part de mauvais gout.

    Au final, si le travail graphique est exempt de tout reproche et tient même d’un des plus chouettes travaux de l’artiste, Snyder est fidèle à lui-même, avec de l’excellent comme du piteux qu’il n’est jamais capable de filtrer. Le plaisir de lecture général reste bon mais on ne peut que s’agacer de voir un scénariste saboter aussi systématiquement et consciencieusement ses bonnes idées…

    Lire sur le blog:
    https://etagereimaginaire.wordpress.com/2024/05/31/canary/

    Shaddam4 Le 02/07/2024 à 14:52:49

    Kali est un film dessiné auquel il ne manque qu’une bande-son. L’album a tout du projet de série B totalement orienté sur l’action, la rage et une violence radicale. Mad Max est immédiatement cité en référence mais je tablerais plutôt sur du western moderne régressif poisseux tel que Desperado ou Sisu, avec un personnage hybride entre John Wick et le fameux Max qui bastonne l’Armée du Ruban Rouge….

    Entrant dans la danse au cœur de l’intrigue, le récit va progressivement nous raconter la ténue chronologie qui a poussé l’héroïne dans sa vengeance rageuse. Et c’est la première agréable surprise de ce one-shot que de ne pas se contenter d’un exercice technique vain mais d’assumer via un découpage très efficace de ne pas chercher au-delà de la course vengeresse tout en forçant sur l’aspect désespéré du projet. Le court vengeur est un genre en soi qui exige une gestion du rythme impériale comme l’est Kali. Je préfère évacuer tout de suite les craintes sur la finesse du scénario puisque ce n’est pas l’objet de ce projet. Dans Kali on sent la douleur, la poussière et le bruit des balles. On laisse juste assez de mystère dans la construction pour garder de la découverte, de la curiosité nécessaire pour ne pas se lasser. En cela le hors-champ important (qui laisse donc la possibilité de suites assez facilement… malgré le processus de production de sept ans pour réaliser cet album!) permet à la course de Kali de ne pas flotter. Chaque engin, soldat spécial, lieu qui nous est balancé dans la tronche sans prévenir, a sa cohérence qui arrive ensuite. Une cohérence de série B mais on est venu pour ça et nos yeux comme notre imaginaire sont ravis au vu de la richesse des designs et de la générosité qui déborde du format.

    Les références cinématographiques de décennies de films d’action (pas forcément les plus subtiles!) explosent autant que les balles et les dialogues sont aussi rêches que le sable du désert. Paradoxalement le travail scénaristique garde (un peu) les pieds sur terre à Kali ; le seul regret est de ne pas voir avoir de loop de violence comme seul un Shaolin Cowboy sait en proposer et que le réalisme se dispense d’une folie totale. Mais sur le cahier des charges on est totalement conquis par la furieuse!

    Lire la chronique complète sur le blog:
    https://etagereimaginaire.wordpress.com/2024/05/28/kali/

    Shaddam4 Le 25/05/2024 à 16:18:46

    Cet album a beau avoir fait l’objet d’une très discrète communication (comme son dessinateur), il était attendu comme un des évènements de 2024. Fidèle à son habitude, le puissant éditeur Dargaud attire à lui la fine fleur des artistes BD, à commencer par Roger Ibanez, le dessinateur de la fabuleuse série Jazz Maynard et un des chefs de file de la si brillante école hispanique. Rare, l’espagnol rappelle combien le projet proposé par Fabien Vehlmann a permis de le ramener à une motivation que son brillant perfectionnisme doit épuiser à chaque album. Cinq ans après la conclusion de Jazz, le voilà sur un gros one-shot où il peut laisser libre court à son talent brut.

    Car c’est très clairement l’énorme atout de cet album, cette légende racontée à la voix narrative, cette histoire du tréfond des âges, cette histoire des hommes, de leur violence et de leur avidité. Le très peu de bulles laisse une grande liberté de mise en scène pour le dessinateur qui montre un design tribal rappelant par moment la qualité du travail de Bourgier sur Servitude ou plus récemment de Henninot sur sa Horde du Contrevent. Roger montre sa science des encrages (peut-être les plus impressionnants de toute la planète BD), la facilité avec laquelle il transforme une ombre en mouvement, avec laquelle un simple trait suggère un hors champ où jamais l’on n’est perdu, où l’immersion est totale, élégante, majestueuse. D’un trait il fait une montagne d’une finesse incroyable avant d’enchainer sur de simples taches aussi évocatrices que la cité qui vient, aux mille détails et matériaux. Jouant ses cadrages tantôt très serrés tantôt larges, il anime ses planches en permanence, proposant la même élégance à une silhouette éclairée par le feu qu’à la hargne des forçats qui trainent le navire royal. Comme sur ses précédents albums, comme pour un Ronan Toulhoat et tous les grands encreurs, on pourra regretter l’usage d’aplats de couleur pour habiller un dessin qui n’en a jamais besoin (et je conseille aux plus patients et amateurs d’attendre une très probable édition NB qui ne tardera pas d’être proposée par l’éditeur en fonction d’un succès commercial pour le Dieu-Fauve, dont je ne doute pas).


    Pour ne pas être injuste avec le très bon scénariste Fabien Vehlmann (de tous les bons coups, récemment avec le retour de Jean-Baptiste Andreae) reconnaissons la grande qualité de textes inspirés, mélancoliques au travers de plusieurs vois narratives qui malheureusement n’aident pas à fluidifier le récit. En proposant une construction en cinq chapitres sans jamais préciser qui est le narrateur (pourtant omniprésent tout au long des cent pages), il flatte certes nos oreilles mais n’aide pas à lire l’album, cet univers incertain, non daté, non localisé. La focale reste très serrée sur des personnages dont la dresseuse qui restera un long moment le cœur du récit et le plus intéressant. Vehlmann boucle sa narration entre une ouverture rappelant celle de 2001 l’Odyssée de l’Espace et un épilogue qui dénoue certes les fils mais laisse un sentiment de frustration portée par un nihilisme qui ne surprendra pas les lecteurs de Seuls. Si la construction peut se justifier (c’est du reste l’absolue liberté de l’auteur), la quasi absence de bulles et donc de dialogues crée une sorte de surplace qui donne presque par moment l’impression d’un livre d’images, heureusement animé par son collègue via son découpage redoutable. On sait que le cœur d’un récit est ses personnages. En changeant régulièrement le viseur, en empêchant leurs interactions verbales, Vehlmann crée certes une atmosphère recherchée mais laisse son lecteur un peu à quai. Il est difficile de reprocher à un auteur son ambition mais celle-ci a malheureusement l’obligation de faire mouche dans la dure jungle de la création imaginaire. Le Dieu-fauve rate donc un peu le coche mais reste un très élégant ouvrage et espérons le, un retour régulier de l’immense Roger Ibanez… qui gagne un quatrième Calvin à lui tout seul.

    Lire sur le blog:
    https://etagereimaginaire.wordpress.com/2024/05/15/le-dieu-fauve/

    Shaddam4 Le 03/04/2024 à 11:57:55
    Le royaume sans nom - Tome 1 - Acte I

    Le mystère de la poule et de l'œuf. Depuis la parution du premier tome des 5 terres en 2019 toute BD anthropomorphique est lus en comparatif à cette grande saga. A sa sortie les 5 Terres furent comparées à Game of Thrones... qui fut comparé aux Rois maudits. Bref, a chaque création marquante il devient difficile d'admettre que ce n'est pas le package qui définit le projet mais bien son traitement. En cela Erik Hanna est soit courageux, soit suicidaire, soit opportuniste en proposant ce triptyque où l'on retrouve son talent littéraire indéniable qui faisait de sa série Détectives un excellent récit d'enquêtes dialoguée.

    C'est immédiatement ce qui marque dans ce premier tome: l'esprit théâtral, shakespearien, emphatique des échanges entre personnages. L'ouverture prend la forme d'un long monologue introductif qui marque le tempo en créant un conflit entre le prince et sa mère. Bien malin ensuite qui pourra anticiper le rôle de chacun. Immédiatement les auteurs développent la galerie de personnages, entre le pouvoir, les malandrins de la basse ville, l'escouade diplomatique. Beaucoup plus léger (par le texte assez brillant), moins politique que les 5 Terres, Le royaume sans nom n'a pas à rougir devant son illustre grand-frère dont il se détache avec ses propres qualités. Graphiquement d'abord avec la superbe mise en couleur de Lou et les dessins très disneyens de Redec qui reste en famille puisque pour sa troisième série il continue à collaborer avec celui qui l'a lancé. Disney est ainsi

    la référence qui revient évidemment, tant on sent dans l'esprit, les dessins utilisant largement les trognes tragi-comiques des personnages et la mécanique des séquences, l'envie de retrouver ce qui a fait la force de tant de magnifiques films d'animation de l'âge d'or. Attention, Le royaume sans nom est bien une BD adulte pleine de sang, de violence, d'intrigues tortueuses (et un peu de cul). Mais l'impression de lire un Anime comic est permanente, ne serait-ce que par la finesse des décors (probablement réalisés en structure 3D) ou l'apparition régulière de pleines doubles-pages pour des séquences clé choc.

    Si la mécanique scénaristique de Lewelyn sur les 5 Terres a été fort logiquement louée, celle de cet acte I n'a rien à lui envier. La lecture se fait fluide, la découverte des personnages progressive, le scénariste posant un contexte de départ dans lequel la belle galerie de personnages va interagir de façon croisée en un très ludique jeu de piste. Situé entre un Disney, l’Ogre lion et les 5 Terres, ce Royaume sans nom va rapidement en acquérir un dans la bibliothèque des lecteurs tant il est la très bonne surprise de cette rentrée BD. On frôle les 5 Calvin pour l'originalité relative mais on n'en est vraiment pas loin.

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    Shaddam4 Le 19/03/2024 à 13:44:29

    Un jour il faudra étudier les statistiques des albums Millar pour déterminer si l’on peut retrouver une fréquence régulière de qualité. Le dernier en date était très bon. Ce reboot d’un des albums qui ont fait sa réputation (… de sale gosse du comic!) ressemble à une fausse bonne idée/à une opportunité commerciale/ a un caprice de star, au choix et de manière potentiellement cumulative…

    En 2011 Millar se lançait dans un improbable projet court mettant en scène une version négative de Batman: un milliardaire tout de blanc vêtu et dénoué de tout sens moral et de toute empathie, lancé dans une vengeance implacable contre des gradés de la police. L’an dernier Millar annonçait le reboot de son concept en pré-lancement de son crossover maison, Big Game attendu cet été et que seuls les lecteurs d’une immense mauvaise foi contesteront attendre. C’est ça Millar: une drogue que l’on est presque sur de regretter mais que l’on a très envie de prendre. Voici donc pour ceux qui sont passés à travers le retour du Nemesis juste avant l’Ambassador dessiné par monsieur Frank « Jupiter Legacy » Quitely qui vient juste de sortir.

    Accompagné d’une des méga-star du dessin US, l’écossais déroule une partition qui fait malheureusement du surplace. Si le scénariste connait la mise en scène par cœur et nous donne quelques belles séquences rodées, le projet lui-même semble sans but, faute de définition. Si l’on comprend vite le type de personnage auquel on a


    affaire, jamais on nous explique le lien entre sa formation décrite dans les flashback et sa capacité criminelle aussi infinie que celle du Joker. Sauf que le Joker est passé avant et jouit d’une aura mythologique qui dispense de rechercher la rationalité, au contraire du Nemesis qui par manque d’adversité (toujours le nœud gordien) nous lasse à enchaîner ses massacres avec sa tête de psychopathe. Si le concept même reste novateur (assumer le récit d’un super-méchant pratiquement sans aucune justification), le déroulé est linéaire en mode jeu vidéo. On pourra même trouver les planches relativement sages comparativement à des BD vraiment folles d’un Bisley, d’un Liberatore ou même d’un Rick Remender.

    L’album one-shot enchaîne donc les massacres semi-bien pensants (on trouve toujours des cadavres dans les placards des innocentes victimes, ou presque) et une fois son « devoir » accompli on a un peu l’impression d’avoir assisté à un énième blockbuster sans âme ni plus-value aussi vite oublié. Gageons que dans la toile du vaste projet de Millar (qui a dit que plus on en parle moins il y en a?…) cet apéritif trouvera sa place mais pour l’heure hormis le pitch de départ et les planches très qualitatives on est dans la version basse du parangon de la danseuse de Netflix.

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    https://etagereimaginaire.wordpress.com/2024/03/13/nemesis-reloaded/

    Shaddam4 Le 19/03/2024 à 13:43:01
    Proies faciles - Tome 2 - Vautours

    Nouvelle découverte pour moi cette année avec cet album dont la couverture aussi grise qu’expressive m’a attiré. L’espagnol Prado est un auteur installé avec une carrière qui remonte aux années quatre-vingt et a déjà travaillé sur Sandman avec Neil Gaiman.Vautours est le second one-shot sur les enquêtes des inspecteurs Tabares et Sotillo, après un premier tome paru en 2017. Cette fois l’auteur passe en couleur directe (le précédent était en NB), ce qui donne beaucoup de profondeur à ses planches qui restent dans une grisaille reflétant l’âme humaine et l’état d’esprit de ses personnages.

    Le concept de la « série » repose sur des enquêtes policières très classiques dont sont victimes des personnes en situation de faiblesse. Après les petits épargnants voici le thème des pédophiles et des réseaux où la bourgeoisie espagnole est impliquée. Ne se drapant pas dans de la fausse pudeur, l’auteur transpose sa révolte dans les idées marxistes de son inspectrice, la très froide mais très humaine Olga Tabares dont le duo avec son acolyte fonctionne à merveille dans de fréquentes joutes où l’on devine un amour platonique effleuré tout en pudeur.


    La forme est celle d’un polar social, rugueux, technique, cette remontée de pistes, de fausses pistes et d’interrogatoires où la précision documentaire de la procédure (on est proche des albums de Scala et Eacersall) joue beaucoup dans l’immersion du lecteur. Si on pourra regretter le voile de grisaille qui habille l’ensemble des sublimes planches de Prado (qui est un très grand dessinateur en plus d’être un coloriste appliqué) et un lettrage très informatique peu élégant, le scénario est remarquablement construit en plusieurs phases et plusieurs temporalités croisées. Lorsque les coupables sont (assez vite) découverts, vient le temps de comprendre la profondeur de la corruption qui aboutit à cette mort. Le dessinateur n’implique la pauvre victime que quelques cases en début d’album, évitant le pathos pour se concentrer sur son enquête et les coupables. Cela aurait pourtant pu apporter une touche d’humanité à ce sombre récit proche du nihilisme. Heureusement les personnages du commissariat et de la procédure dans le sens large, mais aussi les pitoyables criminels sont très crédibles et aux interactions subtiles.

    Vautours est donc un très chouette récit policier rugueux dont les protagonistes donnent très envie de suivre de prochaines enquêtes tant ils réussissent leur passage dans le monde des policiers récurrents. En espérant un délai moins long qu’entre les deux premiers volumes.

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    Shaddam4 Le 19/03/2024 à 13:41:56
    Prima Spatia - Tome 2 - La Traque

    Comme le titre l’indique, ce second tome va consister pour l’essentiel en une traque de l’héroïne par un équipage de mutins qui semble commandité en haut lieu pour éliminer un risque dynastique… L’album reprend presque exactement où s’est clôturé le premier et on constate déjà un petit problème de jointure entre deux albums qui semblent coupés artificiellement. Même en se replongeant dans la lecture du précédent volume on sent un manque de mise en place avec de nouveaux personnages avant un massacre inattendu qui va bouleverser le sympathique équipage que l’on avait appris à connaître. Un peu le même rythme et ruptures qui structurait le premier volume. Une volonté du scénariste peut-être…

    L’album est du reste assez linéaire et tendu dans une chasse impitoyable où les personnages n’auront aucun répit. Cette aventure axée action dramatique reste agréable à lire et bien huilée au niveau des séquences de chasse même si comme dit précédemment le dessin de Silvio Camboni, fourmillant de détails mais marqué par le cartoon, ne semble pas le plus approprié. On m’objectera que des séries comme Seuls ou Orbital ont trouvé leur marque malgré ce décalage entre le style graphique et les thématiques. Soit, mais pour ne pas aider le changement de coloriste sur ce tome perd l’aspect artisanal agréable et coloré du précédent pour une touche propre mais terriblement informatique qui fait perdre un peu d’âme à cette série.

    A la conclusion de se second tome je dois reconnaître qu’il est pas courant d’être confronté à ce type de problème: deux auteurs qui maîtrisent bien leur mécanique respective, un projet plutôt original dans un genre SF ultra-balisé, mais un script et une réalisation graphique qui semblent inadaptés au projet. Sympathique mais encore trop mystérieux dans le développement de l’univers (ce volume ne fait que très peu progresser notre connaissance), subissant des problèmes de rythme abusant notamment des Deus Ex Machina, Prima Spatia a sacrément intérêt à changer de braquet au prochain volume s’il ne veut pas risquer de finir dans les bacs d’occasion de Gibert…

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    Shaddam4 Le 19/03/2024 à 13:39:25

    Il y a trois ans s’arrêtait au cinquième tome l’une des plus incroyables saga de la BD franco-belge, un monde fou co-construit par Wilfried Lupano et Jean-Baptiste Andreae, cet Azimut qui restera un chef d’œuvre intemporel. L’univers de JB Andreae est si fort et identifiable qu’il fait toujours craindre que le scénariste soit vampirisé, étouffé sous cet imaginaire issu de Tim Burton et du surréalisme de Dali. Fabien Vehlmann était le comparse idéal pour proposer un nouveau projet au dessinateur, dans lequel il se fond avec gourmandise et une facilité toujours sidérante.

    La Cuisine des Ogres est un (gros) one-shot, en tout cas annoncé comme tel. Le format double-album n’est pas de trop tant l’univers juste aperçu est monumental et se prête à une série. Le sous-titre de l’album semble rappeler cette volonté qui cadre avec la politique raisonnable de Rue de Sèvres de ne jamais démarrer sur de longues séries mais de laisser la porte ouverte au développement de l’univers. Le scénario malin permet tout à fait cela et on l’espère vivement en refermant le volume tant celui-ci est riche!

    On commence avec une amusante variation Andreaéienne de Seuls lorsque l’histoire s’ouvre sur une bande d’orphelins très vite raptés par un croque-mitaine bondissant qui file livrer sa victuaille au monde des Ogres. Début alors pour celle qu’on appelle Trois fois morte la découverte d’un monde souterrain où des milliers de créatures sont occupées aux différentes étapes de fabrication du repas des Géants, du nettoyage de la vaisselle à la conception des plus fins mets. Réchappée au broyeur par miracle, la jeune fille est bien décidée à sauver ses amis de l’assiette…


    Le ton tragi-comique est celui de tous les albums d’Andreae: celui d’un conte de fées pour sales gosses, où les personnages ont les yeux globuleux, les ogres le nez crochu et la plus mignonne des créature un je-ne-sais-quoi d’inquiétant. Au-delà des pérégrinations truculentes de l’héroïne se dessine une vie tout à fait dramatique qui n’a pas grand chose à faire dans un récit pour enfants… ce que n’est pas vraiment cette Cuisine des Ogres.

    Sous une base tout à fait classique du conte de fée (distordu), les auteurs plongent allègrement dans le monde de Rabelais, que ce soit par le verbiage utilisé, les citations (nos géants sont Gargamel et Pantagruel) ou les tableaux de grande bouffe où le dessinateur se régale à croquer mille et un détails. Les facéties et déformations de son dessin nous ont d’ailleurs fait oublier combien il était précis dans ses planches et la finesse de tous les décors ne cesse d’étonner. Aussi brillant dans sa colorisation directe (qui ferait passer Marini pour un débutant) que dans le dessin pur, Andreae confirme par cet album qu’il reste un des plus éminent dessinateurs de la BD franco-belge.

    Fourmillant de références aux contes et légendes sans perdre en cohérence locale, La Cuisine des Ogres s’avère bien plus ambitieux qu’il n’en a l’air et parvient à créer un monde fonctionnel où la bonne morale est absente et que l’on a hâte de retrouver pour peu que le lectorat soit au rendez-vous. Avec deux artistes absolument gourmands et appliqués il aurait été difficile de se rater. Alors on savoure les pages avec un plaisir permanent et le seul regret que l’aventure ne soit pas plus longue.

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    Shaddam4 Le 14/03/2024 à 14:23:55
    Saint-Elme - Tome 5 - Les Thermopyles

    Ça y est, il va falloir s’habituer à une vie sans Saint-Elme… En seulement cinq albums sortis en trois ans, le duo Serge Lehman et Frederik Peeters ont créé un petit miracle d’intensité que personne n’attendait et qui débarque directement dans le hall of fame des grandes séries de la BD. Et ce n’est pas ce dernier (gros) tome qui va faire baisser la tension, occupé qu’il est sur ses 2/3 par une des plus magistrales fusillade réalisée dans le neuvième art. Dans une sorte de perfection rythmique les auteurs résolvent tranquillement leurs intrigues, qu’elles soient mystiques ou terres à terre, n’oublient rien au passage et gardent le bon goût de laisser planer suffisamment de mystère pour garder cette aura particulière qui aura recouvert la série.


    L’écart est ténu entre le déballage précipité et la retenue cryptique et le duo d’auteurs tient sa ligne de crête avec élégance, facilité, évidence même. Comme dans un film d’action parfait on se dit que c’est finalement si simple de conter une histoire populaire, artistique, personnelle tout à la fois. Chaque élément est à sa place, chaque case est du bon format, l’ensemble, de la fusillade pourtant nocturne en huis-clos aux révélations parmi la pléthore de personnages, tout est d’une lisibilité sans faille, comme une leçon de maîtres.

    Alors on savourera surtout la très grosse baston en se disant que décidément avoir de la place dans une BD c’est un sacré luxe! On accompagnera des personnages désormais familiers sur leur dernier itinéraire et on appréciera ce qui reste de mystère avec l’élégance de gentlemen qui sauront résister aux sirènes de prolongations. Car à Saint-Elme tout doit finir.

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    Shaddam4 Le 14/03/2024 à 14:23:14
    Blacksad - Tome 7 - Alors, tout tombe - Seconde partie

    A la clôture de ce septième album (en 24 ans… Blacksad s’apprécie comme le bon vin) on se demande un peu ce qui a justifié la césure en deux parties étant donnée la relative simplicité de l’intrigue. Un confort graphique peut-être, le temps nécessaire pour faire revenir un personnage iconique sans véritable lien avec la trame principale éventuellement. Toujours est-il que cette seconde partie pourra paraître un peu facile scénaristiquement parlant, Canales ayant tendance à téléphoner ses révélations. On est d’ailleurs surpris par la discipline avec laquelle il aura défloré ses personnages depuis le tome précédent, en comparaison avec les atmosphères pleinement polar des anciens albums où les cliffhanger finaux étaient toujours efficaces. C’est le cas ici (en deux temps) mais on aura besoin de relire l’ensemble (et même Ame Rouge) pour être bien sur de comprendre les liens entre l’affaire du théâtre, Alma et l’arrivée de Blacksad dans tout cela.

    Ne soyons pas trop difficile, l’album reste dans les canons d’une série magistrale dont les planches illuminent les yeux et transpirent du plaisir de l’artiste. La reconstitution de l’époque est toujours un fourmillement de détails qui donnent envie de passer un temps infini à savourer chaque détail des cases. Guarnido se permet même une petite expérimentation pointilliste sur une séquence flashback et alterne les ambiances avec une facilité déconcertante. Tentez l’expérience de reprendre les toutes premières pages de la série pour constater mine de rien l’immense progrès du dessinateur.


    L’enquête en elle-même reste agréable, dans les arcanes d’une politique municipale corrompue jusqu’à la moelle… Reste l’affaire Alma. La chute du précédent album était parfaitement réussie tant dans l’explosion visuelle que dans le fait de ramener le seul vrai amour de notre chat préféré. Pourtant on croise cette figure tout le long avec la désagréable impression que les auteurs ont trouvé un prétexte très artificiel pour rappeler le point faible du héros. Le problème c’est qu’Alma peine à s’intégrer à l’histoire (téléphoné je disais) et si les auteurs ne sont jamais abstenus d’invoquer subrepticement le passé de Blacksad sur d’autres albums, cela paraît ici ne rien apporter ni à la tension dramatique ni à l’histoire. Avec un happy end en sus, on frise la faute de goût, si ce n’était le plaisir de voir le personnage en lui-même. Heureusement les autres figures habituelles, à commencer par Weekly qui prend de plus en plus d’importance et le commissaire qui surprend en sorte de Gordon (notamment dans une séquence où l’on n’attend plus que la cape de Batman), sont parfaitement en place pour servir d’acolytes à l’enquêteur.

    Espérons que c’est un mal pour un bien à savoir une décision de tisser un peu plus de liens à l’avenir entre les albums d’une série qu’on espère reprendre un rythme biennal.

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    https://etagereimaginaire.wordpress.com/2024/02/26/blacksad-7-alors-tout-tombe-seconde-partie/

    Shaddam4 Le 14/03/2024 à 14:21:38
    San Francisco 1906 - Tome 1 - Les trois Judith

    Fabrice Meddour est un artiste trop peu connu. Surgi dans les années 1990 avec une série qui a marqué son époque, Hispanola, sa technique en couleur directe n’a par la suite pas rencontré le succès escompté. Allié au talentueux Damien Marie depuis le magnifique diptyque Après l’enfer, il revient pour un quatrième album tant le duo fonctionne bien et reprend cette alchimie de dessins aussi sensuels qu’incertains et d’un scénario à la trame simple mais très référencée.

    Auparavant attachés aux horreurs de la Guerre de Sécession où ils transposaient le conte du Magicien d’Oz, le duo documente cette fois le grand séisme de San Francisco où ils construisent une intrigue mafieuse dans laquelle notre belle ingénue va croiser la route du grand Caruso aux prises avec le chantage de la pègre locale. Le cœur de ce chantage est un tableau perdu de Gustav Klimt qui va passer de main en main en faisant de la pauvre Everett le témoin d’évènements semi-historiques. Le premier tome suit une intrigue linéaire mais astucieusement découpée pour aborder les différents protagonistes de ce prétexte à décrire (dans le second tome) le contexte chaotique laissé par le tremblement de Terre. Avec différentes mafia ethniques qui se partagent le Crime, un artiste craignant pour sa voix et un général d’armée tiraillé entre son amour pour une femme fatale et son devoir militaire, notre héroïne va être ballotée au gré des évènements. Et c’est le principal « défaut » de cet album qui fait de son personnage principal un fétu de paille dont la seule caractéristique est une énigmatique filiation avec le mythe de Judith, cette magnifique veuve qui usa de ses charmes pour assassiner le puissant général babylonien. Le scénario relie ainsi joliment le tableau biblique de Klimt, l’histoire mythique et cette pauvre fille plongée dans les ruines de San Francisco. De quoi titiller notre curiosité pour la suite et de donner prétexte à Fabrice Meddour à nous donner de superbes planches coquines dans ses tons sépia habituels.

    Jouant entre les lieux et les temporalités, Damien Marie propose de jolis textes et rythme son histoire entre une galerie de personnages variés et de l’action directement issue des films de genre. Le personnage principal est une victime souvent peu vêtue même si, avouons le, les auteurs semble plus intéressés par les règlements de compte gores. La survenue du séisme donne tout de même lieu à de belles planches massives où les limites techniques de Meddour nous laissent loin d’un apocalypse à la mode Otomo. L’ensemble reste pourtant malgré ces quelques faiblesses connues (le style du dessinateur était plus à son aise dans les lianes du Bayou) une lecture très plaisante pour une mise en place.

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    https://etagereimaginaire.wordpress.com/2024/03/11/san-francisco-1906/

    Shaddam4 Le 12/02/2024 à 15:33:13

    Alexis Vitrebert est apparu dans le champ de la BD il y a cinq ans sur le très remarqué Château de mon père et confirme sa maitrise narrative et illustrative sur ce gros volume qui retranscrit le journal de l’explorateur suisse Johann Ludwig Burckhardt. Pour sa seconde BD (après un docu sur Gisèle Halimi) la chercheuse Danièle Masse oublie en revanche de nous raconter une histoire en restant trop près de ses sources. L’album prend ainsi la forme assez plate d’une succession de plans, de séquences d’attente répétitives. La réalité des récits de Burckhardt ne doit pas faire oublier qu’une histoire se doit de comporter des personnages, une tension dramatique, des surprises… choses absentes de cette sorte de journal illustré qu’est L’espion d’Orient.

    L’album commence pourtant plutôt bien avec ces superbes dessins croquant le jeune suisse errant dans une Londres pluvieuse à la recherche d’un emploi sur recommandation. Finalement embauché par l’African association qui finance des explorations en lien avec le ministère des Affaires Etrangères, il débarque à Malte puis en Jordanie où il se crée le personnage de Cheikh Ibrahim qui lui permettra de passer inaperçu dans ses itinérances moyen-orientales, cette poudrière incontrôlée où brigands, tribus bédouines et chefs de guerre rendent les chemins si aventureux en pleine concurrence avec l’empire napoléonien. Prenant le temps d’apprendre la culture et la langue arabe, Burckhardt navigue entre transmission des notes qui intéresseront vivement les Renseignements britanniques, longues attentes d’un financement ou d’une caravane et rencontre avec puissants diplomates ou chefs locaux.


    Le scenario part donc très bien jusqu’à son arrivée au Moyen-Orient où le rythme se trouve brisé par une alternance de scènes sans grands repères temporels, redondantes, qui finissent par ennuyer la lecture. Est-ce une volonté narrative de reproduire l’ennui de l’aventurier ou simplement la confusion entre une histoire à raconter et un Journal à illustrer? Toujours est-il qu’on arrive vite frustré à la lecture de ce long album sans grand souffle, malgré l’aspect Bigger than life du personnage. Hormis quelques interactions fugaces avec des Figures historiques que seuls les plus érudits reconnaîtront, on a tout le long le sentiment que l’universitaire déroule son descriptif historique un peu pros proche de ses notes en oubliant de faire vivre ses personnages. En tant que documentaire l’album pourra trouver un certain public. Les lecteurs classiques se contenteront eux d’admirer les très belles planches…

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    https://etagereimaginaire.wordpress.com/2024/02/12/lespion-dorient/

    Shaddam4 Le 12/02/2024 à 15:31:05

    Sacrée découverte que cette jeune autrice australienne formée à l’animation et déjà à la tête de trois albums avant un quatrième à sortir cet automne (et en 2025 chez Kinaye). Sous la forme d’un volume au format franco-belge très classique elle revisite le fameux conte sous une forme féminine, mais surtout comme une sorte de prolongation du récit qui introspecte la psyché de celle qui criait au loup par un léger décalage totalement immersif. Il faut dire que la partition graphique est franchement enthousiasmante, voir même impressionnante! Dans une bichromie orangée l’autrice travaille ses textures et des motifs simples pour, comme dans un rêve, évoquer les yeux ou le pelage du loup si redouté. Avec des traits simples elle insère ses personnages dans un univers organique qui nait par de simples effets de pinceaux, évoquant le couvert végétal, les huttes du volage ou cette fourrure, dans un monde nocturne où tout est sombre et inquiétant.

    La mise en scène par des cadrages serrés et très dynamiques crée l’incertitude permanente, jouant champ/contre-champ en cherchant toujours les regards, comme une recherche crainte entre les yeux de Dawa et ceux du loup. Enfin le design du village, des costumes, très élégant, transpose un univers africain de fantasy dans les sombres forêts de résineux qui ont vu naitre le conte…

    Cry wolf girl, par son immense richesse graphique, par la simplicité de son histoire, par l’utilisation du conte, a plus de l’album jeunesse, univers parent de la BD et où les artistes jouissent d’une liberté créatrice sans pareil. Ariel Ries a choisi le format BD, qui ajoute la possibilité de mise en scène lié au découpage. Il ressort de cette lecture (rapide) un très grand plaisir à la fois familier et novateur et surtout l’explosion d’un talent brut qu’il faudra suivre assurément!

    Shaddam4 Le 07/02/2024 à 11:54:37

    En 2012 l’économiste proche du Parti Socialiste Thomas Piketty acquiert une renommée internationale après la sortie de sa somme Le Capital au XXI° siècle, ambitionnant de mettre à jour l’indépassable Das Kapital de Karl Marx, dont les 160 ans au compteur nécessitaient une adaptation à notre époque. Conscient du prisme occidental de son ouvrage, Piketty choisit une mise à jour en 2019 pour analyser l’histoire des idéologies qui installent et font perdurer les inégalités.

    Pour adapter ce pavé de plus de mille pages, les auteurs Claire Alet et Benjamin Adam choisissent d’illustrer le propos de l’économiste au travers d’une dynastie française, des ancêtres propriétaires esclavagistes aux descendants enseignants et militants écolo. Ce dispositif permet de raconter une histoire, d’apporter des personnages et de marquer visuellement les époques en faisant vivre à ces ancêtres les soubresauts de l’Histoire. Graphiquement on a un visuel typique des reportages de la Revue Dessinée, simple et tranché par des aplats de couleur et qui alterne les séquences BD et diagrammes explicatifs des mécanismes économiques et de répartition des richesses.

    Le prisme idéologique de Piketty est bien entendu marxiste et ses principales critiques viennent du camp libéral. Une fois dit cela, le déroulé est limpide et permet à tout un chacun de comprendre comment les inégalités de répartition des richesses issues de l’Ancien Régime se transforment mais se maintiennent sous les évolutions politiques et civilisationnelles. Ainsi on rappelle que la pauvreté chronique d’Haïti vient directement de la rançon payée par les esclaves qui y avaient proclamé leur indépendance aux anciens propriétaires, jusques mi-temps du XX° siècle, de quoi nous rappeler les violentes joutes entre la Grèce exsangue et l’Allemagne ordolibérale lors de la crise des dettes souveraines en 2012 où le gouvernement d’Athènes rappelait que les vols de richesses nazi n’avaient jamais été rendus à la Grèce après la Libération en raison de l’établissement de la Guerre Froide…

    Plus proche de nous on nous explique que les différents mécanismes d’imposition profiteront toujours aux propriétaires, jusqu’à nos jours, avec cette courbe de l’Elephant qui démonte le concept de ruissellement en montrant que l’essentiel de la croissance reviens mécaniquement aux plus riches (les fameux 1%). Les deux grandes évolutions seront issues des deux guerres mondiales, la première car la masse d’argent nécessaire à l’effort de guerre impliquait de ponctionner les riches, la seconde car la pression socialiste et le besoin de rebâtir un pays établirent un équilibre inédit dans la juste répartition des richesses. Assez rapidement, avec le choc libéral de Reagan et Thatcher, la « norme » revint au galop et la chute du Mure de Berlin permit trente ans d’enrichissement débridé qui allaient provoquer la polycrise du capitalisme que nous vivons actuellement.

    Très didactique l’album réussit comme documentaire plus que comme BD (l’introuvable alchimie de ce type d’ouvrage). Le dessin n’est pas en cause, sa simplicité restant lisible et efficace. En revanche l’artifice des histoires familiales nous perd un peu malgré l’arbre généalogique et le récit qui s’adresse directement à nous pour nous rappeler le fil du récit. Avançant rapidement pour ne pas nous lasser, ne restant pas trop sur les personnages pour pouvoir expliquer le propos de Piketty, les auteurs nous noient quelque peu entre les membres de cette famille avec des sauts vertigineux de plusieurs décennies. Si ce choix nous permet de personnaliser des situations (surtout sur les dernières strates de la dynastie), je reste cependant dubitatif sur le gain final, les séquences ainsi utilisées manquant peut-être pour entrer plus en détail dans l’explication des idéologies.

    On ressort néanmoins de la lecture bien renforcé dans notre connaissance de l’histoire des inégalités de notre pays. L’album se termine par des propositions concrètes (un peu utopiques je dois dire) de Thomas Piketty présentées comme une ébauche de programme économique (il a été conseiller économique sur la campagne présidentielle de Benoit Hamon avant de soutenir le programme économique de la NUPES récemment). Sans être le docu-BD de l’année, Capital et Idéologie permet en 160 pages de connaître l’analyse et les propositions d’un des économistes les plus importants de notre époque et c’est déjà pas mal!

    Lire sur le blog:
    https://etagereimaginaire.wordpress.com/2024/01/27/capital-ideologie/

    Shaddam4 Le 07/02/2024 à 11:50:54
    Alexandre, le Verdoyant & l'Élixir de vie - Tome 1 - Livre Un : Le voyage du héros

    La jeune artiste Australo-malaisienne Reimena Yee a fait une entrée fracassante dans l’univers de la BD en 2020 avec son diptyque Le marchand de tapis de Constantinople, (traduit chez nous chez Kinaye en 2023) conte arabe où sa liberté et créativité visuelle enchantait critique et lecteurs. Surfant sur la popularité de la dessinatrice, l’éditeur sort très rapidement sa nouvelle création (parue en octobre dernier en VO) dans un écrin magnifique agrémenté d’un cahier final de making of.

    N’ayant pas lu ses précédentes créations je découvre un vrai talent de designer et de composition qui agence sur un style simplifié typique de l’Animation (de Walt Disney diront certains) des effets de céramiques grecques ou d’enluminures arabes pour nous immerger dans un orient antique où le grand Alexandre s’ennuie fermement sur son trône… Annonçant vouloir adapter librement le Roman d’Alexandre, Yee choisit un voyage initiatique du héros en compagnie de son serviteur, à la recherche de la Fontaine de Jouvence. C’est l’occasion d’aventures de différentes tailles, du domptage du cheval Bucéphale par le jeune Alexandre à la rencontre des Griffons fantastiques.

    En suivant l’agencement de récits sans lien chronologique (typique des gestes médiévales), l’autrice affaiblit quelque peu la lecture en brisant l’enchaînement. Cela participe à la volonté d’œcuménisme graphique, la grande force de l’album, qui enjoue en nous proposant une véritable odyssée dans l’histoire de l’art médiéval et antique, croquant certaines parties dans un style d’enluminures chevaleresque ou arabe. Le texte joue également de cette mise en abyme en brouillant dès les premières pages la légende d’Alexandre, racontée à ce dernier par celui-là même qui la fait avec le héros… Reimena Yee nous relate ainsi une légende fabriquée en direct par un servant qui emmène le grand conquérant sur le chemin de ses propres futurs/anciens exploits.

    Lors des scènes plus classiques, malgré une mise en scène très travaillée de l’autrice le trait simpliste peut paraître un peu faible en regard d’autres séquences. Je tiens à préciser que, Kinaye oblige, ce récit est bien un album jeunesse et il ne faudra pas vous attendre à une grande complexité relationnelle ou narrative dans les pages de cet album, ce qui correspond du reste à l’ambiance de la source adaptée. Pourtant on peine un peu à profiter pleinement d’une histoire trop hachée pour vraiment convaincre, malgré une technique et un personnage éminemment sympathiques.

    On termine ce premier tome heureux de la découverte mais un peu frustré d’avoir raté de la grande aventure classique, sans doute par soucis trop appuyé d’adapter un texte qui s’y prête peu. Il restera trois tomes pour vraiment convaincre.

    Lire sur le blog:
    https://etagereimaginaire.wordpress.com/2024/01/30/alexandre-le-verdoyant-lelixir-de-vie/

    Shaddam4 Le 07/02/2024 à 11:45:37

    Triste album qui nous vient en ce début janvier. Il y a presque dix ans sortait un miracle, Le chevalier à la licorne, du même duo, qui faisait exploser le talent brut de l’espagnol Guillermo Gonzalez Escalada dans un sublime et tragique poème graphique médiéval. Malheureusement l’annonce de ce second album s’accompagna rapidement de celle du décès de l’artiste en 2021. Seules quelques pages manquaient sur le scénario de Stephane Piatzszek, que deux dessinateur complétèrent dans le respect du style original.

    Les histoires païennes sont légion. Le titre pouvait être trompeur et si l’album se centre bien sur l’itinéraire de la princesse Libussa, figure légendaire du peuple tchèque que l’on rattache à une armée de résistantes amazones, c’est plutôt l’histoire d’amour de cette héritière farouche avec une de ses guerrières alors que le danger qui menace son peuple est immense, qui intéresse le scénariste. Malheureusement le récit est incertain, comme si l’auteur n’avais su où mettre la focale et surtout par abus de suggestion. Il y a peu de textes et l’enchaînement des séquences n’est guère expliqué, ce qui rend la lecture par moment confuse.

    Le dessin de son comparse est toujours aussi brillant mais l’aspect fruste de ses visages médiévaux n’aide pas à la compréhension en rendant parfois peu lisible la distinction entre ces personnages. Le style de Guillermo Gonzalez Escalada, si fort dans l’action et les visions oniriques, ne compense pas le manque de précision du scénario. De même, les quelques surgissements fantastiques, graphiquement puissants, ne semblent pas servir


    l’histoire où la sœur mystique de l’héroïne est totalement muette et trop peu en interaction pour que l’on puisse s’y intéresser vraiment.

    Oubliant de nous proposer de belles batailles épiques grand public, tiraillé entre sa Légende, un amour féminin impossible, le devoir dynastique et l’oppression chrétienne sur les anciennes traditions Stephane Piatzszek se contente d’admirer les sublimes compositions du dessinateur espagnol et échoue à nous emporter dans ce drame amoureux mal défini. L’album regorge pourtant de très belles scènes de banquet, de poursuites ou de complots, mais le tout reste mal monté par un récit trop suggestif.

    Le duo n’aura donc pas réussi à rééditer le coup de maître de leur premier album. Il restera à admirer l’art si organique du défunt pour regretter, plus que l’album lui-même, la perte d’un très grand artiste.

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    https://etagereimaginaire.wordpress.com/2024/02/01/la-guerre-des-amazones/

    Shaddam4 Le 03/02/2024 à 12:14:06

    La recette initiale de Drakoo étant plutôt efficace, l’éditeur continue à faire appel à des romanciers fantasy pour apporter leur science de la construction d’univers et de personnages. Pour son deuxième album après une adaptation de son roman, Aurélie Wellenstein se lance cette-fois en compagnie de l’italien Emanuele Contarini sur une nouvelle création dans une atmosphère de la Venise classique du XVI° siècle.

    Démarrant son histoire sans perdre de temps, on se retrouve embarqué avec ces cinq « louves », ce pianiste virtuose qui a perdu sa main dans une attaque et ses quatre comparses et amantes, chacune dotée de capacité tout à fait intéressantes. Car c’est la grande force du concept de la scénariste (plus que l’univers de cape et d’épée vénitien, finalement assez absent) que ces bombes « surréalistes » dont le seul nom suffit à titiller notre curiosité. Il s’agit en fait d’explosions qui modifient la réalité avec des effets permanents redoutables: l’un a vu sa main littéralement oblitérée, deux autres partagent le même esprit, comme deux super-jumelles, une autre voit sa conscience coincée entre le présent et le futur immédiat, quand la dernière cache un terrible secret… Si l’adversité manque cruellement à force de mystère sur l’origine des attaques, cet album nous intéressera jusqu’au bout et sa conclusion lovecraftienne intellectuellement très enthousiasmante.

    Le problème c’est que ce qui aurait sans difficulté nécessité trois albums afin de pouvoir mettre en place les personnages, une résolution progressive et l’utilisation d’un riche univers… doit se présenter en un format classique de 48 pages! C’est absolument incompréhensible et totalement suicidaire narrativement parlant, d’autant que les planches du dessinateur sont vraiment agréables et dégagent une énergie organique qui rappelle le travail récent de Créty sur Gueule de Cuir, chez le même éditeur.

    Ainsi il est compliqué de chroniquer un album qui ne peut avoir aucune structure correcte dans un tel format. Les auteurs n’ont rien à se reprocher, les dialogues sont percutants, les interactions et pouvoirs des personnages très agréables et novateurs dans une sorte d’esprit X-men de la Renaissance et même la résolution en tant que telle est plutôt réussie. Mais l’album semble juxtaposer des séquences qui ne tiennent pas dans le format et laissent l’impression d’avoir lu une très grosse plaquette de promotion d’un album à venir. Autant on pouvait reprocher à Pierre Pevel d’avoir du mal à gérer le hors champ de son univers d’Ambremer dans un format BD limité, autant ici c’est bien le format BD qui pose problème. Très agaçant car on serait volontiers parti sur une série qui disposait d’un sérieux potentiel. Les mystères éditoriaux sont décidément bien impénétrables…

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    https://etagereimaginaire.wordpress.com/2024/02/03/la-venise-des-louves/

    Shaddam4 Le 15/01/2024 à 17:32:52

    En cette fin d’année nous sommes servis en adaptations de grands classiques du roman moyen-ageux après le Nom de la Rose de Manara. Désormais spécialiste des adaptations littéraires, Geoges Bess débarque cette fois au XIX° siècle sur le plus connu des romans de Victor Hugo, reprenant la maquette d’édition de Dracula et Frankenstein. Le projet était aventureux, comme pour Dracula, tant le récit a été mille fois proposé, jusqu’à s’éloigner du cœur du texte. Et ce sera la principale qualité de cette belle version qui s’étale sur XXII chapitres (contre une cinquantaine dans l’œuvre originale) que de rester étroitement proche du récit initial en nous rappelant l’immense modernité de Victor Hugo qui pointe la pesanteur des traditions (d’en haut comme d’en bas) et le drame des passions humaines.

    Esmeralda apparaît comme la candeur, plus que la beauté, qui aspire à une vie simple et victime de la jalousie maladive d’un puissant, l’abbé Frolo. Souvent ramenée à l’amour (fraternel) de la belle et la bête, cette histoire est à l’origine plus celle de la bohémienne et de l’abbé au sein d’une société d’injustice où les gueux ne sont guère plus éclairés que les puissants. Multipliant les protagonistes en refusant la linéarité comme dans toutes ses œuvres, Hugo aborde la complexité des passions, des hasards et des drames humains et la BD permet par la concision du format d’éviter les longues digressions qui rendent parfois le texte exigeant. En lisant cet album on se rappelle combien ce récit est la matrice d’une infinité de grandes séries BD telles Sambre ou le Roy des Ribauds par exemple.

    La version de Bess est peu une BD, le dessinateur déroulant son récit essentiellement par des cartouches narratifs entrecoupés par quelques scènes fortes de véritable BD. Graphiquement, si la première moitié se hisse au niveau de précision de Dracula, tant dans les décors, les éléments décoratifs qui font le sel des planches de Georges Bess, on sent sur la fin que la charge de travail sur une telle pagination l’a poussé à l’économie, multipliant les fonds vides et certains décores à peine encrés. Le choix de textures de niveau de gris permet de densifier les cases et le jeu de lumières dans une Cité qui est un personnage à part entière de l’histoire.

    Le rendu global est une lecture très plaisante, immersive qui prend une partie du talent de Victor Hugo embelli par un graphisme de haut niveau et quelques sublimes pages. La grosse pagination augmente le risque de dessins inégaux mais on ne pourra constater que l’auteur maintient une générosité générale et une passion pour ce texte évidentes. Une excellente occasion de lire ou relire ce chef d’œuvre du patrimoine littéraire français et d’ajouter un nouveau joyau à la collection d’adaptations de Georges Bess. En attendant avec impatience de connaître le prochain choix qu’il nous livrera…

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    https://etagereimaginaire.wordpress.com/2023/12/27/notre-dame-de-paris/

    Shaddam4 Le 15/01/2024 à 17:28:42
    Largo Winch - Tome 24 - Le Centile d'Or

    Depuis la passage à la périodicité biennale au changement de scénariste les éditions Dupuis semblent vouloir multiplier les recettes de leur poule aux œufs d’or puisque outre un troisième film (basé sur le diptyque Le prix de l’argent/La Loi du Dollar), ce sont trois éditions qui sont parues en fin d’année et s’accompagnent de pub pour des tirages luxe de Philippe Franck…

    Le vingt-troisième tome avait paru comme un miracle pour Largo, un rafraichissement inattendu et l’illustration d’une maturité pour le nouveau couple créatif. Laissant Largo dans de beaux draps à 100 km de la Terre il faut reconnaître que le cliffhanger de ce double album n’aura pas fait l’effet escompté puisque défloré en introduction du premier volume il tombe d’autant plus à plat qu’Eric Giacometti tombe dans la facilité en se débarrassant totalement de toute recherche de complexité pour laisser les clefs à son (brillant) dessinateur pour résoudre le problème du héros. On ne va pas bouder son plaisir mais cette ouverture explosive (déjà vue au cinéma avouons-le) illustre l’ensemble d’un album qui va tutoyer les sommets de l’action en sa calant dans un scénario de blockbuster hollywoodien. On pourra trouver pire mais pour une série de cette qualité et après les efforts tortueux de l’ouverture on a le sentiment que le scénariste a encore du mal à gérer le format 2X46 pages.

    Chacun place le curseur d’exigence où il veut sur les séries royales ; personnellement j’assume une tendresse mais j’attends le meilleur. Surtout, le comparatif avec les scripts de Van Hamme ne cesseront de se manifester. On savoure alors cet album comme un des tout meilleurs de l’ensemble de la série sur le plan de l’action, les auteurs enchaînant les séquences franchement impressionnantes! D’autant que les deux années de travail pour Franck ne semblent pas se passer à la piscine tant la qualité graphique et colorimétrique des planches brise les rétines, jusqu’à frôler le photoréalisme par moments, à se demander si le dessinateur ne travaille pas essentiellement sur photo retouchées. On alterne d’une chute libre depuis l’espace (moins ridicule que celle d’un certain Chevalier Noir…) avant de tutoyer Rambo dans les sublimes décors du Yosemite pour finir en baston d’hélicoptère après une fusillade choc. On aura rarement autant retenu son souffle sur les planches du milliardaire en blue-jeans! Mais ces plaisirs primaires ont une conséquence: outre une méchante absolument pas mystérieuse, le scénario expédie tous les tiroirs ouverts en une case en forçant un peu trop sur la pédale. Il en résulte un gros gâchis scénaristique, d’autant que le précédent diptyque avait fait de gros efforts pour ouvrir le background. Il restera au crédit de ce Centile d’or décevant toujours plus de personnages savoureux, des perspectives politiques intéressantes pour Largo et son groupe et donc un plaisir actionner indéniable. Je dirais donc la coupe de champagne à moitié pleine…

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    https://etagereimaginaire.wordpress.com/2024/01/04/largo-winch-24-le-centile-dor/

    Shaddam4 Le 15/01/2024 à 17:25:42

    La Chute de la Maison Usher est une des nouvelles les plus célèbres de l’immense Edgar Poe, qui a inspiré nombre d’œuvres musicales, cinématographiques ou BD. Netflix vient de diffuser la première saison d’une variation audiovisuelle et au moins trois autres adaptations BD sont déjà parues avant cette originale version de Jean Dufaux.

    L’originalité de ce one-shot est d’élargir librement l’histoire du personnage principal en imaginant une classique fuite devant un créancier violent. Le surgissement surnaturel d’un fiacre semblant sorti des Enfers permet à Damon Price, cousin du riche Rodrick Usher (son ami d’enfance dans la novelle) d’échapper à un assassinat et de découvrir la fameuse maison qui donne son titre au récit et fait office de personnages à part entière. Cet ajout permet d’installer une atmosphère vénéneuse et de caractériser cet antihéros qui abuse de l’amour d’une belle prostituée et de multiplier les antagonistes redoutables de violence avant de confronter le personnage à la maison et son propriétaire. Dufaux fait également œuvre de facétie en insérant Edgar Poe dans le récit avec une mise en Abîme intellectuellement très attrayante où l’auteur raconte au personnage son propre récit…

    Les planches de Jaume Calderon (qui spécialisait jusqu’ici sa redoutable technique sur des récits historiques) nous plongent immédiatement dans une ambiance que ne renierait pas Tim Burton, où les grandes cités de la côte Est ne sont encore que des bourgades aux maisons de bois et aux ruelles tortueuses et où les brumes de la campagne n’attendent plus que de laisser émerger esprits et non-morts… La violence du récit de Jean Dufaux est sèche et le scénariste ne laisse que peu de possibilité de compassion pour son personnage qui va se retrouver (un peu facilement) dans les griffes d’Usher. S’agissant d’un conte noir le lecteur n’attend pas tant de la vraisemblance que de l’immersion et en la matière le projet est tout à fait réussi. Ainsi lorsque le maître des lieux nous conte le destin tragique de sa sœur entre chandeliers gothiques et qu’il promène son invité dans les marais environnants on n’est guère surpris de voir surgir des forces surnaturelles aussi normales à cet emplacement que le cocher aveugle qui a sauvé Price ou la maison dont les portraits semblent vivants. Dans ce type de récit le personnage n’est qu’un focus à une narration linéaire. Pour une adaptation d’un classique on peut dire que les auteurs réussissent à nous surprendre, ce qui était une gageure.

    Avec des planches somptueuses, un texte inspiré et une action qui évite de limiter le projet à de la seule horreur gothique, Dufaux et Calderon nous proposent avec ce one-shot une élégante proposition fantastique qui sait enrichir le matériau d’origine et, cerise sur le gâteau, permet de lire le texte de Poe présent en fin d’album et lui comparer l’adaptation. On a trouvé pire comme découverte d’un texte célèbre.

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    https://etagereimaginaire.wordpress.com/2024/01/06/la-maison-usher/

    Shaddam4 Le 15/01/2024 à 17:19:59

    Depuis trois albums le duo Eacersall/Scala nous ravit par des histoires particulièrement immersives et cinématographiques dans le monde de la police dont est issu le second. Une sorte de pendant BD d’Olivier Marchal au cinéma et contrairement à celui-ci nos deux scénaristes ont l’intelligence de varier les sujets puisque après les indic dans GoSt111 et la police criminelle dans Cristal17 nous voilà transporté dans l’univers des « nourrices », ces habitants des Quartiers qui gardent discrètement les cargaisons de drogue, d’armes ou d’argent pour le compte des dealers.

    Avec une mise en scène sèche comportant peu de dialogues mais redoutablement efficaces pour faire monter la tension par de simplex cadrages, ils happent le lecteur qui peut être dubitatif eu commencement de la lecture avec le risque de déjà vu. Intelligemment ils font changer le regard sur cette femme qui semble pas bien maline en tombant dans les pièges insolubles de la banlieue (mariage africain imposé, mari évaporé, incapacité à gérer l’argent, heures passées devant des imbécilités TV,…) avant de nous montrer qu’avec ses moyens et sa détermination elle tentera de renverser la double mâchoire de son contact dans la police et de du caïd par qui tout a commencé. Comme dans tout récit social les auteurs nous parlent bien sur de la réalité de ces quartiers hors de la République (le truand rappelle fort à propos « ici la loi c’est moi ») où les paliers des barres d’immeubles font se croiser islamistes oppresseurs de compagnes, dealers, vieillards miséreux et femmes seules avec enfants. En tissant des liens entre les personnages, le scénario permet de parler aussi d’entraide et d’une forme de liberté qui ne dépend pas du niveau scolaire mais bien de la force de caractère.

    Réalistes, crédibles dans sa froide description d’un quotidien bien loin de nous, Eacersall et Scala parviennent à l’équilibre entre récit policier plein de tension et de suspens au travers de regards perçants, et description anthropologique de cet infra-monde où la police exploite les exploités et où la morale est bien moins exigeante au regard des difficultés matérielles. Les splendides dessins réalistes à l’aquarelle participent grandement à la qualité de l’album avec une maîtrise des éclairages saisissants et les limites inhérentes à cette technique (encrages très légers et manque de précision sur certaines scènes).

    Avec son titre intrigant et sa couverture fort réussie, les trois auteurs réussissent avec A mourir entre les bras de ma nourrice un nouveau carton passionnant à lire, qui assume la dureté réaliste sans sombrer dans le misérabilisme.

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    https://etagereimaginaire.wordpress.com/2024/01/10/a-mourir-entre-les-bras-de-ma-nourrice/

    Shaddam4 Le 15/01/2024 à 17:14:10

    Troisième album en trois ans pour l’Anthologie grand format passionnée de Tiburce Oger qui se révèle à nos yeux de lecteur un grand expert de la Conquête de l’Ouest, s’efforçant de partager, parfois maladroitement, sa passion. Car une fois que l’on a savouré les magnifiques planches débordant de tout ce qui fait l’Ouest, dans le confort graphique de récits très courts, on ne peut que constater les limites de l’exercice de vouloir raconter une dizaine d’histoires en moins de dix pages chacune.

    Après les pionniers et les Indiens voici venus les gunmen, ces fortes têtes venues au crime souvent par hasard, souvent par erreur, dans un univers où ce qui définissait la Loi fut souvent celle du plus fort/riche quand elle n’était pas tout bonnement inexistante. La variété des profiles décrits (souvent historiques) permet de ne pas s’ennuyer et le talent pur des illustrateurs suffira à tous les amoureux de poussière, de soleil et de saloons. Seule faute de gout, l’insertion du récit absurde d’un éléphant pendu, dessiné par un Nicolas Dumontheuil dont on se demande ce qu’il est venu faire là tant son style tranche avec le reste des partitions. Le plaisir de voir le trop rare Olivier Vatine de retour aux crayons contrebalancera cette incongruité.

    La difficulté du format anthologique se confirme donc ici et l’auteur aurait été inspiré de reproduire le fil rouge des deux premiers tomes qui donnaient une fiction de liant entre ces histoires, ici totalement découplées. La désormais habituelle ouverture et clôture de l’album par Paul Gastine (dont ont attend en trépignant le nouveau western cette année…) si lumineuses soient-elles, ne suffisent pas à donner un squelette à cet enchevêtrement qui reste réservé aux passionnés de westerns.

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    https://etagereimaginaire.wordpress.com/2024/01/11/gunmen-of-the-west/

    Shaddam4 Le 15/01/2024 à 17:10:59

    Album après album Teresa Radice et Stefano Turconi enfilent les chefs d’œuvres comme les perles sur un collier. Avec la même aisance mais sans jamais tomber dans la facilité, la redite ou la formule. Après la trilogie Violette autour du monde qui les a révélé en France et un passage par la jeunesse entre deux albums de leur univers de l’encensé Port des marins perdus, ils proposaient ce monstrueux Amour minuscule. Un projet gargantuesque dont le seul défaut sera la taille et la structure qui se rapproche plus d’un roman illustré que d’une BD. Entendons-nous bien: Amour minuscule est bien une BD, brillamment montée et mise en scène, magnifiquement illustrée par la technique impériale de Stefano Turconi. Seulement la verve de Teresa Radice, l’intimité du propos, la quantité de textes, rendent la lecture exigeante, demandant plusieurs sessions de lecture concentrée.

    Construit en dix Livres illustrés par une calligraphie arabe et une citation, l’album pourrait presque faire penser par son ampleur et sa profondeur au monument Habibi. Débutant par la découverte de la grossesse et par l’enlèvement d’Ismaïl, le récit est ensuite agencé en une structure complexe passant par la jeunesse d’une mère terriblement absente, la rencontre entre les deux amants mais surtout celle du lieu central qui donna naissance à ce projet, le monastère Deir Mar Moussa al-Habachi qui vit à l’orée des années 2000 une communauté œcuménique y recréer un lieu de vie spirituelle sous la houlette du père Dall’Oglio. Comme le dit Teresa Radice en post-face, les histoires sont toujours un mélange de réalité et d’imaginaire qu’il n’est pas nécessaire de vouloir détricoter.

    La trame double enchevêtre l’odyssée d’Ismaïl, qui permet d’aborder le drame des migrations et du cimetière méditerranéen depuis le Printemps arabe de 2011, avec l’itinéraire plus personnel d’Iris, entre sa grossesse seule, sa mère absente, son absence de racines et son amour disparu. La quantité de réflexions, tantôt pleinement philosophiques, tantôt humanistes sidère et demande une digestion lente. L’intelligence des propos, la finesse des textes répondent aux superbes pastelles d’un Stefano Turconi qui transpire le calme et la beauté intérieure.

    Sur des sujets foncièrement durs on ne tombe jamais dans le pathos, même lors des passages les plus crus avec les migrants clandestins et une vraie émotion nous presse concernant ce destin tragique tant l’immersion émotionnelle est tissée.

    En parvenant à allier les drames géopolitiques, les questionnements philosophiques sur la relation entre homme et divin et l’itinéraire psychologique d’une jeune femme enceinte à la recherche de ses racines familiales, le couple d’auteurs réussit un sacré tour de force qui semble réalisé avec une spontanéité déconcertante. Pas le plus facile de leurs albums mais peut-être le plus profond, Amour minuscule est un nouvelle illustration que Radice et Turconi sont le couple artistique le plus constant et le plus intéressant du moment.

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    https://etagereimaginaire.wordpress.com/2024/01/12/amour-minuscule/

    Shaddam4 Le 18/12/2023 à 17:15:29
    Mécanique céleste - Tome 2 - La source

    Il y a quatre ans le chevronné Merwan Chabane nous scotchait avec un délirant one-shot post-apo entièrement axé autour de l’absurde et de sa technique graphique prodigieuse. Sans prévenir il débarque avec cette suite immédiate, plus courte… et bien plus bancale malheureusement.

    La première chose qui choque en reprenant le précédent volume c’est la force des couleurs directes, déjà remarquables sur l’album de 2019. On pourra trouver les planches trop chargées voir incertaines du fait de l’aquarelle mais chacun sera forcé de reconnaître l’incroyable précision des textures et des couleurs dans cet espère de cour de récré pour le grand Marwan! L’encrage très délicat laisse certains traits en crayonnés quand certains volumes exposent d’un noir profond, le tout permettant d’éviter un effet dilué de l’aquarelle en créant une progression des densités. Très fort. Surtout, les extraordinaires mise en scène et technique anatomique de l’auteur empêchent ses personnages de se noyer dans ces entrelacs de couleurs.

    Jouant avec ses bonshommes dans le huis-clos d’une ancienne usine, Merwan fait mumuse avec des armes tout droit sorties d’un jeu vidéo comme Splatoon ou Portal qui crachent des rayons fluo du plus bel effet. L’action devient alors brillante de possibilités en renouant avec le dynamisme de la balle au prisonnier du premier tome… Malheureusement ces quelques idées magnifiques (une arme figeant les corps, l’autre désintégrant temporairement la matière… y compris les décors!) restent trop peu exploitées pour laisser la place au déroulé d’une intrigue qui part de trop loin pour nous intéresser. Inventant un passé à Aster (qui est ici loin d’avoir le statut de personnage central), Merwan complique pour rien la lecture qui n’aurait dû n’être que ludique, donnant un peu le sentiment que le copain Sanlaville lui a grillé la priorité en reprenant son concept sur le délirant Banana Sioule.


    Disposant de tous les atouts dans sa manche, le dessinateur choisit pourtant de montrer un quasi thriller politique lançant factions de pirates contre forces de sécurité de la grande Nation. Ouvrant l’album sur une carte des territoires comme pour nous expliquer qu’il va cette fois développer son univers, Merwan oublie que l’on ne sait que bien peu de choses à son écosystème et que le premier volume tenait surtout comme mécanique sportive et compétitive. Abandonnant ici complètement le sport et ses interactions, Merwan a voulu recréer une situation de confinement où se développe une micro-société. Mais il en oublie du coup le concept de la série et on se demande pourquoi il n’est pas parti sur un tout autre album.

    Changeant de braquet, d’essence et de route, Merwan perd un peu son lecteur en ne pouvant laisser libre-court à une fresque géopolitique du monde d’après dans le huis-clos de l’usine et en refusant de délirer complètement sur des acrobaties que le terrain de jeu permettait. Comme s’il était passé à côté de son sujet, parti sur une fausse bonne idée ou plutôt sur un malentendu, il laisse ce second tome inattendu comme un épisode bis oubliable. Fort dommage.

    Lire sur le blog:
    https://etagereimaginaire.wordpress.com/2023/12/12/mecanique-celeste-2/

    Shaddam4 Le 18/12/2023 à 17:12:41

    Le projet mit du temps à accoucher. Écriture ciselée, recherchée, documentée, dessin d’orfèvre du dessinateur polonais, fabrication minutieuse, ce Dernier jour de HP Lovecraft a tout du projet fou et du cadeau de Noël pour tout amateur d’imaginaire fantastique. Car c’est bien un hommage magnifique que cet album, un hommage à celui qui inventa le fantastique moderne, à la suite de Edgard Poe et avant Stephen King et autres Alan Moore. Outre sa création d’un Mythe imaginaire cohérent, le confiné de Providence créa artistiquement la quasi-totalité des dessinateurs de BD fantastiques actuels, matrice esthétique et imaginaire indépassable.

    L’album est néanmoins bien une BD très joliment narrée en forme de reprise de l’Enfer de Dante voyant des guides mener Lovecraft à travers sa propre histoire, rencontrant de vrais personnes (le magicien Houdini), ses créations (Nyarlathotep), sa femme ou ses successeurs. Alors que l’on s’attendait à une nouvelle immersion dans le Mythe de Cthulhu, c’est une quasi-biographie fantastique que nous propose Romuald Giulivo en mêlant fiction et réalité dans la cheminement d’un pauvre hère délirant sur son lit d’hôpital. On découvre ainsi la pauvre vie tragique d’un enfant soumis au contrôle aliénant de sa mère et incapable de s’en extraire toute sa vie durant. On rencontre sa femme avec qui il n’a vécu que quelques mois à New-York, sans doute dans une tentative de jeunesse de sauver son âme de la domination familiale. En vain. On nous parle d’Auguste Derleth, celui qui constitua à titre posthume le Mythe de Cthulhu proprement dit… Alternant lettres écrites d’une calligraphie très élégante (et qu’on imagine manuscrite de l’auteur ou de l’éditeur, chose rare) et accompagnement des planches d’une immense variété et créativité de Jakub Rebelka, la cohérence de l’ensemble est remarquable.

    Ce n’est pas faire injure à la très grande qualité du projet et des textes de Romuald Giulivo que de rappeler que l’intérêt majeur de cet album reste le travail impressionnant du dessinateur polonais. Sachant être figuratif ou onirique quand il faut, celui que j’avais beaucoup apprécié sur La cité des chiens, prend une ampleur encore plus importante par l’apport de la couleur. Ce que l’on perd dans le travail d’encrage on le gagne dans les formes organiques et les textures. Rebelka semble né pour illustrer Lovecraft et comme pour tous les grands auteurs on lui accorde volontiers le temps nécessaire entre deux créations.

    Enfin, 404 comics constitue album après albums un sacré catalogue qui rivalise clairement avec les grands éditeurs par un choix qualitatif tant dans l’artistique que dans la fabrication de livres d’orfèvrerie. Heureusement nous serons gâtés dès l’an prochain avec un Judas qui s’annonce somptueux!

    Lire sur le blog:
    https://etagereimaginaire.wordpress.com/2023/12/14/le-dernier-jour-de-howard-philips-lovecraft/

    Shaddam4 Le 18/12/2023 à 17:10:19

    Cela fait des éons que l’on n’a pas eu le loisir d’apprécier le boss d’Image comics aux dessins sur un album complet et je dois avouer que les récentes résurrection d’un Frank Miller par exemple ne m’incitaient pas à une grande confiance… Le créateur de Darkness et des mythiques éditions Top Cow a un style très marqué, proche d’un Jim Lee avec une vraie qualité de crayonné bien que parfois daté. Très bavard, Silvestri nous relate en préface l’origine du projet dans un texte assez narcissique qui montre qu’il n’y a pas que son dessin qui est vissé aux années 90.

    Soyons beaux-joueurs, malgré des lacunes techniques qui éclatent autant que celles de grands ancêtres de la Franco-belge au regard des cadors actuels de l’industrie comics, l’album est visuellement très agréable, pour peu que l’on admette une plongée absolument nihiliste dans une Gotham proche des cimetières de Tim Burton. On ne pourra pas parler de faute de gout même si l’univers du créateur du Darnkess prend clairement le dessus sur celui du Chevalier Noir. Et c’est ce qui surprend le plus dans cet album qui semble finalement bien peu « batman style ». Ce n’est pas la première fois qu’un auteur majeur s’émancipe du carcan traditionnel du Bat-Univers, mais ce Deadly Duo laisse l’étrange gout en bouche d’un album de Marc Silvestri habillé de la cape de Batman.


    Ce n’est pas l’intrigue proprement dite qui est en cause, artifice en forme de buddy-movie tout droit issu de Die Hard 3 où un mystérieux maître chanteur donne des missions impossible au plus improbable des duo. Cela permet de beaux morceaux de bravoure et surtout au dessinateur de se permettre une très inhabituelle violence cadavérique dans l’univers de Batman. Le problème vient surtout de la fausse bonne idée que la décence m’interdira de qualifier d’aberrante. Un autre que le grand éditeur aurait-il été laissé aux commandes d’un projet qui va a l’encontre de tout ce qui fait l’essence de Batman? Rien n’est moins sur. Comme s’il savait qu’il était scénaristiquement impossible de rendre cohérente cette collaboration entre Batman et le Joker, Silvestri balance d’ailleurs son excuse en quelques cases plus que légères, histoire de rapidement lancer son train.

    Car une fois lancé, le rythme est rapide, plusieurs séquences sont très amusantes dès qu’il s’agit pour le Joker de balancer des punchlines absurdes qui fonctionnent très bien en décalage avec le sérieux impénétrable et ennuyeux du Dark Knight. Ainsi l’écriture de cet album Black Label est tout à fait correcte, de même qu’un dessin très organique voulu comme crayonné, primal, pour exprimer les racines noueuses d’une Gotham que l’on n’a jamais fini de découvrir. Mais sans doute trop porté sur un cadre de cinéma hollywoodien, l’auteur oublie qu’il est dans une BD avec ses contraintes et s’oublie progressivement dans des intrigues cachées un peu éculées jusqu’au grand-guignol final où l’univers souterrain justifie une pauvreté graphique triste à voir.

    Démarrant plutôt bien, ce Deadly Duo progresse entre quelques séquences fun vers une conclusion brouillonne qui s’étire en longueur et fait craindre une envie de Silvestri-verse qui prolongerait plus que de raison ce qui devait n’être qu’une belle proposition.

    Lire sur le blog:
    https://etagereimaginaire.wordpress.com/2023/12/16/batman-joker-deadly-duo/

    Shaddam4 Le 27/10/2023 à 08:33:57
    Elecboy - Tome 4 - Le mur du temps

    Cette série qui s’achève aura été bien compliquée et il faut d’abord rendre honneur au formidable artiste qui se confie dans une longue préface intime qui revient sur un projet de vingt ans. Sur ce dernier tome on peut dire qu’il dévoile enfin et assez largement les tenants et aboutissants de cette intrigue sur le transhumanisme inspirée notamment par la prélogie de Dune montée laborieusement par le fils Herbert. Comme tome de conclusion on peut doc dire que la structure narrative est carrée: l’identité du héros enfin révélée, il rejoint une communauté de résistance humaine avant l’assaut final du grand Titan entraperçu dans les précédents tomes. Pendant ce temps les hommes de la vallée confrontent le clan de Sylvio pour déterminer si l’oppression dit se poursuivre ou s’il est temps de réunir les humains…


    Le premier effet (partiellement compensé par les révélations sur l’intrigue initiale) est une petite chute de tension après la conclusion intense du tome trois. De même que l’auteur n’aura jamais su relier les puissantes visions SF de combats entre les sages moines-guerriers et les IA et la trame du héros, on retrouve ici cette juxtaposition de deux intrigues jamais reliées qui essoufflent la tension avec un sentiment de frustration lorsque ce héros aussi froid que sa peau affronte son créateur sans que l’on puisse vraiment ressentir d’émotion. Autant la dureté de la trame des deux clans humains est très réussie (avec un des plus détestables méchants vus dans les BD!) et nous touche, autant celle des IA nous laisse assez spectateurs et Jaouen Salaun ne semble pas lui-même savoir comment conclure cette bataille qu’il veut titanesque et qu’il noie sous un ciel mal éclairé en affadissant ses planches.

    Toujours incertaine, cette BD semble finalement souffrir d’un manque de définition de son objectif. L’idée de confronter une terre à la Mad Max et un futur hyper-technologique était bonne mais les morceaux n’ont pas vraiment su s’agencer. Ainsi cette communauté humaine créée autour du Dalaï lama permettait un focus héroïque que l’on n’aura vu que par bribes solitaires sur quelques séquences puissantes mais isolées. La bataille motorisée du tome trois semble arriver trop tôt avec une conclusion un peu décalée sur le suivant. Et la trame des IA arrive fort tard, trop pour réellement permettre l’ampleur souhaitée. Le tout trouve alors une asymétrie qui étouffe la création d’un véritable organisme créatif.

    Comme vu depuis le premier tome, on sent l’implication, une quantité de travail phénoménale de l’auteur et l’envie de bien faire. Série bipolaire, Elecboy est très réussi dans sa partie personnages, moins dans sa partie SF. Passant près d’un statut de série majeure, elle mérite néanmoins votre intérêt, ne serait-ce que pour les planches somptueuses de bout en bout et pour les idées lancées ça et là. Inabouti mais terriblement généreux.

    Lire sur le blog:
    https://etagereimaginaire.wordpress.com/2023/10/25/elecboy-4/

    Shaddam4 Le 18/10/2023 à 10:18:57
    U.C.C. Dolores - Tome 3 - Cristal rouge

    Comme album solo Cristal rouge est franchement réussi dans son aspect révélations, trahisons et combat final. Ce n’est pas suffisant pour corriger les lacunes précédentes mais l’univers et les personnages installés permettront de bien belles choses pour la suite. [...]

    Lire l'ensemble de la critique que le blog:
    https://etagereimaginaire.wordpress.com/2021/02/18/ucc-dolores-3-cristal-rouge/

    Shaddam4 Le 18/10/2023 à 10:15:39
    U.C.C. Dolores - Tome 4 - La Dernière Balle

    Après un petit retard à l’allumage, la série SF de Tarquin s’est très joliment conclue l’an dernier par un gros album très dramatique et épique comme il faut, de quoi redonner une envie de space-cowboys. Et voilà que nous tombe ce volume totalement déstabilisant. Quel est le projet du couple Tarquin concernant la série? Alors que la conclusion de la trilogie laissait entendre des aventures de pirates de l’espace avec un nouvel équipage constitué autour de Mony, voilà t’y pas qu’on nous envoie nous crasher sur une planète neigeuse, l’héroïne ayant tout juste accouché (ah bon elle était enceinte?) et embarquée dans une quête pour récupérer son nouveau né. Quelle ellipse galactique! Aucun lien n’est tissé avec les évènements précédents et l’impression d’avoir raté plusieurs tomes reste tenace. En outre si le style Tarquin reste agréable, l’intrigue est tout de même fort court, même pour un western spatial et on termine l’album comme on l’a commencé, stoïque, ne comprenant pas ce qu’on vient de lire et où nous emmène le dessinateur. Le potentiel est clairement présent et les dialogues sont toujours aussi savoureux en mode desperados. J’ai lu que le projet d’Albator de Tarquin était avorté et qu’il aurait pu donner naissance à cet album, qui s’avère assez Frankenstein. L’auteur n’a jamais eu de problème avec l’aspect commercial de certaines parutions et j’espère sincèrement qu’il a de vrais projets pour la suite de sa série car avec tout l’amour du monde pour le spaceop ses plus fidèles lecteurs risquent de finir par se lasser…

    Lire sur le blog:
    https://etagereimaginaire.wordpress.com/2022/01/19/bd-en-vrac-28-aquablue17-uccdolores4-contrevent3/

    Shaddam4 Le 06/10/2023 à 17:34:32
    Batman - One Bad Day - Tome 4 - Mr. Freeze

    Après l’excellente ouverture de la série par le duo classique Gerads/King, voilà le retour de Matteo Scalera sur un one-shot consacré aux méchants de Batman après l’excellent Harley Quinn dans le cadre du MurphyVerse. Avant le Rhas al Ghul et les très alléchants Catwoman et Gueule d’argile, l’italien et son scénariste proposent ici une histoire finalement bien plus classique bien que centrée sur Mr. Freeze.

    Disons-le tout net, c’est d’abord pour la partie graphique assez exceptionnelle que vous lirez cet album. Scalera est de plus en plus à l’aise avec l’univers de Batman et affine son style (entre Miller, Murphy et Sale) et fait beaucoup de bien à l’industrie comics en rappelant que certains artisans du dessin ont encore de belles choses à montrer. Aussi à l’aise dans les excellentes et nombreuses séquences d’action que dans les narratifs autour de Fries et Nora, Scalera est dans une alchimie totale avec l’immense coloriste Dave Stewart en proposant des encrages profonds qui siéent parfaitement à l’univers du chevalier noir, en alternance avec des aplats vifs qui rappellent le travail du même coloriste sur Catwoman à Rome de Sale et Loeb. L’ambiance est rétro et l’équipe s’engouffre dans le classicisme épique que l’on aime tant dans les albums de Batman.

    Pour un format si court (qui fera encore râler les fans de comics en se rapprochant d’un tarif à la page de la BD franco-belge) et un concept fermé, je dois dire que j’ai été plutôt enjoué dans cette fausse origin-story où pour une fois Robin est à la manœuvre en tentant de démontrer à son mentor qu’en aidant les égarés on peut les ramener dans le droit chemin. Le duo s’efforce alors d’aider Freeze à ramener sa femme à la vie et d’éliminer par-là même le seul motif de ses actions criminelles. Il faut dire que Duggan et Scalera n’ont pas choisi le plis machiavélique des méchants pour leur version de One Bad Day.

    Ainsi la lecture alterne entre la vie passée de Nora et Victor Fries, avec qui le scénario n’est pas tendre en le montrant comme un égocentrique jaloux, et les confrontations des héros avec leur adversaire alors que le froid de Noël s’abat sur Gotham, permettant de superbes décors enneigés. On ressort de cette lecture tout à fait conquis par une fort belle BD qui contient ce qu’on aime dans Batman sans les constructions cryptiques auxquelles se croient obligés de s’adonner les habituels scénaristes de la saga. Une histoire simple, un album simple et des planches où le plaisir communicatif de l’artiste suffit à nous enchanter.

    Lire sur le blog:
    https://etagereimaginaire.wordpress.com/2023/08/12/batman-one-bad-day-freeze/

    Shaddam4 Le 05/10/2023 à 11:11:17
    Bomb X - Tome 1 - La Terre en question

    Il me tardait de voir le duo Brugeas-Toulhoat revenir à des BD modernes et SF qu’ils avaient abandonné après le psychodrame de l’inachevé Chaos Team. Depuis dix ans ils parcourent l’Histoire avec une nette prédominance pour les chroniques médiévales et une productivité qui en fait un des duos les plus riches et prolifiques du circuit. Associé depuis peu à un coloriste qui agrémente avantageusement la redoutable technique du dessinateur, Ronan Toulhoat continue de nous régaler malgré ses tics graphiques qui peuvent agacer mais une générosité sans faille et un amour de la BD évident.


    Le genre série B promu par la boite à Vatine est souvent une bouffée d’oxygène décomplexée, au risque de se transformer en machine à belles images. Avec un scénariste solide comme Vincent Brugeas on pouvait être rassuré. Malheureusement cette ouverture a tout de la fausse bonne idée qui tombe dans le gros bordel annoncé en post-face: peut-on faire une BD en mettant sur un gros bac à sable un viking équipé d’un walkman, un astronaute naïf, et des guerriers de toutes époques? A la lecture de ce tome la réponse est non. Ou du moins pas avant d’avoir réfléchi à une histoire, ici totalement absente… Pour faire clair, Bomb X se contente de nous montrer la découverte d’un nouvel univers par un personnage naïf totalement insignifiant et prétexte à des actes de bravoure verbale ou musclée de l’inévitable viking que l’on trouve dans tout album de Toulhoat. Le design est sympa, les décors post-apo impactants, la technique graphique de grande classe… mais cela ne fait toujours pas une histoire. On a bien quelques débats scientifico-probabilistes sur le pourquoi et le comment mais l’album manque de toute structure, à commencer par une adversité créée ex-nihilo sans que l’on comprenne bien pourquoi, et l’on referme l’album les yeux certes enjoués mais avec le sentiment d’avoir assisté à une sécession de séquences d’action découplées et un à quoi bon bien frustrant. Le cliffhanger conclusif est certes efficace mais lui aussi envoyé comme une taloche sans coup férir.

    Une récréation ne justifie pas d’oublier son histoire et hormis un très gros sursaut dès l’ouverture du prochain tome j’ai bien peur que ce Bomb X ne tombe très rapidement dans les bacs d’occasion des grossistes BD. Dommage.

    Lire sur le blog:
    https://etagereimaginaire.wordpress.com/2023/10/05/bombx/

    Shaddam4 Le 26/09/2023 à 14:59:00
    Lord Gravestone - Tome 1 - Le Baiser Rouge

    Après une première très étonnante série il y a maintenant dix ans, les deux auteurs de Lord Gravestone reviennent pour une nouvelle trilogie, moins originale que la Renaissance uchronique d’Horacio d’Alba puisqu’on nous propose une pure et simple aventure de chasse au vampire dans l’Angleterre gothiquissime du XIX° siècle. Ce qui marque immédiatement ce sont les planches d’une noirceur profonde et qui restent très lisibles malgré la quantité de noir qui occupe le champ. Durant ces années à produire de superbes couvertures peintes Nicolas Siner a probablement rongé son frein de ne pouvoir lâcher ses encrages, toujours aussi proches de Dimitri Armand et en sacré progrès depuis sa première série. Les quelques défauts techniques aperçus jadis n’ont plus lieu et on bascule dans le grand spectacle luxueux pour qui aime les arbres noueux, les chandeliers baveux et le souffle glacial des manoirs en ruine.

    Si l’intrigue vampirique vue mille fois inquiète légèrement sur les premières pages, on constate rapidement que Jérôme Le Gris sait construire sa narration et apporter une touche qui donne envie de continuer. Si le passé dramatique de ce jeune héritier d’une lignée d’inquisiteurs fait cliché, si son caractère en fait plus une victime qu’un héros lors de ce premier volume, l’histoire qui nous est contée, cette romance dramatique entre un vampire et une belle bourgeoise, nous prend pourtant dans ses filets sans difficultés. Avec ses personnages archétypaux le scénariste développe son univers par un background évoqué suffisamment pour titiller notre curiosité et aller au-delà de la seule action et des poses graphiques des vampires et chevaliers.

    Dans un très grand classicisme (et malgré une couverture étrange de banalité pour un artiste d’un tel talent), ce premier tome de la trilogie Lord Gravestone montre comme tout bon album de série B que ce n’est pas toujours le fond qui détermine la qualité mais parfois l’habillage, la mécanique. Les deux auteurs dotés d’une très solides maîtrise proposent donc un fort agréable album dont la suite mériterait un peu de prise de risque pour se hisser au niveau des toutes meilleures BD.

    Lire sur le blog:
    https://etagereimaginaire.wordpress.com/2022/03/23/lord-gravestone-1-le-baiser-rouge/

    Shaddam4 Le 13/09/2023 à 13:57:52

    En éditant le débutant Olivier Lubrano di Ciccone (LDC), Clair de Lune fait mouche et propose un plus qu’honnête récit de SF qui concurrence avantageusement les plus grandes saga de Delcourt-Soleil.

    Ce qui claque dès la première planche c’est la qualité des dessins et la précision technique de l’auteur. Dans un style entre Bedouel, Araujo et Darrow, on est clairement dans le haut niveau dans le trait comme dans la mise en couleur, appuyé sur une mise en scène ultra-cinématographique qui nous place dans d’excellentes dispositions. Mais l’on sait malheureusement que nombre de BD fort jolies s’effondrent assez vite dans les méandres de scénarii tarabiscotés. « LDC » évite cet écueil en ne cherchant pas la complexité narrative et en assumant une linéarité totalement pédagogique qui sait s’appuyer sur des dialogues qui évitent également la platitude. Soyons clair: on est dans de la grosse série B avec un héros badass et des personnages absolument archétypaux. On est venu pour des gros engins SF, de la baston trash, des bons mots et des grosses pétoires. [...]

    Lire la suite sur le blog:
    https://etagereimaginaire.wordpress.com/2023/09/13/bd/

    Shaddam4 Le 23/08/2023 à 08:17:28

    Voilà le duo impérial Duval/Cassegrain qui nous emmènent à la Réunion quatre ans après leur magnifique adaptation des Nymphéas noirs de Michel Bussi et un intermède récréatif du dessinateur chez ses potes du ComixBuro sur Sa majesté des Ours. On ne change pas une équipe qui gagne et pour ne pas vous laisser dans l’attente plus longtemps, oui ce nouvel album est tout aussi réussi que le précédent… si vous aimez les polar.

    Car comme souvent dans le genre, après de longues pages de manipulation visuelle et mentale (où l’on voit l’apport indéniable du format BD) on reste un peu frustré par une chute toujours critiquable: trop de deus ex machina par-ci, trop précipité par-là, « je le savais » à droite, « trop policé » à gauche. Bref, une fois admis les limites du genre, avez-vous envie d’y plonger? Parce qu’avec un équipage aussi rodé et talentueux, vous voilà embarqué dans un décors à la fois familier et dépaysant, dans une intrigue machiavélique qui avance au rythme langoureux des tropiques. Jouant de l’image et du cadrage pour tromper et influencer le lecteur, les auteurs nous laissent témoins de la fuite du très froid Martial dont la fille est de plus en plus convaincu qu’il a tué maman. Trop facile, trop évident, pourquoi nous fait-on suivre de si près un assassin? Pourtant les faits sont là comme l’observent la capitaine et son fort sympathique collègue par qui on s’immerge dans la vie locale de cette pas-tout-à-fait-France. Un peu d’anthropologie de la fonction publique par-ci, un peu de tourisme nature par-là, on est si transporté qu’on imagine régulièrement quels acteurs pourraient jouer ces personnages forts et les splendides panoramas de l’ile.


    Graphiquement on ne sera pas surpris, le style Cassegrain, toujours artisanal, évolue peu. On pourra noter des couleurs plus plates que sur les Nympéas mais cela colle à la lumière locale et pour le coup je rangerais mes reproches habituels sur une vivacité colorimétrique écrasée. L’artiste est en tout cas toujours aussi à l’aise dans la mise en scène, les décors sont superbes et l’on se surprend à enchaîner les très nombreux dialogues où la plume si facile de Fred Duval compense les limites physionomiques de son compère.

    On achève ce one-shot conquis, avec une petite envie de sauter dans un avion pour l’océan indien, et prêt à relire pour recoller le puzzle, en attendant le prochain opus.

    Lire la critique sur le blog:
    https://etagereimaginaire.wordpress.com/2023/08/23/ne-lache-pas-ma-main/

    Shaddam4 Le 22/08/2023 à 15:17:13

    Cet album respire la passion des débutants chargés de références ciné et de pop-culture américaine. Cet univers parallèle issu des séries télé et d’une Amérique fantasmée où l’on croise des sérial-killer mythiques, des agents fédéraux iconiques et où le fantastique s’immisce sans explication comme dans un bon John Carpenter. Sous des dessins caricaturaux proches du trait d’un Jorge Corona, les auteurs s’éclatent de ce road movie improbable, de cet anti-héros en recherche de rédemption familiale épaulé par un duo tordant d’acteurs porno débiles et héroïques. Dans un monde où la folie se mélange à la réalité, que ce soit sous acide ou pas, on adore se faire balloter tout en rythme dans cet hommage rétro d’un remarquable équilibre et peuplé de redoutables personnages secondaires qui font un peu oublié la passivité du personnage principal. Un excellent délire pulp et pop décomplexé et un sacré coup pour un premier album.

    Lire sur le blog:
    https://etagereimaginaire.wordpress.com/2023/07/05/speed-ball/

    Shaddam4 Le 22/08/2023 à 15:08:34
    The scumbag - Tome 3 - Goldenbrowneye

    La conclusion des aventures de l’agent Sac-à-merde montrent que la structure ternaire était tout à fait voulue dès l’origine par Remender et que c’est plutot l’alternance des dessinateurs qui a brouillé l’esprit du projet et brisant sa cohérence. Bonne nouvelle, Roland Boschi revient avec son coloriste sur la totalité des planches et s’il n’est pas le plus impressionnant de l’escouade de Rick Remender il propose, notamment sur les séquences années 50, une atmosphère ravissante et un excellent travail.

    Jouissant des mêmes qualités et défauts que les deux précédents, ce volume a l’avantage d’agir comme conclusion et de simplifier l’intrigue en forme de course poursuite sur l’essentiel de l’album. Si le scénariste ne s’encombre pas de vraisemblance et de facilités, il assume une réflexion basique mais musclée sur l’état de son pays où la guerre civile semble plus proche que jamais entre deux sociétés (pour caricaturer les écolo-iel californiens face aux néo-facho du middle-west). Utilisant la science-fiction avec ce qu’elle permet, Remender ne s’encombre pas trop de complexité mais on ne peut s’empêcher de tiquer encore une fois lorsque Sac à merde se met à professer une morale humaniste à ses adversaires. Hésitant depuis le début à assumer totalement l’esprit trash de son anti-héros, Remender se retrouve ainsi toujours un peu encombré entre le besoin de happy-end et une idée de départ complètement barrée.

    Comme dit précédemment, Rick Remender a un immense talent et se laisse parfois aller sur des projets récréatifs. Il est assez dommage qu’il n’ait pas su condenser ce projet plus intéressant politiquement qu’il n’y paraît en travaillant plus le mélange entre le vernis et le fond. Concluant sa trilogie de la meilleure des manières (et avec une étonnante dramaturgie), il nous aura tout de même offert de belles rigolades et des saillies punk dont il a le secret mais sans parvenir à se positionner tout à fait entre la farce et la critique politique des Etats-Unis. Un Remender moyen restant toujours un bon album, la trilogue Scumbag reste tout à fait honnête dans la production des comics indé.

    Lire sur le blog:
    https://etagereimaginaire.wordpress.com/2023/07/15/the-scumbag-3/

    Shaddam4 Le 04/07/2023 à 16:20:47
    Nautilus - Tome 1 - Le théâtre des ombres

    On ne compte plus les tentatives d’adaptation et de poursuite fantasmée de l’ouvre de Jules Verne qui impulsa chez nombre d’auteurs l’envie de raconter (et dessiner) des histoires. Si la plus réussie des mises en image du Nautilus et de son célèbre capitaine revient sans aucun doute à Richard Fleischer sur son film de 1954, un récent projet tombé à l’eau a attisé des envies chez nombres d’auteurs de BD… Le film de Christophe Gans sur lequel a travaillé le chef de file d’une génération d’artistes, Mathieu Lauffray, a créé une immense frustration et remis une pièce dans la machine à idée… on ne va pas s’en plaindre! Et après bien peu de projets aboutis, l’auteur de l’excellent Blue note et le débutant Guenaël Grabowski (lancé par Thimothée Montaigne… coloriste lui-même de Lauffray sur Long John Silver) nous offre sur ce premier tome un espoir au souffle d’aventure et de magie que l’on n’attendait plus!

    La grande idée de Mariolle est d’avoir principalement prolongé un roman méconnu de l’auteur du Livre de la Jungle, auquel il a interfacé une suite de l’île mystérieuse. Ainsi il évite les attendus et une familiarité en nous maintenant tout le long de l’album un certain mystère tant sur le personnage de Némo que sur le héros lui-même, découvert en pleine opération. Hormis ceux qui auront lu le livre de Kipling, les lecteurs découvriront ainsi progressivement au fil d’échanges avec ses interlocuteurs (et chasseurs!) qui est ce personnage aux airs d’Indiana Jones mâtiné de Corto Maltese. Si l’introduction est un peu brutale et déstabilisante, cette longue chasse dans les superbes paysages indiens puis le blanc de Russie nous happe comme un grand film d’aventure en cochant tout ce que l’on aime: une cheffe de la police qui a un contentieux ancien avec Kim (que l’on ne nous révèle pas encore), une prison monumentale et poisseuse aux fins-fonds de l’empire russe, des trains indiens sur des itinéraires vertigineux, un fils à retrouver et un mystérieux prisonnier… Le vent de Dumas et de tous les romans d’aventure de l’âge classique soufflent sur cet album qui revêt quelques petites fautes graphiques mais sait nous emporter dans ses cadrages et ses encrages de grande qualité. Sachant maintenir beaucoup de mystère en révélant juste ce qu’il faut pour nous titiller, le scénariste pose une structure quasi-parfaite sur son histoire, se payant le luxe d’une grande variété de décors, d’ambiances et nous abandonne juste quand il faut: sur la découverte du fantastique vaisseau…

    Le théâtre des ombres est une entrée en matière quasi-parfaite qui laisse entrevoir une série magnifique avec toutes les clés en main, y compris un dessinateur débutant déjà fort doué et qui risque de progresser dans les années à venir!

    Lire sur le blog:
    https://etagereimaginaire.wordpress.com/2021/05/20/nautilus-1/

    Shaddam4 Le 04/07/2023 à 16:19:56
    Nautilus - Tome 2 - Mobilis in mobile

    Le premier Nautilus avait été une des excellentes surprises du printemps. Seulement quelques mois plus tard Mariolle et Grabowski (pour sa première BD!) ne nous laissent pas moisir comme le capitaine Némo et dévoilent enfin le mythique Nautilus! Et quel design les enfants! Le cahier graphique final laisse à ce sujet quelques points de frustration tant le dessinateur s’est régalé à créer l’intérieur du célèbre vaisseau sous-marin, dont on ne voit finalement que quelques éléments mécaniques (peut-être pour le grand final?) mais dont la coque est remarquablement élégante. Si l’intrigue de ce second volume peut paraître plus linéaire et moins surprenante que l’ouverture (en se résumant à une chasse avec pour but de découvrir le traître à bord…) on profite néanmoins de belles joutes verbales entre le héros et le sombre capitaine, pas aussi flamboyant qu’attendu mais parfaitement construit psychologiquement. Moins surprenant que le premier volume, cette suite semble aussi légèrement moins solide graphiquement, avec des décors intérieurs et sous-marins qui n’aident pas forcément. On reste cependant dans de la BD de grande qualité, de la grande aventure que l’on aimerait voir plus souvent dans le neuvième art. Vite la conclusion!

    Lire sur le blog:
    https://etagereimaginaire.wordpress.com/2021/12/19/bd-en-vrac-26-nautilus-2-la-chute-2/

    Shaddam4 Le 04/07/2023 à 16:19:13
    Nautilus - Tome 3 - L'Héritage du capitaine Nemo

    Quand on a promis beaucoup il est souvent compliqué de satisfaire le partenaire… Le premier tome de la trilogie m’avait conquis avec son esprit d’aventure et son grand spectacle qui jouait juste ce qu’il faut du mystère attendu du vaisseau mythique. S’il nous ravissait par un design presque parfait du Nautilus, le tome deux redescendait en revanche d’un cran dans l’originalité du scénario même si le suspens restait présent. Ce troisième et dernier volume continue sur la lancée du précédent en gardant une grande cohérence mais en confirmant que la petite magie de l’ouverture avait été perdue.


    En miroir d’un dessin qui montre quelques lacunes un peu dérangeantes sur des cases techniques, le narratif est par moments un peu précipité, nous transportant dans des lieux connus sans vraiment nous les montrer (la base en Antarctique, l’Ile) et en générant de la frustration dans des batailles où hormis la stratégie des empires russe et britannique, l’immense supériorité du vaisseau de Némo ne laisse pas vraiment la place à une tension dramatique. Du coup on délaisse un peu le sous-marin (pourtant bien au cœur du déroulé qui consiste en une longue poursuite avec les sous-marins russes) pour les échanges entre les personnages. Sur ce plan le scénariste maitrise son sujet et l’on prend plaisir à suivre les manigances militaires et les coups tordus.

    Heureusement conclu par une chute osée et très ouverte, ce tome laisse une drôle d’impression. Bien équipé en dialogues, en action, en drame, il manque pourtant quelque chose, sans doute un rêve de l’adaptation parfaite. En se permettant assez clairement une suite les auteurs se donnent une deuxième cartouche pour confirmer l’essai. Ils auront réussi à allumer une flamme dans nos petits cœurs d’enfants nostalgiques. A eux de la raviver dans quelques années.

    Lire sur le blog:
    https://etagereimaginaire.wordpress.com/2023/07/03/nautilus-3/

    Shaddam4 Le 16/06/2023 à 18:38:42
    Talion - Tome 2 - Opus II - Veines

    A ceux qui ont vécu la lecture du premier tome de cet ambitieux triptyque dans la frustration d'un récit touffu et par trop cryptique je les rassurerais sur le déroulé beaucoup plus linéaire de cette suite. Le mode d'expression de Sylvain Ferret n'est pas devenu soudainement accessible pour autant: comme expliqué précédemment son grand sens du cadrage cinématographique très créatif demande beaucoup d'interprétation au lecteur. La réduction du nombre de personnages (l'Opus I s'était terminé dans de belles effusions de sang...) et la concentration de la focale sur le duo central font pourtant beaucoup de bien et logiquement aident à s'immerger dans ce monde poisseux et désespéré.

    Le worldbuilding et l'esthétique générale vaguement inspirés des design Wahammer 40K et des jeux vidéos convainquent parfaitement et frôlent parfois l'épique attendu. Les limites techniques pour une telle démesure empêchent des délires à la Ledroit qui demandent une grande lisibilité mais on ne peut que saluer le courage d'un si jeune auteur qui n'a pas attendu d'avoir dix ans de bouteille pour donner libre court à ses envies.

    L'évolution du scénario intègre le très tendance concept de transhumanisme ainsi que les plus classiques camps d'esclaves dans un néoféodalisme vu précédemment. Si le premier tome était centré sur Billie, ce second développe plus largement le passé du très mystérieux et charismatique Tadeus qui apparaît plus clairement comme le personnage principal. A la fois surpuissant, sombre, dramatique, il a tous les attraits du héros de BD que l'on a envie de voir vaincre l'injustice!

    Avec un final qui assume un gros cliffhanger en mode veillée de bataille, on a la promesse d'une montée en puissance qui, libérée des scories d'un démarrage un peu poussif par l'envie de trop bien faire a tout pour proposer une conclusion grandiose, pour peu que l'auteur ailles là où il est le meilleur: un montage dément pour des batailles épurées et rageuses. La sophistication des concepts SF ne nécessite pas de brouillages narratifs. Si l'Opus III pousse dans la direction du II on devrait avoir du très bon l'année prochaine...

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    https://etagereimaginaire.wordpress.com/2022/10/10/talion-2-3/

    Shaddam4 Le 16/06/2023 à 18:35:34
    Talion - Tome 1 - Opus I - Racines

    Sylvain ferret avait marqué les esprits sur sa première série des Métamorphoses 1858. Malgré des lacunes techniques (notamment anatomiques) et un usage appuyé du numérique, le dessinateur y démontrait une science du cadrage et une ambition très importante quand à la mise en forme de l’histoire. Très communiquant sur les réseaux sociaux, Ferret a commencé à diffuser assez tôt les premiers travaux de son projet solo dont la couverture et le design général de la maquette impressionne. Si ce n’est pas forcément la couverture de l’année on peut être surpris que ce projet n’ait pas vu le jour dans la collection Métamorphoses… bref.

    De l’ambition il y en a dans ce premier tome de la trilogie Talion. Un peu trop peut-être… Alors que le dessinateur s’appuyait sur une comparse pour le scénario dans sa précédente série, on sent à la lecture de l’album qu’il est peut-être un peu tôt pour partir en solo tant la complexité de sa narration (renforcée par un amour des encadrés narratifs décalés de l’image, qui ne facilitent pas la compréhension de ce qui se passe) rend la lecture un peu ardue. On pourra comparer son profile à celui d’un Mathieu Bablet dont l’envie et la minutie compensent des projets très exigeants et difficiles d’accès.

    On ne peut pourtant pas dire que le concept soit extraordinairement original. La cité d’en haut et la cité d’en bas, l’environnement pollué et la néoféodalité ont déjà été largement abordés en BD. La construction graphique est chirurgicale avec des décors impressionnants tout le long. Les cadrages j’en ai déjà parlé, c’est bien évidemment un des points forts de Sylvain Ferret… en même temps qu’un péché mignon pas très facilitant pour le lecteur. Les séquences d’action sont très bien menées et l’aspect organique toujours présent dans le corpus de l’auteur plaira à certains, moins à d’autres.

    Talion est donc un projet très solidement construit, très beau à regarder, mais par trop cryptique dans le déroulé de son introduction. Défaut majeur des dessinateurs en solo, on peut espérer que l’auteur saura revenir à plus de simplicité dans sa narration pour la suite de son grand œuvre.

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    https://etagereimaginaire.wordpress.com/2022/02/14/talion-1/

    Shaddam4 Le 16/06/2023 à 14:46:37
    Fool Night - Tome 4 - Tome 4

    Plein de mangaka ont publié de grandes séries sur leurs débuts, aussi il n’est pas totalement incongru de voir Yasuda construire un projet d’une grande ambition et d’une maîtrise très assurée pour sa première œuvre. Sans revenir sur les excellents dessins, à cheval entre le manga et la franco-belge (ou plutôt le style italien) et qui installent une atsmosphère de polar redoutable dans les ombres et lumières, ce tome marque une forme de pause permettant le développement après la grande violence et l’action du précédent.

    Le meurtrier disparu, l’équipe de l’Institut de transfloraison semble éliminer ses querelles pour affronter les conséquences des évènements: mis au pas par les forces de police, ils vont devoir enquêter pour comprendre qui était cet enfant devenu sanctiflore animé, ce qui va les amener à explorer l’univers des transflorés qui restait en coulisses jusqu’ici. Étirant un peu les relations entre Toshiro et Yomiko, l’auteur installe une situation insurrectionnelle alors que les anti-transfloraison multiplient les manifestations et agressions contre les tenants du système. Pas vraiment d’intrigue politique mais une tension qui élargit la focale qui restait jusqu’ici un peu interne au héros et à l’Institut. Et c’est une excellente chose qui donne une respiration en nous faisant voir du pays et de nouveaux protagonistes en généralisant des problématiques plus complexes que ce que l’Etat veut bien montrer.

    Franchement novateur, ce manga s’installe comme une valeur sure de SF sociale tirant sur le polar. Kasumi Yasuda semble avoir énormément de choses à dire et à montrer dans sa besace et il est fort probable que l’on ne soit qu’au début d’une grande saga tant les potentialités ouvertes par son hypothèse sont grandes. Une des séries majeures à suivre actuellement, mon petit doigt me dit que cette série restera marquante…

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    https://etagereimaginaire.wordpress.com/2023/06/09/fool-night-4/

    Shaddam4 Le 16/06/2023 à 14:41:15
    Banana Sioule - Tome 2 - Soni

    Les bonnes impressions ressenties à la lecture du premier tome l’an dernier se confirment amplement sur cette suite qui ne perd pas de temps en palabres puisque la série est prévue en seulement trois tomes. Généreux, Michael Sanlaville propose ici un gros changement de modalité sans se prendre les pieds dans le tapis puisque tout le volume est centré sur la formation d’Helena et sa découverte d’autres très talentueux compétiteurs, dont cet étonnant Soni, gringalet aussi rapide qu’intelligent et qui lui dame le pion comme star de l’Ecole.

    Entrant de plein pied dans la force Shonen qu’il voulait régaler, l’auteur n’oublie pas d’équilibrer son récit par de courtes incursions de la bande à Helena et les affres d’un amour impossible, quand il ne rappelle pas périodiquement le décidément très mystérieux paternel. Adoptant tous les codes du récit sportif mais en vernis BiggerthanLife, Sanlaville se fait plaisir et nous fait plaisir en parvenant à nous surprendre avec ce sport totalement barré où les super-pouvoirs ne sont jamais loin. Le rôle de l’émotion est joué par les copains de l’héroïne qui cartonnent en tronches de cartoon. La maîtrise des subtilités des niveaux de gris et des ombres est remarquable en donnant par moment une sacrée esthétique avec deux coups de crayons suggérés.

    Pour ceux qui connaissent le travail de l’auteur lyonnais la technique de l’animation se reconnait à chaque instant avec ce sens du mouvement que génère une touffe de cheveu, une onde de choc ou un cadrage. Avec une économie de moyens, le dessinateur nous en met plein la vue dans ce blockbuster dont on attend la suite avec impatience. Un nouvel exemple que « manga » ou « BD » importent peu, les auteurs talentueux savent depuis longtemps briser les lignes et prendre ce qu’il y a de meilleur dans tous les genres pour proposer des albums populaires et redoutablement efficaces.

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    Shaddam4 Le 16/06/2023 à 14:37:07
    Le tueur - Affaires d'état - Tome 4 - Frères humains

    Le Tueur à plus de vingt ans et dix que la première série est terminée, en trois cycles (soit douze tomes et trois intégrales). Lorsque les auteurs ont remis le couvert il y a trois ans pour une série-suite destinée à mettre l’assassin dans la main du pouvoir politique on pouvait légitimement se demander si c’était une bonne idée. Après une trilogie plutôt réussie sur un présidentiable machiavélique, nous voici parti sur un nouveau cycle de la nouvelle série (soit le cinquième cycle… vous suivez?).

    Malheureusement, si la routine réflexive, les décors sans bulles et la facilité d’écriture de Matz nous placent désormais en terrain familier, on subit de même la lassitude d’une recette qui peine à se renouveler. Sur un tome introductif qui s’achève un peu nulle part on voit notre héros exécuter un nouveau contrat sans poser de questions alors qu’il assiste dans la vallée jouxtant son repaire à l’étrange manège de ce qui ressemble fort à un trafic de migrants… Résumé à deux personnages (le tueur et sa commanditaire), l’album nous laisse ainsi passif, presque déprimé, en ne voyant aucun réel soubresaut, aucune tension autre que de savoir quel outil le personnage va choisir pour exécuter sa tache. L’arrivée de deux enfants nous fait même craindre de tomber dans une sensiblerie décalée par rapport au ton du personnage depuis l’origine. Le passage aux Affaires d’Etat aurait permis justement de s’engouffrer dans les arcanes des opérations illégales des services de renseignement et politiser un peu la machine, au risque de briser le style de la série. C’était un risque que les auteurs ne semblent pas totalement avoir assumé. Dommage.

    Alors que le grand David Fincher adapte la série cette année sur Netflix, on craint que les auteurs n’aient pas su s’arrêter sur un titre qui vend bien. Éternel sujet d’auteurs ayant du métier et sachant proposer une lecture agréable sur des séries infinies sans motif réel à réinventer leur concept, je crains que l’assassin-philosophe n’ait fini par devenir un Mème du neuvième art.

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    https://etagereimaginaire.wordpress.com/2023/06/12/le-tueur-affaires-detat-4/

    Shaddam4 Le 16/06/2023 à 14:34:12

    Belle découverte que cet album qui s’intègre parfaitement dans une ligne éditoriale des éditions Grand Angle faite d’histoires intimes et de visions décalées de l’Histoire. Totalement étranger à la culture de l’opéra et à cet élitisme culturel germanique, j’ai pris grand plaisir à découvrir cet univers pour lequel l’auteur de L’étoile du Desert et le Scorpion s’est quelque peu émancipé de la véracité historique pour créer une histoire d’amour impossible qui illustre l’ouverture de la société à la modernité des années soixante en même temps qu’elle questionne la dénazification toute relative de l’Allemagne après 1945.

    S’ouvrant sur une très dure séquence d’une marche de la mort (qui rappelle que ce volume conclut une trilogie des auteurs sur la période de la seconde Guerre mondiale), l’album nous laisse tout le long dans l’expectative de savoir si l’amour de l’héroïne et du créateur est sincère ou s’inscrit dans son plan de carrière pour intégrer le Saint des saints. Maitrisant parfaitement sons scénario, Desberg parvient à équilibrer les nombreux éléments qu’il veut mettre dans son histoire, sans nécessairement de lien entre eux. Il enrichit ainsi sa ligne proche du thriller de contexte historique et culturel. Si le lien avec la Shoah peur paraître un brin hors sujet, il permet néanmoins de rappeler la proximité permanente de la famille Wagner avec le nazisme. Il est ainsi remarquable de parvenir à complexifier un projet sans perdre sa lisibilité, sans vouloir choisir entre la romance, le drame historique et la reconstitution culturelle. Créant une galerie de personnages jamais manichéens, on remercie l’auteur pour la finesse de son traitement qui choisit de ne pas délivrer de condamnation facile.


    Sous la ligne claire très moderne d’Emilio Van der Zuiden, l’album propose un découpage cinématographique où la maîtrise technique de l’artiste permet d’éviter justement des planches dont le dessin classique aurait pu trop correspondre au sujet poussiéreux. S’intégrant parfaitement dans l’idée d’un Wieland Wagner cherchant à moderniser la mise en scène du répertoire de Bayreuth le dessinateur croque une superbe blonde pulpeuse en osant des scènes sexy entre deux décors très tradi et sait percuter l’action par des cadrages dynamiques. Une sorte d’alliance parfaite entre la lisibilité de la ligne claire et la puissance du dessin moderne.

    Très bien construit, documenté, cet Héritage Wagner est une réussite qui parviendra à toucher un grand public. Pari pour un sujet a priori orienté vers un public de niche, cet album montre qu’avec de l’exigence narrative on peut rendre intéressant toute thématique. De quoi donner envie de reprendre les deux autres albums de la trilogie, a priori construits comme des one-shot dédiés à la Shoah (Les Anges d’Auschwits), sur l’Occupation (Aimer pour deux) et cet après-guerre.

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    https://etagereimaginaire.wordpress.com/2023/06/14/lheritage-wagner/

    Shaddam4 Le 16/06/2023 à 14:28:31

    Le désormais célèbre Black Label de DC qui réunit les grands noms des comics sur des formats one-shot hors continuité, avec une ambition de qualité et de création sur le modèle franco-belge, nait en 2018 sous les brumes de cet album de Batman et sur l’affaire du Bat-zizi. Poursuivant leur vision ultra-réaliste des héros DC après Luthor et l’excellent Joker, Azzarello et Bermejo ne marquent pas que des points avec ce volume presque carré que beaucoup de lecteurs accusent d’être par trop cryptique et ésotérique.

    Pourtant il n’y a pas d’arnaque dans cette histoire relativement linéaire narrée par le héros de Hellblazer (retour aux sources pour les deux auteurs) puisque l’idée de confronter le plus rationnel des héros DC aux forces magiques n’est pas nouvelle et clairement annoncée. En outre le scénariste convoque des êtres relativement mainstream comme l’Enchantresse (vue dans le premier film Suicide Squad), la Créature du marais ou le démon Etrigan. Ce bestiaire permet ainsi de plonger par alternance dans la psyché du jeune Wayne en brouillant cauchemar et passé comme une sorte de multivers Batman.

    Si les passages à Gotham se résument comme souvent à une chasse au fantôme alternant les baston, le grand intérêt de cet album réside dans les hypothèses concernant la fameuse nuit où les parents sont morts. Grace à ce brouillage général, on propose ainsi que l’Enchantresse ait été impliquée, ce qui expliquerait l’amnésie de Batman. Ou que Bruce ait été tué en même temps qu’eux, ce qui laisse penser que les aventures de Batman seraient un cauchemar. Ou que Thomas Wayne ais quitté sa femme… Autant de propositions plutôt nouvelles (Snyder avait tenté une telle hypothèse finalement foirée dans son Last Knight on earth), très sombres et assez alléchantes du point du vue du lecteur.

    Graphiquement on pourra reprocher le traitement numérique aux textures floues de Bermejo mais il est incontestable que les planches sont superbes dans cette ambiance glauque et humide. Le style bien connu pourrait donner lieu à un film tant il s’éloigne grandement (et paradoxalement au regard du thème mystique) de tout aspect super-héroïque en collant. Souvent on soupçonne un retraitement de photos avant de se rappeler les immenses qualités de dessinateur de l’artiste, flagrantes sur certaines planches.

    Au final ce Damned est une grande réussite à la lecture relativement facile et qui innove dans un Batverse si formaté. Un album dans la continuité de leur Joker et qui devrait atteindre également le statut de classique avec le temps.

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    https://etagereimaginaire.wordpress.com/2023/06/16/batman-damned/

    Shaddam4 Le 05/06/2023 à 15:41:09

    Tom Taylor sait y faire pour proposer de chouettes aventures qui se lisent facilement. Tout à sa recette (et sa commande…), le voilà dans un elseworld alléchant sur le papier mais assez trompeur dans son déroulement. Attiré par un tas de design steampunk le lecteur en sera pour sa faim puisque une fois le pitch lancé et l’efficace introduction déployée, on trouve les auteurs assez démunis en ne semblant pas trop savoir que faire de leur disruption. Hormis l’intéressante (et politique) idée qu’une apocalypse n’est pas forcément un enfer, Taylor tombe dans le piège d’un des méchants les plus surfaits de la galaxie marvel, Apocalypse et envoie un contexte où finalement l’absence d’électricité n’est quasiment pas traitée et pour cause: a part Iron man et le Shield, l’essentiel des héros n’ont que faire de cette panne géante. On se retrouve alors avec une sorte de pétard mouillé qui pousse la facilité à dérouler un récit presque entièrement narré en dispensant l’auteur d’un véritable travail scénaristique. Très lisible mais très dispensable.

    https://etagereimaginaire.wordpress.com/2022/07/24/dark-ages-lage-sombre/

    Shaddam4 Le 01/06/2023 à 12:25:08
    Les futurs de Liu Cixin - Tome 12 - Le Calcul du papillon

    J’avais bien accroché au trait de l’américain Dan Panosian sur Slots et voulais voir ce qu’il aurait pu proposer sur cette adaptation qui fait référence à la théorie du chaos. Malheureusement son album nous laisse face à une intrigue sans orientation ni fin, avec un dialogue conclusif qui semble avoir laissé pas mal de monde sur le carreau. Assez nihiliste, l’intrigue suit un scientifique yougoslave qui poursuit des points mobiles sur le Globe, dont l’activation (selon sa théorie) devrait provoquer un brouillard empêchant toute poursuite de la guerre de l’ancienne République de Tito. L’idée est classique et le contexte aurait dû être original, sans que cette dernière guerre de la Guerre Froide n’apporte grand chose à l’idée SF. Pire, on ne comprend pas le lien entre cet aspect géopolitique de fond et ce quichotisme d’un personnage que l’on n’a pas eu le temps de comprendre. On lis donc cet album passivement, en attendant une évolution pour ne voir que drame et progression sans fin. On reste donc sur le carreau, pas vraiment dans la SF, pas vraiment dans la politique historique ni le drame, avec trop peu de clés pour pénétrer le projet de Panosian. L’inverse de ce que proposait l’excellent Ere des anges.

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    https://etagereimaginaire.wordpress.com/2023/05/17/au-dela-des-montagnes-le-calcul-du-papillon/

    Shaddam4 Le 01/06/2023 à 12:24:11
    Les futurs de Liu Cixin - Tome 11 - Au-delà des montagnes

    L’intrigue commence comme beaucoup d’apocalypses en science-fiction et chez Liu Cixin, par l’arrivée d’un astre extra-terrestre dont la gravitation provoque l’aspiration d’une colonne d’eau plus haute que l’Everest, que va entreprendre de « grimper » un géologue-alpiniste traumatisé par l’accident qui a coûté la vie à sa cordée. Mais c’est bien au-delà du pitch classique que l’intérêt de l’album se trouve puisque une fois arrivé en haut, le personnage principal va se voir relater la fantastique odyssée d’une civilisation d’androides auto-créés dans un univers minéral fermé. Commence alors un très intéressant récit d’une hypothèse de l’Evolution dans un paradigme totalement différent du notre et qui permet une réflexion profonde sur le type de Développement exotique qui pourrait avoir lieu ailleurs dans l’univers. Tout à son approche scientiste, Liu Cixin imagine ainsi que des charges électriques pourraient allumer des entités minérales semblables à nos amibes primitives, que le Plein peut développer une certaine forme de raisonnement à l’opposé d’un environnement libre ou nous rappelle que la science progresse en réaction à son environnement physique et non sur de seules hypothèses. Tout cela est parfaitement attrayant même si la très grande linéarité de l’album (qui consiste ainsi pour l’essentiel en un récit directe) et l’inadaptation du trait de Ruben Pellejo à ce type d’univers laissent la coquille de l’album assez pauvre. C’est dommage mais montre que la cohérence entre trait et histoire restent centrales en BD.

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    Shaddam4 Le 01/06/2023 à 12:23:07
    Dead Charlie - Tome 3 - Les Amazones de Vénus

    Inspiré d’une tradition toute américaine dont le coquinou Frank Cho fut le parangon avec son Liberty Meadows, Labrosse met ainsi en scène un crane complètement barré (le fameux Charlie) qui cumule les catastrophes dans sa recherche d’amusement et de jolies filles, sous les regards mi-désabusés mi courroucés de sa femme, la sublime Baronne. Vous l’aurez compris, on nage bien en absurdie totale dans ces quelques pages NB qui font honneur au dessin et aux formes féminines dans des séquences en pleine page qui n’ont ni queue ni tête. L’auteur propose néanmoins dans ce troisième volume une simili histoire de confrontation spatiale « so-pulp » pour récupérer le chéri prisonnier d’amazones de Venus bien entendu d’une sexualité dévorante et extrêmement sexy.

    Disponible en stock très limité, espérons que l’auteur propose prochainement des versions PDF pour permettre au plus grand nombre de profiter de son talent, en attendant, peut-être un nouveau projet BD un de ces quatre.

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    https://etagereimaginaire.wordpress.com/2023/05/19/dead-charlie/

    Shaddam4 Le 01/06/2023 à 12:19:21
    Spectaculaires (Une aventure des) - Tome 6 - Les Spectaculaires font leur cirque chez Jules Verne

    En arrivant à six tomes on peut qualifier Les Spectaculaires de série classique de la BD franco-belge. Avec une qualité moyenne remarquable et deux excellents dernières aventures, voilà nos héros partis sur les traces de Jules Verne dans une enquête plutôt sage en gags et poursuites. C’est peut-être l’habitude qui demande toujours plus de renouvellement mais si les personnages et passages obligés sont toujours drôles, l’histoire en elle-même sur un schéma « whodonit » est un peu découse en reposant sur les explications attendues aux phénomènes paranormaux. En dressant une galerie de personnage importante dans une pension qui nous fait attendre un Cluedo, les auteurs utilisent finalement peu ce qu’ils mettent en place et ce déplacement géographique permanent empêche la linéarité nécessaire à la légèreté d’une aventure d’humour populaire. Ainsi le jumeau du Seraphin Lampion d’Hergé reste inutilisé après être apparu et nos héros, même s’ils ne sont pas des génies, n’ont jamais une piste à suivre avant que survienne l’action de résolution.
    On referme donc l’album un peu déçu par une aventure qui semble s’être un peu trop occupé de l’habillage Jules Verne et ses gadgets en perdant de vue l’utilisation pertinente des personnages. Dans cet album les Spectaculaires tournent ainsi en circuit fermé transposable d’une histoire à l’autre. Un problème qu’il faudra penser à résoudre puisque l’on constate depuis maintenant trois tomes que les personnages récurrents créés en restent à l’état de possibilité tout occupés que sont Hautière et Poitevin à garder un format one-shot. Les grandes séries tissent des liens entre albums et il est temps pour les Spectaculaires d’assumer cette maturité pour grandir. La sixième aventure de nos bras cassés préférés reste d’une lecture agréable sur des planches toujours sympa de finesse mais ne restera pas comme le meilleur album de la série.

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    https://etagereimaginaire.wordpress.com/2023/05/24/les-spectaculaires-font-leur-cirque-chez-jules-verne/

    Shaddam4 Le 01/06/2023 à 12:09:10

    Depuis le tristement célèbre naufrage de Lampedusa en 2013, la société civile s’est substituée aux Etats réticents à assumer leur rôle légal de sauvetage en mer par crainte d’alimenter les tensions xénophobes concernant une « submersion migratoire ». Medecins sans Frontières fait partie de ces grandes ONG qui arment des navires. Convaincue que la communication est une arme redoutable pour contraindre les gouvernements, si ce n’est à les aider, du moins à les laisser réaliser leur mission, MSF a proposé à l’éditeur La boite à bulle d’embarquer deux artistes-témoins pour raconter une mission de l’été 2022.
    Une des conséquences des hypermédias est de nous habituer aux drames, à la banalité de la perte de vies humaines. L’immense mérite de ce carnet de sauvetage est de nous mettre face à face avec ces sauveteurs, ces migrants, ces êtres humains, dans une urgence qui obère toute velléité de réflexion sur les « appels d’air », sur l' »irresponsabilité », sur l’entretien d’une vague migratoire que certains dénoncent. Jamais il n’est question ici de politique mais simplement d’humanité, de ces valeurs universelles qui proclament dans le Droit de la mer l’obligation de secourir les personnes en danger prioritairement à toute autre mission.


    Nous suivons ainsi la mission du Geo Barents au travers des yeux du photographe Michael Bunel et du dessinateur Lucas Vallerie, au travers d’un code couleur qui nous permet de suivre les textes que ce dernier a publié au cours des deux semaines de navigation sur son compte Instagram. Reprenant ainsi le très réussi jonglage des frères Lepage entre photographie et dessin sur leur expédition en Antarctique, cet album utilise la force de chaque média pour décrire de façon expressive (sur le dessin) et en prise sur le vif.

    Truffé d’informations documentaires sur le fonctionnement des sauvetages, sur l’intérieur du navire autant que de rencontres avec les membres de la mission, Rescapé.e.s surprend par l’émotion qui nous submerge alors que survient la première embarcation à la dérive. Car contrairement à un froid papier de presse on saisit le ressenti des auteurs dans une vérité crue, celle de gens perdus sur l’immensité, pour qui l’arrivé du Géo Barents est la fin d’un cauchemar. Ils savent que la suite, après débarquement, ne sera pas une partie de plaisir mais ces difficultés paraissent dérisoires face à la peur permanente depuis qu’ils ont quitté leur maison dans les mains des passeurs. Sans s’appesantir sur le contexte politique qui verra les néo-fascistes revenir au pouvoir en septembre 2022, on sent à la fois l’existence d’un droit que les autorités sont contraintes d’appliquer, et le système sécuritaire européen se mettre en place dès les migrants débarqués à port.


    Constamment pressé par le temps, le dessinateur alterne croquis rapides et dessins plus travaillés lorsqu’il a quelques heures devant lui. Témoignage directe d’une réalité que la plupart ne veulent pas voir, cet immense cimetière invisible qu’est la méditerranée, documentaire passionnant sur l’organisation et le professionnalisme impressionnants de ces humanitaires dévoués à une évidence, Rescapé.e.s est un album précieux et susceptible de sortir nos populations de leur torpeur et des infâmes concurrences répressives des politiques de droite.

    Lire la chronique sur le blog:
    https://etagereimaginaire.wordpress.com/2023/05/28/rescape-e-s-carnet-de-sauvetages-en-mediterranee/

    Shaddam4 Le 01/06/2023 à 11:54:43
    Punch ! Saison 2 - Tome 3 - Coriandre & Estragon

    Alors que se profile en juin le quatrième et dernier épisode de cette seconde saison de l’anthologie fantastique PUNCH!, les éditions Kinaye dénichent une nouvelle pépite en la personne d’Anaïs Maamar, jeune autrice venue du cinéma d’animation et dont c’est la première publication. Et pour une première on peut dire sans hésiter que techniquement ça dépoté! Sous la schéma d’une historiette de fantasy autour de l’adoption et de la différence (un ex-paladin-lapin adopte un bébé dragon qui ne sais pas dans quelles conditions il est venu au monde), l’autrice assume un format compact concentrant pratiquement son récit en unité de temps et d’action, simplement aéré par un récit du passé du lapin. Cela permet de ne pas se disperser et de développer l’univers visuel avec cette très chouette maison qui semble conçue comme dans un jeu vidéo (point commun avec plusieurs artistes de la collection Punch!) et un chara-design où Anaïs Maamar se fait plaisir. Dans le même esprit graphique que le précédent épisode de Valentin Seiche, Coriandre et Estragon est autrement plus lisible et jouit d’une colorisation simple mais terriblement efficace.

    Il est toujours aussi agréable de découvrir de jeunes talents pour lesquels Kinaye apparaît désormais comme une pépinière reconnue et mérite toute l’attention des amoureux du dessin. Avec une coloration plus fantasy et plus classique que la précédente saison, Punch! propose toujours des plaisir de lecture simple avec l’envie de suivre ces auteurs dans leurs prochains projets. Et il est certain qu’Anaïs Maamar fait partie des talents qui risquent d’exploser dans les prochaines années.

    Lire sur le blog:
    https://etagereimaginaire.wordpress.com/2023/05/29/punch-saison2-coriandre-et-estragon/

    Shaddam4 Le 25/05/2023 à 14:27:52

    Aussitôt paru cet album a fait parler de lui pour des raisons toutes autres qu’artistiques. Dans ce qui ressemble fort à un gros couac éditorial, les éditions Grand Angle ont opté pour une parution en deux albums (dont le premier est sorti en janvier dernier et auréolé de très bons échos) avant de faire machine arrière et de publier cette intégrale au lieu du second volume attendu. Un certain nombre de lecteurs s’en sont émus, craignant de devoir racheter le premier tome pour pouvoir lire la fin. Comme les éditions Delcourt l’avaient fait il y a quelques temps pour la publication tardive de l’intégrale de l’Histoire de Siloë, l’éditeur a pourtant proposé un remboursement du premier tome à l’achat de l’intégrale. Pas de malhonnêteté donc pour le coup mais une fort mauvaise pub dans une décision assez incompréhensible malgré le texte d’explication du scénariste qui ressemble plus à une rustine qu’à une vraie stratégie. Passons.

    Le scénariste Mark Eacersall a fait une entrée en matière remarquée dans le neuvième art en utilisant sa grande technique narrative acquise dans l’audiovisuel pour proposer deux excellents policiers (Gost111 et Cristal 417) et le primé Tananarive. Comme souvent il s’associe à un co-scénariste, pour l’occasion un spécialiste de la Grèce antique, pour proposer un étonnant récit d’apprentissage dont les dessins doux d’Amélie Causse pour son second album ne cachent pas la rudesse de l’itinéraire. Car si ce n’est pas une descente aux enfers qui nous est narrée, c’est tout de même un sacré mur de la réalité contre lequel s’écrase le jeune Philoklès. Apparaissant très sur de lui, jusqu’à tenir tête à des nobles de sa communauté, son odyssée (pour laquelle les auteurs s’amusent à tisser des références plus ou moins évidentes avec les récits d’Homère) va le ramener au quotidien violent et très terre à terre des grecs du cinquième siècle avant JC. Blessé, mis en esclavage, il va devoir tester ses talents de conteurs pour atteindre le statut qu’il visait. Mais son destin sera cruel, comme les mythes de l’Olympe.

    Au travers de ce personnage plus passif que sympathique, les auteurs cherchent à déconstruire les mythes, ceux d’un Age d’or où les humains étaient finalement logés à la même enseigne que leurs homologues des siècles précédents et suivants: cultiver la terre, éviter les bandits, se fondre dans un ordre social immuable. Bien peu glamour pour celui qui a la tête dans les récits épiques. En suivant un fil que l’on n’attend pas, Eacersall et ses comparses parviennent à entourer cette froide réalité par un pont entre les mondes: celui des légendes narrées par les aèdes et qui propulsent un pécheur sur les flots, celui des rois pirates qui ne pourront échapper à leur destin mortel que par le récit de leurs exploits. Une fiction sur le pouvoir du récit dans un univers terrestre qui fait peu rêver. Une jolie mise en abyme pour une BD élégante et intelligemment bâtie.

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    Shaddam4 Le 19/04/2023 à 08:55:05

    Forgotten Blade est une petite pépite que l’on n’attendait pas et que seule le comic indé sait proposer. Écrite par le propre patron et fondateur d’un des derniers éditeurs de comics indépendant outre-atlantique déjà à l’œuvre sur Seven deadly sins, cette épopée fantastique semi SF est surtout l’occasion d’un énorme révélation graphique en la personne de Toni Fejzula. Entre la démesure architecturale d’un Druillet et la spontanéité d’un Olivier Pont, le serbe nous enivre dans un univers visuel unique où la magie et le fantastique adoptent l’esthétique de la haute science-fiction pour mieux troubler les lignes. La science du cadrage et la justesse des dessins permettent au dessinateur de coller des figures tantôt très classiques, tantôt estompées en des touches évocatrices et une colorisation très douce et incertaine. Le tout réussit l’incroyable pari de proposer des planches très lisibles correspondant à la thématique classique de l’odyssée punitive contre une Eglise inquisitoriale (registre action) et une dimension ésotérique avec des décors et magie géométriques. [...]

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    Shaddam4 Le 28/03/2023 à 08:59:26
    Les filles des Marins Perdus - Tome 2 - Livre II

    Les deux auteurs désormais célèbres du Port des marins perdus (un classique) continuent leur série spin-off qui contrairement à ce que l’on pourrait penser n’est absolument pas une démarche commerciale mais bien une envie créative de prolonger la découverte des occupantes de leur si beau bordel! Pour ceux qui connaissent le travail des deux auteurs ce ne sera pas une surprise tant un humanisme extrêmement profond et un positivisme absolu transpirent de tout leur travail. A chaque album, qu’il soit historique, jeunesse ou plus poétique, Radice et Turconi nous ravissent par une qualité d’écriture, une esthétique immense qui ne se contente pas d’emprunter ses plans au cinéma mais démontre que le neuvième art est le plus grand en réunissant toute la finesse littéraire avec le graphisme pure.

    Deux histoires donc, entrecroisées mais qui auraient aussi pu donner lieu à un récit unique puisque l’histoire de Tess sur lequel commence l’album se poursuit jusqu’à la fin avec celle de Cinamon. La personnalité des filles transparaît incroyablement sous l’art intriqué du couple d’auteurs qui jouent d’un érotisme très doux, subtile et craquant (...]

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    Shaddam4 Le 14/03/2023 à 09:28:58
    Les futurs de Liu Cixin - Tome 3 - Les trois lois du monde

    Les œuvres chinoises sont toujours un peu dérangeantes à prendre en main tant la société communiste s’est bâtie sur un formatage des esprits par une éducation très rigide qui influe forcément même les artistes les plus indépendants. J’avais ressenti cela lors de ma lecture du monument Le Problème à trois corps qui proposait déjà une double temporalité dans la ruralité « mythique » de la Chine communiste et dans un futur lointain. Sans juger une société différente, on ne peut s’empêcher de voir transparaître une vision simpliste du monde qui promeut un imaginaire national de l’essor du citoyen prolétaire par l’Ecole et au service de la Nation. Ainsi les aliens qui se retrouvent à devoir choisir quelle civilisation ils vont protéger peuvent symboliser un État tout puissant qui a le pouvoir de vie et de mort sur ses compatriotes pour le bien du collectif. Est-ce que Cixin envisage une critique a demi-mots de son Régime ou est-il inféodé à l’idéal du Parti? En tout cas il est certain que le projet d’un Fred Duval sur Renaissance (qui revêt un peu la même idée d’une civilisation extra-terrestre qui vient en aide aux terriens) semble plus complexe et plus riche.

    Restent de superbes planches dans une technique traditionnelle qui devient rare de nos jours et donne une texture fort agréable à ces dessins. Si l’éditeur Mosquito (qui choisis de grands dessinateurs mondiaux pour son catalogue) a déjà publié plusieurs albums de Xiaoyu ce n’est pas pour rien! Les trois lois du monde est donc un one-shot à la lecture assez rapide, fort agréable aux yeux et qui ne révolutionne pas la SF mais est une excellente introduction au style de Liu Cixin ainsi qu’à des créations chinoises, encore assez inhabituelles dans nos contrées. Cela exige du reste le même recul que sur nos lectures comics, qui semblent plus familières mais finalement pas moins exotiques sur une société américaine aussi nationaliste que celle de Liu Cixin.

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    Shaddam4 Le 14/03/2023 à 09:27:02
    Les futurs de Liu Cixin - Tome 6 - Proies et prédateurs

    Continuant à alterner auteurs européens confirmés et fine fleur de la BD chinoise, la collection des Futurs de Liu Cixin parvient à construire une anthologie SF d’une qualité assez remarquable. A la fois modeste par l’adaptation de nouvelles nécessairement condensées dans leur développement et ambitieux par les thèmes abordés par le maître de la SF chinois, ces albums ont le mérite de nous ouvrir à d’autres modes de narration et installent les obsessions et techniques narratives de l’auteur: un déroulé sur un temps très long (plusieurs siècles ici), un traitement hard-science très intéressant, la destruction de la Terre et de l’humanité.

    L’adaptation par le chevronné JD Morvan est perturbante en ce que sur cent pages il arrive à installer cette chronique de l’apocalypse sur un temps très long tout en brusquant le récit par des sauts brutaux. Problématique des adaptation, on ne sera pas si c’est la source qui pose problème ou son adaptation (mais le fait que la nouvelle soit plus courte que la BD laisse une idée…). Ce qui est intéressant c’est que les auteurs nous plongent immédiatement dans un récit d’anticipation où l’humanité dispose déjà de vaisseaux spatiaux capables de la projeter dans le système solaire mais se retrouve confrontée à un adversaire dont la taille semble rendre vain tout espoir. Sur la partie la plus intéressante on nous relate le modus operandi des dévoreurs basé sur des explications scientifiques de ce qu’il se produirait sur le plan astro-physique si un corps de taille équivalente à la Terre venait se positionner tout proche. Très vite pourtant débarque sans avertissement cet émissaire d’aspect saurien, parlant la langue universelle et étonnamment kitsch, nous faisant passer en quelques pages de hard-science à un space-opera pulp nihiliste. Morvan n’aide pas beaucoup à ce stade, sur des dialogues parfois très primaires qui nous sortent là aussi du réalisme recherché.[...]

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    Shaddam4 Le 14/03/2023 à 09:24:08
    Les futurs de Liu Cixin - Tome 4 - Nourrir l'humanité

    Runberg et Montllo nous avaient enchanté sur la superbe saga Warship Jolly Rogers, où l’espagnol proposait un étonnant travail numérique issu de l’Animation. Toujours dans la SF mais dans un style beaucoup plus classique, ils décrivent ici à la suite de Liu Cixin le dilemme d’un tueur élevé dans la crainte du parrain et la violence de sa condition dès l’enfance. Alors que très loin dans le cosmos une révolte survient au sein d’ouvriers opprimés, nous allons suivre l’itinéraire d’un enfant-tueur plongé dans le monde du crime, des trafics et des mendiants dès son plus jeune âge. Le schéma est connu et le cœur devra être bien accroché à suivre les méthodes barbares du mafieux Dent et sa scie qu’il ne quitte jamais.

    LES FUTURS DE LIU CIXIN - NOURRIR L'HUMANITÉ (Sylvain Runberg / Miki Montlló) - Delcourt - SanctuaryOn retrouve dans Nourrir l’humanité une problématique écologique et sociale (comment cohabiter à plusieurs milliards sur une même planète tout en résolvant les injustices les plus criantes) et la structure classique de l’écrivain en juxtaposant une trame space-opera avec un quotidien trivial de notre époque. Comme sur Les trois lois du monde, l’auteur nous fait suivre l’évasion d’un peuple parti loin dans l’espace à la recherche d’une solution à son problème en même temps que la dureté de la vie sur terre pour les gens de peu. On troque l’instituteur pour l’assassin mais les deux se retrouvent sur le refus des injustices et le sacrifice pour le bien commun.[...]

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    Shaddam4 Le 08/03/2023 à 08:47:10
    Thorgal Saga - Tome 1 - Adieu Aaricia

    Empruntant à des films sauvages tels que le 13° Guerrier ou le récent Northman, Adieu Aaricia sait créer d’intéressants personnages dont l’interaction nous frustre par sa brièveté. N’apportant au final rien de très nouveau aux chroniques de Thorgal Aegirson qui a tant vécu d’aventures, on ne sait si la conclusion bien sombre laisse présager des liens avec les séries principales (Thorgal se déclinant désormais en plusieurs trames) ou juste un tombé de rideau mélancolique. Si on imagine ce qu’un scénariste chevronné aurait pu tirer de la rencontre entre le jeune et le vieux Thorgal, Robin Recht propose donc un album graphiquement irréprochable, qui nous offre un pouce-café bienvenu pour tout nostalgique de l’ère Rosinski et nous ferait presque oublier l’origine commerciale du projet.[...]

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    Shaddam4 Le 17/01/2023 à 17:50:39
    Clevatess - Tome 2 - Tome 2

    Le premier tome de cette nouvelle série de Dark-fantasy Ki-oon avait fait l’effet d’un électrochoc! Très curieux de voir ce que pouvait donner ce switch initial qui voit la toute puissance du Démon (dans un esprit qui rappelle Le dernier des dieux) j’avais été surpris à la fois par des dessins aux encrages magnifiques et par une rudesse inhabituelle. On reprend immédiatement après le premier opus qui avait laissé l’héroïne démembrée juste revenue à la vie par le sang maléfique du démon. S’ensuit une première partie de manga très énergique alors qu’Alicia tente d’éliminer les redoutables bandits. Cela nous donnera l’occasion de découvrir la détermination, les talents guerriers de cette championne mal en point mais aussi un artefact très puissant qu’elle devra conquérir en affrontant un démon ancien tapi au fond du lac. Totalement pris par le rythme on bascule ensuite dans des considérations stratégiques moins rythmées et qui, si elles permettent de développer l’univers (avec l’émergence d’un grand méchant très réussi), font un peu retomber la hype de lecture. Alors que le manga en est déjà à son cinquième tome au Japon on patientera en se disant que le passage du second volume est souvent synonyme de ralentissement et qu’avec une telle qualités moyenne basée sur un potentiel très riche on n’est pas du tout inquiet sur l’ambition de l’auteur de bâtir une mythologie et un récit fort en personnages et disruptif.


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    Shaddam4 Le 17/01/2023 à 17:47:45
    Lost Lad London - Tome 1 - Tome 1

    Une fois n’est pas coutume, cette nouvelle série courts lancée par les très bons Ki-oon… m’a parue vraiment un ton en dessous de leurs habitudes. En annonçant une approche très européenne du fait du séjour de l’autrice en Angleterre l’éditeur semble justifier un dessin absolument minimaliste qui empêche selon moi de parler véritablement de BD, voir de manga. Le scénario et les personnages sont assez sympathique bien que l’on ne saisisse pas encore tout à fait l’intérêt de cet attelage entre un flic bourru dans le plâtre et un jeune adulte issu d’adoption. On lit donc l’album sans aucun soutien graphique et si l’on ne s’ennuie pas il faut avoir une vraie vibration soit pour les polar, soit pour le graphisme de l’autrice, pour trouver un intérêt de poursuivre sur la série. Pas mauvais mais manquant cruellement de quelque chose de plus, Lost Lad London est une surprise, mais pas dans le sens attendu…
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    Shaddam4 Le 17/01/2023 à 17:30:38

    La nouvelle mouture des Kurosavoir qui piochent désormais dans la très qualitative collection documentaire de Kadokawa shoten monte sacrément le niveau de la collection en reproduisant une recette qui allie particulièrement bien le pédagogique et le loisir BD. Sur un graphisme simple, totalement dans les codes du manga (tirant sur le shojo), cet album traitant d’une des périodes les plus riches et complexes de l’histoire royale britannique vous apprendra énormément de choses, dans un style thriller historique, que vous soyez à l’aise en Histoire ou non.

    Situé en pleine Renaissance, le règne de la fille de Henri VIII, (fondateur de l’Eglise d’Angleterre et dynaste compliqué) lancera le petit royaume insulaire comme grande puissance maritime et coloniale pour les siècles à venir. Ce qui fascine dans ce récit c’est à la fois le contexte mais aussi le nombre de rebondissements qui n’ont rien à envier à Game of Thrones: alors que la Réforme protestante est en plein essor, les concurrences entre Henri VIII, François 1er et Charles Quint se poursuivent sur un terrain politico-religieux via la très nombreuse descendance du roi d’Angleterre et les alliances matrimoniales tantôt de sa concurrente Marie Stuart, reine d’Ecosse avec le fils de François 1er, tantôt de la très catholique Marie Tudor avec le champion de Rome et fanatique Philippe II d’Espagne. On comprend rapidement pourquoi les règles de transmission du trône ont souvent été très cadrées sous l’Ancien Régime tant les divorces, remariages et descendance multiple de Henri VIII créeront directement mille difficultés qui mirent l’Angleterre au bord du précipice.

    Après l’assassinat de sa mère par le roi, Elisabeth perd l’héritage directe du trône qui voit se succéder ses demi-frères et sœurs. Avec le conflit religieux qui voyait, comme en France, les factions craindre de voir le Royaume changer de crèmerie tous les coups étaient permis et Elisabeth passa deux ans en prison avant de monter sur le trône. Cette jeunesse exceptionnelle forgea son caractère et indique la fragilité de la couronne britannique juste sortie du Moyen-Age. Les complots, assassinats, assaut de l’Invincible Armada espagnole pour envahir l’Angleterre, la défense par les corsaires de Drake, tout cela semble sorti de l’imaginaire d’un … William Shakespeare, incarnation littéraire de cette époque Elisabethaine qui influença tant la culture anglo-saxonne voir européenne toute entière.

    Avec ce contenu d’une richesse folle, le manga avance à mille à l’heure, on ne s’ennuie pas un instant en apprenant plein de choses dans un talent de synthèse déjà vu sur les derniers Kurosavoirs dédiés à Marie-Antoienne et Cléopâtre. Un must-read à offrir à tous les jeunes amateurs d’Histoire.

    A partie de 10 ans.

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    Shaddam4 Le 16/01/2023 à 13:46:51
    Prima Spatia - Tome 1 - L'Héritière

    Le duo Filipi et Camboni a déjà 20 ans de carrière ensemble, d’abord sur la série Gargouilles (sept tomes achevés en 2012) puis sur le vernien Voyage extraordinaire dont la troisième saison s’est clôturée cette année. Entre temps ils nous ont offert deux magnifiques one-shot de la collection Mickey qui les ont mis sur le devant de la scène. Se réservant au genre jeunesse-ado pendant toutes ces années le duo expérimenté opte désormais pour un space-opera adulte et ambitieux qui tranche avec le style très « rond » du dessinateur italien. C’est la difficulté de passer d’un style à un autre avec une prise de risque qu’il faut saluer. Un autre auteur venu des albums ado a dernièrement heureusement passé le cap. Qu’en est-il pour les auteurs de Mickey et l’Océan perdu?

    Sur la construction d’univers on n’est guère surpris de découvrir un monde à la fois mystérieux dans sa physique et foisonnant de hors-champ. Cette SF semble composée de dynasties politiques, de ports de pêche spatiale et d’une multitude d’aliens star-warsiens et autre faune galactique, mais aussi de plusieurs dimensions reliées par des trous de ver aléatoires sur lesquels on ne sait pas grand chose. L’album s’ouvre sur la fuite de la jeune Alba et sa garde du corps après une tentative d’assassinat avant de basculer sur le reste de l’album sur le très bigarré équipage de La Flêche, vaisseau aux airs de B-Wing de Star-Wars. Les auteurs arrivent ainsi à lancer une piste d’intrigue politique de fond avant de se concentrer sur cet équipage dont les interactions vont constituer le cœur de l’album et son intérêt. Les personnages sont en effet très bien écrits et caractérisés et leurs dialogues marchent bien, contrairement à certains enchainements d’action qui nous montrent que malgré une envie évidente Silvio Camboni n’est pas encore tout à fait à l’aise avec le genre Space-op. Il en ressort un paradoxe: pour un duo connu pour le chatoiement et la finesse de leurs planches la partie graphique de Prima Spatia n’est clairement pas la plus grande qualité de ce tome un. Rien de grave jusqu’ici mais on sent une certaine hésitation entre un projet adulte relativement technique et des habitudes cartoon qui font parfois tiquer.

    On ressort de cet album avec un réel plaisir de lecture dans un genre où les réussites ne sont pas si nombreuses au regard des tentatives (comme par exemple sur le projet de Tarquin UCC Dolores). On aime toujours les équipages de vaisseaux et les mondes complexes ; en la matière Filipi et Camboni nous en donnent pour notre argent. Reste à voir si le dessinateur parviendra à calibrer son style vers quelque chose de plus réaliste et efficace et comment l’interaction politique/chasse aux monstres va s’articuler mais pour le moment les étoiles sont plutôt bien alignées en donnant envie de lire la suite.

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    Shaddam4 Le 16/01/2023 à 13:43:09

    Depuis quatre ans Tom King est probablement le plus intéressants des scénaristes de l’univers DC (voir du monde des superslip dans son ensemble…). Après s’être fait remarquer sur son Sherif of Babylon et d’autres ouvrages en compagnie de son acolyte Mitch Gerads, il est à la tête de pas loin de trois albums majeurs en 2022 en collaborant avec la fine fleur des artistes US vers un graphisme plus grand public mais des projets toujours exigeants. Car contrairement à l’autre grand Tom, King se veut intello via des structures narratives complexes et déstructurées. En suivant ce modèle et en corrompant la base hyper-classiques il se permet de remettre au gout du jour des personnages totalement désuets tels que Mister Miracle, Adam Strange ou la cousine de Superman. Et ça marche!

    Car sous l’habillage qui parlera aux fans des personnages Tom King aborde des questions primordiales des imaginaires et des légendes: le rôle du héros, de la vérité, le libre arbitre et le carcan social qui enferme tout un chacun, portant cape ou non. Dans ce très attendu Batman/Catwoman qui enjolive encore le déjà fort qualitatif catalogue du Black Label on a une nouvelle fois un abus de titre imposant un Batman là où il n’y en a presque pas. Non, c’est bien une aventure de Catwoman que vous allez lire: le récit destructuré de sa vie pendant et après sa vie commune avec le Dark Knight. L’origine du projet remonte au « christmas special » de King et Lee Weeks sorti il y a quelques années dans le recueil « A la vie, à la mort« , dont on retrouve le premier chapitre dans ce nouveau volume. Développer le concept sur un gros volume de presque cinq cent pages (King prend toujours beaucoup de place) était une gageure partiellement remplie.

    La réussite revient d’abord aux dessins absolument exceptionnels de Clay Mann et son coloriste qui proposent une Catwoman dont vous tomberez obligatoirement amoureux! Menant la danse avec un chéri comme toujours empoté, bien plus à l’aise avec son costume qu’avec le smoking, elle virevolte dans le temps au travers de plusieurs trames temporelles infiniment croisée qui demandent un maximum de concentration pour être suivies en allant jusqu’à dissocier les textes des images. On suit ainsi l’enquête autour du meurtre d’un vieux Joker, dont est accusée Sélina Kyle autour de laquelle tournent sa fille la nouvelle Batman et le commissaire Dick Grayson, le premier Robin. l’autre temporalité suit les meurtres commis par la méchante Phantasm (apparue dans les dessins animés de Bruce Timm) et la danse macabre entre Catwoman, Batman et le Joker pour arrêter la criminelle ou le clown grotesque. Dans chacune de ces enquêtes on avance et l’on recule, les séquences de mélangent pour créer un kaléidoscope des personnages à différents moments de leur existence et de leurs relations. Ne se contentant pas de briser les règles figées du Batverse voulant que Batman et le Joker ne meurent jamais et que les méchants restent des méchants, King dresse un portrait de famille et d’une femme complexe à différents âges.

    Il y a ainsi une évidente maestria technique tant dans le dessin que dans l’écriture, qui fait de ce one-shot une petite pépite BD et qui offre de la nouveauté à un univers si figé. Malheureusement le côté assez artificiel de la traque de Phantasm (malgré son design très soigné) dilue un peu l’intérêt qu’un album entièrement centré sur la minette aurait proposé. On a ainsi un indéniable plaisir tout au long des douze chapitres royalement mis en scène mais une regrettable impression d’un « a quoi bon » en clôturant le pavé, comme si l’idée d’enquête à la Batman avait été une fausse bonne idée à laquelle le personnage flamboyant de Catwoman ne laisse pas de place. Un album plus court dédié à la croqueuse de diamants aurait peut-être condensé le tout en un chef d’oeuvre. Pas loin… mais ce Batman/Catwoman reste cependant une pièce de choix pour votre collection DC.

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    Shaddam4 Le 16/01/2023 à 13:39:56
    Les cœurs de ferraille - Tome 1 - Debry, Cyrano et moi

    José Luis Munuera promène son talent cartoonesque sur la BD franco-belge depuis maintenant trente ans en compagnie de Joan Sfar, et JD Morvan, ayant endossé l’immense responsabilité de reprendre Spirou sur quatre albums après l’indépassable ère Tom&Janry. Depuis quelques années il semble s’orienter vers une esthétique rétro, adaptant des classiques de la littérature (Bartleby de Melville puis cette année Un chant de Noël de Dickens) avec une esthétique plus réaliste. A la manière d’un Umberto Ramos l’auteur semble tiraillé entre des racines cartoon marquées et une envie de textures et d’histoires plus sombres.

    Avec un deuxième album cette année, il s’engage sur une anthologie d’histoires one-shot sur le thème des robots dans une ambiance rétro-futuriste en compagnie du duo de scénaristes BéKa. Outre la qualité indéniable des dessins (et des couleurs/textures) c’est l’analogie entre ce monde classique habité de technologies poussées et les Etats-Unis esclavagistes du début du vingtième siècle qui intéresse. En transformant les esclaves noirs en robots les auteurs parlent subtilement des problématiques d’alors, de cette proximité avec des serviteurs et nourrices de l’autre couleur, considérés dans la famille mais pas dans la société, de ces réseaux d’esclaves en fuite, des collaborateurs noirs qui virent dans le service aux maitres un moindre mal à leur condition, mais aussi de thématiques plus modernes comme la place des femmes ou l’émancipation par la culture et l’imaginaire.

    Au sortir de cette histoire simple de poursuite on a le sentiment d’avoir passé un agréable moment sur un travail solide bien qu’il manque sans doute un peu d’ambition, notamment dans la justification du thème SF. Il faudra voir après plusieurs albums si la série permet de donner un intérêt plus large sur des albums dont la tonalité jeunesse peut se discuter. En attendant on savoure une intelligente parabole et des planches si agréables.

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    Shaddam4 Le 16/01/2023 à 13:35:34
    Soloist in a Cage - Tome 1 - Tome 1

    Nouvelle création d’une jeune autrice chez Ki-oon, qui reprend le schéma bien connu de la cité-prison (New-York 1997,…) pour nous parler de cette jeune fille au tempérament bien trempé qui se forme auprès des meilleurs combattants pour se plonger dans la fange pour réaliser l’improbable. En effet, lors de l’incident initial le lecteur n’a aucune information sur l’éventuelle survie de ce nourrisson tombé d’une hauteur vertigineuse en pleine tempête de neige du siècle. Pourtant… C’est sur un pitch très simple que l’autrice condense son récit en se basant sur une atmosphère très solide portée par des décors fort réussis. Sur des séries courtes il vaut mieux aller à l’essentiel sans complexifier outre mesure et Shiro Moriya ne se perd pas en chemin, s’appuyant sur sa compétence graphique pour dresser une ambiance nocturne de coupe-gorge où la jeune Chloé est devenue une combattante hors-paire. En posant dès le départ une galerie de personnages réussie et en rompant sa chronologie très vite, l’autrice nous tient en haleine avec l’envie de savoir si les alliés de circonstance de la jeune fille reviendront l’aider. De même le background nous titille puisque ce qui est décrit (et présenté) à l’image comme une société d’assassins renferme manifestement aussi des innocents ou du moins des condamnés de droit commun comme ce militaire au passé trouble qui opèrera comme mentor de Chloé.
    Avec un démarrage prenant en tout point et sans temps mort, le premier volume ralentit ensuite pour poser le retour de Chloé dans la prison et son enquête pour retrouver son frère. Les combats et séquences d’action sont très efficaces, les visages un peu moins précis que les décors font néanmoins le job et on a hâte de connaître la suite pour cette entrée en matière pas révolutionnaire mais très solidement bâtie.

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    Shaddam4 Le 16/01/2023 à 13:29:38

    Membre de la génération des grands auteurs de la BD franco-belge, ceux qui ont monté Metal Hurlant et occupé les pages de (A suivre), Jean-Marc Rochette marque depuis quelques années par ses albums sur la montagne, cette entrée des Alpes autour de Grenoble, le berceau de Glénat. Son chef d’œuvre adapté au cinéma, le Transperceneige marquait une évolution de son trait d’un style assez classique de la SF des années quatre-vingt vers une épure des encrages proche de l’abstraction.

    Graphiquement Rochette n’est pas du tout ma tasse de thé. Trop sombre, trop estampé, pas assez concret dans le dessin. Ce magistral album déjà auréolé de pléthore de sélections et prix BD fait pourtant partie de ces occasions de sortir de sa zone de confort de lecteur BD en constatant l’évidence de la réussite (comme cela avait été le cas avec l’Age d’or par exemple). Car celui qui est capable de dessiner du cartoon comme du semi-réalisme justifie son épure par l’idée de l’évocation qui fait écho à la forme détruite du visage du héros comme à la sensation de l’artiste sculptant sa glaise et de ces paysages montagnards changeants au gré des lumières, des brumes et des ombres.

    Sur le plan de l’écriture cet album est incontestablement une immense réussite (je ne serais pas en capacité de parler de chef d’œuvre puisque c’est le premier album de cet auteur que je lis). Par la simplicité de l’intrigue, en inscrivant sa petite histoire dans l’Histoire antédiluvienne jusqu’à l’Age de pierre pour décrire cette relation compliquée de l’humain avec sa nature tantôt hostile tantôt partagée, l’auteur touche juste et épure encore les sentiments. Ceux d’un homme simple, brisé, qui refuse l’oppression de cette civilisation qui ne sait que briser, qui rejette l’autre pour sa différence et à fortiori cette nature qu’il ne connaît plus. Loin d’être simpliste, l’histoire se concentre sur le cœur qui fait sens, celui des artistes qui cherchent la beauté ou le message, qui comprennent cette nature qui parle aux cœurs. Où l’on peut savourer les plus subtiles des repas dans une cabane en altitude en récoltant le fruit de la montagne et du troc et l’amour simple de la vie d’avant au pays de cocagne qui offre tout ce dont l’homme a besoin. Rochette a la grande intelligence de ne pas poser de pathos dégoulinant sur un destin tragique, celui d’un pauvre homme cassé par la guerre que l’on voit condamné à mort en introduction de l’album. L’histoire nous dira pourquoi et accentuera la force du portrait en rejetant tout attendu tragique. Car le drame n’est pas le propos de Rochette. Le drame est celui, intime, d’un enfant du Vercors dont l’immense résilience, celle de la roche, ne suffit pas à préserver ce paradis, cette paix si simple.

    Si la pertinence du trait se rattache au projet sans contestation possible, il est pourtant dommage qu’une esthétique plus travaillée ne reflète cette paix de l’écriture. Les encres rageuses en clair-obscur dressent un monde qui semble n’être jamais sorti de Verdun. On en perd la pureté graphique qui aurait a mon sens renforcé ce grand album en le menant au chef d’œuvre. On n’en est pas loin. Chacun se fera son idée selon ses préférences graphiques, mais la Dernière reine est incontestablement un grand album qui mérite d’être lu.

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    Shaddam4 Le 16/01/2023 à 13:21:05

    Il y a peu de billets qui approchent son auteur d’une forme d’émotion. Après tout, si l’on tente de partager nos lectures sur ce blog ce ne sont que des moments, des fragments remplaçables. Pourtant certaines œuvres vous touchent dans votre vie de lecteur et revenir sur les derniers moments d’une lecture majeure fait quelque chose, comme le fait de refermer une porte sur une séquence qui vous aura changé. Modestement mais changé quand-même. Finir Eden est un peu de cela…

    Conclure une série est le plus difficile, rarement réussi, rarement cohérent. Il manque toujours quelque chose. Après plus de quatre mille pages d’apocalypse glissant Hiroki Endo réussit là encore sa fin, sans surprise tant il aura maitrisé sa saga en free-style de bout en bout. Chronique majeure de l’Apocalypse, description chirurgicale de la pègre et de ses interactions psycho-sociales, pensée philosophique immensément supérieure à l’essentiel des manga SF, voici qu’Endo nous livre sur cette conclusion parmi les plus intéressants concepts scientifiques alors qu’il nous révéle l’origine de ce pilier gigantesque construit par le Colloïde. Et quand on a une ambition comme la sienne on n’aborde pas moins que le sens de l’origine du monde et de sa fin. Beaucoup ont émis des hypothèses associant la physique quantique, le multivers, le big Crunch, peu l’ont fait avec autant de clarté et de finesse.[...]

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    https://etagereimaginaire.wordpress.com/2023/01/13/eden-its-an-endless-world-perfect-9/

    Shaddam4 Le 16/01/2023 à 13:16:22

    C’est peu de dire que cet album s’est fait attendre, depuis la diffusion il y a bientôt un an de la sublime couverture et des premiers visuels fort alléchants et promettant un acme du space-opera militaire. Après moultes reports voici donc arriver ce gros volume équivalent à trois tomes de BD et qui malgré l’absence de tomaison s’annonce bien comme une série au vu de la conclusion.

    Commençons par ce qui fâche: le style de l’auteur, Jean-Michel Ponzio. Conscient de sa maîtrise numérique, le dessinateur ouvre sa série sur des planches qui font baver tout amateur de SF, avec un design et une mise en scène diablement efficaces et qui n’ont rien à envier aux plus grands films spatiaux. Accordons-lui également la qualité des textures sur un aspect qui montre souvent des définitions grossières, pixélisées ou floues. Malheureusement aussitôt les personnages humains apparus on tombe de sa chaise et dans un véritable roman-photo qui détricote rapidement toute la puissance des objets techniques. Je ne cache pas que ce problème est ancien et commun à à peu près tous les auteurs qui travaillent en photo-réalisme à partir de photos d’acteurs. D’immenses artistes en subissent les affres comme Alex Ross et récemment j’ai pu constater à la fois le talent artistique d’un Looky et l’immense différence entre son travail numérique (sur Hercule) et un autre plus traditionnel (Shaolin, dont le troisième tome vient de sortie et très bientôt chroniqué sur le blog). Mais outre le côté figé des expressions et mouvements, Ponzio ajoute des costumes kitschissimes qui semblent nous renvoyer à de vieux sérials SF des années cinquante ou aux premiers jeux-vidéos filmés des années quatre-vingt-dix. Cet aspect semble tragiquement recherché puisque le bonhomme sait parfaitement redessiner ses formes et la différence entre le plaisir des combats spatiaux et les séquences avec personnages s’avère assez rude.[...]

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    Shaddam4 Le 16/01/2023 à 13:12:51
    Shaolin - Tome 3 - Colère aveugle

    Très mal présentée, la trilogie Shaolin s’avère n’être finalement qu’un prologue, ce qui permet de comprendre un peu mieux l’étonnante construction chaotique des albums et de son héros totalement insignifiant sur les cent-cinquante pages parues…

    A cette première étape on voit se confirmer une grande cohérence dans la qualité comme dans les défauts des auteurs. Je ne reviendrais pas sur la partie graphique qui m’a parue très réussie et confirme le statut d’auteur à suivre pour Looky, porteur notamment d’un design en fantasy asiatique particulièrement attrayant en fusionnant l’exotisme fantastique des grandes saga à la Conan avec l’esprit extrême-oriental. Même s’il est plus à l’aise dans les panorama et scènes de batailles (donnant à certaines planches un esprit Warhammer du plus bel effet) que dans les gros-plans, le dessinateur apporte un vrai plus à cet univers avec ses encrages conséquents et un instinct de mise en scène sans faute.

    Après une mise en place assez péchue bien que mystérieuse sur le tome un, une orientation vers l’action avec la fort réussie guerrière Yuki (qui ressemble plus à une héroïne que Nuage blanc), ce volume de « conclusion » développe de grandes batailles au sein d’une montagne enneigée avec un traitement chronologique qui laisse perplexe. Car à force de garder le mystère de Nuage blanc dans l’ombre et d’ouvrir de petites portes à chaque album le scénariste agace un peu en refusant de nous révéler qui sont les personnages importants, qui sont les méchants, qui sont les héros. La trame principale est pourtant révélée avec ce roi maudit qui abusa du pouvoir de l’Arme tombée du ciel et ce obscure confrérie chargée de cacher cet artéfact. Mais si la chasse à laquelle se résume l’album est claire et très lisible, les interactions et rôles restent bien brumeux, voir incohérents par moments. En annonçant plus clairement une saga en plusieurs cycles l’éditeur aurait permis d’apprécier cette brique introductive pour ce qu’elle est. A défaut il prend le risque de rater son lectorat et d’avorter une série qui a un vrai potentiel. Avec des défauts certains sur le plan de sa construction mais beaucoup d’atouts dans sa manche, Shaolin mérite de poursuivre les aventures de Nuage blanc (… et de Yuki!) et d’attirer votre curiosité.

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    Shaddam4 Le 22/10/2022 à 11:53:56
    Le scorpion - Tome 14 - La Tombe d'un dieu

    Ce qui surprend dans ce nouveau cycle ce n'est pas tant le dessin qui change de style (tout en restant de grande qualité) mais le scénario qui semble perdre l'influence pop de Marini pour ne garder que l'aspect enquête historique. C'est très intéressant, notamment dans les hypothèses bibliques qui rejoignent les idées du premier cycle) mais on perd la deuxième jambe cape et épée et surtout l'esprit agaçant mais si héroïque du Scorpion. Du coup on a l'impression de lire une BD historique Glénat, ce qui change résolument les grandes qualités de la série d'origine.
    Le potentiel reste bon, avec cette quête de la fille et ces ouvertures sur la Kabbale qui permettent tellement de possibilités ésotériques et conspirationnistes. Mais il ne faudrait pas trop tarder à retrouver l'esprit flirtant avec le fantastique qui avait apporté tant d'espoir avec le chevalier du trèfle de la fin des albums Marini...

    Shaddam4 Le 20/09/2022 à 10:30:17
    Elecboy - Tome 3 - La data croix

    On ne l’attendait plus, Jaouen Salaün lâche enfin les freins dans cet album charnière tout en révélations. Ce qui nous fait nous demander pour quelle raison il a opté pour un format en quatre plutôt qu’une trilogie plus équilibrée… passons. Outre le titre un peu wtf on a tout bon dans ce troisième volume qui aurait été un carton s’il avait été le premier. Gageons qu’il n’est jamais trop tard pour découvrir une série lancée!

    Cette accélération de rythme nous prend de cours puisque les premières pages forment un surprenant flashback en mode rapide qui détonne diablement avec la torpeur et le contre-temps sur lequel était construite la série jusqu’ici. On nous raconte ainsi l’élimination brutale de cet être par ses proches avant les longues révélations que lui procurent un être synthétique au sein de la Bibliothèque de la Connaissance passée, logée dans une formidable croix formée par un séquoia géant. Le lien entre Joshua, les wastlands, les séquences spatiales et les combats épiques vus jusqu’ici se fait enfin pour notre plus grand plaisir!

    On bascule ainsi résolument dans de la grande SF qui précise son propos sur le Transhumanisme ou le post-humanisme (sujet également abordé dans la récente réédition d’Eden en version Perfect ou encore le grand album récent qu’est Carbone & silicium). Le récit devient alors très classique mais passionnant grâce aux images toujours magistrales de l’auteur. On regretterait presque que la séquence passe si vite tant le déroulé de cette fin du monde nous happe par la richesse des thématiques abordées. Les séquences d’action ne sont pas en reste puisque si cette fois il n’y a pas trace de moins guerrier, l’affrontement mécanisé entre les puiseurs et le clan de Sylvio est tonitruant en une bataille tout à fait explosive. Entre les deux Salaün nous glisse une dénonciation du totalitarisme religieux, plus habituel mais logique dans cet univers, le tout avec un design aux élégances qui montent encore d’un cran.

    Bref, on passe pas loin du coup de cœur pour un tome qui coche toutes les cases de la bonne et belle SF et qui réhausse très fortement l’intérêt d’une série qui, si elle maintient ce niveau pour son ultime volume pourrait bien être assez vite réévaluée comme une quadrilogie majeure…
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    Shaddam4 Le 20/09/2022 à 10:28:39
    Lord Gravestone - Tome 2 - Le Dernier Loup d'Alba

    Zut, mille fois zut! J’ai une vraie tendresse pour Nicolas Siner, aussi talentueux qu’adorable et modeste et étais ravi de voir enfin arriver une nouvelle série aussi assumée dans le registre gothique. Malheureusement, si le premier tome réussissait parfaitement son entrée en matière entre fan-service vampirique et background travaillé, cet album charnière tome assez à plat en ne parvenant pas à relier l’introduction au combat final contre l’empereur du Mal. L’action tonitruante précédente laisse ici la place à une fort longue convalescence du héros mordu une fois par Camilla la vampire qui cherche à se venger de sa lignée mais qui va commencer à douter de la malfaisance de ce chasseur de dentus. Outre un rythme qui oublie d’alterner révélations historiques, action et scène intimistes pour laisser dérouler une assez interminable romance dans un château en ruine, l’intrigue tombe dans pas mal d’incohérences logiques: des loups-garou du titre on n’en entendra finalement guère parler, de la redoutable vampire transformée en douce servante on a du mal à imaginer le cœur guimauve qui la fait désobéir à la loi de la Nuit,… Alors soyons juste, de belles idées surgissent comme cet état d’Incube en sursis entre l’état d’homme et celui de vampire et les dessins magistraux de Nicolas Siner qui nous plongent dans une Ecosse où le jour ne semble jamais se lever. C’est d’autant plus dommage que l’on voit bien où voulait en venir Jérôme le Gris dans un format ternaire en faisant de cet héritier lisse un héros tragique en rupture avec son héritage, en liant le bon et le mal. Mais il semble se prendre les pieds dans son déroulé, gardant sans doute trop pour le final ce qui aurait dû alléger la linéarité sur ce second tome. Rien n’est perdu puisqu’avec un joli matériau graphique comme thématique la pente peut être remontée sur le final. Surtout avec une conclusion qui replace un état dramatique nécessaire en rendant le héros soudain plus intéressant. Le rythme est décidément un bien dur exercice en matière de scénario…

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    Shaddam4 Le 20/09/2022 à 10:26:57

    Il était peu probable de me voir me plonger dans une aventure de Supergirl, son super-chien Krypto et son super-cheval capé Comète… Pourtant, un auteur aussi brillant que Tom King qui arrive depuis quelques années à utiliser la substantifique moelle des personnages DC (sur Mister Miracle ou Strange Adventures par exemple), associé à l’incroyable étoile montante des dessinateurs latino a suffit à me convaincre de tenter l’expérience… confirmant comme chaque fois que le Black Label est une garantie quasi absolue de must-read!

    Commençons par les planches, juste sublimes de bout en bout et folles de détails. Dans une technique toute européenne, la brésilienne Bilquis Evely (qui a déjà sublimé la reprise de Sandman) nous subjugue dans une alchimie parfaite avec son coloriste Mateus Lopez. Alors que je constate une mode peu convaincante pour des colo criardes dans les comics, le duo reste très tradi avec des planches peu encrées mais fourmillant de détails, jusqu’à cet épisode final qui décroche la mâchoire. L’inspiration issue de Jean-Claude Mezière et ses galaxies foisonnantes est évidente, mais l’on peut également trouver du Lauffray, voir du Moebius dans ces décors extra-terrestres parcourus laborieusement dans des cars galactiques pourris et autres auberges orbitales puantes. Abusant de traits de mouvement et de perspectives, l’artiste n’est jamais avare de créativité et de contenu, donnant à ses deux voyageuses une élégance qu’accompagne un texte inspiré.[...]

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    https://etagereimaginaire.wordpress.com/2022/09/10/supergirl-woman-of-tomorow/

    Shaddam4 Le 20/09/2022 à 10:24:47
    Shi (Zidrou/Homs) - Tome 5 - Black Friday

    Retour de la grande série socio-politique avec un second cycle que l’on découvre, surpris, annoncé en deux albums seulement. Reprenant la construction temporelle complexe juxtaposant les époques sans véritables liens, Zidrou bascule ensuite dans un récit plus linéaire et accessible où l’on voit l’affrontement entre la naissance du mouvement des Suffragettes et la société bourgeoise qui ne peut tolérer cette contestation de l’Ordre moral qui étouffe le royaume. Les lecteurs de la série retrouveront ainsi les séquences connues, à la fois radicales, intimistes, sexy et violentes. Et toujours ces planches sublimes où Josep Homs montre son art des visages.

    L’itinéraire de Jay et Kita se croise donc avec un échange épistolaire original à travers les années avec la fille de Jay, sorte de fil rouge très ténu qui court depuis le début sans que l’on sache sur quoi il va déboucher. L’écho contemporain bascule cette fois dans les années soixante (on suppose) où un policier enquête sur une disparition qui le mène sur la piste des Mères en colère. Pas plus d’incidence que précédemment mais l’idée est bien de rappeler que les évènements du XIX° siècle débouchent sur un combat concret à travers les époques.

    Avec la même élégance textuelle comme graphique, Shi continue son chemin avec brio et sans faiblir. On patiente jusqu’au prochain avec gourmandise!

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    Shaddam4 Le 01/07/2022 à 08:48:35

    [...] Maitrisant remarquablement ses gammes scénaristiques, Dominique Monféry nous laisse patauger, un brin manipulateur, dans une incertitude sur la menace elle-même. Utilisant la technique du huis-clos permettant le déclenchement de la sauvagerie dans un environnement sans cadre social il nous fait douter, cherchant à pénétrer les esprits de nos deux personnages d’amoureux que la réalité crue va projeter sur un mur d’incompréhension. Construit en trois parties dont il est impossible de prédire la suite, le scénario devient vraiment passionnant lorsque le conflit psychologique et moral survient, enfermés dans cette cabane en compagnie d’un meurtrier que rien n’explique. On sent parfois la tension du Polanski de La jeune fille et la mort quand seule la morale sociale peut décider de la vie ou de la mort d’un homme.[...]

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    Shaddam4 Le 28/06/2022 à 11:03:20
    Les veuves électriques - Tome 1 - Deuil atomique

    Sacrée surprise que cet album à cheval entre l’humour potache et la charge politique au vitriol tout droit sorti des Vieux Fourneaux. Encore qu’il serait injuste (malgré tout son talent!) de donner à Wilfried Lupano la paternité d’un genre que le magazine Fluide Glacial a érigé en art. Car dans ces Veuves électriques tout respire le Fluide glacial, du sujet au type d’humour appuyé en passant par les dessins… et les auteurs, tous deux habitués à la maison de Gotlieb et Maëster. On se demande juste ce qui a pu se passer pour que cette série atterrisse chez Delcourt. Passons…

    les auteurs ne vont pas par quatre chemin puisque dès les toutes premières pages l’accident survient. Tragique certes mais sans oublier d’être drôle dans toutes les situations, l’album enlève toute tension et se donne des airs de Duhamel à cette charge énervée contre un pouvoir politique (et policier!). Les auteurs ne cachent rien puisque si aucun nom de ministre actuel n’est cité on reconnaît bien Macron jouant à cache-cache (ou plutôt touche-touche) avec son garde du corps (toute ressemblance…). Tous plus débiles les uns que les autres, les personnages vont foncer dans un engrenage où surnage juste un peu de compassion pour ces pauvres filles bien nunuches. Les journalistes proclament l’attentat après que le maire se soit malencontreusement pris une pancarte sur la tête, l’expert écolo est déclaré terroriste-misogyne après que ses propos aient été détournés, les ministres se déplacent en avion (fonctionnant au charbon à en croire le panache de fumée qui s’en dégage) et le jeune « Tanguy » va de lâcheté en lâcheté. Notre trio de pieds-nickelés bien que victimes de cet emballement multiplie les absurdités, et on rit franchement à cette succession de scènes que d’autres auraient monté en drame social. [...]

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    https://etagereimaginaire.wordpress.com/2021/06/11/les-veuves-electriques-1-deuil-atomique/

    Shaddam4 Le 10/06/2022 à 11:38:32
    Au nom de la République - Tome 1 - Mission bosphore

    Album correctement réalisé mais assez banal, dans un secteur très occupé et surfant sur la succès du Bureau des Légendes. Avec une intrigue un peu chaotique et un manque de personnages secondaires, le pitch semble un peu trompeur. A réserver aux fana du thème, pour les autres on renverra sur Le Tueur ou les albums de Pierre Christin.

    Shaddam4 Le 31/05/2022 à 20:02:01
    Angel Wings - Tome 7 - MiG Madness

    Décidés à prolonger les aventures de leur héroïnes Angela qui cartonnent à chaque album Yann et Hugault sentent manifestement que la recette commence à s’essouffler puisque ce troisième cycle est annoncé en seulement deux tomes, ce qui sera bien suffisant étant donnée la finesse de l’intrigue. On commence à en avoir l’habitude depuis la début de la série, Angela n’est finalement qu’un prétexte à des histoires typiques des périodes de guerre (ici la récupération d’un prisonnier). Je reste très dubitatif sur l’absence de rôle majeur de l’héroïne qui continue à courir, éplorée, derrière les mésaventures de son chéri, au risque d’oublier tout le versant féministe que l’on avait vu sur les précédents cycles. C’est bien simple, Angela apparaît sur sept pauvres pages, en larmes sur la moitié, dans un ration avions/héroïnes assez catastrophique.

    Ne boudons pas notre plaisir, les albums Hugault sont avant tout là pour leurs sublimes séquences aériennes (… pas que, les décors sont remarquables de précision également), mais un tout petit effort scénaristique aurait permis de rendre honneur au personnage éponyme en forçant un poil la vraisemblance historique. Après tout dans un histoire on fait un peu ce qu’on veut! Avec une conclusion qui aurait même pu s’achever en one-shot, il est temps que cette recette se conclue, quel que soit le (grand) plaisir que l’on a à la suivre.

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    https://etagereimaginaire.wordpress.com/2022/04/20/angel-wings-7/

    Shaddam4 Le 23/05/2022 à 13:53:49

    Avec son titre mystérieux et son héros en acier qui n’a peur de rien, Janardana est une nouvelle pépite réussie de bout en bout, qui plaira aux jeunes comme aux plus grands et noue permet de découvrir un auteur très solide à suivre dans la suite de ses projets! [...]

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    https://etagereimaginaire.wordpress.com/2022/05/01/janardana/

    Shaddam4 Le 17/05/2022 à 18:48:29

    [...] Ce gros album où l’on sent une grosse envie de partager un univers si évocateur est peut-être un tournant dans leur carrière, l’ouvrage de la maturité artistique. En se rattachant immédiatement à la révolte des gilets jaunes, les auteurs assument un propos éminemment politique en rappelant ce qu’étaient d’abord les pirates du XVIII° siècle: des hommes révoltés contre un système injuste et qui rêvaient de fraternité. Ce n’est pas rien et cela permet de comprendre le traitement scénaristique qui marque la seconde surprise.
    Si l’ouvrage comporte bien son lot de batailles navales, de combats sanglants et ses plans de navires majestueux, le narrateur, un étonnant idéaliste au regard de rêveur donne le ton d’un voyage où l’on souhaitera longtemps le dénouement heureux pour ces hommes et femmes intègres. Le cœur du projet n’est ainsi pas une nouvelle course épique comme l’a si bien fait Lauffray sur son Long John Silver. Au travers d’un échange épistolaire qui parsème les parties nous assistons à l’affirmation de la liberté des hommes, qu’ils soient africains arrachés à leur terre ou marins soumis à la tyrannie de leur capitaine sur ces navires militaires ou marchands qui étaient un absolutisme en miniature au service du Capitalisme naissant et des puissants engagés dans un commerce maritime mondial. Le parallèle est ainsi évident mais subtilement tracé avec notre époque, par un scénariste qui connaît son Histoire et les fils qui lient les époques.[...]

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    Shaddam4 Le 06/05/2022 à 11:11:09
    Spider-Man - Collection anniversaire - Tome 9 - Spider-Men

    Assez faible album, tant dans les dessins (Pichelli a beaucoup progressé depuis) que dans une intrigue timbre-post qui n'est là que pour justifier la rencontre entre les deux spider-men Miles Morales et Peter Parker. Principal intérêt: la source évidente pour les films Far From Home et A new generation. Hormis cela, à réserver aux fana de l'homme-araîgnée.

    Shaddam4 Le 02/03/2022 à 09:34:50

    Le temps passe, la mémoire trépasse. Ce très volumineux et dense album est là pour nous le rappeler. Cruellement, salutairement, comme un uppercut démocratique qui nous réveille d’un trop long cauchemar. Dès sa préface, le scénariste des 5 Terres et de Robilar (où il proposait déjà sa version du monument La ferme des animaux d’Orwell) se fait modeste, ne se réclamant ni du journalisme ni du politologue, demandant la bienveillance des lecteurs qui trouveront quelques facilités, quelques erreurs de dates dans cette quantité phénoménale de sources (dont les références seront listées en fin d’album). [...]

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