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Il y a des lectures qui marquent. Le Voleur d’Amour en est certainement une. Le titre intrigant, imprimé en lettres dorées sur la couverture toilée fait déjà de ce livre imposant un splendide objet qui attire le regard.
Yannick Corboz adapte un récit de Richard Malka (avocat, romancier et scénariste de bandes dessinées dont l’Ordre de Cicéron et de Section Financière) qui nous emmène dans les pas d’Adrian, un jeune vénitien du 18ème siècle, dont la vie se déroule… sur plusieurs siècles. En effet, frappé d’une malédiction due aux circonstances de sa conception, le jeune homme va se révéler, à l’occasion de son premier baiser, être un Voleur d’Amour. Il dispose d’une sorte de pouvoir vampirique, de prolonger une éternelle jeunesse et de développer des capacités physiques hors du commun, par un simple baiser. Mais, ce faisant, il détrousse sa victime de ses sentiments d’amour (on peut penser aux Détraqueurs de Harry Potter, même si la comparaison se limite à cela), ce qui n’est pas sans conséquences.
La vie d’Adrian à travers les siècles et les continents nous permet de voyager avec lui, à travers ses succès, mais aussi ses malheurs, car « vivre longtemps, c’est accumuler les tragédies ». L’expression des états d’âmes, des idées noires d’Adrian est saisissante et le lecteur se prend à se demander ce qu’il ferait d’un tel pouvoir à la fois merveilleux et horrifique. L’intrigue rappelle la grande littérature ou le grand cinéma du genre, entre Entretien avec un Vampire et Only Lovers Left Alive, teintés de Dorian Gray.
Les tableaux – car chaque case en est un – de Yannick Corboz (L’assassin qu’Elle Mérite, Les Rivières du Passé) nous permettent de suivre ce récit d’allers et retours dans le temps (du 18ème siècle à nos jours) et l’espace (Venise, Byzance, New York, Paris, les plaines du Kenya, …) de manière magistrale. La beauté du dessin, à travers le choix des couleurs et une grande finesse, crée des ambiances immersives, passant de la lumière à la fange, de l’amour sans limite aux guerres aveugles et meurtrières.
Un chef d’œuvre d’un grand artiste du Neuvième Art.
@JB_B.D
Le 17 avril 1906, San Francisco s’apprête sans le savoir à subir le plus grand tremblement de terre de son histoire. Dans ce cadre historique, Damien Marie (Ceux qui me touchent, …) et de Fabrice Meddour ont créé une histoire mêlant l’empire Néobabylonien, l’opéra, Gustav Klimt, la Mano Nera et son homologue chinoise. Tant de sujets qui, sous les mains des auteurs, se combinent avec une grande lisibilité.
Les virtuoses pinceaux de Fabrice Meddour (la Fille du Quai, Après l’Enfer (déjà avec Damien Marie), John Arthur Livingstone - Le Roi des singes, …) n’ont jamais trouvé si bel écrin que celui de cette histoire. Les scènes intimes, voire très intimes, précèdent des larges plans et des véritables tableaux de catastrophe. Le cadrage est mûrement réfléchi et les personnages disposent d’une réelle personnalité graphique. C’est aussi un grand plaisir de voir la Judith de Gustav Klimt mise en scène dans l’introduction. Sans vouloir lever trop le voile sur l’intrigue, l’évocation du maître de la peinture viennoise ne se limite pas à l’introduction.
Les auteurs avertissent le lecteur dès la page de garde : si le cadre est historique, le récit est inventé. Quelques pages intitulées « L’Histoire dans l’histoire », également très agréablement lisibles, permettent de mieux saisir cette articulation et de comprendre un peu mieux les références historiques et l’ampleur de la recherche des auteurs. Ainsi, l’idée de l’utilisation du chanteur d’opéra Enrico Caruso, célèbre ténor effectivement présent sur les lieux au moment du tremblement de terre, est une belle trouvaille et donne de l’ampleur et de la crédibilité au récit.
Bref, je recommande grandement la lecture de cet ouvrage. Cerise sur le gâteau, le second tome de ce diptyque paraîtra rapidement : il est finalisé et est annoncé pour le mois de juin 2024.
A lire si vous aimez : les histoires de mafia et de corruption, Gustav Klimt, l’opéra, San Francisco, ou tout simplement les aquarelles de Fabrice Meddour.