Albert Londres doit disparaître
Une BD de Frédéric Kinder et Borris chez Glénat (Treize Etrange) - 2022
04/2022 (11 mai 2022) 104 pages 9782749309323 Autre format 446543
Le secret de son dernier reportage. Quand, en décembre 1931, Albert Londres embarque pour la Chine, nul ne sait vraiment ce qu’il part y faire. Aucun journal ne l’y a envoyé et ses concurrents se demandent ce qu’il va bien pouvoir rapporter comme scoop alors que Shanghai est au cœur du conflit sino-japonais. Après ses reportages qui ont fait grand bruit sur le bagne de Cayenne, sur la traite des Blanches en Argentine ou sur le traitement indigne des internés en hôpitaux psychiatriques, c’est un trafic d’armes et d’opium qu’Albert Londres va mettre... Lire la suite
Le métier de reporter n'est sans doute pas le boulot le plus facile au monde. On peut mourir quand on informe bien les gens. C'est ce qui est malheureusement arrivé à l'un des plus grands reporters français à savoir Albert Londres dans les années 30. Voici une BD qui lui rend hommage tout en nous présentant les enjeux géopolitiques du moment ce que j'ai bien apprécié.
Depuis 1914, ce reporter d'exception a couvert les principaux événements de ce début de siècle un peu agité. Il a été par exemple le premier français au cœur de la Russie des soviets. C'est surtout son article sur le bagne de Cayenne qui a eu le plus d'impact puisque cela a abouti à sa fermeture. Il a également dénoncé le traitement indigne des malades dans les hôpitaux psychiatriques. Par ailleurs, il est devenu également un spécialiste de la Chine.
C'est justement en Chine que le conduit sa dernière enquête en décembre 1931 qui va lui révéler un des plus grand scandale de toute la République. En effet, des politiciens corrompus ainsi que des hauts militaires se servent du trafic d’opium pour livrer des armes aux factions communistes qui luttent contre le Général Tchang Kaï-Check qui a déjà fort à faire avec l'occupant japonais. On connaît son destin puisqu'il sera contraint de s'exiler à Taïwan qui bénéficie encore aujourd'hui d'un statut très particulier.
Cette BD nous retrace les derniers moments de ce reporter qui va payer sa découverte du scandale au prix de sa vie, assassiné dans des conditions assez mystérieuses qui donnent lieu à toutes les interprétations possibles d'où cette version un peu romancée. Sa disparition en mer lors d'un retour en Chine a, en effet, beaucoup interrogé. Les écrits de son reportage brûlent également dans l'incendie du navire provoqué par un sabotage.
Il faut savoir qu'Albert Londres a donné son nom au prix récompensant chaque année en France un reportage de qualité et qui reste une véritable référence dans le journalisme d'investigation. J'ai bien aimé cette BD qui lui rend vraiment hommage et qui inspire des vocations à travers le monde pour que la vérité soit découverte même au dépend des puissants.
A partir du 21 septembre 1914, Albert Londres se fait une solide réputation avec son article sur la cathédrale de Reims brûlée par les Allemands. Il va mener des enquêtes qui vont faire date un peu partout dans le monde, mais aussi en France.
Au cours de son séjour en Chine en 1923, il fait la connaissance de monsieur Pou qui est son interprète sur place.
Décembre 1931.
Albert Londres reçoit un télégramme bien inquiétant envoyé par monsieur Pou qui laisse entendre qu’une affaire très grave se déroule en Chine… Et il n’entend pas par là le conflit sino-japonais… Sa curiosité étant piquée au vif et voulant terminer sa carrière par un dernier reportage sensationnel, Albert s’embarque sur un bateau. Un journaliste politique d’un journal au bord de la faillite est chargé de le suivre à la trace et de découvrir ce qui le conduit dans cette Chine en guerre contre le Japon. Connaissant la réputation d’honnête homme d’Albert Londres y aurait-en France des gens très bien placés qui craindraient de se trouver empêtrés dans un scandale pas joli-joli ?
Critique :
Ce roman graphique repose en grande partie sur le livre de Pierre Assouline « Albert Londres, vie et mort d’un grand reporter 1884-1932 ». L’histoire de cette dernière enquête d’Albert Londres se prête à merveille aux thèses d’un grand complot car pas une bribe des articles du grand journaliste ne nous est parvenue. Albert Londres va périr dans le naufrage du paquebot Georges Philippar, un paquebot moderne et luxueux (pour ceux qui étaient en Première Classe). La thèse officielle fut celle d’un court-circuit électrique qui provoqua l’incendie du bateau qui était construit en grande partie en bois. Albert Londres ne fera pas partie des survivants… Plus étonnant, il avait confié à un couple d’amis, Alfred et Suzanne Lang-Willar des parties entières de ses articles, et… Ne divulgâchons point l’histoire !
Si la thèse de l’accident est tout-à-fait vraisemblable, les événements se prêtent parfaitement à une disparition orchestrée d’un journaliste parti en Chine sans en avoir donné le motif à personne, pas même à sa fille, et sans y avoir été envoyé par aucun journal. Comme la Chine en 1932 était au centre d’un tas de trafics qui rapportaient des fortunes à ceux qui les organisaient, il est tout-à-fait possible qu’on ait voulu faire disparaître le trop curieux journaliste qui a passé plusieurs mois sur place, voyageant un peu partout et disparaissant même pendant un mois.
Voilà une bande dessinée historique où les auteurs prennent clairement position pour susciter l’intérêt du lecteur, alors que d’autres auteurs ont défendu la thèse de l’accident. Allez savoir !
Il nous reste une bande dessinée très bien construite et pleine de suspense.