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Jens Harder poursuit son Grand Récit avec l’illustration des 2000 dernières années en 2000 images. Le résultat est toujours aussi titanesque et impressionnant même si mon intérêt décroissait un peu à mesure que s’approchait la période contemporaine, qui m’est plus familière et suscite forcément moins d’émerveillement. De ce point de vue, « Alpha » et « Beta 1 », qui balayaient des périodes beaucoup plus larges et moins scolaires, avaient forcément plus d’ampleur et de mystère.
Par ailleurs je rejoins l'avis du chroniqueur, l'Afrique noire est quasiment absente de cette chronologie, autrement que par le tragique mais sempiternel biais de l'esclavage.
Ces réserves mises à part, l’ensemble reste bien évidemment passionnant et unique en son genre. J’ai d’ores et déjà une immense curiosité pour le prochain chapitre, Gamma, qui explorera le futur…
Même si ce troisième chapitre m'a semblé le moins abouti, je conserve ma notation maximale, ne serait-ce que parce qu'il est bien évidemment "indispensable", selon les critères du site, à qui possède les deux premiers.
Superbe épisode, particulièrement sombre et poignant.
Un dessin qui évolue de nouveau légèrement mais reste toujours aussi expressif et détaillé. Un scenario intelligent, impitoyable, qui interpelle par sa justesse. Il approfondit encore davantage le personnage d’Elijah Stern en en faisant une figure d’un nouveau genre, inclassable, intègre, à la force intérieure inébranlable ; un être presque tragique.
Deux observations, enfin :
J’ai noté que Stern n’a plus ses fameuses bottes dans cette aventure. Un détail, certes, mais j’ai trouvé ça dommage dans la mesure où elles faisaient un peu partie de sa personnalité. Messieurs Maffre, je réclame leur retour !
Autre détail mais esthétique : les croix noires sur rouge en haut du dos (de la "tranche") des albums commencent à former, quand tous les tomes sont alignés côte à côte, un cimetière à l’aspect gothique et crépusculaire, c'est magnifique, j’adore !
« Stern » est définitivement une série de premier plan, qui a raison de prendre son temps pour s’ancrer parmi les grandes sagas de la BD contemporaine. Bravo !
Encore un titre qui était sur ma liste depuis des années et qui vient enfin de rejoindre ma bibliothèque.
Ce n’est certes pas une lecture rigoureusement indispensable, mais c’est un album on ne peut plus réjouissant, à condition bien-sûr de ne pas être complètement allergique au genre pulp dans le sillage duquel « Lorna » se positionne clairement. On pourrait ne rien attendre d’une telle publication mais le récit s’avère beaucoup plus intéressant et complexe que la couverture le laisse imaginer. Et c’est surtout du grand Brüno côté dessin ! L’ensemble est absolument magnifique et se dévore avec un plaisir coupable.
Une petite pépite dans laquelle monsieur Pétrimaux a très certainement pioché quelques idées en faisant son « Il faut flinguer Ramirez »…
Avec « Frontier », Guillaume Singelin a réalisé en solo une œuvre exceptionnelle qui rappelle la prouesse de son complice Mathieu Bablet en 2016 avec « Shangri La ».
Visuellement, c’est dément. Sans frime, sans poudre aux yeux, sans effets informatiques artificiels. Un univers graphique inimitable et particulièrement efficient dans ce contexte d'exploration du système solaire, reconnaissable au premier coup d’œil pour qui a lu et aimé P.T.S.D, son précédent opus et BD déjà exceptionnelle elle aussi.
Guillaume Singelin a le don de créer des ambiances incroyables juste avec son trait et les innombrables détails qui vivent dans ses cases. Et ce n’est pas que du remplissage, loin de là. Ce fourmillement d’objets en tous genres qui trainent un peu partout, crée un bazar familier et chaleureux qui réchauffe considérablement les planches et rend compte de l’étroitesse des coursives et de la fragilité des stations orbitales, faites de bric et broc, exigües, malpropres, constamment réparées avec les moyens du bord. Tout ce bordel agit comme un marqueur humain dans la froideur spatiale. Cela favorise une grande proximité avec le lecteur et participe à son immersion.
Ce style, fait de partis pris forts et assumés, est unique. Et je contre par avance ceux qui ne manqueront pas de le critiquer : les personnages, avec leurs bouilles de cartoon, entre Dragon Ball et Mafalda (visages enfantins, pas de nez, pieds minuscules…), ne plairont pas à tout le monde, c’est une évidence, mais ils sont la signature d’un auteur accompli, génial et singulier qui n’a pas à prouver qu’il « sait » dessiner.
Auteur dont le scenario est en parfaite adéquation avec son mode d'illustration. A la fois intimiste et foisonnant, le récit brille par sa simplicité et sa cohérence. Les protagonistes ont chacun leurs raisons d’agir, et de chacune de leurs actions découle une conséquence. C’est sobre, universel, authentique.
Il ne faut pas attendre de « Frontier » un space-opera jodorowskien en Cinémascope… Toute la dimension SF, formidablement mise en scène, est toujours soutenue par des valeurs humanistes de liberté et d’émancipation. Sans jamais que de la pyrotechnie ou un jargon pseudoscientifique ne vienne ternir le propos. Il s'agit juste de trois personnes qui, s’étant rencontrées par hasard, vont tenter de vivre leurs vies selon leurs convictions. Ce n’est que ça mais c’est tout ça.
5 étoiles parce que Guillaume Singelin m’a offert précisément ce que j’attends d’une BD : du rêve, de l’évasion, de la réflexion, de la surprise, de l’émotion, de la beauté, sans jamais savoir à quoi m’attendre en tournant la page. Merci !
Je finirai en tirant mon chapeau au label 619 et à l’éditeur, qui après « Hoka Hey », nous gratifient d’un nouveau bijou à la maquette soignée (superbe couverture et titre en relief argent sur jaune) pour un prix, encore une fois, très abordable. Re-merci !
La chronologie du 1er volume de « Beta …civilisations » va des des tout premiers regroupements préhumains jusqu'à l''an 0.
Comme précisé dans la postface, l’album est composé de 2000 images, toutes plus évocatrices les unes que les autres, piochées dans l’ensemble de l’iconographie disponible et réinterprétées par l’auteur. Chercher les centaines de références au fil des pages devient d'ailleurs vite jubilatoire et j’ai été agréablement surpris d’y retrouver « Pour l’empire » de Merwan et Bastien Vivès, par exemple, ce qui prouve l'éclectisme de ses sources.
Beaucoup plus qu’un livre d’images, donc, « Beta » est une vertigineuse plongée dans nos plus labyrinthiques origines. Jens Harder réussit le prodige de questionner notre humanité, autant sur le plan philosophique que métaphysique, tout en restant parfaitement accessible à tous.
Peut-être moins spectaculaire qu’« Alpha » mais tout aussi indispensable.
Encore un excellent tome. Le travail de Jérôme Lereculey est admirable et se bonifie continuellement : découpage fluide, cadrages efficaces, plans variés, perspectives, jeu des personnages, costumes et décors, souci du détail... Tout est propre, dynamique, expressif.
Le scenario est toujours aussi haletant et promet un final sanglant. Mis à part l’arc narratif de la jungle, qui convergera probablement vers les autres, le cycle de Lys est pour l’instant centré sur une guerre de clans sauvage et imprévisible. Tous les coups semblent permis et à ce stade, il serait risqué de s’aventurer à faire des pronostics sur les chances de survie des uns et des autres. L’écriture est pour cela d’une efficacité sans pareil.
Franchement, je n’en n’attendais pas tant en me lançant dans cette série dès la sortie du premier tome. Je n’aurais jamais imaginé qu’elle soit de cette qualité-là, surtout avec une parution tous les 4 mois ! Le plus appréciable étant l’équilibre idéal entre un récit complexe aux dialogues intelligents et ciselés, un rythme étudié pour permettre de développer la psychologie des personnages (point essentiel à mes yeux) et un univers graphique riche et approfondi.
Un dernier mot pour parler des couvertures que nul n’a encore commenté ici : elles sont absolument parfaites ! Splendides déjà, avec leur vernis sélectif flamboyant qui contraste avec la sobriété du décor de fond, et d’une cohérence totale. Elles présentent tour à tour les principaux protagonistes dans des attitudes hiératiques qui décrivent à elles seules la force et l’intelligence qu’il faut déployer pour être un héros des 5 Terres !
A noter pour finir, une faute de français dans la postface sur Œstrae et Shin Taku, (2° page, 2° paragraphe, 3° ligne). Il est bizarrement écrit « part achève », au lieu de parachève, du verbe parachever.
"La chute" est une série post apocalyptique qui se singularise par son background austère, actuel et réaliste, puisqu’il n’y a ni zombie, ni fin du monde, mais un inévitable effondrement de la société provoqué par de multiples facteurs conjugués.
Elle n’est cependant pas parfaite et après 3 tomes, ses défauts sont toujours les mêmes : découpage étrange et narration parfois mal cousue qui provoquent des à-coups dans la fluidité. Mais on pourrait tout aussi bien considérer que c’est le « style Muralt » et il n’est pas non plus dénué de qualités : une histoire plutôt accrocheuse et crédible sans aucun des clichés habituels du genre ainsi que des personnages atypiques qui ne suscitent pas forcément la sympathie. Je mets ce dernier point au rang des qualités, car ces personnages n’ont pas vocation à être des héros intrépides et valeureux. Ils sont comme vous et moi avec leur courage, certes, mais également leurs lâchetés et leurs faiblesses. C’est assez peu fréquent dans le paysage de la BD et j’apprécie la façon dont l’auteur s’en empare et le traite.
C’est à mes yeux une série solide que je continuerai à suivre.
"Bella Ciao", suite et fin.
Baru aura livré, au long de ces trois tomes, un témoignage touchant doublé d’une réflexion intelligente et sensible sur l’espérance, l'opiniâtreté et la résignation qu’il faut, générations après générations, pour enfin devenir « invisible » aux yeux de la société quand on est étranger, et ce, quel que soit son pays d’origine.
La forme est un peu décousue et le dessin parfois trop stylisé mais le message est fort et généreux. A lire absolument.
Voici un avis qui ferait sûrement plaisir à Baru s’il le lisait.
En effet, après avoir acheté le tome 1, j’avais posté il y a deux ans un commentaire plutôt amer en expliquant que ça ne m’avait pas donné envie de lire la suite. Je n’avais pas compris l’intention de l’auteur, ni la forme peu fluide qu’il avait donné à son récit.
Malgré tout, je savais Baru absolument sincère dans sa démarche.
Beaucoup trop d’auteurs n’ont rien à dire… alors quand il y en a un, parmi les bons, qui se donne les moyens de développer sa généalogie familiale dans son contexte historique en trois tomes, c’est qu’il le fait par nécessité et ça ne peut que valoir le coup. Mon instinct me disait donc de persévérer malgré ma déception, et j’ai bien fait de m’écouter !
Ce deuxième épisode est un bijou de truculence et de tendresse. Ce qui n’en n’atténue pas la gravité. La longue et douloureuse histoire de l’émigration italienne est pleine de fantômes et de sacrifices. Baru n’en cache rien mais il le fait avec du cœur, sans jamais s’apitoyer. Il en extirpe la force et la chaleur humaine. Les joies sont simples, la bonne humeur, communicative.
Un excellent album, éclairant et réconfortant. Bravo, et pardon d'avoir douté !
Derrière ce titre mystérieux se cachent deux histoires interconnectées à travers l’espace et le temps : la première est le journal d’Howard Carter qu’il écrivit en 1922 en découvrant le tombeau de Toutankhamon ; la seconde, la liaison que vit une jeune femme avec un artiste à Berlin, dans les années 90, où doit se tenir une exposition sur l’Egypte dont elle est chargée de l’organisation. Elle est studieuse, insomniaque, un peu naïve, un peu perdue. Il est libre, dilettante et enflammé. Leur rencontre sera celle d’une vie.
De ce point de départ nait un album indéfinissable, mélancolique et poétique.
Cependant, tout y est très fugace, à tel point que je ne saurais pas décrire exactement ce qui m’a autant plu. Mais j’ai eu, c’est sûr, un grand plaisir à le lire. La beauté des planches y est pour beaucoup. L’ensemble est particulièrement élégant, voyez la couverture ! La technique de Manuele Fior est toujours aussi admirable et sa couleur, notamment, est superbe.
Mais au-delà, il arrive, on ne sait comment, à capter l’insaisissable : une forme de voyage aux confins de la mémoire intime et collective ; une forme de nostalgie sous laquelle couvent encore, peut-être, quelques braises des années révolues de jeunesse et de passion ; une forme de vertige procuré par la découverte et l’exploration, que ce soit d’un trésor antique ou d’un amour naissant ; une forme de fragilité des sentiments et d’impermanence des existences qui rendent infini l’instant présent…
On peut ne pas accrocher mais j’ai trouvé ça beau et profond, bravo !
Grand admirateur de Jérémie Moreau (voir mes avis sur « La saga de Grirm » et « Penss »), j’ai acheté Les Pizzlys sans la moindre hésitation. Pourtant, cet album m’a décontenancé à plus d’un titre.
D’une part – et c’est une surprise – le dessin m’a franchement déplu. Rien ne m’a semblé bon ou intéressant dans ce trait ultra fin, froid, rectiligne et inexpressif. Pire, les yeux des personnages réduits à de simples tâches noires sont un choix que je n’arrive pas à cautionner. Pourquoi avoir fait ça, qu’est-ce qui le justifie ? Ça me fait penser à une coquetterie d’auteur, gratuite et tape-à-l’œil, plutôt qu’à un dispositif graphique pensé et dicté par l’histoire. Impossible de faire abstraction de ces "yeux", et dans une moindre mesure de ces bouches, mochement noires elles aussi, qui m’ont gâché une partie du plaisir de lecture.
Bref, on est malheureusement très loin du dessin gracile et subtile de Grirm qui m’avait tant émerveillé.
On sent bien que Jérémie Moreau est de ces auteurs qui refusent de se cantonner à un style en cherchant constamment à évoluer, à expérimenter. C’est bien et je n’ai rien contre. Mais là, je n’ai simplement pas aimé ce parti pris qui, pour moi, ne fonctionne pas.
D’autre part le scenario m’a également laissé perplexe. Probablement engourdi par une intrigue lénifiante, je ne suis pas arrivé à savoir où l’auteur voulait en venir. Le propos sur la reconnexion à la nature est quand même d’une grande banalité. Et bien que l'on soit clairement dans une fable, je n’ai pas senti de logique dans l’enchainement des évènements, de rythme narratif qui crée une gradation en termes d’émotion. Le fond d’écologie est intéressant mais n’apporte pas grand-chose qu’on ne sache déjà, rebattu sur tous les media à longueur de journée. Restent les légendes d’Alaska qui contribuent à la dimension onirique et spirituelle de l’aventure.
Le meilleur de l’album est apporté par l’utilisation radicale de la couleur. Des tons essentiellement fluorescents, employés librement. Cela donne des cases surprenantes aux superbes ambiances qui rappellent le spectre des aurores boréales. On avait vu récemment sur l’excellent « Saint-Elme » de Lehman et Peeters à quel point la couleur pouvait façonner l’atmosphère de la planche. Dans cette veine, Jérémie Moreau déploie sans complexe une incroyable palette, qui plus est inattendue dans des paysages enneigés. Cela fait naitre spontanément au fil des pages une indéfinissable poésie, à l’image de la couverture, absolument splendide.
Mais ça ne suffit pas à rattraper la platitude de l’ensemble.
Pour conclure, « Les Pizzlys » est sans doute une belle proposition de bande dessinée mais que je n’ai pas comprise et à laquelle je n’adhère pas. J’en suis le premier peiné. Je continue de penser que M. Moreau est un auteur qui compte mais dorénavant, je ne me précipiterai plus aveuglément sur ses publications, sachant sa capacité à jouer sa propre partition et à déconcerter son lectorat.
Comme beaucoup, je connaissais déjà le fameux naufrage du Batavia, et c’était effectivement un sujet parfait pour une grosse BD d’aventure.
Xavier Dorison, décidemment très inspiré en ce moment, s’approprie cet incident de l’histoire pour en faire un récit romanesque et prenant, en dosant ses ingrédients avec talent. Des personnages bien écrits, du rythme, des dialogues efficaces et une unité de lieu terrifiante : le Jakarta. Ce vaisseau surchargé d’hommes et d’or, qui devient peu à peu l’endroit le plus dangereux du monde pour son équipage et ses passagers tout en restant leur seul et unique salut.
Le scenario repose sur cet équilibre paradoxal d’où nait une tension étouffante. La pagination généreuse permet de la faire progressivement monter au fil des pages.
Le dessin réaliste de T. Montaigne est de très bonne tenue. Parfaitement adapté à l’intrigue, il réussit à faire exister tous les personnages dans une ambiance palpable de claustrophobie, de paranoïa et d’insalubrité.
L’ensemble est de facture classique, sans réelle surprise, mais procure un vrai plaisir de lecture.
La fin étant déjà connue, il faut maintenant que la seconde partie tienne ses promesses pour que le futur diptyque accède au rang de référence auquel il peut prétendre.
Je suis content de poster mon 500ème avis sur l’exceptionnel « Alpha …directions » !
Ce n’est d’ailleurs pas simple d’écrire sur une telle œuvre, qui sort largement des critères habituels. Car il ne s’agit pas à proprement parler d’une BD : aucun personnage, aucun phylactère, aucun scenario. Mais une histoire, une seule, passionnante, déterminante, celle de notre planète, de la naissance de l’univers jusqu’à l’apparition des premiers hominidés. Rien à voir pourtant avec un documentaire National Geographic…
En plus de ses propres illustrations – extraordinaires – Jens Harder puise dans toute la richesse de l’iconographie de l’histoire de l’art, des civilisations, des religions, des sciences, de la pop culture etc… Il y rajoute la poésie et l'intelligence et il le fait avec un talent inouï. Le résultat est incroyable. Une mine de savoirs et une beauté à couper le souffle. Chaque case est un tableau, c’est une merveille !
Absolument indispensable pour qui ne craint pas d’explorer les frontières de la bande dessinée telle qu’on la connait.
Malgré la profusion de titres, le genre post-apocalyptique m’attire toujours et je regarde attentivement tout ce qui sort sur ce thème. J’ai donc immédiatement lorgné sur NeoForest avec curiosité. Le premier feuilletage ne m’avait clairement pas emballé et je ne suis habituellement pas client des scenarii de Fred Duval. C’était donc mal engagé.
Mais curieusement, je l’ai pris quand même, histoire de voir... Eh ben ce n’est pas mal du tout. Une bonne lecture, agréable et rythmée, dont les développements laissent présager une suite intéressante.
J’ai bien sûr lu Thogal, comme tout le monde, mais je ne l’ai pas dans ma collection. Je n’ai pourtant pas hésité à acheter ce hors-série, premier – je l’espère – d’une longue liste, pour replonger dans cet univers mythique avec un autre regard. Aucun regret, même si des références m’ont sans doute échappé. C’est un bon album, particulièrement respectueux, empli d’une certaine profondeur et visuellement très beau.
« Révolution » est une œuvre à part, une de celles que je qualifie d’expérience de lecture. L’entame de ce Livre 2 est exigeante, voire difficile. A tel point que le premier chapitre en est presque pénible : trop touffu, trop foisonnant. C’est très compliqué à suivre. Le dessin, génial mais peu précis, n’aide pas à s’y reconnaitre dans cette foule de personnages. Une telle abondance de noms, de surnoms, de révolutionnaires, aristocrates, officiers, royalistes, patriotes, contre-révolutionnaires… est impossible à mémoriser.
Mais dès le 2ème chapitre la magie opère. Le scenario se fluidifie comme par miracle. Tout ce beau monde et l’environnement de 1791 deviennent peu à peu familiers. Preuve d’une construction parfaitement maitrisée, les quatre mains de Grouazel et Locard aident régulièrement le lecteur en glissant judicieusement dans les répliques quelques rappels nécessaires à la bonne compréhension de l’histoire.
Et si je parlais de magie c’est justement parce qu’on se rend compte au fur et à mesure que cet embrouillamini de dialogues, ce tumulte visuel qui faisait du premier chapitre un tel fouillis est tout simplement la meilleure façon de faire vivre au lecteur la Révolution de façon immersive, en temps réel, à hauteur d’homme, jour après jour, heure après heure. Cette confusion prend donc tout son sens et fonctionne comme un dispositif narratif à part entière. Car – et c’est ce que nous démontre magistralement les auteurs – que fut le déroulement de la Révolution si ce n’est cette effervescence, cette incertitude permanente, ce bouillonnement quotidien où tout pouvait arriver à chaque instant ?
Il y a peu d’action dans ces pages, mais il y a des gens. Certains font la Révolution. D’autres croient la faire. La plupart, surtout, ne la font pas. Ce sont eux que les auteurs s’attachent à suivre pas à pas. Non seulement c’est un point de vue audacieux qui tranche singulièrement avec la vision traditionnelle qu’on en avait jusqu’à maintenant mais c’est aussi très pertinent d’un point de vue historique. Ce décalage est finalement la meilleure position pour observer l’histoire en marche, en saisir toutes les imbrications et les bouleversements qu’elle provoque à chaque échelon de la société sur les gens ordinaires et non plus uniquement sur les grandes figures que les manuels d’histoire ont exclusivement retenues. A part quelques apparitions de Marat ou Lafayette de-ci de-là, et la silhouette quasi muette du roi, aucun acteur historique majeur ne joue les premiers rôles. Juste des gens, des rues, Paris. Les cases grouillent de monde, c’est hallucinant ! Mais les rues, elles, ne sont pas juste des rues : elles sont pavées, pleines de flaques et de fange, bordées de maisons aux pierres apparentes dont on voit les tuiles et les clous sur les portes… Le trait vif, presque esquissé, se pare de texture et d’une densité incroyable. Au-delà de la prouesse graphique, ce n’est pas qu’un décor inerte. Il est vivant, vibrant, mouvant. Comme les 5 cases de la page 210 où Langret se fraye un chemin dans la foule... ou les bateaux de la page 127. Ce sont les deux premiers exemples qui me viennent en tête mais on pourrait les multiplier à l’infini ; c’est un travail de titan.
Quant aux doubles pages qui illustrent chaque chapitre, elles mériteraient toutes d’être sérigraphiées et encadrées. C’est superbe et profondément fascinant !
Le revers de la médaille est que c’est long, très long à lire. Ce n’est pas forcément un défaut d’ailleurs, au contraire quand il s’agit d’Histoire avec un grand H, mais l’amoncellement de dialogues et de détails finit par glisser comme à la périphérie du champ visuel. On est parfois tenté de les passer en lisant un peu plus vite qu’il ne faudrait, juste pour avancer et venir à bout de ce pavé de près de 300 pages. C’est le risque. Personnellement j’ai choisi de prendre mon temps pour ne rien manquer de cet extraordinaire théâtre. J’ai passé plus d’une semaine à le dévorer et en savourer chaque miette.
Les amateurs d’albums ou de séries classiques n’arriveront probablement pas à le lire mais pour ma part, je n’ai pas peur de dire que c’est un des chefs-d ’œuvres de la décennie.
Enième relecture de Bételgeuse…Parfois, je retrouve non sans plaisir certains fondamentaux de ma bibliothèque.
Aldébaran et Bételgeuse font partie des BD que j’ai, que je relis régulièrement mais que j’adore critiquer. Surtout au vu de l’engouement irrationnel que ces albums continuent de susciter auprès d’un grand nombre de lecteurs.
La narration reste, il est vrai, un modèle d’efficacité. Les différents personnages apportent tous leur part à un scénario plutôt solide, construit autour d’enjeux humains. C’est dépaysant et très immersif avec, au centre de la mire, le mystère de la fameuse Mantrisse, plus joli coup de l’auteur.
Si l’on fait abstraction d’une naïveté gluante, la trame est quand même bien foutue et ses qualités sont indéniables, particulièrement sur le plan du rythme et de l’imaginaire. C’est du moins mon avis sur le fond. Voilà pourquoi je parlais de plaisir.
Sur la forme hélas, rien n’y fait, ça ne passe toujours pas. Même si je reconnais être obligé de mettre son œuvre au rang des incontournables, j’assume une aversion au style de Leo.
En dehors d’une esthétique globale totalement périmée, comme calcifiée au début des années 80, je déteste ces affreux rictus qui déforment trop souvent les visages de ses pauvres personnages. Il les voudrait expressifs mais il ne réussit qu’à en faire des masques figés et grimaçants. Finalement, ils ne sont jamais autant réussis que quand ils sont inexpressifs justement, neutres ou pensifs.
Bien pire encore, ces innombrables scènes de nu complétement gratuites qui concentrent tous les clichés du sexisme le plus rance et n’ont strictement rien à faire dans ce contexte de survie. Cette complaisance pour la femme-objet, qui croirait-on, reflète les obsessions d’un autre âge et les fantasmes d’un vieux pervers libidineux – assortis de dialogues ridiculement phallocrates – me met toujours mal à l’aise. Désincarner ainsi ses héroïnes en les rabaissant à un concours de seins, c’est plus proche du salon de l’agriculture que de l’érotisme. C’est, j’imagine, ce qu’adorent les aficionados de Leo. C’est ce qui fait que je ne pourrai jamais apprécier correctement son travail.
Toujours aussi beau…
Félix Delep compose à chaque planche un véritable poème visuel. La douceur et l’expressivité de son trait sont absolument parfaites pour donner vie à ce conte sombre et profond louant la non-violence.
L’histoire progresse avec une belle fluidité même si l’émotion est moins palpable ici que dans le tome précédent. Sur ce plan-là, « Les marguerites de l’hiver » était indépassable. Mais l’ensemble est d’une générosité sans pareil, permettant à tout un chacun, quel que soit son niveau, de prendre part à la réflexion intelligente et salutaire proposée par X. Dorison.
Une série magnifique qui devient carrément magique en édition grand format !
:::: AVIS POUR L'EDITION GRAND FORMAT ::::
Le trait de L. Astier n’est pas des plus fins mais il colle au background et sait lui insuffler de l’énergie et un style graphique de qualité.
Je serais en revanche plus mesuré sur le scenario, comme pour les tomes précédents. La vengeance d’Emily tient la route mais elle n’arrive jamais à capter pleinement mon attention, par manque de crédibilité dans sa trame et ses retournements de situations.
De même, la volonté de l’auteur de vouloir absolument traiter de sujets sociétaux – ici la persécution des Noirs et l’oppression des ouvriers – alourdit le propos puisque ses intentions, certes louables, se devinent constamment. La subtilité n'étant pas forcément son truc...
Malgré cette pesanteur visible sur le fond comme sur la forme, la lecture reste néanmoins détonante et divertissante.
Une série agréable et rythmée qui vaut le coup.
Sur un scénario particulièrement vénéneux de Serge Lehman, Frederik Peeters invente avec "Saint-Elme" un nouveau vocabulaire graphique en parfaite adéquation avec cette plongée dans les tréfonds de la ville de Saint-Elme comme dans ceux de l’âme humaine.
Ses jeux de couleurs presque nocives attaquent la rétine en renforçant l’expérience de lecture. Avec la volonté accomplie de créer une dissonance visuelle qui installe au fil des pages une tension rarement ressentie.
Pas question de réalisme ici, ni sur le fond ni sur la forme. On est beaucoup plus proche de David Lynch que des frères Dardenne ! Et c’est justement tout l’intérêt de cette série unique en son genre. Dans l’impossibilité de se raccrocher à la réalité, en proie à une espèce de cauchemar éveillé, le lecteur sait que tout peut arriver. Surtout avec des acteurs aussi dingues et géniaux que le Derviche et les frères Sangaré, qui rentrent tous trois directement dans mon panthéon des personnages les plus réussis de la BD.
Il est certain que beaucoup vont détester mais j’adore définitivement cette radicalité et la population patibulaire qui hante ces planches. C’est fort. Très fort !
Mais que c’est beau !
La lecture de « Hoka Hey ! » m’a mis le même genre de claque que "Jusqu’au dernier" pour ceux à qui ça parle. Une immersion totale dans un western sauvage et violent, ponctué de respirations poétiques, spirituelles et humanistes.
Et c’est aussi et surtout un choc esthétique. Certaines planches sont d’une beauté irradiante et j’ai passé de longues minutes à les contempler pour m’imprégner de l’atmosphère qui s’en dégage.
Et cet univers graphique si spectaculaire est idéalement relayé par un scenario à la fois simple et captivant où tout est parfaitement dosé : des personnages complexes et magnifiques, de sombres desseins qui infusent au fil des pages, des scènes d’action millimétrées sans filtre ni complaisance, des pauses contemplatives grandioses, des questionnements ambivalents où rien n’apparait jamais évident, de l’émotion en pagaille... Cette histoire, pour simple qu’elle soit, est donc d’une richesse incroyable. Elle déroule avec beaucoup d’intelligence le fil de la quête d’identité et des phénomènes de déculturation et d’acculturation, avec la liberté comme valeur cardinale.
J’avoue tout de même garder quelques menues réserves ici ou là, notamment sur la fin. Elle est tout à fait cohérente mais semble juste un peu précipitée. Cela peut donner un sentiment de raccourci qui contraste avec le rythme général de l’album. Mais qu’il est impossible de ne pas pardonner tant l’ensemble est éblouissant.
Le travail de Neyef, auteur seul aux commandes de ces 224 pages, est vraiment colossal. C’est à n’en pas douter une des BD de l’année. Qui bénéficie en plus d’un superbe travail d’édition et d’un prix, pour une fois, plus que correct. Comme quoi le label 619, même passé chez Rue de Sèvres, reste un gage de qualité.
Bravo Neyef et chapeau bas !
Un 3ème tome chez les primates qui confirme la narration de ce cycle comme un modèle du genre. Les quatre intrigues parallèles s’entrecroisent dans une fluidité exemplaire et mettent l’album tout entier sous tension. Le suspense est permanent, les retournements de situations s’enchainent sur un rythme haletant et déjouent les attentes. Des liens avec les autres Terres et leur histoire commune commencent à être entrevus et promettent d’être passionnants.
Le dessin étant toujours aussi lisible et efficace, rien ne vient pour l’instant gripper cette mécanique savamment construite.
Une série qui commence à être vraiment impressionnante. 4,5/5
Un album savoureux qui met largement en avant Ana Ana, la petite sœur de Pico. L’idée du casting comme fil conducteur et principal running gag est excellente. Pico, de son côté, semble mûrir et ses nouvelles ambitions littéraires le rendent encore plus attachant.
Ce 14ème tome, allégé en jeux de mots alambiqués, est une cure de fraîcheur et de tendresse.
Le moins que l’on puisse dire c’est qu’après une attente interminable de 4 ans, il est plus que difficile sans une relecture attentive des tomes précédents, de suivre les improbables mais géniales tribulations spatiales d’Hazel ! Ce 10ème tome, qui débute un nouveau cycle, demeure aussi foisonnant que passionnant.
Sur le plan visuel, le dessin reste exceptionnel en termes de design et de lisibilité. Il évolue toutefois vers un trait légèrement plus épais, qui perd en précision mais gagne en texture ; c’est pas mal, du coup.
Le scénario, qui garde toutes ses qualités humaines, son ton décalé et son inventivité donne quand même l’impression de se chercher et n’avance pas des masses. Au final pas de déception, l’histoire se tient et de nouveaux personnages apparaissent, mais après une si longue pause, j’en espérais sans doute un peu plus.
Un album de transition, peut-être, avant un coup retentissant au prochain chapitre ?
3ème opus (avec Ailefroide et Le Loup) de ce qu’on pourrait appeler une trilogie montagnarde, « La Dernière Reine » en est largement le plus romanesque.
Jean-Marc Rochette nous livre un long récit, sobre, juste et fort, traversé de bout en bout par une émotion brute.
Le scénario est servi par un dessin superbe dont le trait est devenu de plus en plus fin et précis au fil du temps. Seules les couleurs sont très sombres, trop sombres sans doute. Mais on peut le voir comme un choix délibéré de l'artiste pour donner une tonalité crépusculaire et mélancolique à l’ensemble de l’album.
Cependant, Rochette a suffisamment d’expérience pour ne pas sombrer dans le pathos là où d’autres auraient fait du larmoyant. Privilégiant l’implicite, il s’exprime tout en retenue, sans s’appesantir. Certaines scènes se terminent par des ellipses narratives ou des fondus au noir, comme s’il voulait laisser leur intimité à ses deux personnages. On sent qu’il a d'ailleurs une grande affection pour eux et semble toujours les accompagner avec la plus grande bienveillance. De sorte qu’Edouard et Jeanne forme un couple poignant, soudé au-delà du commun par la sincérité et la force des idéaux.
Le contexte historique, très immersif, est restitué avec soin. S’appuyant sur une documentation solide, les décors (hors montagne) restent discrets mais particulièrement réalistes. Les artistes de l’époque qui jouent un rôle dans l’intrigue, comme François Pompon, Soutine ou Picasso, sont tous aisément reconnaissables. A noter d’ailleurs l’apparition de l’auteur lui-même page 221 sous les traits d’un chasseur.
Enfin et surtout, « La Dernière Reine » est aussi un hymne aux grands espaces, à la faune et la flore sauvage, à une forme d’écologie primordiale. Pour autant J-M. Rochette, auteur engagé à la parole libre et parfois rude, ne nous donne aucune leçon. Le message, induit par la dramaturgie du récit, est là sous nos yeux : non, l’espèce humaine et la nature ne peuvent cohabiter. Le cycle multimillénaire qui nous liait est irrémédiablement rompu. Le lecteur le comprend comme une évidence – et un avertissement – au fil des pages, sans que l’idée ait besoin d’être assénée. Bien aidé en cela par de nombreuses planches muettes qui offrent des respirations contemplatives et poétiques.
Bien que l’on ne puisse pas vraiment les comparer, j’avoue avoir quand même une préférence pour "Le Loup", plus de l’ordre de la parabole, de l'allégorie, alors que la Dernière Reine serait plutôt sur le champ de la tragédie grecque. Mais c’est précisément cette dimension universelle qui devrait interpeller le plus grand nombre et en faire à coup sûr un succès. C’est un album d’une grande beauté, à lire ou à offrir. En revanche il faut garder en tête qu’il en émane une certaine tristesse et une misanthropie à peine voilée.
::::: SPOILERS ! :::::
Intéressant, l’avis de philjimmy et ses références musicales. Moi je n'y ai vu que Mad Max et Apocalypse now. J’avoue que les grosses guitares et les tignasses ne sont pas ma culture… Il faut vraiment être en phase avec Pat Perna et l’univers du rock pour comprendre les subtilités de ce "délire" et le trouver génial !
Personnellement, je ne suis jamais à l’aise quand on utilise Hitler ou le IIIème Reich pour rigoler. Les nazis peuvent éventuellement servir de toile de fond au scenario mais pas comme un ressort narratif plus ou moins gratuit comme c’est le cas ici. Je n’ai toujours pas compris ce que les révélations finales venaient apporter. L’histoire serait-elle différente si El Loco n’avait pas été le fils de… ? Je ne crois pas. Je n’y vois qu’un "truc" pour forcer le côté WTF, fun et rebelle que veut se donner le scenario. Ca ne me parle pas trop, du coup.
Pareil pour les serial-killers, présentés finalement de façon très cool, en tout cas bien plus que leur victime… Même à des fins de divertissement, c’est un point de vue largement discutable, me semble-t-il.
Si je fais abstraction de ces relents presque malsains et que je juge ce 3ème tome sur des critères strictement artistiques (eh oui, je le répète encore, la BD est pour moi une forme d’art!) c'est un bon album. En tout cas il vaut clairement la lecture. Le dessin auquel je reprochais d’être trop rectiligne au premier tome s’est bien amélioré sur ce plan et c’est tant mieux. Il est d’autant plus impressionnant et efficace. Avec un bonus pour les tronches et les expressions des personnages, particulièrement bien trouvées. Les véhicules sont aussi splendides. Bref, visuellement, c’est chouette et ça envoie !
En conclusion, que dire de l’ensemble de la série ? Je ne peux pas m’empêcher d’y voir depuis le début un sous-produit d’« Il faut flinguer Ramirez », lui-même fait à 80% de pif paf boum ! Et sur ce point « Valhalla Hotel » bat son modèle puisque son taux de pyrotechnie et de baston doit atteindre les 95%.
Le ton parodique et décalé est assez sympa, mais difficile quand même de faire plus bourrin. S'il y a une suite, je m'arrêterai là.
J’ai un peu hésité avant d’acheter Slava car je craignais un contexte trop politique et l’environnement pas folichon de la Russie post soviétique...
Craintes complètement infondées !
C’est à un festival d’énergie et d’émotions, entre rires, suspense, étonnement et réflexion que nous convie l'auteur. Pierre-Henry Gomont exploite tout ce que lui permet l’univers dans lequel il a planté cette savoureuse intrigue : des décors somptueux, des ambiances neigeuses intenses, une chaleur humaine roborative, une ironie permanente et tout un tas de trouvailles graphiques, comme les onomatopées rouges en alphabet cyrillique. Et plus que tout, une qualité d’écriture extraordinaire. Il démontre encore une fois son habilité incroyable à manier la langue française pour trouver des expressions et des tournures de phrases aussi poétiques que cinglantes qui servent toujours son propos.
Comme précédemment dans « Malaterre », il y a dans Slava, en plus d'une partie graphique et d'un scénario pointus, ce style littéraire "Gomont", inimitable, qui à lui-seul rajoute une dimension supplémentaire à l’œuvre. La richesse de cette langue donne vie à des personnages irrésistibles qui portent littéralement l’album sur leurs épaules. L’auteur, jouant de leurs antagonismes, provoque des situations souvent inattendues, soit hilarantes et burlesques, soit graves et tendues.
Le fond politique est présent, forcément, mais ne surclasse jamais les péripéties de ce quatuor hétéroclite constamment sur la brèche et déployant des trésors d’ingéniosité, de bravoure et d’opportunisme pour s’éviter de sombrer en même temps que le pays tout entier. Le sentiment de délitement est d’ailleurs parfaitement rendu. Il pourrait être tragique – car réel à cette époque – si l’écriture n’était pas si drôle et incisive. Elle évacue toute lourdeur. De sorte qu’il souffle dans ces pages un vent libertaire, enivrant ; l’ivresse du chaos et l’impunité des actes ; la certitude que, comme le dit le proverbe, la fortune sourira vraiment aux audacieux.
Slava rejoint en cela l’exceptionnel « Ibicus » de P. Rabaté dans lequel, déjà, un petit comptable profitait de la révolution russe pour escroquer son prochain grâce à son intelligence, sa duplicité et son entregent.
Un album d’une générosité sans pareil qui augure d’une série géniale si ce niveau se maintient, ce qui ne fait guère de doute, tant Pierre Henry Gomont se révèle au fil de ses parutions comme un auteur incontournable.
Le changement de ton est radical dans ce 5° volet : Gaet’s délaisse les cadavres en putréfaction pour nous servir un polar ultra tendu à l’ambiance suffocante. Avec toujours plus de ponts entre les différents personnages développés dans les tomes précédents. Le puzzle sera bientôt complet et le final promet d’être saignant !
Si « Albert » avait, de mon point de vue, légèrement marqué le pas, « Fanette » détonne !
Un travail d’écriture vertigineux servi par un dessin qui grimpe encore d’un degré sur l’échelle ouverte de l’excellence.
Une série phénoménale dont on n’a pas fini d’entendre parler…
Darko Macan serait-il un scénariste de génie ? Je pose la question sérieusement tant son 8ème opus m’a semblé flamboyant. Ou inspiré, plutôt. Comment fait-il pour constamment se renouveler ainsi, constamment surprendre le lecteur et nous emmener systématiquement là où on ne l’attend pas ? Cette « mort misérable et solitaire de Mindy Maguire » en est un exemple éclatant ; un petit bijou d’humanité sans filtre, rugueuse et désarmante. Une écriture fine et fluide qui jette une lumière nouvelle, plus chaleureuse, sur l’univers habituellement désenchanté de « Marshal Bass ».
River Bass, qui nous avait accoutumé à plus de noirceur et de cynisme, révèle son empathie à la faveur d’une battue en territoire indien. Escapade au cours de laquelle tous les personnages prennent une ampleur remarquable, à commencer par le rôle-titre, Mindy Maguire. Prostituée en cavale, maladroite et boulotte qui nous en apprend plus sur le prix de la liberté que n’importe quel cow-boy viril en poncho. Puis Cameron Defoe, qui s’avère être beaucoup plus complexe que le boulet empoté qu’il semblait être, et Enapay le Sioux qui ne peut échapper à sa nature prédatrice, pleine de fureur et de tension. A noter que la séquence dans laquelle il mime la bataille de Little Big Horn est exceptionnelle et parvient à captiver avec très peu de moyens.
Un scenario mélancolique et brillant qui questionne la Liberté sous toutes ses formes en prenant le lecteur à contrepied ; comme celle d’une femme, a fortiori une putain, dans cet Ouest dépravé où elle n’est qu’une marchandise ; celle d’un homme de loi à l’éthique variable, piégé entre devoir et conviction ; celle d’un frère, d’un fils, aux épaules trop frêles pour la mission dont il a la charge ; celle enfin d’un indien dont le redoutable instinct de guerrier sombre dans la réalité qu’il est censé combattre. Bref une femme et des hommes presque ordinaires dans ce contexte dont les destins vont se jouer ensemble le temps d’une rencontre. Sans emphase ni héroïsme, et sans jugement aucun, comme toujours dans « Marshal Bass ». C’est justement de cette rudesse âpre et banale que nait l’émotion, palpable dans ce tome.
Pour la première fois, la double planche présente dans chaque épisode arrive tout à la fin comme pour clore en majesté cette parenthèse où le lecteur croit avoir entraperçu une forme de tendresse. Elle n’en n’est que plus belle.
Un propos subtil, des scènes d’action cinglantes au découpage parfait, un deuxième arc narratif orchestré avec une précision jubilatoire qui relance la série en quelques cases. Si l’on rajoute en plus l’humour de répétition avec la reddition des prisonniers, on obtient un album formidable, mon préféré jusqu’à maintenant. Mais il faut avoir lu et aimé les précédents pour l’apprécier et vraiment comprendre ce qu’il a de si particulier.
A nouveau cycle, nouvelle esthétique.
Je partage l'avis de Nettoyor, le dessin s’est considérablement éclairci et n’a plus grand-chose à voir avec les premiers tomes. On peut déplorer cette soudaine simplification du trait, c'est sûr. Mais au moins, il gagne en lisibilité ce qu’il a perdu en force, c’est déjà ça. D’autant qu’il reste tout de même de haut niveau.
Le scenario subit lui aussi un affadissement notable, tout en conservant heureusement les bases solides qu’on lui connait. Le contexte historique soigné, les différents arcs narratifs, les personnages interlopes et l’atmosphère saumâtre sont tous au programme de ce "Livre IV".
A ceci prêt que le Triste Sire lui-même n’a plus le premier rôle et se retrouve étrangement transparent et relégué aux arrière-plans.
L’ensemble s’est donc amplement dévitalisé et c’est assez regrettable tant cette série a su façonner sa marque dans un registre de polar médiéval, crépusculaire, amoral et retors, taillé sur mesure pour elle.
J’aurais préféré arrêter là ce tableau quelque peu mitigé mais j’ai gardé le pire pour la fin : des erreurs de dessin incompréhensibles que j’ai du mal à pardonner à un auteur aussi admirable et capé que Ronan Toulhoat. Mis à part les mauvais raccords de décors que j’ai notés page 26, la faute monumentale vient de la balafre du roi Philippe qui a toujours éborgné son œil GAUCHE depuis le 1er tome et qui - alors qu'elle est pourtant bien placée p. 41 - se retrouve du côté DROIT de son visage dans le reste de l’album (bien visible pages 25, 53, 91, 92). Certains le tiendraient pour un détail mais c’est rédhibitoire pour moi. Une fois que je l’ai vu, impossible d’en faire abstraction et mon plaisir de lecture fait pschitt…
Personne ne relit donc chez Akileos ?
Cette seconde partie confirme mon bon ressenti du tome 1 et comble entièrement mes attentes.
L’Heroic fantasy étant depuis toujours un de mes genres préférés, j’ai trouvé en "Ténébreuse" une histoire magnifique, puissante et tragique et je l’ajoute sans hésiter à la longue liste de mes ouvrages de référence.
J’ai pu lire ici ou là que ce serait mièvre... Ce n’est aucunement le cas. Et je plains ceux dont le regard ne porte pas plus loin. On n’est évidemment pas dans une de ces fresques peuplées de monstres cornus, magiciens, elfes et champs de batailles sanguinolents. Le registre d’Hubert est beaucoup plus intimiste, plus humain. Et infiniment plus subtil. Oui, "Ténébreuse" est à sa façon une histoire d’amour. Dramatique, impie, fatidique mais néanmoins d’une certaine pureté. Et Vincent Mallié l’illustre à merveille.
Je n’ai pas forcément envie d’argumenter à n’en plus finir et de détailler tout ce qui m’a semblé bon dans ces deux albums ; c’est une question de goût. Tout ce qu’il faut savoir c’est qu’il s’agit d’un conte autant que d’une aventure. Acceptons-le en tant que tel sans y chercher de souffle épique ou de lyrisme grandiloquent. Un conte sombre et désenchanté, rédempteur voire libérateur, une parabole riche d’enseignement, de sagesse et de beauté.
Dès l’introduction, le classicisme réconfortant du dessin et la force de la mise en page procure une impression de qualité immédiate. Impression qui ne se dément jamais au fil des pages.
Une chasse à l’homme peuplée de gangsters patibulaires, de politicards véreux et de flics ripoux qui s’appuie sur un héros charismatique et solitaire comme on les aime. Le scenario, plus touffu qu’il n’y parait, offre un suspense jubilatoire au terme d’une aventure violente et tendue, particulièrement bien écrite.
Paradoxalement, il y a d’ailleurs peu de surprise puisque tous les ingrédients traditionnels du road-movie désertique sont attendus et bel et bien réunis, y compris les touches d’humour autour du nom du « chien ». C’est justement ce respect des codes qui met tout de suite à l’aise et procure un grand plaisir de lecture.
Matz maitrise avec brio le rythme et la narration en parvenant à glisser dans cet univers familier des éléments bien à lui qui font toute la singularité de cette histoire. Les auteurs réussissent l’exploit d’en faire une BD complètement originale dans un genre déjà surexploité auquel ils ont su rendre hommage sans tomber dans les poncifs et la facilité.
Je recommande donc sans hésitation ce très bon album dont je ne doute pas une seconde du succès.
Je ne sais pas trop pourquoi je continue à acheter cette série puisqu’elle est destinée avant tout aux adolescents et que ses développements scénaristiques sont parfois difficiles à suivre… Cela dit, sa lecture reste étonnamment prenante.
La partie graphique y est pour beaucoup : le style de Tako donne aux personnages une identité bien reconnaissable et son dynamisme fait merveille dans les nombreuses scènes d’action. De plus, la mise en couleurs remarquable confère aux planches une atmosphère fantastique très immersive.
Enfin, le scenario - basé sur le mythe des Grands Anciens mais très actuel - progresse efficacement tout en dépoussiérant le Necronomicon et l’univers de Lovecraft.
Une série particulière à l’esthétique soignée, qui parvient à se démarquer dans la jungle des parutions post apocalyptique, ce qui n’est pas rien. A lire.
Une superbe fresque qu’on pourrait croire historique tant l’époque est restituée de manière précise et réaliste. Anthony Pastor dépeint la France rurale de 1920 avec un souci poussé du détail. Les décors, par leur austérité, prennent dès lors une place prépondérante. Ils offrent le cadre idoine, âpre et immersif, pour cette course poursuite haletante menée par des personnages à la rudesse bien campée. La confrontation Arpin/Blanca, qui captive par la détermination de chacun à l’emporter sur l’autre, en est le point d’orgue.
La plus grande réussite de l’album est d’associer une intrigue sobre, presque naturaliste, avec une dramaturgie romanesque. Il en résulte une tension, une ambiance qui réussissent à rendre épique la simple fuite, à pied, d’une vieille dame, d’une jeune veuve et d’un adolescent de leurs montagnes savoyardes vers Paris.
Une excellente lecture, pleine de force et d’émotion.
Il y a des BD comme ça… J’en ai même toute une liste. Je les convoite depuis des années mais je ne les achète jamais car je priorise les nouveautés. C’était le cas du « Loup des mers », qui a enfin pu intégrer ma bibliothèque après m’avoir été offert.
Ceux qui lisent mes avis savent que j’ai souvent tendance à m’étaler, surtout quand j’aime un album. Mais, là, curieusement, je ne trouve rien à en dire. C’est juste la quintessence de l’aventure en mer, de l’aventure tout court. Tout y est. C’est magistral. On est proche du chef d’œuvre. Respects monsieur Riff Reb’s !
::::: AVIS POUR L'INTEGRALE :::::
Comme le dit la 4ème de couverture : « Noir et éclatant, monstrueux et magnifique, horrible et drôle, effrayant et fascinant, cauchemardesque et fascinant, affreux et désirable, morbide et captivant… Oserez-vous enter dans l’univers de Foerster ? »
C'est on ne peut plus vrai mais ne réduire Foerster qu’à cela serait oublier un peu vite à quel point c’est bien écrit. La richesse du vocabulaire, les qualités narratives, la poésie cachée dans les dialogues et les situations en font une lecture hors norme. Car derrière ce petit théâtre des horreurs, cette espèce de freak show dérangeant, il y a souvent un fond plus émouvant qu’horrifique, profondément humain.
Bien sûr, toutes les histoires contenues dans cette intégrale - regroupant les albums Fluide Glacial des années 80 - ne se valent pas, certaines étant du pur génie quand d’autres sont plus lourdes et malsaines. Cependant l’univers reste toujours puissant et fascinant.
Ce fut une de mes premières lectures BD de jeune adolescent. Trente ans plus tard, cela n’a pas pris une ride, le frisson procuré par ces planches admirables est toujours intact. Je n'ai pas hésité une seconde à faire l'achat de cette belle édition.
Chapeau l’artiste !
J’ai trouvé « Celle qui parle » particulièrement agréable à lire.
Il faut dire que j’adore ce dessin parfaitement lisible et centré sur les humains. Alicia Jaraba ne s’appuie que sur quelques détails pour personnaliser ses protagonistes, ce qui permet de tous les différencier au premier coup d’œil sans charger les cases.
L’autrice se sert aussi de tout un tas de mimiques pour animer les scènes en rendant les personnages hyper expressifs et très attachants. Comme les nombreux gros plans sur le regard de Malinalli par exemple : l’effet d’exagération produit est percutant et révèle en quelques traits la profondeur de l’héroïne et son état d’esprit.
De manière générale la dessinatrice use d’une grande liberté dans son style, notamment quand il s’aventure vers la caricature. Cela rend le ton bienveillant et résolument optimiste. Certaines scènes en deviennent quasiment comiques et contribuent au plaisir d’une lecture vivante et légèrement décalée, en l’éloignant judicieusement d’une stricte biographie.
Enfin, la mise en couleur est également superbe. Des teintes subtiles et lumineuses qui restituent l’exotisme du paysage et définissent chaque ambiance. Que ce soit sous le soleil, la pluie, de nuit, en intérieur, l’atmosphère est prenante et s’impose constamment comme un élément narratif.
En ne laissant ainsi transparaitre que l’essentiel, le travail graphique d’Alicia Jaraba est un modèle de clarté, d'efficacité et de fluidité.
Le scenario est en pleine cohérence avec les illustrations. Privilégiant la légende, il ne prétend jamais être rigoureusement historique mais suit une chronologie des moments marquants qui firent basculer le destin de celle appelée "La Malinche".
C’est écrit avec épure et honnêteté intellectuelle. Plutôt que de renter dans les controverses qui entourent le personnage, l’autrice évitent tous les écueils en ne se concentrant que sur ce qui est réellement important et justifie l’album : la place déterminante du langage et l’ambiguïté du rôle-clé qu’a joué la Malinche, bien malgré elle, auprès de Cortès. Si Alicia Jaraba prend forcément parti pour son héroïne, déchirée, déracinée, seule face à des responsabilités écrasantes, elle ne juge personne. La situation intenable dans laquelle est placée Malinalli et le simple fait qu’elle y survive suffit à faire d’elle une femme certes extraordinaire mais qui surtout, emportée par le tourbillon de l’histoire en marche, ne se dépare jamais de ses valeurs et son humanité.
Pour toutes ces raisons « Celle qui parle » est donc un album qui a du sens, riche, beau et pleinement abouti. Même si cette (fausse) simplicité - un peu à l'image de "Peau d'homme" ou "Géante" il y a quelque temps - pourrait décevoir certains lecteurs avides de grand spectacle.
Une belle réussite en tout cas, bien éditée par Bamboo, bravo !
4,5/5
J’ai lu et plutôt apprécié la plupart des Lapinot mais je trouve ça juste sympa, sans plus (sauf 'Vacances de printemps' que j’adore).
Tout ça pour dire que « Par Toutatis ! » est le premier Lapinot que j’achète, alléché par la parodie d’Astérix. Sans aucun regret, c’est un bon album.
Et c’est beaucoup plus qu’une parodie, en fait. On pourrait même en faire une longue analyse tant il y aurait à dire sur les parallèles réalité/fiction, construction/déconstruction du mythe et la mise en abîme de la BD dans la BD.
Si l’on y rajoute les anachronismes et des scènes bien connues recuisinées à la sauce Trondheim, on obtient un album original, drôle, malin, qui ne se contente pas de s’appuyer sur Astérix pour exister, mais au contraire rajoute une nouvelle pierre à l'édifice qu'ont bâti Goscinny et Uderzo. C’est ce dernier aspect qui vaut mes 4 étoiles, car pour le reste, je ne suis pas plus emballé que d’habitude par le dessin, fidèle à lui-même.
En conclusion un album à découvrir sans hésitation mais à ne pas mettre entre toutes les mains, la violence (parfaitement justifiée) de certains passages étant volontairement gore.
Cet album est assez incroyable à plus d’un titre.
Première qualité, il ne ressemble à rien de connu, bien qu’il coche quand même quelques cases du genre post-apocalyptique : une maladie mortelle, oui. Une humanité décimée, oui. Des survivants en perdition, oui. Mais le référentiel s’arrête là. Tout le reste n’est que surprise et découverte.
Un œil au titre et à la couverture suffit à comprendre qu’on ne sera pas dans Walking Dead…
Jonathan Case fait une tout autre proposition : à travers les yeux d’Elvie, 10 ans, petite fille précoce et intrépide, on suit l’extraordinaire migration du fameux papillon Monarque à travers les Etats-Unis, dont Flora, une biologiste qui éduque et protège la fillette, espère tirer un vaccin. Une quête semée d’embûches, forcément, mais aussi de peur et d’espoir, de remise en question, de rires et de poésie.
Ce qui m’amène à la deuxième qualité : la mise en page originale et inventive. L’auteur fait régulièrement des focus sur le carnet de bord d’Elvie qui contient ses dessins, ses observations et sa connaissance de la Terre en l’an 2101. Et comme le scenario repose sur une base scientifique plausible, c’est particulièrement instructif. On en apprend énormément sur les papillons bien-sûr, mais aussi sur les plantes ou les étoiles avec plein d’astuces de survie dans la nature. Ce procédé très immersif fonctionne à la perfection.
Enfin, preuve d’un scenario pleinement abouti, cet album possède plusieurs niveaux de lecture. Quel que soit son âge, « Les petits monarques » peut être lu avec le même plaisir. Malgré la violence sous-jacente, pas un seul coup de feu n’est tiré et les confrontations les plus rudes se déroulent hors champ. Jonathan Case maitrise fermement son propos sur 250 pages sans jamais se disperser ni perdre de vue les valeurs d’humanisme et de bienveillance qu’il lui insuffle.
Aucune complaisance, donc, mais aucune sensiblerie non plus ! Les personnages ont des caractères bien trempés, le récit est palpitant, intelligent et le rythme reste intense de bout en bout.
Seul petit bémol pour moi, j’avoue ne pas être un grand fan du dessin. Autant je sens l’auteur très à l’aise sur les visages, expressifs et franchement réussis, autant les véhicules et certains éléments de décors m’ont beaucoup moins convaincu. Cela dit l'ensemble de la partie graphique est cohérent et bien mis en couleur. Le dynamisme des cadrages, notamment, donnent une belle énergie aux planches.
Si toutes ces caractéristiques vous parlent, ne passez pas à côté, c’est sans doute l’un des albums de l’année. Dans tous les cas, même pour les moins jeunes, il est à lire absolument.
A garder en tête : c’est aussi une BD parfaite à offrir !
Scénario solide, personnage charismatique, rebondissements, dessin au top, "Mister Mammoth" avait vraiment tout pour être une grande BD. Sauf que…
Pourquoi, mais pourquoi est-ce aussi court ?!?
Deux fois 48 pages. C’est nettement insuffisant : l’intrigue est comme survolée, les personnages secondaires ne sont qu’entraperçus et les révélations finales, pourtant percutantes, sont expédiées en quelques cases, format oblige. Cette enquête bien tordue aurait pu être jubilatoire avec les développements supplémentaires qu’elle méritait.
Cela reste une lecture agréable mais ces 2 excellents auteurs étaient capables de produire ensemble un chef d’œuvre, ce qui, il faut le dire, n’est pas le cas. La prochaine fois ?
J’avais lu ce 3ème opus de Melvile sans connaitre les deux premiers tomes. Je réévalue donc à la hausse mon appréciation et ma note car je n’avais pas pu saisir toute l’ambition, la complexité et la maitrise de ces histoires parallèles. Au regard de la série entière, « L’histoire de Ruth Jacob » vaut ses 5 étoiles tant le travail de Romain Renard est exceptionnel.
Il a créé un univers unique, à la fois réaliste et fantastique, tentaculaire et intimiste, peuplé de personnages authentiques et touchants qui s’entrecroisent sans le savoir. A travers eux, son récit convoque la mémoire, la culpabilité, les non-dits, des sentiments troubles qui résonnent en chacun de nous et dont nous nous accommodons tous à notre façon.
La bourgade de Melvile elle-même semble agir sur les humains – comme la planète Solaris dans les films du même nom – et les pousse à se révéler malgré eux. Mus par cette force inconnue, prisonniers de leurs passés et d’un destin qui ne leur appartient pas, leurs vies se mettent un jour à vaciller et un détail les fait basculer unes à unes vers la vérité. C’est poignant.
En tout cas je n’ai jamais lu d’équivalent jusqu’à présent de ce qu’a réalisé Romain Renard avec « Melvile ». Bravo !
Que Romain Renard est fort !
Dès l'entame de l'album, il fait preuve d'une subtilité rare pour introduire et développer son intrigue. En quelques regards, quelques silences et quelques étrangetés, l'ambiance est posée.
Tout est nuancé, mesuré, précis et d'une fluidité exemplaire. Cette élégance graphique et scénaristique qui laisse une place importante à l'oeil du lecteur m'a définitivement accroché.
Concernant le dessin, un trait aussi réaliste continue d'étonner et provoque parfois une sorte de sidération. Mais loin de se complaire dans sa virtuosité, chaque posture, chaque expression de visage est porteuse de sens et sert le récit.
Il en va de même pour les dialogues dont le moindre mot est pesé. Quel que soit le contexte ils apportent toujours des éléments renforçant le caractère ou la psychologie des personnages. L'auteur installe une telle proximité avec eux qu'ils en deviennent plus vrais que nature.
Le tout serti dans le décor majestueux de la forêt cernant Melvile, cette petite bourgade perdue à la Twin Peaks. En témoignent les 11 planches muettes au 2/3 du livre, d'une beauté magique, seule respiration dans un scenario ne laissant aucune échappée.
Malgré une histoire somme toute très simple, la tension est omniprésente et devient par moment suffocante. Ce climat est alimenté par la dimension fantastique qui sous-tend l'ensemble et vient troubler la perception des protagonistes autant que celle du lecteur. Saura-t-on ce qu'il se passe réellement à Melvile ? Qui voit quoi ? Et surtout, qui est ce qui et quel est ce quoi ?
Quand je lis Melvile je me rappelle pourquoi j'aime autant la BD.
:::: SPOILERS ::::
C’est vrai que c’est cool de retrouver les personnages et l’univers de La Quête, difficile de bouder complètement son plaisir. Sauf que Le Tendre pratique un art du recyclage bien à lui. Je vais encore faire le parallèle avec la série-mère mais là, c’est le scénario lui-même qui m’y renvoie :
On retrouve donc Mara dans la même situation que dans « La conque de Ramor », le nez plongé dans le même grimoire, mais pour y découvrir un autre secret caché. Ah. Cette fois-ci ce n’est plus un oiseau qu’il faut aller chercher mais une graine. Ah... Pour "affaiblir la menace du dieu Ramor". Ah ! Par quel moyen ? Sais pas, on n’en apprend pas plus.
Je continue : il se trouve que cette graine pousse dans l’estuaire du fleuve Dol. Tiens, ça ne vous rappelle rien ? Eh oui, « Le Rige » bien-sûr ! A moins qu’un fleuve n’ait deux estuaires, c’était déjà là que nichait l’oiseau du temps. Sauf qu’à l’époque s’y dressait le majestueux Doigt du ciel, gigantesque pic rocheux enraciné ici depuis l’aube des temps. Alors pourquoi n’est-il pas là quelques années plus tôt ? Mystère. Nulle trace de la jungle du territoire du Rige non plus, soit dit en passant…
Bref, et qui se cache par là pour garder la fameuse graine ? Fol de Dol évidemment, le même qui apparaissait dans chaque album et barrait l’accès au Doigt du ciel dans « Le Rige ». Le fan-service est assuré ! Je note que Bragon avait déjà rencontré Fol, du coup, du moins sa voix. Pourquoi ne le reconnait-il absolument pas dans « La conque de Ramor » alors, puisqu’il a la même et inimitable façon de s’exprimer ? Un mystère de plus, un mystère de trop.
Ces incohérences et ces facilités me fatiguent. Et encore je n’ai pas parlé de cette histoire de secte sur laquelle repose toute la 2ème saison, dont aucune mention n’avait jamais été faite dans la quadrilogie originelle, à l'encontre de toute logique.
Donc oui, d’accord, tout ça reste sympa et bien dessiné. Mais 8 tomes là où 4 auraient déjà très largement suffi, c’est trop cher payé en temps et en argent pour tenter de prolonger artificiellement la légende de « La quête de l’oiseau du temps ».
Il n’y a plus qu’à espérer que le dernier volet soit, lui, vraiment à la hauteur. En attendant les alléchants « Après la quête ».
J’ai découvert Melvile avec le tome 3 et j’ai immédiatement su qu’il me faudrait la série complète. Dès le lendemain, j’achetai les deux premiers chapitres.
« L’histoire de Samuel Beauclair » est un régal de lecture que je conseille à tous.
L’univers de Romain Renard est construit avec une maitrise totale sur des bases simples mais extrêmement solides : une esthétique hyperréaliste aux couleurs mélancoliques, une ambiance hypnotique et pénétrante, un scénario plein d’ombres, de silences et de secrets, un monde mental au bord du vertige, légèrement flou, ou la réalité n’est jamais complétement certaine. C’est superbe !
« T’zée » fait partie des grandes œuvres qui auront sans doute du mal à trouver un public.
Pour apprécier et saisir la force de cet album, il faut déjà connaître a minima l’Afrique. Or, qui s’intéresse vraiment à l’histoire de ce continent, ses peuples, ses cultures ou ses croyances ? Qui connait ses dictateurs, ses luttes d’indépendances, ses accointances avec la France, le Liban ou la Chine ? Car il est ici question de tout cela.
Et cette tragédie africaine – comme son sous-titre l’indique – EST fondamentalement africaine. Elle met en scène de façon tout à fait réaliste (et en 5 actes comme il se doit) les derniers soubresauts d’un dirigeant autocratique, mégalomane et corrompu. Après sa chute, ce qu’il reste du clan présidentiel est retranché dans son palais et assiste, impuissant, à la dislocation et l’embrasement des régions, livrées aux rebelles. Il n’est alors plus question que de sauver sa peau. Mais d’autres enjeux surgissent inopinément et un piège mortel se tisse.
Si le pays n’est jamais nommé cela pourrait se passer dans n’importe quel état du continent, tant ces régimes post-colonialistes s’y sont maintenus de partout, des années 60 à nos jours, avec l’appui de sombres officines politicofinancières occidentales.
Et Appollo, qui a vécu plusieurs années là-bas, le restitue avec beaucoup d’intelligence et d’acuité. Inspiré de « Phèdre » de Jean Racine, son récit est précis, sec, implacable. Y compris dans la théâtralité parfaitement maitrisée des dialogues et des situations. Chaque protagoniste est dans son rôle et incarne avec lui un pan du drame. Tout se joue sous le regard du « fleuve immense et éternel », élément de décor allégorique, immuable, indifférent aux piteuses intrigues du genre humain.
Toutefois, malgré son enracinement dans la culture africaine, cette histoire a valeur de conte contemporain et possède une ambition et une portée universelles. Comme le précise le scénariste dans sa postface : « Phèdre et Hippolyte, Thésée et Théramène, Aricie et Œnone, tous les personnages de Racine sont zaïrois. »
Une portée universelle certes, mais à condition d’avoir quand même de solides bases littéraires...
A ce texte rigoureux donc, répond idéalement le dessin de Brüno. Élégant, puissant, il atteint par son épure une forme de perfection. Il s’en dégage un équilibre hors du commun. La classe absolue.
En conclusion « T’zée » est une grande œuvre, j’insiste, mais très singulière, presque étrange. Accessible sans être grand public, sérieuse, multi-référencée, en appelant autant à la réflexion qu’à la contemplation… bref, une lecture édifiante, visuellement superbe, mais assez exigeante.
Comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire, j’ai l’impression d’avoir raté mon rendez-vous avec cette série qui connait un franc succès – sans doute mérité – mais me laisse perplexe depuis le début alors qu’elle avait tout pour me plaire.
L’excellent dessin de Dimitri Armand n’est pas en cause, au contraire c’est un régal pour les yeux.
En revanche je ne suis jamais parvenu à accrocher à l’histoire de Tristan Roulot. Ce 3ème tome m’a semblé à la fois plus intéressant puisque s’y lèvent un par un les mystères sur la vraie nature du convoyeur, mais aussi plus anecdotique : la quête de Minerva, s’exposant aux pires dangers pour retrouver son amour perdu de façon presque romantique, semble complètement décalée au vu du contexte (survie, fin du monde) et de ses actes (violence extrême). J’ai du mal à voir les enjeux, du coup, et où cela va mener…
Cela dit, je reconnais que ce scénario est vraiment original. Il est complexe, relativement cohérent, déjoue les attentes et dénote singulièrement dans le paysage de la BD post apocalyptique. « Ces ténèbres qui nous lient » m’a enfin donné envie de connaitre la suite !
Toujours aussi prenant, ce 2ème épisode chez les primates fait preuve d’une maitrise totale du récit comme du graphisme. Le découpage, notamment, est parfait et permet une fluidité remarquable entre les différents arcs narratifs.
Le personnage d’Alissa, mutique et ambigu et celui d’Hisa, aussi perfide que redoutable, se font idéalement pendant. Ce duel à distance apporte une dimension humaine intense à l’intrigue.
Un plaisir de lecture constamment renouvelé tome après tome. Une série exceptionnelle.
Vraiment sympa cet album !
Il y avait de toute façon peu de risques d’un ratage avec ces deux-là : Matt Kindt, scénariste exigeant et pointu et Jean-Denis Pendanx, excellent dessinateur qui s’améliore davantage à chaque parution.
Décors, ambiances, ton, rythme... ils cochent toutes les cases. Un ensemble très plaisant à lire couronné par le personnage de Mammoth qui a un potentiel aussi énorme que sa silhouette. Je ne serais d’ailleurs pas surpris qu’une série voit le jour après le second tome à paraitre en juin.
Cela dit, c’est pour l’instant beaucoup trop court pour se faire une idée. 48 petites pages et 20 mn de lecture à tout casser… Espérons juste que ces bonnes intentions se confirment. A suivre.
Tous les bédéphiles font la même expérience : malgré notre vigilance, des BD majeures arrivent toujours à passer sous nos radars sans qu’on ne comprenne ni comment ni pourquoi. On a beau se tenir au courant, consulter des sites spécialisés, magazines ou librairies, rien n’y fait, on loupe quand même le coche… C’est le cas de « Melvile » en ce qui me concerne. Une série apparemment bien connue depuis des années et encensée par la critique, dont j’ignorais complètement l’existence.
Mais il n’est jamais trop tard ! D’autant que « L’histoire de Ruth Jacob » peut se lire en one shot.
J’ai vraiment accroché à cet épais album qui rappelle d’autres excellentes références mais possède une identité bien à lui. L’écriture est un modèle d’équilibre entre fluidité et complexité narrative, drame intimiste et thriller poisseux.
La partie graphique est d’une beauté pénétrante. Le style cinématographique renforce la précision et le réalisme de l’univers imaginé par Romain Renard et immerge le lecteur dans une ambiance quasi fantastique, parfois solaire, parfois flippante, mais toujours envoûtante.
Réunir à la fois un dessin d’une telle maestria et un scenario aussi riche est très rare de la part d’un seul auteur. Très peu en sont capables et cela force le respect. « Melvile » est une œuvre franchement impressionnante.
Je vais de ce pas me procurer les deux premiers tomes pour me replonger dans cette atmosphère à l'esthétique mystérieuse, magnétique et fatale.
La 1ère scène du 1er tome donne le ton : 4 doubles pages sur fond noir à l’esthétique surpuissante, serties d’un texte minimaliste mais calibré pour plonger le lecteur dans le mystère et l’angoisse. Cette tension ne fera que s’intensifier au long des deux volumes jusqu’au dénouement final dans un crescendo infernal.
Le récit écrit par Lovecraft en 1931 n’évite pas certaines descriptions à la limite du grotesque, époque oblige. Mais elles s’inscrivent dans une trame complexe qui réussit à rester parfaitement réaliste grâce à une myriade de détails tous plus effrayants les uns que les autres. L’écriture est d’une maitrise absolue. Sa mécanique narrative implacable (chaque nouvel élément découle du précédent) tient en haleine continuellement. Le lecteur assiste impuissant au cauchemar éveillé du jeune Robert Olmstead, qui malgré son courage et ses ressources, s’enfonce toujours plus avant dans le piège d’Innsmouth qui se referme inextricablement sur lui.
Gou Tanabe livre avec ce diptyque sa plus belle prestation graphique. Son dessin, précis et fouillé, restitue d’incroyables décors et révèle page après page l’effroyable vérité en ménageant ses effets avec un art consommé de la suggestion.
Une lecture fascinante, à mon avis le meilleur « Chef d’œuvre de Lovecraft » de la collection.
Un troisième et dernier tome réussi, surtout au niveau des ambiances. Le trait plein d'élégance et d'énergie de Clément Oubrerie, complété par une colorisation vintage, lui permet de bien restituer l'époque et l'exotisme du Moyen-Orient.
Côté scénario, en plus d'une atmosphère toujours très mystérieuse, Julie Birmant anime l'action de dialogues tout en finesse et propose une conclusion inattendue et malicieuse.
Au chapitre des bémols, il est dommage que Renée n'ait pas davantage de caractère. C'est un personnage original et bien trouvé. Elle aurait mérité d'être mise au premier plan avec plus de mordant et de sagacité. L'ensemble de la narration, plutôt feutré au regard de l'intrigue échevelée, aurait d'ailleurs gagné à être plus vif. Le flegme britannique qui s'en dégage est tout à fait approprié mais engourdit parfois le rythme.
Il ne s'agit pas d'une série inoubliable mais c'est une lecture agréable. Savoir qu'une suite de cette trilogie est prévue est une bonne nouvelle. Je poursuivrai l'aventure sans hésiter.
Cette BD est de celles à "double effet".
Premier effet : après un début qui prend son temps pour définir le contexte, le rythme de croisière s'installe avec ce qu'il faut de souffle et de tension. Rien ne manque au décor. Aucun doute alors, on est bien embarqués au cœur d'une bonne vieille aventure de flibuste, efficace et peuplée d'excellents personnages.
Mais c'est à ce moment-là qu'arrive le deuxième effet : l'aventure tourne court et prend un cap beaucoup plus politique. L'action cède la place à une réflexion humaniste faite de dilemmes, de cas de conscience et de convictions. Les pirates se retrouvent traqués, acculés et leurs rêves libertaires ne pèsent plus très lourd. Leur existence même - faite de pillages, certes, mais aussi d'honneur, de dignité et de respect - est un défi aux empires qui n'auront de cesse de l'éradiquer.
Ils ont contre eux l'ordre du monde.
C'est la fatalité de ces vies-là, les derniers feux d'une utopie égalitaire, que Toulhoat et Brugeas mettent en images avec réalisme et beaucoup de générosité dans ce superbe album, haletant, intelligent et dramatique, qui va beaucoup plus loin que ce que les codes traditionnels imposent au genre.
Beau et prenant. A lire absolument !
J'ai trouvé ce nouveau tome moins intense que les précédents.
Le dessin est toujours aussi bon pour les personnages et les éléments de décors mais il m'a semblé un peu moins spectaculaire en termes de lumières et de cadrages. Autre exemple, beaucoup de fonds de cases neutres, uniformément bleus ou gris, auraient mérité plus de textures et de profondeur.
Cependant, même si J. Homs nous avait habitué à encore plus de virtuosité, son talent n'est évidemment pas à remettre en cause. C'est clairement à la précision et la force de son trait que la série doit son succès.
Le scénario part lui aussi sur des bases plus simples. Les 2 arcs narratifs ne réservent guère de surprise pour l'instant. Mais linéaires et cohérents, ils permettent une excellente fluidité de lecture.
Malgré cette légère baisse de régime, "Shi" reste une BD de très haut niveau et je ne doute pas que ce nouveau cycle se conclura de façon détonante dans sa seconde partie.
Il est certain que le dessin d'Antonio Lapone ne fera pas l'unanimité. Il est exagérément anguleux et extrêmement chargé. Il s'en dégage parfois une impression de fouillis visuel pas toujours agréable.
La mise en couleur plutôt terreuse - hormis les rouges - est utilisée comme un simple élément graphique. Elle est belle mais n'aide pas à distinguer convenablement les différents plans des cases.
En clair, la lisibilité a été délibérément négligée et c'est un choix assumé de l'auteur. On adhère ou pas.
Pour autant le rythme et l'énergie débordent des pages et donnent un souffle certain au récit. Cette densité permet de restituer les ambiances effervescentes des rédactions de presse périodique de cette époque, de l'après-guerre au milieu des 70's. C'est ce que nous montre le scénariste, l'excellent Juan Diaz Canales : même les magazines de divertissement comme "Gentlemind" n'ont pu ignorer les douloureux bouleversements sociaux qui ont agité les Etats-Unis. On le voit à travers les nombreuses couvertures qui jalonnent l'album et résument à elles seules ces 3 décennies bouillonnantes qui auront emporté avec elles les restes d'un monde masculin, blanc, conservateur et bien pensant. L'amorce du changement à venir se dessine (littéralement) à la une de toutes ces revues ; jusqu'à la conclusion que j'ai trouvé efficace et réussie. C'est un travail d'écriture très fin, ambitieux et intelligent.
Cela dit je reconnais que je n'ai pas retrouvé le même plaisir que pour l'épisode 1, surtout à cause de certains personnages, devenus aigris et antipathiques, que je ne suis pas arrivé à cerner.
Il me semble malgré tout que les qualités l'emportent sur les défauts. C'est une BD au thème singulier, traité de façon très originale, qui mérite largement qu'on s'y attarde.
::: Avis basé sur l'édition grand format :::
Comme tout le monde connaît déjà le personnage, c'est plutôt à une fascinante REdécouverte de "Frankenstein" que nous invite Georges Bess. Un livre visionnaire écrit par Mary Shelley en 1818, devenu une des pierres angulaires de la mythologie fantastique moderne. Tout comme Dracula d'ailleurs, le précédent chef d'œuvre de Bess, avec qui cette version définitive du mort-vivant le plus célèbre de la littérature forme un des plus beaux diptyques de l'histoire de la BD.
Je n'ai jamais lu le roman originel mais on devine que l'adaptation lui est parfaitement fidèle : la langue utilisée, les décors, la dramaturgie, le romantisme gothique, et bien évidemment le dessin somptueux qui évoque parfois des monotypes ou des encres de Chine d'époque. Tout nous projette au 19e siècle tel qu'il l'était quand la géniale Mme Shelley l'a écrit. Pourtant, les questions soulevées au fil du récit font encore écho à notre société contemporaine et résonneront toujours dans l'actualité tant que l'homme créera ses propres monstres, quels qu'ils soient.
L'univers graphique, maitrisé jusque dans ses moindres détails, confère une telle intensité à la confrontation mortelle entre Victor Frankenstein et son abominable création qu'elle en est déchirante.
Les planches sont moins ornementées qu'elles ne l'étaient pour "Dracula" mais la relative sobriété de la mise en page donne à la créature sans nom une dimension encore plus pathétique et pénétrante. Son humanité vacillante, sa silhouette, sa stature, son regard, sont inoubliables.
Un album magistral.
L'enfance de David Sala a été placée sous l'égide de deux figures tutélaires intouchables : ses deux extraordinaires grands-pères, tous deux survivants de guerre, aux parcours aussi dantesques et héroïques l'un que l'autre.
On devine la chance que peut avoir un enfant de grandir juché sur les épaules de ces géants-là, guidé par leur bienveillance et leur courage. Car ils ont eu en plus la sagesse de rester humbles et n'ont jamais tiré la moindre gloire de leurs exploits.
Mais on mesure moins la difficulté que ce même enfant peut ressentir devant la hauteur vertigineuse où ces hommes ont placé leur exemplarité. A côté d'eux, le jeune David ne peut que se sentir minuscule, quoi qu'il fasse de sa vie. En somme, rassuré par leur force mais effrayé par la portée de leur ombre.
Dans la première partie de l'album, David Sala dresse donc leurs portraits tel qu'il s'en rappelle quand il était gamin. Et quels portraits ! Ils prennent vie à travers un graphisme d'une beauté foudroyante. Sa reconstitution des années 70 est visuellement exceptionnelle. Là, les mots ne servent à rien, il faut se plonger dedans.
Puis vient une seconde partie. David a grandi. La narration s'accélère. Il est adulte et parle maintenant de lui au présent. Je me suis alors demandé ce qu'il allait faire de tout ça, de cet héritage si riche qui laisse le souffle coupé et le regard songeur.
Et bien il n'en fait rien de particulier. Pas de leçon, pas d'autofiction, pas de légende personnelle. Son récit est simple et sincère. C'est justement toute la puissance de son travail. Au plus près de lui-même il nous montre comment il s'est construit tant bien que mal avec ces souvenirs. Les siens propres mais aussi ceux de la mythologie familiale qu'il perpétue, la mémoire hantée par la fatalité, la résilience et la mélancolie. Comme si, jour après jour, une longue maturation avait infléchi le cours de sa vie pour l'amener à créer ce livre, qui prend une valeur d'œuvre testamentaire universelle.
Une façon pour l'auteur de se délivrer du poids de ces héros en le transmettant au lecteur qui lui, s'en sent paradoxalement plus léger. C'est superbe (hormis la couverture, complètement ratée).
Quelle histoire !
Mais où Julien Lambert va-t-il chercher tout ça ?
Pourtant ses ingrédients sont assez simples : une ville craspouille et mitée, des égouts tentaculaires, un héros qui dialogue avec les objets, une légende urbaine... et voilà tout. Mais avec ça il fabrique de bric et de broc un conte généreux à l'intensité dramatique saisissante.
Ses moyens graphiques et sa mise en scène sont modestes mais clairement maitrisés. Le dessin est d'une lisibilité parfaite, les personnages sont incarnés en quelques traits bien posés et les décors n'ont besoin que d'un détail pour sentir la rouille et le salpêtre. S'ajoute à cela un scénario inventif et cohérent qui prend des risques pour sortir des sentiers battus. Il gagne même plusieurs degrés de lecture grâce à des thèmes sensibles intelligemment traités.
J'avais beaucoup aimé le premier diptyque mais je n'imaginais pas que VilleVermine deviendrait une série. Après avoir lu "Le tombeau du géant", cela s'impose comme une évidence. J'espère donc que de nombreux autres tomes de cette qualité suivront.
Jacques Peuplier, le gentil colosse aussi doué pour parler aux choses que pour prendre des gnons, promène ses rouflaquettes dans un univers décidément fécond sur lequel Julien Lambert, son créateur, règne en maître inspiré. Je lui dis bravo !
:::: AVIS POUR L'EDITION GRAND FORMAT ::::
Autant être clair, ce n'est pas le scenario que je plébiscite dans ce 2° tome.
Les personnages - et surtout les décors - sont bien traités mais l'intrigue est trop peu crédible, ou disons trop banale, pour venir m'interpeller.
C'est plutôt le rythme et le sens du découpage de L. Astier que j'apprécie. Il se dégage de ses pages une énergie qui rend la lecture très accrocheuse.
D'ailleurs, à moins d'être allergique au noir & blanc, cette série gagne à être lue dans l'édition grand format qui bonifie le dessin en révélant sa richesse et en lui apportant une force que la version courante peine à atteindre.
Quel album ! Quel plaisir de lecture !
D'une part, une intrigue sanglante autour d'un clan familial véreux et ses trafics pour faire main-basse sur une ville aussi mystérieuse qu'inquiétante. Mais pas que...
D'autre part, un graphisme magnétique qui instaure page après page un climat délétère et suffocant. Avec une mention spéciale pour le personnage du Derviche, exceptionnel.
Les auteurs de "L'homme gribouillé" ont frappé très fort.
'Saint-Elme' devrait rapidement se positionner comme une série de premier plan tant c'est excellent !
En découvrant "Saint-Elme" dans les rayons, sa couverture étrange et l'intérieur bizarrement bariolé ne m'avaient pas totalement convaincu. Mais Frederik Peeters est l'un de mes auteurs préférés (j'ai quasiment tous ses albums). Comme en plus les premiers retours étaient bons, j'ai fini par l'acheter et j'ai carrément bien fait.
Cette colorisation si particulière prend tout son sens à la lecture. Dès l'entame j'ai été aspiré par ce graphisme hallucinant qui donne à ce polar une atmosphère fantastique, une dimension corrosive presque malsaine, avec des bleus et des rouges irréels. C'est du grand Peeters !
Côté scenario, on a Saint-Elme, une ville improbable et un décor extrêmement bien trouvé, des personnages plus interlopes les uns que les autres, une intrigue poisseuse à souhaits... Tous ces éléments s'agencent à la perfection et m'ont laissé une impression de trouble persistante.
Un excellent premier tome, addictif et pleinement maitrisé.
Winshluss - un auteur très rare - signe avec "J'ai tué le soleil" un roman graphique intense et crépusculaire. En phase avec l'époque, en phase avec le genre Survival post apocalyptique dont il reprend les codes en y ajoutant sa radicalité.
Le récit se divise en 2 grandes parties extrêmement bien maitrisées :
La première, "Avant", est essentiellement graphique avec de nombreuses planches muettes.
La deuxième, "Après", est plus narrative, moins horrifique, et vient apporter les éléments de contexte grâce auxquels on réalise la portée insoupçonnée de l'histoire.
S'ajoute enfin une troisième partie de quelques pages, "Maintenant", qui met en perspective toute la trame. Cet épilogue donne un effet de loupe poignant au personnage et peut changer le sens du récit en fonction de ce qu'on en comprend. C'est du grand art !
Un album coup de poing, d'une incroyable maîtrise, je l'ai dit, dérangeant aussi par la dimension psychotique, trash et nihiliste qui s'en dégage. Winshluss, en iconoclaste un poil cynique et désabusé, nous oblige ainsi à porter un autre regard sur la survie et remet en question les espoirs et les convictions qu'elle suscite en chacun de nous. C'est très fort.
Techniquement, son noir & blanc tranchant, superbement ponctué de quelques passages en couleurs, donne des séquences d'une puissance cinglante. Le trait brut et charbonneux installe une tension qui colle particulièrement bien à cette ambiance de fin du monde.
Une œuvre forte. Une lecture passionnante.
Les tomes s'enchainent et ne se ressemblent pas, même si le référentiel reste inchangé : le dessin sombre et contrasté, la double planche, l'histoire sans gloire ni honneur, le fatalisme exacerbé...
Pourtant, malgré ces marqueurs forts que l'on est sûr de retrouver, je suis à chaque fois surpris par la tournure des évènements.
C'est encore le cas avec "Maître Bryce" qui revient longuement sur la jeunesse dramatique de Bass.
Après 7 tomes, le travail d'écriture de Darko Macan est toujours aussi sobre et efficace. Il a réussi à forger un personnage impénétrable et tourmenté dont les fêlures mal colmatées cachent une fragile mais profonde humanité.
Il est extrêmement rare que j'achète une BD sans en aimer le dessin. C'est pourtant ce que j'ai fait avec "47 cordes".
Je l'ai fait car je sais que Timothé Le Boucher écrit ses histoires avec une grande finesse. Elles distillent une étrangeté très particulière, un parfum d'inquiétude que j'apprécie beaucoup. Il accorde également une importance majeure à la psychologie de ses personnages et sait jouer de mille petites subtilités pour affiner leurs caractères. En un mot, c'est un grand scénariste.
Il est sans doute aussi un grand dessinateur mais je ne parviens pas à apprécier son trait à sa juste valeur, question de style. Il est beaucoup trop aseptisé pour moi.
Je reconnais toutefois qu'il arrive à insuffler de la vie et du mouvement à ses acteurs grâce à un équilibre harmonieux des corps, des positions justes, un design impeccable et des cadrages élaborés. Je n'y suis pas sensible mais c'est un travail graphique remarquable.
Tout ça pour dire que "47 cordes" coche toutes les cases. C'est une œuvre impressionnante et réussie à tous points de vue. En tout cas dans le registre visé, à savoir le conte fantastique, ça fonctionne à la perfection.
Il y quelque chose de très théâtral dans tout ça mais ce n'est pas un défaut, bien au contraire. C'est justement ce qu'il fallait dans ce contexte de faux-semblants, de polymorphisme et de métamorphoses. Plus d'action ou plus de réalisme aurait ruiné cette élégance froide et raffinée, parfaitement adaptée aux décors quasi surnaturels, trop luxueux pour ne pas être suspects. Et c'est cet aspect qui provoque la dimension hypnotique et obsédante indispensable à la trame. Entre illusions et fantasmes, une atmosphère vénéneuse se répand dans ce qui devient peu à peu une scène où se jouent les destins.
Cet univers artificiel, incertain, vaguement décadent est le terrain de jeu de la métamorphe, une insaisissable créature qui a jeté son dévolu sur Ambroise, le héros qu'a choisi l'auteur pour lui servir de proie. Je le trouve assez terne et peu attachant mais par effet de contraste, il fait de la métamorphe la véritable héroïne du récit - et une grande héroïne tout court - que j'ai vraiment appris à aimer au fil des pages. Malgré son charisme magnétique, ses pouvoirs de déesse et sa dangerosité, elle est pénétrée par une forme de vulnérabilité qui la rend magnifique.
En conclusion, 47 cordes possède ce qu'il manque trop souvent aux autres productions : l'ambition.
Timothé Le Boucher se donne les moyens d'explorer l'univers qu'il imagine dans les moindres recoins, de le faire exister en prenant tout son temps pour y installer un climat de tension fascinant, y faire planer une menace indistincte sur des êtres devenus objets d'enjeux qui les dépassent. Tout cela fait sens et réussit immanquablement à interpeller le lecteur.
Cet album est captivant, solide et réalisé avec grand talent.
La barre est haute... Si la deuxième partie se maintient à ce niveau, le 9ème art aura gagné une nouvelle référence.
Dans un présent alternatif, une partie de la France est sous les eaux.
Le pays se réorganise tant bien que mal en se calfeutrant derrière des digues. Mais nombreux sont ceux qui veulent échapper à ce nouvel ordre sécuritaire et rapiécé en partant vivre au gré des flots. Cependant, leur mode de vie libertaire et autarcique n'est pas du goût des autorités qui vont rapidement l'interdire et les traquer...
J'adore ce scenario, aussi propice à l'imaginaire qu'à la réflexion.
La couverture, superbe, est déjà une invitation à l'évasion !
A l'intérieur, Benjamin Flao alterne les planches pleine pages hyper réalistes faites au pinceau avec ce dessin crayonné, vibrant et expressif, si caractéristique de son style. Le combo parfait pour créer une ambiance de délitement très immersive. Visuellement il s'en dégage une force évidente et une sensation de liberté sauvage.
Pourtant, loin d'une vision post apocalyptique anxiogène, l'atmosphère reste chaleureuse et poétique, presque bienveillante.
L'histoire est d'ailleurs racontée par un chien télépathe, rêveur et contemplatif. Ce narrateur impromptu n'a rien d'un artifice. Il contribue à rendre les protagonistes encore plus humains tout en apportant une touche fantastique bien en phase avec cet univers. Grâce à ce regard animal, tout ce qui pouvait être glauque a été laissé hors-champ et l'attention est focalisée sur les personnages, particulièrement attachants et bien incarnés. L'auteur s'en approche au plus près et prend le temps de les faire dialoguer pour permettre au lecteur de mieux les connaitre.
Le rythme, entrecoupé de silences, n'est donc pas intense mais l'action n'est pas le moteur narratif. C'est une forme de mélancolie qui fait progresser le récit à hauteur d'homme, indolemment mais sans faiblir, au milieu de décors vertigineux.
Au bout des 156 pages, il est encore difficile de savoir où Benjamin Flao veut nous emmener. Sans doute vers une certaine idée de la liberté ? On peut le penser. Une chose est sûre, je me laisserai embarquer avec Hans et Gorza en toute confiance dans le second tome de ce diptyque.
Un album humaniste, riche et beau, qui m'a procuré un ardent plaisir de lecture.
Bravo et merci !
PS. Attention, grosse faute d'orthographe page 108 : "Je ne peut..." Ouille !! A corriger impérativement dans les prochaines réimpressions...
Il suffit de feuilleter "René.e aux bois dormants" pour deviner que cet album va nous faire plonger dans l'inconnu.
Chaque page est un nouvel univers qu'Elene Usdin réinvente sans cesse avec un langage graphique radical, peuplé d'Esprits chamarrés, de créatures inquiétantes et de fantômes. Libre et inventive, elle ne fait aucune concession à un quelconque formalisme.
Ce voyage hallucinant où le réel n'a (presque) plus cours, saturé de couleurs, tient plus de l'art que du simple dessin. On pense à Delaunay, à Kirchner, à Bacon, au Fauvisme surtout. Et ce n'est pas qu'un vernis esthétique pour en mettre plein la vue. Cette incroyable palette est porteuse de sens et traduit magnifiquement les puissances de la Nature qui jouent ici un rôle fondamental. L'autrice en fait un poème visuel envoûtant et troublant, fortement teinté d'animisme.
Elle s'immerge dans le ressenti et les sensations, comme emportée par des visions chamaniques qui convoquent en nous quelque chose d'archaïque, quelque chose qui n'a pas de nom. Un déferlement d'émotions crues qui noie tout besoin d'explication : "Allons ensemble nous enivrer du sensible", page 178.
Cette forme fantasmagorique est entièrement au service du fond. Car, il y a bien sûr une finalité à ce vertige chromatique.
On pressent dès le départ que le trame est cohérente, qu'un récit précis, puissant, se construit. Preuve de la maîtrise peu commune d'Elene Usdin : malgré de multiples digressions oniriques imbriquées les unes dans les autres, le fil n'est jamais complètement perdu.
Je savais intuitivement en m'égarant dans ces images qu'il en ressortirait une vérité bouleversante. Mais j'ignorais laquelle.
La quête éperdue de René.e/Judith à la poursuite de leur doudou lapin (hommage à l'Alice de Lewis Caroll) est en réalité une quête identitaire, vitale. Derrière ces métamorphoses, ces transmutations mêmes que vivent les jeunes personnages, c'est l'histoire d'un terrible drame, bien réel, qui remonte à la surface de la mémoire. Le rêve est donc ici un refuge, un mécanisme de défense que l'esprit élabore pour se protéger d'une douleur indicible.
Cette histoire, on le comprend explicitement à la fin, est celle de la "rafle des années 60". Celle du martyr des enfants autochtones du Canada, déracinés de force, arrachés à leur culture, leurs dieux, leur langage, privés du respect ancestral que leur peuple éprouvait pour la nature.
J'en suis ressorti sidéré, groggy.
La question de noter une telle œuvre n'a d'ailleurs pas beaucoup de sens. C'est une expérience plus qu'une lecture.
Je mets évidemment 5 étoiles pour l'impact et la beauté du dessin, la leçon de bande dessinée, la symbolique, la profondeur du propos... Mais d'autres pourraient n'en mettre qu'une, voire aucune. C'est tout à fait insignifiant.
C'est un livre important, hors norme, qu'il faut lire absolument, quitte à ne pas tout saisir.
Magistral !
Quand on feuillète l'album il n'a pas vraiment l'air sexy (j'y reviendrai). Mais derrière ces apparences un peu mornes se cache une œuvre irrésistible.
Son scenario est impressionnant d'érudition et pétille d'énergie. Il fait du Livre, avec un grand L, le cœur battant de la connaissance et de la transmission du savoir. 'Savoir' que Lupano sacralise et érige en bien universel, en intelligence collective héritée de siècles de pensée. Il en fait surtout un étendard étincelant contre la barbarie.
Et cette lumière pour l'humanité, il suffira de l'aveuglement d'un seul homme pour l'éteindre à jamais. C'est ce que commet, cet an de grâce 976, le puissant vizir de Cordoue en livrant aux flammes la plus prodigieuse bibliothèque de son temps.
Pour la progression de son intrigue, le scénariste va constamment jouer sur la fragilité du livre - en tant qu'objet - et créer ainsi un suspense digne des plus grands récits picaresques : un archiviste replet, une brillante copiste et un voleur minable vont risquer leurs vies pour sauver d'inestimables manuscrits du funeste autodafé et tenter de les emmener en lieu sûr.
Les ouvrages réchappés du brasier, rudement transbahutés à dos de mule, vont alors subir tous les outrages au fil d'un trépidant périple tragi-comique. Cette équipée est si piteuse qu'elle en devient grandiose. A l'image de ce récit truculent remarquablement fluide.
Les excellents personnages, vivants et parfaitement caractérisés, touchent autant par leur détermination que par leur maladresse et leur impuissance à préserver leur trésor.
S'il s'agit d'une fable, l'auteur nous rappelle également avec force qu'elle est ancrée dans une époque lointaine mais bien réelle : celle où le monde arabo-musulman, pourvoyeur de culture, rayonnait aux portes d'une Europe encore plongée en plein obscurantisme.
Voilà pour l'écriture inspirée d'un Wilfrid Lupano toujours très affuté.
En revanche pour la partie graphique je serai plus mesuré. Il s'en dégage de belles ambiances et beaucoup de vivacité, c'est indéniable. Mais je ne peux pas dire avoir été transcendé par le dessin de Leonard Chemineau, tantôt très caricatural ou crayonné, tantôt réaliste et précis. Sans démériter, ce style incertain m'a semblé bizarre et moins abouti que sur le très réussi "Edmond", par exemple. Mais je salue bien sûr son énorme travail sur ce titre.
La faute également à une qualité d'impression moyenne, et là, je ne rejoins pas du tout les autres commentaires. C'est pour moi une vraie déception de la part de Dargaud, d'habitude irréprochable. Peut-être ne s'agit-il que d'un défaut de mon exemplaire mais le trait manque singulièrement de netteté. Par ailleurs les couleurs sont belles mais ternes et de nombreux grains et autres impuretés viennent trop souvent salir les aplats, surtout les jaunes. C'est vraiment dommage.
Pour un album qui fait du livre son sujet, l'ensemble du travail éditorial aurait pu d'ailleurs être encore plus soigné. Le signet et la tranche des pages bleue sont sympa, certes, mais le reste ? Au hasard, un papier de meilleure qualité, un dos toilé, un titre embossé ou un simple vernis sélectif aurait eu plus d'allure, surtout à ce prix-là (35€, imprimé en Italie !..)
A titre d'exemple, je viens d'acheter "René.e aux bois dormants" chez Sarbacane, à la pagination comparable mais d'un format beaucoup plus grand, avec un papier plus épais, chatoyant de couleurs impeccables, pour moins cher (32€, imprimé en France...)
Mais mis à part ces bémols qui ne feront sûrement grommeler que moi, je ne peux que recommander cette Bibliomule, une excellente BD pleine d'émotion, d'enseignement et de sagesse. A lire absolument !
Devant l'avalanche de parutions qui submerge les étals, j'avais fait l'impasse sur La Venin lors de sa sortie, non sans avoir hésité.
Mais quand j'ai vu que Rue de Sèvres allait ressortir chaque tome en grand format N&B (tout ce que j'aime) ce fut l'opportunité de rattraper mon retard en m'offrant le premier et je ne le regrette pas.
"Déluge de feu" est un bon album.
Il ne fait certes pas dans la dentelle ! Mais malgré la trame classique et les clichés, les rebondissements s'enchainent sans mollir en impulsant un rythme hyper dynamique, boostés par des cadrages très efficaces. Emily - mélange de pin-up badass et d'ange de la mort - en devient une héroïne attachante et suivre sa cavale, aussi invraisemblable soit-elle, est un vrai plaisir.
Du coup, je suis bien content de découvrir enfin la série dans cette belle édition, écrin idéal au dessin bien typé de L. Astier.
Ouais ouais ouais... Il ne faut quand même pas être exigeant pour trouver cet album excellent.
Pour ma part ce furent 20 mn de lecture sympa, sans plus. Dès les premières pages j'y ai vu des défauts qui ne m'ont pas lâché jusqu'à la fin. Le principal d'entre eux est qu'il n'y a aucun enjeu à cette histoire, totalement anecdotique, presque inutile. En fait, les Sarmates se débrouillent très bien toutes seules et n'ont nul besoin de nos gaulois qui, du coup, ne servent à rien. Tout comme César n'a nul besoin d'un griffon.
Sur la forme j'ai trouvé l'ensemble peu drôle, et malgré de bonnes situations, les dialogues sont rendus artificiels par des kyrielles de jeux de mots lassants à longueur de bulles qui m'ont provoqué plus de soupirs que de sourires.
Mais bon, par respect pour les auteurs qui ont fourni un travail honorable, je ne vais pas me répandre en critiques.
Pour les qualités : l'originalité des décors, les nombreux personnages féminins et le dessin, bien sûr, vraiment bon.
2,5/5
J'ai relu l'Acte 1 pour me rafraîchir la mémoire avant d'entamer "Maison-vide". Et, malgré ses qualités, c'est vrai qu'il avait une structure narrative assez complexe qui nuisait un peu au confort de lecture.
L'auteur, décidément très pro, a parfaitement corrigé le tir.
Ce 2ème tome est plus court, plus fluide, plus rythmé. Les flashbacks sont encore très nombreux mais ils éclaircissent le récit et donnent à voir les personnages sous un jour inattendus. L'atmosphère de thriller se renforce et la tension s'installe. C'est du très beau travail.
Lire "Le Serpent et la Lance", c'est se plonger dans une époque et des décors complètement inédits en BD, écrits et dessinés avec grand soin. Mille mercis à Hub d'avoir créé cette aventure avec autant d'intégrité et de passion. Je trépigne d'en connaitre la suite, bravo !
Je viens de relire la toute première version du Secret de l'Espadon (voir mon avis pour ceux que ça intéresse) et qu'on aime ou pas les vieilles reliques, l'ambition, l'énergie et la tension de ce tome inaugural lui donnaient une ampleur inégalable. Franchement, je trouve que ce "Dernier Espadon" fait pâle figure à côté. J'ai vraiment du mal à comprendre qu'on puisse lui attribuer la note maximale.
Evidemment ce n'est pas si mal non plus. Je ne suis pas un spécialiste de B&M mais l'esprit de la série est globalement respecté. L'ambiance est authentique, malgré la violence, et la ligne claire fidèle.
En revanche le scénario est largement perfectible et n'a rien à voir avec la qualité de l'Espadon historique. Les efforts de Van Hamme pour coller à l'histoire originelle sont louables et certains passages restent efficaces. D'autres en revanche m'ont semblé faiblards.
Quant aux deux "subterfuges" autour desquels s'articulent le récit - faible hommage au 1er opus - ils sont si prévisibles qu'on les voit venir à des kilomètres. C'est navrant, et surtout dommage, car derrière cette forme de facilité, voire de paresse scénaristique, c'est le plaisir de lecture qui s'enfuit aussi vite qu'un espadon gagnant la stratosphère...
En résumé c'est un album correct mais que j'oublierai très rapidement.
A titre personnel, je préfère les albums "vu par" ou les hors-série comme "Le dernier Pharaon" (même si oui, je sais...). Au moins ce ne sont pas des copies serviles qui ne tiennent jamais la comparaison avec l'original. Et les personnages existent par eux-mêmes, hors leurs créateurs; Ils n'en sont que plus vivants, intemporels et universels.
"Hudson Megalodon" confirme toutes les bonnes intentions qu'avaient affiché d'entrée "Manhattan Jungle".
Il se déroule dans une ambiance assez hollywoodienne et décomplexée, avec de l'action en Cinémascope et des rebondissements en cascades. Les personnages surjouent largement mais leurs répliques, même les plus lourdingues, restent ultra efficaces et adaptées au cadre.
Le clou du spectacle, lui, est assuré par les improbables dinosaures qui peuplent New York et bouffent tout ce qui leur tombe sous les crocs, surtout si ça ressemble à un GI !
Bref, ça peut paraitre n'importe quoi mais c'est super bien fait et ça marche à fond. Le scenario, précis et bien huilé, exploite à la perfection ce ton décalé qui permet constamment d'accrocher le lecteur avec un mélange détonnant d'humour et d'adrénaline.
Avec son dessin qui en met plein la vue et le rythme de dingue qu'il arrive à insuffler à ses planches, Eric Hérenguel est un de ces gars qui maitrisent tous les codes de la BD populaire, auxquels il sait ajouter ce truc en plus pour en faire un succès. On peut parier que ce sera le cas pour The Kong Crew, tant on devine intuitivement que cette série jubilatoire a le potentiel d'un futur Classique.
Ce 2ème tome est beaucoup mieux que le précédent.
De la bonne SF à l'ancienne, un peu pépère mais dépaysante, avec des décors aussi beaux qu'efficaces et un rythme agréable. Quelques séquences marquantes viennent enrichir un scénario qui reprend du poil de la bête et annonce de belles surprises à venir.
J'ai toujours des réserves sur les personnages, un peu statiques et insuffisamment développés à mon goût. Mais ça n'amenuise pas l'impression de qualité qui se dégage de cet album.
J'ai pris un grand plaisir à le lire en tout cas. En bonus, la couverture est superbe !
Ce nouveau cycle démarre à Alysandra, la florissante capitale de Lys, Terre du peuple primate. Un univers dépaysant, semblable à la Chine, très différent de l'ambiance minérale d'Angleon.
Autre nouveauté : l'intéressante féminisation de la société. La plupart des rôles-clés sont tenus par des femmes. Et cela semble tout à fait naturel et cohérent.
D'autant que les dialogues sont nettement moins bavards. La bonne idée est d'avoir remplacé les manigances de cour par la chronique d'un puissant clan mafieux au leadership affaibli par des luttes intestines et des gangs rivaux...
Plusieurs autres arcs narratifs secondaires s'entremêlent avec une belle fluidité et un découpage parfait.
Côté dessin, c'est toujours très bon.
Les costumes et décors, bien détaillés, apportent une crédibilité appréciable à l'ensemble.
Les personnages sont aussi très convaincants. Les faciès simiesques étant beaucoup plus proches des visages humains que des têtes de félins. Cela les rend plus expressifs, plus incarnés et charismatiques. On reconnait chaque protagoniste immédiatement, autant par son physique que par son caractère.
Avec ce renouvellement total des acteurs, du background et de l'action, il est juste étrange qu'il n'y ait, pour l'instant, aucun lien avec le 1er cycle. Mais cela s'annonce de bon augure. A croire que les auteurs ont pris en compte les remarques des lecteurs qui trouvaient qu'un trop-plein de discours politiques ralentissait un peu le rythme dans le cycle inaugural : le deuxième s'ouvre sur une promesse d'action tous azimuts.
Et franchement, bravo, ça commence très très bien !
::: Avis pour le tirage limité de la collection "Une histoire du journal de Tintin", noté TL2021 :::
Superbe idée, cette édition spéciale du Secret de l'Espadon !
Les planches originales y sont restituées tel quel avec tous leurs défauts de conception et d'impression, en plus de leurs couleurs craspouilles et fanées. On a vraiment la sensation d'avoir en main un authentique journal de Tintin de l'époque. Et ça, ça change tout. Moi qui n'aimais pas forcément Blake et Mortimer en édition normale et bien léchée, ces deux albums vintage m'ont permis de redécouvrir complètement cette œuvre fondatrice que je préfère 1000 fois comme ça. Un peu comme les épisodes noir et blanc d'une vieille série télé, on la lit à travers ce prisme historique sans la juger selon les critères actuels, au regard desquels B&M passe à mes yeux pour une série ripolinée baignant dans son conservatisme propret comme dans du formol.
Je me dis que, même si ce premier opus à quelque chose de désuet aujourd'hui, cela a dû être fabuleux de découvrir ces héros sous cette forme - et en feuilleton - dès 1946 !
Mais désuet ne veut pas dire périmé. Ca reste une BD solide qui m'inspire le plus grand des respects.
Pour tous ceux qui sont attachés au côté patrimonial de la série, cette version, augmentée de nombreux documents inédits, est indispensable. Dépêchez-vous, il n'y en aura peut-être bientôt plus (6000 exemplaires).
Pour ceux qui auraient vécu au fond d'une grotte et seraient passé à côté de "Tyler Cross", la sortie de cette intégrale est inespérée, providentielle, bénite, miraculeuse... Jetez-vous dessus, une séance de rattrapage s'impose !
J'en rajoute un peu mais je ne peux pas être objectif, Tyler Cross étant au sommet de mon panthéon personnel. Cette série déjà culte, incontournable, est simplement géniale. La lire en N&B était jusque-là un privilège rare réservé aux possesseurs des tirages limités. J'en rêvais... C'est désormais chose faite (merci Dargaud d'avoir lu dans mes pensées et exaucé mon souhait !). Ce bouquin est un bijou.
:::: Avis pour le tirage limité à 4200 exemplaires N&B (noté 'TL2' sur le site) ::::
Cette édition est superbe. Sans doute un peu chère mais le format, déjà, est impressionnant. S'y ajoute un frontispice numéroté de Marini reprenant la couverture de l'édition classique et un cahier graphique avec des croquis de Bertail, Labiano, Blasco-Martinez, Prugne, Taduc et Toulhoat. Mais c'est surtout la qualité du papier, doux, mat et épais, qui fait une vraie différence.
De plus, hormis les histoires de Prugne et Bertail qui restent inchangées, le passage au noir & blanc est splendide et fonctionne à 100%. Il procure un tout autre plaisir de lecture. Possédant les deux éditions, je n'ai d'ailleurs pas du tout l'impression d'un doublon.
Comme je l'ai déjà dit, même si le rythme des différentes histoires est abrupt, un tel casting de dessinateurs fait de "Go West young man" un titre définitivement hors-norme à mes yeux qui justifie l'achat de cette édition spéciale.
"L'abîme", une conclusion généreuse et poignante qui exalte des valeurs de respect, de solidarité et de détermination face à l'ennemi. Et cet ennemi n'est pas celui qu'on croit. Ce ne sont ni les terribles animaux géants, ni la magie noire : c'est la guerre. La guerre, absurde et cruelle qui n'épargne personne et emporte ceux qu'on aime.
Jonathan Garnier renvoie ses héros comme les lecteurs à ce dur principe de réalité. Le background fantasy, par ailleurs fort réussi, agit comme un écran derrière lequel apparaissent en creux toutes les choses de la vie, simples, essentielles, universelles, que les enfants doivent comprendre et affronter pour grandir.
Le récit explore brillamment de nombreux thèmes mais se cristallise sur la perte des illusions. Le dénouement ne verra aucun triomphe. Nul n'y gagne, nul n'en sort indemne ni même heureux...
Du coup, bien qu'il ait beaucoup aimé, mon fils a trouvé cet album carrément triste. Effectivement, il manque sans doute à ce 4ème tome une dimension d'évasion que l'univers 'viking' laissait entrevoir au début. De cette mélancolie surgit pourtant à la fin un immense espoir où tous les possibles semblent se dessiner. Le principal est là.
Une série qui brille autant par son superbe dessin, hyper lisible et sensible, que par son scenario, inattendu mais toujours cohérent.
De la BD qui élève sans en avoir l'air, belle, humble, intelligente et émouvante. Bravo !
Les enfants, oubliez un peu Mortelle Adèle... Et lisez "Bergères Guerrières" !
Les décors s'élargissent, l'intrigue se densifie, l'univers se complexifie. Le périple des personnages n'en est que plus périlleux. Face à l'adversité, la petite troupe partie en Terres Mortes devra puiser dans les tréfonds de ses ressources pour poursuivre sa route et atteindre son but.
Les jeunes lecteurs, eux, seront confrontés à de plus en plus de mystère et d'émotion. Les qualités graphiques et scénaristiques, inchangées, font de ce 3ème tome un superbe album de plus.
Cette fois, une ténébreuse magie noire se mêle à l'histoire... Molly et Liam, accompagnés d'une puissante alliée se retrouvent seuls pour livrer un combat fatidique.
Un deuxième tome beaucoup plus sombre, presque effrayant. Le scenario est toujours aussi nuancé et ne bascule jamais dans la facilité. Tous les personnages sont remarquables, avec leurs failles et leurs caractères bien à eux. Ils agissent pour de bonnes raisons et ressentent tous de la peur, quel que soit leur héroïsme. Le message adressé aux jeunes lecteurs est donc particulièrement intelligent : oui il est normal d'avoir peur, et non, cela n'empêche en aucun cas d'avoir du courage !
Les dessins, toujours superbes, sont animés d'une énergie folle, de bonnes bouffées d'émotion et d'un rythme haletant. Une lecture réjouissante !
Drôle, enlevé, malin... Une BD jeunesse qui ne prend pas les enfants pour des crétins !
Un scenario complexe, cohérent et fouillé ; des personnages crédibles et attachants... tout l'univers est super sympa. Il est de plus parfaitement mis en images. Le graphisme d'apparence simpliste est en fait très riche et élaboré avec un immense talent. Il a la grande qualité de se faire discret malgré sa beauté et de savoir s'effacer devant l'histoire, de la mettre réellement en valeur.
Un excellent premier tome qui n'a rien à envier à la plupart des séries adultes sur des thèmes similaires.
Je l'ai acheté pour mes enfants mais sa lecture m'a passionné.
J'ai attendu 2 mois avant d'ouvrir le "Madeleine, Résistante" remisé sur mes rayonnages. Je n'avais pas envie de le lire entre Goldorak et La Horde du Contrevent...
Et j'ai bien fait je crois. Il faut être dans le bon état d'esprit pour affronter la réalité de l'Occupation. Les auteurs nous plongent littéralement dedans :
D'abord visuellement avec le monochrome bleu entêtant qu'utilise Dominique Bertail au pinceau. La couleur est froide mais les personnages sont étonnamment chaleureux. La lumière est utilisée de façon magistrale et rend les visages expressifs et touchants. Les éléments de décors sont minutieusement détaillés et mis en valeur par des ambiances exceptionnelles. Tout est réussi : les intérieurs, la nuit, la pluie, la neige, la ville... Dans une époque si bien restituée, l'immersion est profonde et durable.
Ensuite, le travail de JD Morvan au scénario est tout aussi subtil. Vivant, prenant et vibrant.
Un point reste discutable : le témoignage de Madeleine Riffaud est souvent cité tel qu'elle l'a livré, en tutoyant l'auteur, dans de longs récitatifs. Et là, pour le coup, ça n'est pas très immersif puisque cela arrache le lecteur au contexte historique. On a parfois l'impression que certaines planches ne sont que l'illustration de ses souvenirs racontés au présent.
Ca ne veut pas dire que ça ne fonctionne pas. Cela interrompt juste la narration pour créer un aller-retour entre deux temporalités. Ce parti pris a au moins le mérite de ne pas trahir la parole de cette grande résistante pour la transmettre respectueusement avec ses mots à elle.
Une œuvre solide, intelligente et splendide que la suite devrait encore raffermir.
Impossible de ne pas s'extasier d'emblée par la pléiade d'auteurs ayant signé cet album. C'est un véritable fantasme de lecteur qu'a réalisé Tiburce Oger en rassemblant autour de lui la fine fleur du dessin réaliste, tous aguerris au genre western. Le résultat est carrément somptueux.
Moi qui avais adoré la radicalité de "Jusqu'au dernier" de Félix et Gastine (qui a d'ailleurs remis ça ici en signant des planches de toute beauté) j'ai été également servi côté scénario. Car au-delà de l'idée de la montre qui passe de main en main en créant un fil conducteur, c'est l'aspect complètement dépouillé des mini récits qui m'a le plus enthousiasmé. Pas de chichi, pas d'harmonica, pas de chevauchée dans le soleil couchant. C'est aussi sec qu'impitoyable. Ca va vite, limite un peu trop vite parfois. Mais rapide ne veut pas dire bâclé. Mon histoire préférée, "La lettre", est aussi la plus courte : 2 pages ! Pas besoin d'en dire plus. La précarité d'une vie de pionnier en 1883 se passe de digression...
Tiburce Oger s'est employé à démystifier le mythe, à le rendre à la réalité. Tous les ingrédients traditionnels du western sont là, c'est fait exprès. Mais sans manichéisme aucun. Il n'y a ni bons, ni méchants, ni héros. Les indiens meurent, les brutes avinées meurent, les soldats meurent, oui. Mais les simples fermiers, les femmes ou les enfants meurent aussi parce que c'est l'ouest et que c'était comme ça.
Une œuvre superbe, édifiante et mûre. Qui pourrait malgré tout déplaire à certains car elle est presque frustrante. On aimerait juste qu'elle fasse le double de pages !
@ Pulp_Sirius
L'excellentissime P.T.S.D est bel et bien dans la base de données du site, heureusement d'ailleurs ! Mais comme à chaque fois que l'on fait une recherche, BDGest demande qu'on soit précis : Il est donc référencé à "P.T.S.D" avec un point entre chaque lettre, sinon ça ne marche pas :)
Je n'ai pas lu "Les larmes d'Ashura" mais je recommande "Golden Path" du même auteur, toujours au label 619.
Je vais être un peu sévère avec ce beau bouquin qu'est "Le droit du sol" et je m'en excuse par avance auprès d'Etienne Davodeau, dont je possède par ailleurs un bon nombre de titres.
Avant tout, je veux saluer sa plume. Dans son genre, son écriture est ultra efficace. Elle peut être emphatique, économe ou introspective en fonction des circonstances, et toujours au bon moment. Elle est surtout riche d'une douce ironie, d'autodérision, de bonnes formules, et couronnée de valeurs d'humanisme, d'humilité et de respect. Un "journal" comme son sous-titre l'indique, qui donne envie de boucler son sac et de se lancer à l'assaut des sentiers.
Mais - car il y a un gros MAIS - une autre caractéristique de M. Davodeau est qu'il s'empare de sujets sociétaux en les traitant de façon partisane. Ce livre est volontairement engagé. Ce n'est pas qu'une simple balade champêtre. On est clairement dans le militantisme et c'est revendiqué comme tel. Pour ma part, j'aurais préféré découvrir au fil des pages des pensées personnelles, des réflexions véritablement inspirées par son périple, plutôt que des copier/coller d'intervenants déjà entièrement acquis à sa cause. En souhaitant réveiller les consciences, il suscite forcément des réactions. Je réagis donc en contestant ses prises de position rigides et autres arguties rebattues.
Car ce choix narratif, avec ses "invités" qui partagent virtuellement son chemin n'est pas toujours pertinent. Je n'ai pas compris le passage avec la sémiologue, par exemple, qui m'a semblé peu clair et un peu hors sujet. L'intention est honorable et la pédagogie utile mais le ton et les développements sont très orientés et beaucoup trop tarabiscotés pour moi.
Le récit s'empêtre dans ces démonstrations pédantes et appuyées qui congestionnent le propos, alourdissent cette légèreté procurée par la marche et surtout, entravent cette liberté que l'auteur-randonneur veut célébrer dans ses pages.
Je précise quand même que je ne suis pas un pro nucléaire. Et dénoncer l'impasse cauchemardesque des déchets est salutaire. Mais jamais Etienne Davodeau ou ses 'experts' n'expliquent comment ni par quoi le remplacer. Et ça, c'est beaucoup trop facile. Je suis lassé de ces discours professoraux assénés sans aucune nuance à grands renforts de spécialistes, sans contradicteur en face. Parce que c'est hélas la même forme de démagogie dont usent les énarques qui nous gouvernent. Si l'idée est juste de dire que le nucléaire c'est nul, ma foi, très bien, mais ça manque vraiment de fond alors. Et je ne saisis pas en quoi cette marche aide à le faire comprendre.
Arrivé au terme du voyage (800km à pieds !) je me suis demandé pourquoi, du coup. Avec un effet "bah voilà, c'est fini" et l'impression que l'essentiel m'avait échappé.
Son expérience fut intense, certes, mais le lecteur ne fait pas la même. Du fond de mon canapé je n'ai pas du tout ressenti ce vertige dont il parle.
Pourtant, moi qui ai visité, ébahi, la grotte ornée de Fond-de-Gaume, je peux vous assurer que ce qu'on éprouve devant ces peintures préhistoriques est indescriptible et inoubliable.
Et justement, j'adorais le postulat de départ : il y a 20000 ans, des sapiens ont légué de la beauté à leurs descendants, via ce fabuleux mammouth de Pech Merle ; puis d'autres sapiens vont léguer 20000 ans après du poison à leurs propres descendants... Quel sujet magnifique !
Mais pour moi la question était surtout "que s'est-il passé entre les deux ? Pourquoi en est-on arrivé là ?"
Aucune réponse à ça, malheureusement. Or, il y en avait, j'en suis sûr, ne serait-ce que dans la poésie ou la philosophie que Davodeau sait parfaitement manier. Son talent est tel qu'il aurait pu creuser un autre filon que l'activisme politique qui affadi considérablement, par sa petite lorgnette, la portée universelle de ces interrogations.
Pour moi son questionnement, si profond qu'il soit, a loupé sa cible (cette espèce de trans-temporalité qu'il évoque) alors qu'il avait réussi à le faire dans le superbe "Rupestre !", ouvrage collectif auquel il avait participé de façon éblouissante. Là, le vertige était palpable!!
Bel album, en somme, mais inutilement clivant.
Troisième tome, troisième ambiance :
La 34ème Horde du Contrevent s'obstine à "contrer en trace directe", malgré les risques, et commence à s'embourber dans la redoutable Flaque de Lapsane. Golgoth, son inflexible et terrifiant traceur, seul responsable de ce désastre annoncé, révèlera à cette occasion une personnalité des plus inquiétantes qui fragilisera comme jamais la cohésion de la horde...
Dans cette "Flaque de Lapsane", Éric Henninot s'attache principalement à l'action, sans autre enjeu que la survie. Ici, il n'est plus question des Fréoles ou des intrigues de L'Hordre. Le vent lui-même semble pratiquement absent du décor. Le récit n'en est que plus frontal, crépusculaire et rugueux, mais n'a pas la subtilité de "L'escadre frêle".
En revanche les tensions, les doutes, les peurs et les trahisons qui se tissent entre les personnages sont saisissants, hormis quelques redondances, et interpellent sur les forces et les failles de la nature humaine confrontée à l'hostilité des éléments.
Même si j'ai trouvé cet épisode d'une intensité inférieure aux autres, cette traversée garde quelque chose de titanesque qui maintient la Horde du Contrevent au niveau des grandes œuvres de la bande dessinée.
Allez, j'y vais moi aussi de mon petit couplet sur Goldorak :
Comme tous les quarantenaires biberonnés à Récré A2, j'ai forcément la nostalgie facile. Sans avoir été non plus un grand fan de la série dans mon enfance, je me suis senti quasiment obligé d'acheter cet album, poussé par une petite voix intérieure...
Mais ça va, ça fonctionne. C'est propre et bien goupillé. Du Goldorak pur jus avec un petit truc en plus qui en fait une BD pas si con que ça. Voire même très bien par endroits. Le scenario est malin, l'œuvre originale totalement respectée, portée par l'idée de la rendre plus mature avec une réflexion de fond et des personnages vulnérables.
Pas du tout indispensable, faut pas exagérer. Mais à lire, oui, clairement.
J'étais plus qu'impatient de lire ce "Ténébreuse" que j'attendais depuis des mois. Pourtant, dès l'entame, j'ai très vite réalisé qu'il n'y aurait rien de spectaculaire ou de démesuré dans ces pages. Le récit est simple, fluide, maîtrisé. On reconnaît aisément le regretté Hubert dans cette volonté d'aller à l'essentiel, mais en prenant bien soin de casser les codes, de déjouer les attentes. A travers cette Heroic Fantasy sans esbroufe et parée d'une certaine gravité, c'est clairement le fond qui intéresse le scénariste. Il sait comme personne emmener le lecteur au delà des apparences vers - comme le dit la 4ème de couv - une réflexion sur nos monstres intérieurs.
Hubert a réinventé le conte pour adultes en lui donnant cette forme atypique, chargée de symboles et de métaphores. C'est pour cela qu'il parvient toujours à faire vibrer en nous une corde sensible. Précisément parce qu'on ne s'y attend pas.
Il est possible que ce premier tome ne convainque pas tout le monde à lui seul, mais la suite apportera à coup sûr cette profondeur que l'on devine déjà pour faire de "Ténébreuse" une grande œuvre et lui offrir une place de choix dans la Fantasy.
D'autant que ce scenario est particulièrement bien servi par le talent de Vincent Mallié, très à l'aise sur ce terrain. La partie graphique est à mon avis encore supérieure à ce qu'il a réalisé pour La Quête de l'Oiseau du Temps. Avec toutefois un petit bémol : si les personnages sont parfaitement caractérisés dans l'ensemble, Arzhur le héros chevalier, m'a semblé trop peu expressif.
En conclusion "Ténébreuse" est, dans le registre évoqué plus haut, pleinement réussi et a potentiellement de quoi finir en apothéose. Croisons les doigts !
Le dessin est génial, rien à redire, mais le scenario !
Au-delà des clichés déjà évoqués par tous dans le tome 1, la longue séquence de la jungle m'a laissé franchement perplexe.
Exemples parmi d'autres :
- Le garçonnet qui traverse tout seul et sans encombre une forêt infestée de dangers mortels...
- Un des pirates qui se fait transpercer (on ne sait pas trop par quoi, d'ailleurs) page 42, mais qu'on retrouve à la scène suivante frais et guilleret comme si de rien n'était.
- Le groupe qui saute à l'aveugle d'une falaise rocheuse dont "on ne voit même pas le fond", je cite, sans qu'aucun ne se fasse la moindre égratignure.
Et d'ailleurs, combien sont-ils dans ce groupe ? Cinq ? Six ? Sept ? Impossible de les dénombrer en se fiant aux cases en tout cas, puisqu'il en manque toujours un ou deux alors qu'ils devraient être dans la scène (en fait ils sont 8 mais il faut le déduire...)
Bref, la liste de toutes les incohérences est trop longue.
J'adore les pirates, l'aventure et l'action, et Mathieu Lauffray a bien-sûr un talent fou pour les mettre en image (et j'achèterai la suite pour les dessins). Donc oui, d'accord pour les plus improbables péripéties, je veux bien ne pas être exigeant sur ce genre d'albums de pur divertissement. Mais par contre avec le minimum de crédibilité et de vraisemblance. Parce que là, c'est quand même un peu limite. "Raven" bascule involontairement dans la parodie.
Sauf que "Pirates des Caraïbes" fonctionnait parce que c'était drôle ! Là non.
Cette suite du formidable "Negalyod" est un voyage aux confins de l'imaginaire, assez difficile à décrire.
C'est une BD à l'ancienne, à la fois universelle et très personnelle, incarnée par un récit homérique et un graphisme grandiose. Il s'en dégage quelque chose de brut, de massif et de puissant qui, entre autres références, m'a évoqué l'ampleur mystique de l'Incal.
On peut ne pas tout comprendre mais ce n'est pas le but. Il n'y a plus aucune prise avec la réalité. On est sur le champ de la symbolique, du mythe. Je vois dans cette fresque immense une parabole sur le destin de l'humanité, la fatalité même de son existence et son incapacité à évoluer.
Les couleurs, notamment, contribuent à créer une poésie visuelle qui hypnotise littéralement. Et c'est justement cette sidération, ce pouvoir de contemplation qui permet au lecteur de perdre toute mesure, d'abandonner tout questionnement superflu et de s'immerger dans la lecture.
Une œuvre profonde, méditative, audacieuse et ambitieuse qui marque une rupture. Elle peut vous happer, comme elle l'a fait pour moi, ou vous laisser complètement déconcerté au bord du chemin...
Une chose est sûre, ces 2 albums deviendront une de mes BD-cultes. J'entends par là pas forcément génialissimes ou parfaites, mais auxquelles je pardonne tous les défauts car elles renferment un Graal : un aller simple pour l'évasion dans un univers unique, onirique, métaphysique.
Vincent Perriot a l'étoffe des très grands !
Ce second tome, toujours aussi brillant, utilise les mêmes dispositifs formels que le 1er. A savoir une mise en page spectaculaire, exubérante, ramifiée, enrichie de mille et un détails qui fournissent au lecteur observateur les moyens de mener l'enquête en temps réel.
Certaines planches, très chargées, en font sans doute un peu trop mais les auteurs, en phase parfaite, ont l'élégance de ne pas dénaturer le plus grand détective de tous les temps. Ce fouillis visuel a le mérite de représenter efficacement la complexité de son esprit d'analyse et de déduction.
Un travail impressionnant qui m'a procuré un vif plaisir de lecture.
La réussite de ce diptyque ne peut, à mon avis, qu'en appeler d'autres à venir...
Même si de mon point de vue, il n'atteint pas les sommets que sont " Artic-Nation " et " Âme rouge ", ce nouvel opus est du meilleur tonneau.
Malgré une couverture assez moyenne, tous les fondamentaux de l'univers Blacksad sont en première ligne : un background 50's hyper détaillé, une galerie de personnages extraordinaire, une enquête en eaux troubles, un rythme trépidant, un ton mâtiné de cynisme et d'humour, de l'action, du suspens, de la culture, de l'amour... et toujours une puissante mélancolie pour napper l'ensemble.
Quel bonheur de lecture après une si longue absence !
Une classe à part ce Docteur Radar !
Du scénario, je retiendrai surtout les dialogues à l’ironie savoureuse, l’extravagance jubilatoire des situations et le panache des personnages, tous très en verve.
Le reste de l’histoire est plus convenu, volontairement cantonné à l’esprit feuilletonesque des années 1920 avec le super méchant, génie du mal à plein temps, qui veut conquérir l’univers depuis sa base sous-marine secrète…
Mais c’est surtout visuellement que Dr Radar est hors norme. A ce niveau ce n’est même plus du dessin mais une véritable création artistique, unique.
Ce 3ème et dernier tome se déroule entièrement de nuit, ce qui donne à la lumière un rôle capital. Les éclairages, très théâtraux, projettent des ombres menaçantes et découpent à la serpe les visages et les décors pour plonger instantanément le lecteur dans une atmosphère vertigineuse de mystère, de glamour et d’effroi.
Le jeu des personnages est à la fois exagéré et subtil, proche d’une pantomime expressionniste. Ils en imposent avec leurs mouvements dansants et leurs yeux écarquillés copieusement surlignés.
Le découpage inventif et des cadrages déséquilibrés renforcent constamment la dramaturgie et confèrent une énergie tourbillonnante à chaque planche.
La couleur, enfin, est la pièce maîtresse de ce langage graphique ; puisée dans une palette inhabituelle et peu usitée, chaque teinte participe à la structure de la case et lui donne son rythme et sa profondeur.
L’ensemble témoigne d’une recherche esthétique et d’une maîtrise éblouissantes. Je n’ai pas d’autre mot que « chef d’œuvre » pour qualifier le travail de Bézian.
Je préviens tout de même que cette trilogie reste exigeante. Le texte est riche et les planches ne se décryptent pas toujours au premier coup d’œil.
Mais pour moi c’est une très grande BD. Bravo !!
En entamant la première page, la seule question que je me suis posée est « Esprit de Corto, es-tu là ? »
En terminant la dernière, la réponse fut « oui !», indubitablement. Pour la simple raison que Corto sera toujours Corto, quelle que soit l’époque. Il est intemporel. Océan Noir en apporte la preuve flagrante et rien que pour cela mérite d’être lu.
Ce nouvel opus est (comme il se doit) une errance un peu planante, assez improbable, entre Japon et Amérique du Sud. Mais les dialogues allusifs et le graphisme éthéré le rendent beaucoup moins bavard et plus épuré que ses prédécesseurs. Cependant, la plupart des incontournables sont bien là : la nonchalance, le mystère, l’action, l’histoire, l’élégance, la pointe d’humour…
À l’ironie du personnage répond d’ailleurs celle des auteurs qui semblent s’amuser d’avoir téléporté leur héros en 2001. Par exemple, Corto ne cesse de changer de casquette - 6 au total je crois - mais pas une seule fois ils ne lui feront porter sa cultissime casquette de marin, alors qu’ils savaient pertinemment que tout lecteur l’attendrait. Anecdotique, oui. Mais une façon pour eux de déconstruire le mythe pour mieux se l’accaparer et le retranscrire différemment.
On peut bien sûr débattre longtemps de la pertinence d’avoir ancrer le personnage au 21ème siècle… Je respecte l’avis de chacun là-dessus mais ce n’est pas mon propos.
Je note juste qu’Océan Noir aurait dû être un « Corto Maltese vu par…» et non un Corto Maltese tout court. Cet album n'a rien à faire dans la série. À part ça, c’est une aventure certes mineure mais rafraîchissante et une belle interprétation, tout à fait digne de sa lignée, dans laquelle on peut se laisser dériver avec plaisir et indolence. Ou pas.
Whaou ! Si j'étais un auteur de BD, je serais sans doute jaloux du Dernier Atlas. J'imagine du moins que c'est typiquement le genre de projet que la plupart aimerait réaliser. C'est ambitieux, complexe, maitrisé, intelligent, immersif et addictif. Ça ne ressemble à rien de ce que j'ai lu jusqu'à maintenant. Et quelle intensité ! Dans les 2 premiers tomes, les auteurs avaient déjà exploré le polar, l'uchronie et le fantastique. Le tout simultanément, avec réalisme et brio.
Ce 3ème et dernier tome rajoute encore deux dimensions supplémentaires : le politique et la science-fiction, tout en restant cohérent et crédible. Ce tour de force est tout bonnement magistral !
Mais comme si ce n'était pas suffisant, le Dernier Atlas réalise encore à mes yeux une autre prouesse. Concilier, voire réconcilier, la BD contemporaine et la BD classique. On l'avait déjà vu dans "Groenland Vertigo" qui prenait des allures de Tintin, le trait de Tanquerelle est extraordinaire pour cela. Expressif, détaillé, dynamique, tout en conservant une ligne presque claire, hyper lisible, qui rappelle parfois les indémodables auteurs d'antan. Le souffle de l'aventure et les élégants aplats de couleur de Laurence Croix font le reste.
Je ne dirai rien sur l'histoire, il faut le lire !
Enfin, pour rebondir sur la remarque d'herve26, Le Dernier Atlas est la seule série que j'ai intégralement en double, édition classique + édition N&B sous coffret. C'est dire si je la considère comme une œuvre définitivement à part. Définitivement indispensable. Bravo et merci.
Disons-le d’emblée : j’ai ressenti une légère baisse de rythme dans ce 4ème tome.
Cela tient probablement au personnage d’Albert lui-même, peut-être moins solide que les autres. Difficile de croire en effet qu’un simplet rachitique dans son genre puisse être ce psychopathe insaisissable œuvrant dans un hôpital désaffecté, tel un Dexter ou un Tyler Durden…
Malgré ce décalage, cet épisode contient néanmoins beaucoup de surprises !
Car c’est aussi cela, RIP. La façon dont les intrigues se croisent, se recoupent et s’additionnent depuis le début est totalement jubilatoire. C’est un puzzle mortel auquel chaque tome apporte son lot de pièces aussi sanguinolentes qu’inattendues. Même si « Albert » est un poil en dessous, il s’inscrit parfaitement dans cette mécanique diabolique qui ne laisse aucun répit au lecteur en l’entraînant toujours plus loin dans l’affreux. Je suis à chaque fois sidéré par les qualités graphiques et la précision implacable de la narration.
Gaet’s et Monier, en repoussant ainsi les limites de tout ce qu’on avait coutume de lire jusqu’à présent, sont en train de réinventer le polar et réalisent l'une des plus grandes séries actuelles !
Au fil des albums, Ralph Meyer affine et peaufine toujours plus son dessin. Ce 6ème tome regorge de gros plans particulièrement réussis. Et comme la couleur de Caroline Delabie est heureusement plus lumineuse que dans le terne « Indien blanc », « Salvaje » est un régal pour les yeux.
Le scénario est quand même assez improbable, mais sur l’ensemble de ce 3ème diptyque, il reste suffisamment fouillé et abouti pour accrocher même les lecteurs les plus grincheux (et je m’inclus dans le lot !). On n’est clairement plus dans du simple western, mais dans de la grande aventure épique et pleine de souffle.
D’autant que le retour tant attendu de Rose, et peut-être de Lin et Jeronimus Quint ne semble plus très loin…
Bref, un bon cru et un nouveau carton assuré !
Pour 3€, aucune hésitation !
Le papier est épais et le format généreux. Les "articles", truffés de clins d'œil sont copieux et réjouissants à lire. Quant à la pub illustrée par Antonio Lapone, elle est vraiment stylée !
Un petit Hors-série pas cher et franchement sympa pour les 20 ans de la série ; pas de quoi bouder son plaisir.
::: CAHIER DE STORYBOARD - Tirage Limité :::
Un collector pour les passionnés de la série. Et il y a de quoi l'être ! Le dessin de Ralph Meyer est exceptionnel et justifie amplement cette parution. Attention cependant... Le format est riquiqui, et vu son prix, certains la jugeront trop chère.
Cette version crayonnée a pour atout sa reliure toilée, le numérotage à la main et le choix du papier.
A contrario, la qualité d'impression peut paraitre moyenne. La trame, notamment, est souvent visible et fait apparaitre une multitude de petits points dans les traits. Cela fait perdre un peu de sa puissance au tracé, rendu presque flou par moment. J'ai vérifié : la plupart des cahiers graphiques que l'on trouve en fin d'albums sur les tirages limités, tous éditeurs confondus, sont en général bien plus nets.
Ceci étant dit, ce carnet a quand même répondu à mes attentes. Si les lecteurs occasionnels n'y verront sans doute que peu d'intérêt, les collectionneurs, eux, y jetteront un œil attentif. Car en plus d'être un bel objet, il est probable qu'il devienne assez recherché d'ici quelques années. Comme tout ce qui touche à Undertaker...
Vu sa diffusion réduite et ses critiques, je ne chercherai pas à vous convaincre que c'est une série géniale. Mais elle ne me semble pas si nulle que cela non plus.
C'est un divertissement tout public, modeste, dépaysant et plutôt bien réalisé, sur lequel je ne porte pas un regard exigeant. J'ai même pris plaisir à le lire car un truc a réussi à m'accrocher. Les personnages, notamment, prennent une épaisseur intéressante.
En tout cas, on sent clairement que le scenario a été pensé de manière globale. Et malgré les raccourcis et les facilités du récit, il aura sûrement quelque chose à défendre sur la durée qui pourrait valoir le coup. Ou pas.
"Fausses pistes" au pluriel.
Un titre qui révèle la trame du scénario. En effet, Duhamel explore savamment plusieurs "pistes", de la chronique sociale au western historique en passant par le burlesque ou l'action. Mais il n'en suit qu'une jusqu'au bout : la plus intimiste. Celle qui nous plonge dans la psychologie de son personnage, un loser magnifique qui accomplira malgré lui son destin. Et il fallait bien cette narration multidirectionnelle pour qu'il y parvienne.
Au final ce jeu de (fausses) pistes prend la forme d'un conte contemporain qui s'attache plus au sens des situations qu'à leur crédibilité. Cela permet à l'auteur de prendre des distances vis à vis de la réalité pour poser d'excellentes questions et rendre son récit passionnant. Car chaque scène est porteuse d'un message. En partageant ainsi sa réflexion, il fait appel à l'intelligence du lecteur pour transformer une histoire toute simple en une quête initiatique véritablement touchante.
Acheté sur un coup de tête, j'ai pris un grand plaisir à lire cet album bien abouti et surprenant.