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Les avis de - pokespagne

Visualiser les 270 avis postés dans la bedetheque
    pokespagne Le 20/06/2016 à 10:20:35

    Peu de surprises avec ce nième album du tandem Loustal / Paringaux : le dessin stylisé de Loustal est toujours magnifiquement efficace, en particulier grâce au traitement sublime des couleurs, tandis que Paringaux anime "la voix off" de ce récit "manchettien" de ses mots un peu précieux mais indéniablement musicaux. D'où vient alors cette légère déception qui nous saisit lorsqu'on referme "le Sang des Voyous" ? Peut-être de la noirceur extrême, un peu caricaturale, d'une histoire certes magistralement classique (on sait que la relecture post-moderne des grands thèmes classiques est le fond de commerce de Paringaux et Loustal..) mais un tantinet chargée en violence et en notations sordides. Mais aussi de cette absence notable de pauses, de respiration, d'effet de suspension qui sont ce que les autres oeuvres du tandem ont toujours eu de mieux. En poussant un peu trop loin le curseur vers la noirceur absolue, "le Sang des Voyous" frôle la caricature et perd de la profondeur, de l'humanité : il lui manque une âme, soit une chose qu'on n'aurait jamais pensé écrire à propos d'un livre de Loustal et Paringaux.

    pokespagne Le 13/06/2016 à 06:12:07
    Max Fridman (Les aventures de) - Tome 5 - Sin ilusión

    "Sin ilusión", conclusion désabusée, amère même, de "la trilogie de la guerre d'Espagne" de Giardino, est certainement le meilleur des trois livres - le plus rempli d'action, de coups de théâtre, etc. -, mais ne réussit pas non plus à soulever le même enthousiasme de notre part que les débuts de Max Fridman. Malgré les multiples péripéties qui mènent Fridman à la découverte de Treves et du secret de "Cocorito", règne ici une impression d'immobilisme pesant : on a du mal à vibrer même quand les balles sifflent - de manière un peu répétitive d'ailleurs - aux oreilles de notre héros. On peut tenir pour responsable de ce manque de dynamisme le dessin parfait, mais par trop "posé", de Giardino, mais c'est peut-être plutôt l'immobilisme de Fridman, paralysé par ses désillusions (le titre du livre est clair) et par une forme naissante de défaitisme qui passe mal ! ... Et est dans doute antinomique par rapport à un récit policier / d'aventures où l'on doit craindre pour la vie du héros. Ici tout est clairement perdu depuis toujours, la grande Histoire (on sait bien entendu le funeste destin de la jeune République espagnole) comme la petite : la fuite de Fridman devant l'aventure de l'amour qui lui est offerte, même si elle nous offre une jolie conclusion avec ses retrouvailles avec sa fille, n'est pas un grand moment romantique, plus une lâcheté sans aucun panache. On peut comprendre, voire avoir de la sympathie pour le pessimisme (la lucidité) Giardino, mais il est indiscutable qu'il est fatal au charisme de "Max Fridman", le personnage de BD. (C'est d'ailleurs en cela que Giardino est infiniment inférieur à son compatriote Pratt qui réussit au contraire à nourrir le romantisme éperdu des aventures de Corto Maltese du cynisme élégant de son héros...).

    pokespagne Le 11/06/2016 à 09:41:43

    Je considère Hermann comme l'un des dessinateurs les plus géniaux de la BD franco-belge, et la sombre magnificence de son travail sur "Liens de Sang", où il crée une ambiance funèbre remarquable en quelques cases parfaitement bien composées et "peintes" (car chez lui, c'est depuis longtemps la matière peinte qui prime sur le trait), le confirme une fois de plus. Ma théorie est que Hermann n'est pas reconnu à sa juste mesure car, depuis ses brillants débuts avec Greg (les géniaux "Bernard Prince" et "Comanche"), il n'a jamais trouvé les bonnes histoires à transcender. Et ce n'est pas sa collaboration avec son fils Yves H. qui va changer mon opinion ! Thématiquement ambitieux (une mise en scène du mythe d'Oedipe dans un décor néo - noir, en le confrontant au décorum chrétien du Diable, rien que ça !), ces "Liens de Sang" n'accrochent jamais vraiment notre attention tant ils accumulent les clichés paresseux du roman noir US, tout en manquant cruellement de rythme. Et Hermann a beau citer l'incontournable "Nighthawks" de Hopper, la belle atmosphère qu'il construit est vite mise à bas par la lâcheté d'un scénario "What the Fuck" , comme on dit de nos jours, qui préfère laisser le lecteur en plan, Yves H. imaginant sans doute que son geste inachevé a quelque chose de Lynchien. Bref, une cruelle déception, une de plus dans la longue biblio de Hermann.

    pokespagne Le 11/06/2016 à 09:32:06
    Max Fridman (Les aventures de) - Tome 4 - Rio de Sangre

    Le temps de la découverte fracassante d'un Max Fridman aux prises avec les jeux d'espionnage européen de l'avant-guerre est désormais loin, et Giardino malgré l'excellence de sa ligne claire, ne s'est pas imposé comme le géant de la BD dont on avait prédit l'avènement. Je me suis moi-même détaché des aventures historiques de Max Fridman, et renouer aujourd'hui avec le fil embrouillé de son histoire - depuis "No Pasarán", Fridman est aux côtés des Républicains espagnols peu avant la victoire de Franco... - n'est pas une chose aisée. Alors, du coup, mieux vaut se délecter de la mise en scène impeccable de ces scènes de guerre, mais surtout de déroute et d'accablement, qui dressent un constat tragique de l'effondrement du rêve communiste sous les assauts du fascisme, abandonné par une Union Soviétique qui avait déjà d'autres préoccupations que la libération des peuples... En lisant "Río de Sangre", on suit les vains allers et retours de ses personnages perdus dans le chaos de la guerre, vaincus par le froid qui s'avance, on tremble avec eux sous les bombes, on pleure avec eux les pauvres victimes. Même si l'intrigue en elle-même n'est pas passionnante, cela fait de "Río de Sangre" un beau livre.

    pokespagne Le 29/05/2016 à 08:24:31
    Masquerouge - Tome 3 - Le rendez-vous de Chantilly

    "Le rendez-vous de Chantilly" regroupe les dernières aventures d'Arianne de Troïl parues en 1980 sous formes de courts récits dans Pif Gadget, avant que Cothias et Juillard se lancent dans la belle épopée des "7 Vies de l'Epervier". Ici, on en est toujours au niveau du divertissement un peu enfantin (Masquerouge se défait de ses ennemis, tous aussi méchants que stupides, sans aucun effort notable), sans conséquence ni enjeu moral, émotionnel ni politique aucun. On peut louer la légèreté de ces histoires "de cape et d'épée" finalement fidèles au genre, admirer le dessin de Juillard qui fait remarquablement le travail, mais force est d'admettre que tout cela ne se lit qu'à condition de mettre son intelligence et ses exigences hors circuit : nous n'avons malheureusement plus 12 ans, et il nous est désormais difficile de prendre beaucoup de plaisir devant ces situations grossièrement caricaturales, cette accumulation d'invraisemblances et surtout ce manque criant de chair de personnages unidimensionnels. Cothias et Juillard l'avaient bien compris et tournèrent la page, gardant de cette oeuvre de jeunesse l'idée - classique mais efficace - du justicier masqué, en lui injectant le contexte historique et la complexité psychologique qui lui manquaient. Mais c'est une autre histoire...

    pokespagne Le 29/05/2016 à 08:13:48

    Je ne connaissais pas (assez... car j'avais quand même croisé son dessin dur et audacieux ça et là...) Blutch, dont l'excellente réputation critique faisait plus office de repoussoir sur moi qu'autre chose. La lecture de cet envoûtant "Vitesse Moderne" m'a convaincu que j'avais fait erreur en imaginant un auteur "branché" pour l'intelligentsia : car - ici, au moins -, on a affaire à une oeuvre substantielle, profonde, impactante aussi. Voici un livre qui semble rebuter la plupart des gens, mais qui en séduira durablement quelques uns (dont je fais donc partie) : un univers singulier, mais pourtant si proche du nôtre qu'il nous est familier jusque dans ses dérapages paranoïaques les plus effrayants ; un récit qui semble s'égarer au fil d'un hasard surréaliste mais qui surprend pourtant par sa forte cohérence symbolique ; un dessin rêche dont la sensualité troublante (Ces femmes ! Ces fammes !) n'est jamais très loin de la laideur... Je ne sais pas expliquer exactement pourquoi, mais "Vitesse Moderne" m'a rappelé les scénarios d'un Bertrand Blier de la grande époque ("Buffet Froid" par exemple...), mais en quelque sorte en négatif : la beauferie de Blier devient ici une sorte de féminisme léger, et pourtant le cauchemar est le même, être perdu dans un univers familier où s'ouvrent des béances menaçantes, dans lesquelles nous trouverons - avec un peu de chance - quelques réponses à toutes ces énigmes : qui sont donc nos parents ? Qu'est-ce qu'être aimé ? Dans "Vitesse Moderne", les araignées sont trop grosses, la pluie trop diluvienne, Omar Sharif est perdu dans le métro, mais surtout la vie est un labyrinthe où chaque porte peut s'ouvrir pour nous précipiter là où nous n'aurions jamais penser aller. "Vitesse Moderne" nous fait peur - un peu -, nous enivre - beaucoup : c'est un livre formidablement intime, et pourtant un livre universel. Un livre important.

    pokespagne Le 28/05/2016 à 09:27:42
    Masquerouge - Tome 2 - Le charnier des saints innocents

    Second tome de la compilation des histoires courtes (une dizaine de planches) de "Masquerouge" parues dans Pif Gadget, "le Charnier des Innocents" se retrouve en fait constitué d'un récit principal de 37 pages - ayant donné son titre à l'album - complété par un autre court récit des plus anecdotiques (Masquerouge sauve un cerf poursuivi par des chasseurs et les ridiculise... Vraiment ?). Le récit principal, lui, engage notre héroïne sur la piste de conspirateurs assez caricaturaux, l'intrigue délirante éloignant maladroitement "Masquerouge" de son habituelle crédibilité historique : si l'on ajoute l'inévitable invincibilité du "héros", qui se sort ici des pires situations sans une égratignure, et la négligence avec laquelle Cothias bâcle l'affaire au détriment de toute vraisemblance, on obtient une BD d'une faiblesse tragique, qui n'amusera que les plus jeunes lecteurs. Bien sûr, le dessin de Juillard, qui s'améliore notablement au fil des pages, reste une excellente raison de perdre son temps avec "le Charnier des Innocents"

    pokespagne Le 22/05/2016 à 10:18:26
    XIII - Tome 6 - Le dossier Jason Fly

    On pensait notre héros tiré d'affaires à la fin du volume précédent, mais il n'en est rien : on n'en est qu'au sixième volume de la (trop) longue saga de "Numéro XIII" et il est déjà permis de penser que Van Hamme tire un peu sur la même ficelle, au risque de s'aliéner la bienveillance du lecteur un tant soit peu exigeant. Une fois encore, notre Numéro XIII préféré se retrouve la cible d'une conspiration, et bien vite traqué par tout ce que la région compte de flics véreux, de magnats peu scrupuleux et de tueurs à gages à la solde d'organisations secrètes malveillantes. Une fois encore, le major Jones vole à sa rescousse, alors que notre ingrat est bel et bien au lit avec la plus belle femme du coin. Rien de nouveau sous le soleil, ou plutôt ici, sur la neige. "Le Dossier Jason Fly" se lit toutefois avec plaisir, ce genre de plaisir régressif qui caractérise en général les thrillers anglo-saxons, qui sont clairement le modèle absolu pour Van Hamme. Sinon, peut-être est-ce seulement parce que l'on s'y habitue, mais les dessins de Vance paraissent gagner ici (un peu) en lisibilité.

    pokespagne Le 15/05/2016 à 12:10:04

    Lire "Masquerouge" après la magnifique saga des "7 vies de l'épervier" est évidemment se condamner à la déception (un peu comme lire, toutes proportion gardée "Bilbo le Hobbit" après "le Seigneur des Anneaux"...). Le format de mini histoires en 10 pages - exigé à l'époque par Pif Gadget où ces histoires furent publiées - empêche tout développement "sérieux" du contexte historique (le règne de l'encore jeune Louis XIII et la puissance du Cardinal de Richelieu, soit une époque fascinante et pas si connue que cela, en fait, malgré "les Trois Mousquetaires" et Dumas, une référence qui s'impose évidemment), des intrigues comme des personnages, qui restent relativement opaques dans ce premier tome de compilation. On pourra néanmoins trouver surprenant le fait que Cothias ne laisse rapidement aucun doute sur l'identité de Masquerouge, dégonflant de lui-même le mystère de la résurrection du "héros du peuple" : un choix incohérent par rapport au format court et "feuilletonnant", puisque pour se justifier il aurait fallu pouvoir entrer plus profondément dans la psychologie et l'histoire des personnages. On notera aussi que le dessin d'un Juillard débutant est - logiquement - encore très loin de la beauté formelle qu'il atteindra quelques années plus tard. Reste que, objectivement, le plaisir pris "au premier degré" devant ces mini-aventures picaresques reste indiscutable.

    pokespagne Le 05/05/2016 à 19:58:15
    Le caravage - Tome 1 - Première partie - La palette et l'épée

    Si je suis honnête avec moi-même, je me dois de reconnaître que, mis à part quelques BD érotiques, aucun livre de Manara pour lequel il a écrit lui-même le scénario ne m'a jamais complètement convaincu. Et ce n'est pas ce "Caravage" qui va changer cette évaluation : si l'on ne jugeait ici "que le dessin", alors ce livre serait une merveille des merveilles, tant le trait de Manara, aussi bien pour les personnages que les décors atteint un niveau de perfection inouï. De plus, la volonté - pertinente - de faire écho aux œuvres du Caravage dans la composition des plans, des mouvements, des expressions, a poussé Manara à se transcender, et chaque page tournée offre de nouveaux délices au lecteur. Mais un bon livre, c'est aussi soit un thème fort, soit un scénario palpitant, en tout cas un vecteur soit de divertissement, soit de culture, d'éducation. Et là, "le Caravage", c'est zéro pointé : sous couvert de vérité historique (je pense à la pontifiante et pitoyable introduction sensée conférer de la crédibilité au livre), Manara se laisse aller à romancer la vie de son "héros" à la manière du plus bas "biopic" hollywoodien, offrant une relecture moderne excessivement superficielle d'un personnage a priori bien plus complexe que cela ; mais là où ce livre a vraiment tout faux, c'est dans le rythme effréné qu'il impose aux personnages, aux situations, à l'Histoire : tout passe très vite, rien n'a d'importance, tout est superficiel et vain. Pire, la réalisation d'un tableau se réduit au choix des protagonistes et à la mise en scène de la situation à peindre, sans que rien du travail du peintre ne soit jamais même évoqué par Manara : ce serait acceptable si le propos de Manara était de parler de l'homme derrière le peintre (comme c'est par exemple le cas du génial "Van Gogh" de Pialat), mais c'est en contradiction totale avec les ambitions que Manara manifeste ça et là de parler de lumière et d'obscurité, de la représentation soit disant révolutionnaire du peuple dans les tableaux du Caravage, etc. Bref, ce premier tome du "Caravage" est un échec complet sur le fond, que l'excellence absolue de la forme ne saurait complètement racheter.

    PS : sinon, comme d'habitude (bâillement...) chez Manara, le héros ressemble à Delon (... et à Manara ?), et les postérieurs féminins sont bien joliment croqués.

    pokespagne Le 04/05/2016 à 21:18:26

    Entre Céline (cette haine vivifiante contre la société, la bêtise et la guerre qui grince à chaque page), Primo Levi (toutes proportions gardées, le témoignage du père de Tardi fait écho au calvaire de Primo...) et Spiegelman (comprendre ce qu'a vécu son père pour pouvoir enfin se réconcilier, ou non, avec lui...), Tardi se confronte aux plus grands dans ce "... Stalag IIB" qui témoignerait donc d'une assez folle ambition, s'il n'était marqué plutôt du sceau de la nécessité. Car raconter - et illustrer - le plus justement possible une histoire terrible (qui fait partie de l'Histoire, la grande, terrible du XXe siècle) est évidemment essentiel, face à l'oubli et à la réécriture permanente du passé. On peut évidemment se plaindre que le projet de Tardi ne débouche pas sur un nouveau chef d'oeuvre indiscutable, que la lecture de "... Stalag IIB" soit parfois fastidieuse, que l'équilibre entre le texte (très détaillé, aux sonorités très "pédagogiques") et l'image (splendide, on connaît le talent de Tardi, mais figée, puisqu'il n'y a aucun flux narratif passant d'une "case" à l'autre...) soit maladroit, bref que le "plaisir" ne soit pas au rendez-vous. Mais au final, il ne s'agissait certainement pas de "plaisir" de toute manière ! En tous cas, nous suivrons Tardi père et fils dans le second tome…

    pokespagne Le 21/04/2016 à 10:55:43

    Quelques années avant la réussite absolue que constitue "Tamara Drewe", Posy Simmonds avait expérimenté son concept génial de mash-up littérature classique et BD avec ce fascinant "Gemma Bovery", qui ajoute en plus un degré de mise en abyme en offrant un scénario actualisant / reflétant de nos jours le classique absolu qu'est la "Madame Bovary" de Flaubert. Tout cela est tellement brillant d'ailleurs que c'en est presque trop - et cet excès de sens et d'intelligence devenait clairement un problème dans l'adaptation cinématographique maladroite récente d'Anne Fontaine... Offrant donc une chronique assez réjouissante des déviances bobos aussi bien britanniques que françaises, Posy Simmonds nous propose un long jeu de piste à la recherche de la vérité sur la mort tragique (accident ? crime ? destin ? hasard ?) d'une jeune Anglaise dans la campagne normande : à travers la lecture du journal intime de la jeune femme, aussi bien que les souvenirs d'un boulanger voyeur et manipulateur, nous voilà happés par les mystères de vies pourtant bien ordinaires - entre ragots, pression sociale, tentations adultères, lâcheté et conformisme. Les révélations finales, bien amenées, achèvent habilement de ridiculiser les discours prétentieux de l'intellectuel français , et de confirmer toute la trivialité de l'histoire que Posy Simmonds nous a conté. "Gemma Bovery" est donc un ouvrage passionnant autant qu'original de par ses différents degrés de lecture (oui, oui, on peut aussi le lire comme une nouvelle version de "Madame Bovary"...) ; par contre, il n'attend pas la perfection absolue de "Tamara Drewe" parce que Simmonds ne maîtrise pas encore complètement l'équilibre magique entre mots et images, et que la partie "littéraire" est par instants trop envahissante vis à vis de la partie "dessinée", créant ça et là une impression de tunnel narratif. Un petit bémol seulement pour un livre absolument recommandable.

    pokespagne Le 02/04/2016 à 18:36:28
    XIII - Tome 5 - Rouge total

    Avec ce tome fracassant et palpitant, Vance et Van Hamme bouclent une sorte de premier cycle des aventures haletantes de XIII. Si l'on réussit à prendre du recul, on peut rechigner devant les ficelles un peu grosses de l'histoire, et faire la fine bouche devant cette machine de guerre qu'est le scénario bétonné de Van Hamme. Le seul problème est bien qu'on n'a ni le temps ni l'envie de prendre du recul, tant "Rouge Total" est efficace et satisfaisant. Comme les dessins de Vance se sont également améliorés au fil des tomes, on peut affirmer que "Rouge Total" est le sommet de XIII. Peut-être aurait-il fallu que le I soit démasqué aussi et qu'on en reste là ?

    pokespagne Le 01/04/2016 à 19:47:44
    Le rapport de Brodeck - Tome 1 - L'autre

    J'avoue ne pas avoir (encore) lu le livre de Philippe Claudel dont est inspiré le dernier livre de Larcenet, ce qui fait que je ne suis pas capable de séparer la part de création de celle de pure illustration dans son travail. Prenons le risque de dire néanmoins que "l'illustration" - justement - est somptueuse, Larcenet perfectionnant encore ici la technique qu'il avait développé pour "Blast", en allant cette fois plus du côté du réalisme, et moins de celui de l'expressionnisme : le résultat est que "l'Autre" est un très bel objet (belle couverture, beau papier, bel étui en outre, ce qui ne gâche rien) dont la lecture s'avère être un plaisir raffiné, assez rare finalement. Pour ce qui est de l'histoire, on retrouve cette infinie noirceur qui caractérise de plus en plus les sujets de Larcenet (on peut déplorer cette vision atroce d'un monde uniformément cruel), noirceur qui en rebutera plus d'un. Mais la subtilité de la narration, éclatée, mais finalement toujours très claire, et la force du sujet (le repli identitaire dans une contrée arriérée blessée à mort par une guerre qui vient de se finir, repli qui mène à l'horreur du crime) emporte finalement notre adhésion. "L'Autre" est de fait une belle réussite, même si l'on attendra le second volume avant de crier au chef d’œuvre !

    pokespagne Le 30/03/2016 à 14:23:23
    Je suis légion - Tome 3 - Les trois singes

    Avec les "Trois Singes", un tome rempli d'action et de violence, Nury et Cassaday terminent donc de manière convaincante leur saga de "Je Suis Légion" : on admirera certaines planches particulièrement brillantes de Cassaday - bien aidé quand même de sa coloriste, la mise en couleurs étant somptueuse. On appréciera aussi l'aspect "historico-politique" de la conclusion, Nury revenant sur le projet "Walkyrie" de renverser Hitler et les Nazis, et nous offrant un bel exemple de "real politik" de la part de Churchill. Du côté de l'intrigue elle-même, si le combat fratricide entre vampires offre sa dose de sensations, et si tous les personnages en arrivent à une fin plus ou moins logique de leur périple, on ne peut s'empêcher de ressentir un très légère déception par rapport aux promesses ambitieuses que le démarrage de "Je Suis Légion" contenait. Et puis, sans surprise, les légers défauts formels identifiés auparavant subsistent, entre personnages faiblement caractérisés, et une certaine confusion ci et là dans une narration sans doute trop éclatée, trop ambitieuse.

    pokespagne Le 28/03/2016 à 09:07:01
    Je suis légion - Tome 2 - Vlad

    Le second tome de "Je suis légion" s'avère un peu inférieur au premier, les petits défauts qui étaient déjà apparu s'accentuant au fil de la lecture : il y a en effet une accumulation malheureuse entre la faiblesse du dessin de Cassaday (le manque de caractéristiques reconnaissables de personnages que l'on a donc tendance à confondre) et l'excès de complexité de la narration de Nury, qui rend la compréhension de l'histoire difficile, et forcera le lecteur à revenir régulièrement en arrière. C'est d'autant plus dommage que le thème de la saga reste passionnant et original, que "Vlad" ne manque pas de scènes fortes (sans parler d'action roborative lors de l'attaque du commando contre les installations de Heizig), et que la composition graphique de nombreuses pages est superbe.

    pokespagne Le 13/03/2016 à 17:32:39
    XIII - Tome 4 - SPADS

    Voici dans la saga "XIII" un tome étrange, déséquilibré et un peu pesant : Van Hamme a jugé, assez curieusement, qu'il était temps (déjà ?) de révéler à ses lecteurs une partie de la vérité sur XIII et sur la démentielle partie d'échecs entre services secrets américains et conspirateurs d'extrême droite au sein de laquelle il n'est qu'est pion : très bien, mais fallait-il vraiment que ces interminables révélations prennent la forme aussi fastidieuse de plusieurs pages de texte interrompant l'histoire principale plutôt sympathique (XIII chez les SPADS, XIII et les femmes, que du nanan !)? Bien parti avec son action virile et joyeusement stéréotypée (style "séjour commando dans la jungle" à la manière Schwarzie ou Stallone, fleurant bon les action movies des années 80), "SPADS" finit par nous tomber des mains, à force d'intrigues inutilement (?) tarabiscotées, et d'une narration platement conventionnelle : voici un livre à ne pas lire le soir sous peine de sommeil anticipé ! Sinon, la dernière page laisse nos héros dans une situation plaisamment désespérée qui donne évidemment envie de lire la suite...

    pokespagne Le 02/03/2016 à 15:59:39
    Billy Bat - Tome 17 - Volume 17

    Dans la ligne directe du tome précédent, Urasawa et Nagasaki nous narrent dans ce dix-septième volume les tentatives de Kevin Goodman pour alerter les autorités américaines sur la menace terroriste contre le WTC, entravées par le jeu pour le moins paradoxal de la "chauve souris" : si dans le monde uchronique de "Billy Bat", le 11 Septembre a bien également lieu (même si l'on peut tergiverser quant à l'endroit de l'impact des avions tels que dessiné pages 146-147), et si cette évocation est bien évidemment la source de moments forts du livre, il faut bien avouer que nous nous trouvons aussi désemparés que Kevin devant cette nouvelle boucle du récit !. Et ce d'autant que l'inclusion - comme dans le tome précédent - de flashbacks sur les derniers jours de Chuck Culkin (l'imposteur) ainsi que sur des souvenirs de l'Agent Smith ne contribuent pas à simplifier l'affaire ! J'ai envie de dire qu'on a encore lu 200 pages "pour rien", puisque les choses se sont compliquées plutôt qu'éclairées, alors qu'a priori la conclusion de la saga devrait être proche, et que, pire, on a pris relativement peu de plaisir à leur lecture. Espérons que le voyage au Pays Basque qui se prépare ouvrira une brèche dans la fiction. Espérons aussi que la rencontre pour le moins surprenante qui clôt ce dix-septième tome apportera un nouveau basculement de perspective dont "Billy Bat" a cruellement besoin.

    pokespagne Le 28/02/2016 à 13:38:34
    Corto Maltese (Couleur format normal) - Tome 2 - Les Helvétiques

    Curieusement, j'étais passé complètement à côté des "Helvétiques" en 1988, alors que je suivais fidèlement chacune des aventures du beau Corto depuis ma mémorable découverte de la "Ballade la Mer Salée". C'était sans doute - je ne m'en souviens pas - le côté entièrement onirique de l’œuvre qui m'avait découragé, moi qui, rationnel en diable, souffrait déjà lorsque Corto abandonnait occasionnellement la réalité politique et historique pour se plonger dans une de ses rêveries qui me paraissaient toujours à moi une perte de temps complète ! A moins que ce ne fût l'aspect formellement expérimental (pour Hugo Pratt !) du livre, réalisé en couleurs, avec un trait plus ferme, moins esquissé. Toujours est-il que ce refus - à l'époque - d'entrer dans le "rêve éveillé" du 11ème album de Corto Maltese m'a permis de le savourer beaucoup mieux aujourd'hui, trente ans plus tard... à un âge plus "approprié" dans la mesure où l'on peut lire cet album étrange - et terriblement mélancolique parfois - comme une méditation à la fois amusée et lucide sur la vanité des mythes et des croyances. Le genre de petit cadeau qu'un auteur se fait à lui-même quand il n'a plus rien à prouver, qu'il a trouvé le pays de sa dernière demeure (la Suisse, que Pratt n'a de cesse de réhabiliter ici en l'inscrivant sur la carte des grands mythes), et qu'il sourit désormais de son propre enthousiasme passé pour les mystères de notre civilisation : lorsque le Saint Graal n'est qu'un vulgaire objet qu'il faut enchaîner pour le protéger de la rapacité touristique des chevaliers (qui sont surtout des frustrés et des "coincés", sexuellement parlant), lorsque y boire une gorgée d'eau de jouvence n'aura évidemment aucun effet à part un léger rajeunissement cosmétique et pas mal d'ennuis avec le Diable en particulier, cela vaut-il la peine de se préoccuper vraiment de tout ce fatras de légendes plus ou moins religieuses ? Il faut néanmoins admettre que tout n'est pas absolument réussi dans "les Helvétiques", et que le lecteur peut avoir le sentiment d'être parfois la victime de blagues de potache (la danse avec les squelettes, le gag du "fil de l'épée", le clin d’œil à King Kong, etc.), voire même d'une certaine fumisterie de la part de Pratt. C'est pourtant au cœur de ce n'importe quoi que se niche la beauté des "Helvétiques" : puisque rien n'a d'importance, amusons-nous une dernière fois. La vie est si courte.

    pokespagne Le 27/02/2016 à 19:52:11

    A force de lire des critiques de la série TV (en tout cas des deux premières saisons) par des fans - énervés comme des zombies alléchés par l'odeur de la chair fraîche - de la BD, il fallait bien que je m'y plonge à mon tour, dans cette oeuvre fleuve... Pour m'y livrer à l'exercice inverse, la critique de l'original basée sur la copie ! D'abord, une réticence immédiate quant à l'avertissement de Robert Kirkman à ses lecteurs : a-t-on besoin de souligner ainsi ses nobles intentions moralisantes et intellos quand on livre une histoire de zombies ? Nous, les lecteurs, ne sommes pas si stupides qu'il nous faille être ainsi guidés par la main pour comprendre de quoi il retourne, et ce d'autant que le sujet de "Walking Dead" est simple, "la survie alors que plus rien n'existe de la société que nous connaissons". Le dessin est... américain, moyen sans plus, en tout cas bien inférieur à ce qui se fait couramment au Japon ou en Europe. La narration est des plus classiques (même si l'exemplaire que j'ai lu était mal monté avec des pages mélangées, présentant ainsi involontairement une lecture destructurée amusante...), et, par rapport à la série TV (nous y voilà...), ce premier tome manque singulièrement de... puissance visuelle, une chose que Darabont avait vraiment réussie dans la première saison (l'entrée dans Atlanta par exemple). De plus, pour une histoire qui se vante de travailler avant tout sur la psychologie des personnages, on a un peu de mal à suivre cette fameuse évolution au sein du trio Rick - Lori - Shane qui conduit au drame final, à la différence de la série, où Lori était beaucoup plus ambiguë et rendait l'histoire crédible. Bref, une impression très mitigée après ce premier tome : peu d'imagination, guère de force, peu de subtilité dans les personnages, juste une BD qui ne se distingue guère du tout venant.

    pokespagne Le 27/02/2016 à 19:49:12

    Second tome, et déjà un nouveau dessinateur, Charlie Atlard. Quelque part, le graphisme plus brutal de Atlard me paraît plus approprié que celui de son prédécesseur, un peu "enfantin"... sauf que, pour le moment, il est clair que Atlard ne sait pas dessiner les visages (ou tout au moins faire que les personnages se ressemblent à eux mêmes d'une case à l'autre, ce qui est une sorte de minimum dans la BD, non ?), et que cela n'aide évidemment pas la lecture d'une saga où il y en a justement des dizaines, de personnages. Bon, ceci dit, et en attendant de voir si cela s'améliorera par la suite, le second tome de "The Walking Dead", qui sert grosso modo de base à la seconde saison de la série TV, travaille le même sujet que le premier, mais sans doute de manière plus claire : c'est bien l'homme, plutôt que le zombie, qui est un loup pour l'homme. On sait bien que c'est le thème central de la saga, bien plus en fait que le renoncement au confort de la civilisation et le retour aux "fondamentaux" de la vie, et c'est en effet un sujet plus intéressant que les zombies en eux-mêmes, qui contribuent surtout à ajouter une tension constante en toile de fond. Problème néanmoins, la cohérence des décisions des personnages est pour le moins douteuse, et la psychologie de la plupart d'entre eux très sommaire, ce qui affaiblit notamment l'aspect lourdement psychologique de pas mal de scènes. En fait, il me faut même reconnaître que, aussi ennuyeuse qu'ait été la seconde saison de la série TV, de nombreuses améliorations ont été apportées par rapport à cette BD, en particulier dans les motivations de Hershey et le dénouement de l'épisode de la grange... A suivre, donc, mais pour le moment, sans un enthousiasme démesuré de ma part !

    pokespagne Le 27/02/2016 à 19:47:28

    Est-ce parce que la série TV a relativement peu adapté les péripéties de ce volume ? En tout cas, je l'ai trouvé beaucoup plus intéressant que les deux précédents : les zombies - finalement pas passionnants, à part pour les fans hardcore du genre dont je ne suis pas - passent en arrière plan (normal, nos "héros" sont désormais relativement protégés dans leur prison...), et le vrai sujet du livre, quelque chose comme "l'homme est un loup pour l'homme" peut alors commencer à être traité. De plus, même si l'indifférentiation des personnages dûe à la piètre qualité du dessin continue à gêner la lecture (on se raccroche aux détails vestimentaires et à l'utilisation des prénoms dans les dialogues, typiquement anglo-saxonne), il y a enfin de vraies belles scènes entre les personnages, et une réelle complexité des relations entre eux (un peu plus de sexe et d'amour que dans la série TV, ce qui est bien vu). De plus, il y a - pour la première fois dans ce troisième volume - quelques astuces de narration, comme des ellipses, qui rajoutent de l'intelligence à des situations qui sinon, pourraient être assez convenues : car, pour le moment, les dilemmes moraux et éthiques qui se posent aux personnages restent quand même furieusement conventionnels, et Kirkman n'a pas (encore ?) atteint la force visionnaire / politique du travail d'un Romero. Un bon livre de toute manière, qui se clôt sur un cliffhanger efficace.

    pokespagne Le 27/02/2016 à 19:43:47

    Encore un tome dédié aux tensions internes au groupe de survivants réfugiés dans la prison qui les protège désormais des morts-vivants, c'est à dire des épisodes qui n'ont pas été repris dans la série TV... ce qui rend donc forcément la lecture du livre un peu plus intéressante ! Cette fois, la majorité des affrontements entre les personnages sont liés à la montée des tensions sexuelles, voire amoureuses, ce qui, après tout, n'est pas absurde, le retour (fragile) à une certaine sécurité autorisant les pulsions à ressurgir... Le problème est alors clairement l'incapacité de Charlie Adlard à dessiner des scènes intimes ou psychologiques de manière intéressante, ce qui rend la lecture de ce 4ème tome un tantinet fastidieuse. La fin du livre est consacrée au basculement psychologique progressif de Rick, qui, s' il est crédible vu les pressions sur lui, nous laisse quand même une impression assez simpliste : on est bel et bien en face du tout venant de la morale à l'américaine, ce qui n'est pas ce qu'on attend d'un tel comic book... La dernière planche, grandiloquente, peut même prêter à sourire (à ricaner ?) ! Décidément, les auteurs de "The Walking Dead" n'ont pas techniquement (tant du point de vue de la narration que du dessin) les moyens de leurs ambitions... Ce qui explique a contrario que la série TV soit une réussite artistique bien plus évidente que la BD...

    pokespagne Le 27/02/2016 à 19:09:07

    C'est lorsqu'un personnage de ce cinquième tome explique que "arrive un moment où les gens en ont marre de baiser et de bouquiner" que j'ai réalisé en effet l'une des faiblesses de la série TV "The Walking Dead" : personne ne baise (auto-censure classique dans un pays où le sexe choque plus que les tueries) ni ne lit (même quand le monde aura pris fin, pas certain que les Americains ré-apprennent à lire !). Outre ce point - non négligeable (ici le viol répété de Michonne par le Governor est quand même diablement plus effrayant que les menaces jamais concrétisées de la série TV) -, une fois de plus le comic book est moins intelligent et moins efficace à la fois que la Saison 3 qui en reprend les grandes lignes : c'est que le Governor ambigu de la série a quand même bien plus de profondeur et de charme troublant que le psychopathe prévisible du livre ! De plus, au cinquième tome, il ne reste plus rien à espérer désormais du graphisme, d'une laideur et d'une inefficacité tragiques. Pas sûr que je tienne longtemps, en prenant aussi peu de plaisir à la lecture de "The Walking Dead" !

    pokespagne Le 26/02/2016 à 17:20:13

    Sans doute faut-il que l'intrigue du comic book soit le plus distante possible de celle de la série TV (que j'ai malheureusement vue avant de lire les livres) pour que l'esprit puisse se libérer de l'épuisant jeu des comparaisons, et que l'on puisse mieux savourer l’œuvre de Kirkman et Adlard... Ce sixième tome de la saga "Walking Dead" m'a semblé du coup l'un des plus intéressants à date, grâce à deux moments-clé (pas vraiment présents dans la série TV, ou du moins bien différents) vraiment forts : d'abord cette "fameuse" scène où Michonne torture le Governor de manière pour le moins extrême, et ensuite l'exécution du "traître" Rodriguez... Deux moments où les héros de la série sont clairement "au delà" des limites généralement admises, et donc deviennent réellement intéressants, et ce d'autant plus que leurs actes questionnent l'humanité du lecteur, qui doit se positionner moralement (ou pas) par rapport à ces excès. On espère donc que la saga continuera dans cette direction passionnante, qui exploite (enfin) pleinement le potentiel du thème fondamental de "Walking Dead", la disparition - ou pas - de ce qui fait notre humanité face à la situation la plus extrême qui soit, l'anéantissement de l'organisation sociale.

    PS: Rien de neuf toujours par contre du côté graphique, le point faible du comic.

    pokespagne Le 26/02/2016 à 15:25:20

    Un volume de transition, comme le titre (original) l'indique bien d'ailleurs, donc centré sur les rapports entre les membres de la petite communauté menée par Rick et désormais retranchée dans la prison en attendant une hypothétique attaque du Governor. Le problème, c'est que, du fait de notre manque d'attachement aux personnages - indifférenciés à cause de la terrible faiblesse graphique de "Walking Dead", mais également très pauvres sur le plan humain - on ne peut que s'ennuyer ferme tout au long de ce septième tome qui paraît bien interminable, en dépit de quelques scènes de tension ou de violence qui viennent entre couper cette longue, longue attente. A noter aussi que, à ce point du récit, le décalage par rapport à la série TV quant à qui a survécu et qui est mort crée un parasitage constant dans l'esprit du lecteur (je suppose que ceux qui ont lu la BD avant de voir la série ont ressenti l'effet inverse), et qu'on ne peut s' empêcher de penser que les choix scénaristiques de l'adaptation sont plus malins que ceux de Kirkman.

    pokespagne Le 26/02/2016 à 15:18:06

    N'ayant jamais été avare en critiques envers ce comic book à mon avis grandement surévalué, je ne pensais jamais arriver à en louer les mérites de manière aussi catégorique, mais l'honnêteté me pousse à reconnaître que ce huitième tome ("Made to Suffer" en version originale) est un vrai chef d’œuvre. Que cela soit du fait de l'extrémisme d'un scénario qui sacrifie de nombreux personnages "principaux" dans la saga sans en faire tout un plat, ou bien de l'excellence de la narration qui joue entre plusieurs fils et ménage un suspens infernal, sans parler cette fois d'un découpage d'une redoutable efficacité, tout concourt à asphyxier le lecteur par une succession de scènes fortes, voire traumatisantes. Kirkman et Adlard semblent donc être arrivés exactement là où ils le souhaitaient, et parviennent finalement à justifier bien des circonvolutions pesantes qu'on leur a reprochées dans les précédents tomes : la morale, implacable, de "Walking Dead" (l'homme est un loup pour l'homme, ou quelque chose du genre) nous explose à la figure, et on n'en sort pas indemne. Le seul reproche que je puisse imaginer faire à ce livre exceptionnel, c'est de se conclure par "A Suivre", alors que le mot "Fin" aurait permis à "The Walking Dead" de se clore dans une remarquable apothéose.

    pokespagne Le 22/02/2016 à 08:33:22
    Tyler Cross - Tome 2 - Angola

    Ce que démontre "Angola", deuxième tome parfait (n'ayons pas peur d'utiliser les grands mots) de la nouvelle série "Tyler Cross", c'est que c'est dans les vieux pots qu'on fait les meilleures soupes : c'est en accumulant sans aucune honte de tous les stéréotypes les plus rebattus du film noir US - le casse qui foire, l'évasion du bagne, les femmes fatales ou bien mères prêtes au sacrifice, les matons corrompus et sadiques, la mafia impitoyable, etc. etc. - que Nury crée son thriller à lui, complexe, paradoxal, construit sur une narration parfaite, tant du point de vue rythme que utilisation des flashbacks. Cinématographique, "Angola" l'est aussi dans sa "mise en scène", mais, si cela n'est plus une nouveauté depuis longtemps dans la BD contemporaine, le coup de génie de "Tyler Cross" trouve peut-être bien sa naissance dans le dessin stylisé et contre-intuitif de Brüno. Prenant l'ambiance "noire" à rebours grâce à une sorte d'ultra-lisibilité et clarté du trait, Brüno déréalise, conceptualise les situations usées - mais mythiques - de l'histoire, et les enrichit d'un commentaire artistique moderne qui leur redonne une nouvelle vie. C'est du grand art.

    pokespagne Le 20/02/2016 à 19:27:56
    Le transperceneige - Tome 4 - Terminus

    Ayant lu "le Transperceneige" de Lob et Rochette à sa sortie, en 1985 je crois, et n'ayant jamais ensuite considéré intéressant de me pencher sur les suites tardives qui lui ont été données, c'est évidemment le film de Bong Joon-Ho qui m'a rappelé l'existence de cette BD que j'avais reléguée en fond de ma mémoire : un bon livre, mais pas non plus exceptionnel, même si sa mythologie post-apocalyptique était plutôt originale. Sauter 30 ans plus tard au chapitre final n'a d'ailleurs pas constitué un traumatisme particulier, preuve que le travail de Rochette (désormais dessinateur !) et de Bocquet s’insère correctement dans la continuité logique de l'original. Ce qui frappe (et fort), c'est la beauté et l'intelligence du graphisme - qui s'apparente d'ailleurs plus à de la peinture - de Rochette : c'est là la principale qualité d'un livre tout en ombres puissantes et en mouvements très justes, qui nous ménage de superbes moments où c'est avant tout l'esthétique qui génère les émotions, et entraîne le lecteur vers un imaginaire intense. La grande faiblesse de "Terminus", c'est, à l'inverse, sa narration, pleine de trous béants qui semblent avoir échappé au contrôle des auteurs, et empêchent l'adhésion du lecteur, sans même parler des invraisemblances qui décrédibilisent rapidement les idées de base, pourtant intéressantes : Bocquet et Rochette ont inventé un univers original, mélange de parc d'attraction et de laboratoire d'expérimentation, qui leur permet de nous livrer une critique pertinente des dérives de notre XXIème siècle, entre centrales nucléaires qui fuient et manipulations des dirigeants… Il est dommage qu'ils échouent à nous raconter une histoire qui fasse vraiment sens, et surtout à nous faire accompagner leurs personnages au long de leur périple, puisque ces personnages restent plus des "concepts" que des êtres humains auxquels nous nous identifions.

    pokespagne Le 14/02/2016 à 07:42:37
    Ralph Azham - Tome 8 - Personne n'attrape une rivière

    Autant l'avouer tout de suite, le monde n'avait absolument pas besoin que Lewis Trondheim redémarre un second cycle des assez tièdes aventures de Ralph Azham, et moi non plus. Pourquoi ce brave Lewis, qui a tant compté pour nous il y a déjà tant d'années, consacre-t-il son énergie à cette version délavée du "Donjon", qui tourne en rond depuis le début, et restera dans les mémoires comme l'œuvre la moins intéressante d'une biblio fournie ? C'est un mystère que "Personne n'attrape une rivière" n'aidera pas à résoudre, puisque voici un tome complètement dans la lignée des précédents, que l'on pourra donc, suivant son humeur, trouver ennuyeux ou amusant, la limite entre les deux n'étant pas claire. Disons quand même qu'après un démarrage terriblement fastidieux, sans une seule idée vraiment intéressante, Trondheim se ressaisit quand il s'agit pour Ralph de "faire la bagarre" à coup de super pouvoirs, et conclut son huitième tome sur deux "concepts" qui ont le mérite de faire écho aux soubresauts sociétaux actuels : d'abord, la croyance en la laïcité peut-elle être, entre les mains de fanatiques (à l'oreille gauche coupée…!), un concept aussi meurtrier que la foi ; et ensuite, ce qui est, on l'admet, plus banal, le fait de pouvoir faire la justice soi-même ne dérive-t-il pas systématiquement dans l'application d'une loi du talion des plus barbares ? On espère que le second tome de ce second cycle permettra à Trondheim d’approfondir ces sujets, et de conférer à "Ralph Azham" un peu plus de matière.

    pokespagne Le 11/02/2016 à 09:35:04
    Les cahiers d'Esther - Tome 1 - Histoires de mes 10 ans

    A la rigueur, on aurait tendance à reprocher à Sattouf l'absence de prise de risque derrière ces "Cahiers d'Esther", tant notre nouvelle star de la BD joue ici sur ses points forts bien connus : son empathie avec les enfants, son sens aigu du ridicule, l'acuité de son regard sur la société. Sauf que l'on a suffisamment pointé - moi le premier - les zones troubles de "l'Arabe du Futur" pour ne pas faire maintenant preuve de mauvaise foi devant l'aspect consensuel de sa dernière œuvre ! Il est vrai que les premières pages font un peu peur, on se demande si on ne va pas se vautrer dans la sympathique banalité d'un "Titeuf, version Indie"... et puis, indiscutablement, plus on avance, plus quelque chose de fort se cristallise... pour en arriver aux dernières pages, pointant la cruauté profonde de l'enfance : des pages marquantes, qui nous feront refermer ce premier tome avec la satisfaction d'avoir passé de beaux moments (car indiscutablement vrais) en compagnie d'une petite fille de 10 ans attachante, telle qu'il en existe des milliers en France... Une petite fille pourtant unique, ou plutôt qui l'est devenu pour nous grâce à la tendresse du regard et du trait de Sattouf. Reconnaissons donc que, même si "les Cahiers d'Esther" ne sont pas (encore ?) un chef d’œuvre, ils réussissent à s'imposer comme un portrait honnête de l'enfance, et une chronique pertinente des tensions comme des bonheurs de la société française de 2016 : la vision "triviale" mais lucide du multiculturalisme français - une évidence qui ne pose aucun problème à la petite Esther... - est en particulier l'une des forces du livre. A suivre, bien sûr !

    pokespagne Le 06/02/2016 à 13:32:59

    400 pages de chronique sur la vie d'un personnage historique important - l'une des premières voix qui se soit élevées en France pour l'égalité de la femme - mais relativement oublié, c'est un véritable investissement en temps et en énergie que le lecteur occasionnel de BDs hésitera sans doute à faire, et ce d'autant que le dessin de Catel, faussement simpliste, n'est pas forcément attirant. Et pourtant, au fil du récit extraordinairement bien documenté (et que l'on imagine fidèle à la réalité des faits) de Bocquet, force est de constater que l'on se laisse séduire par la forte personnalité de notre héroïne, femme éminemment moderne, autant par sa vie sexuelle que par ses idées, vraiment "révolutionnaires". Si "Olympe de Gouges" marque un peu le pas lorsque Olympe quitte Montauban pour Paris, sans doute parce que ses démêlés littéraires et théâtraux paraissent un peu mesquins par rapport à ce qui se joue à l'échelle de son époque - nous sommes dans les dernières années du règne de Louis XVI -, le livre retrouve un souffle indéniable dans sa dernière partie, consacrée aux années de la Terreur, décrites ici sans faux semblants et sans idéalisme comme un naufrage complet des idées de la Révolution, sacrifiées sur l'autel des ambitions personnelles, et abandonnées à une populace brutale. S'il y avait un léger bémol à formuler vis-à-vis de "Olympe de Gouges", c'est paradoxalement le rythme effréné auquel cette histoire édifiante nous est contée, qui empêche souvent une identification profonde vis-à-vis des personnages ballottés par l'Histoire (grand H), et qui coupe le flot des émotions. Oui, il aurait sans doute fallu un bon millier de pages pour rendre justice à la belle Olympe et à sa vie.

    pokespagne Le 06/02/2016 à 13:05:51
    XIII - Tome 2 - Là où va l'indien...

    La saga de l'homme sans mémoire se complexifie, s'obscurcit même dans ce deuxième tome un peu moins réussi que le premier : on commence déjà à se douter qu'il n'y aura guère d'échappatoire pour XIII / Shelton / Rowland à cette spirale véritablement infernale de conspirations et de pièges. La (légère) faiblesse vient clairement de l'épisode de la tuerie "familiale" chez les Rowland, à la fois très prévisible et complètement improbable… même s'il est clair que Van Hamme l'a introduit pour faire de son héros un homme traqué de toutes parts… ce qui nous amène au cliffhanger final, parfait. Par contre, "Là où va l'Indien" nous permet de faire la connaissance de deux personnages passionnants, le Général Carrington dont la loyauté envers XIII offre une respiration au sein de l'ambiance paranoïaque qui règne sur le saga, et surtout le Lieutenant Jones, excellent personnage féminin, sexy et complexe. Nos réserves initiales sur le dessin de William Vance restent plus d'actualité que jamais dans ce deuxième tome, qui compte pas mal de maladresses dans la représentation des mouvements - ce qui est quand même gênant pour une BD d'action -, sans parler des menus variations de l'aspect physique de XIII par rapport au "Jour du Soleil Noir".

    pokespagne Le 24/01/2016 à 10:51:32
    Carnets d'Orient - Tome 2 - L'année de feu

    J'avoue ne pas être très enthousiaste en général devant le dessin de Ferrandez, et malgré l'intérêt que je porte personnellement à l'histoire de l'Algérie, les "Carnets d'Orient" me tombent facilement des mains. Ce second tome nous offre d'ailleurs une première partie maladroite et assez soporifique, alors que Ferrandez n'arrive pas à trouver la bonne approche pour nous expliquer le contexte historique, politique et sociale de son "Année de Feu", et que nous sommes noyés dans trop d'informations - en elles-mêmes essentielles et passionnantes - mal présentées. Et puis, lorsque à mi-album, débute la tragédie de la révolte des Kabyles, et le cycle de violence qui s'ensuit, entraînant aussi bien les colons que les "indigènes" dans le malheur absolu, "l'Année de Feu" décolle vraiment, nous laissant finalement avec une impression frustrante de n'avoir qu'effleuré un sujet aussi profond, de n'avoir qu'entrevu un drame essentiel pourtant à la compréhension du XXème siècle de la France. Soulignons aussi la parfaite intelligence du paradoxe offert par Ferrandez, celui de la transformation de communards idéalistes en colons brutaux : voici un questionnement qui est loin d'être trivial sur le fonctionnement de la psyché occidentale face aux peuples "inférieurs".

    pokespagne Le 24/01/2016 à 10:25:52

    Voici un beau livre. Pas un grand livre sans doute, parce que la part de fantastique qui vient se loger - assez inutilement à mon avis - est faible, voire légèrement ridicule, par rapport au coeur du récit, cette histoire terriblement juste, poignante même d'intégration (ou non...) d'une famille anglaise dans une Italie à la fois idyllique et terriblement rétrograde. Un beau livre grâce à la parfaite réussite du dessin - élégant, évocateur, dynamique, même si la représentation des personnages est parfois flottante - et surtout des couleurs, qui arrivent à nous faire respirer les parfums de cet éternel été italien, et les effluves de l'innocence enfantine qui disparaît peu à peu face aux aléas de l'existence "adulte". Ajoutons que notre plaisir tient beaucoup au rythme indolent et très bien mesuré de la narration, qui ajoute beaucoup de substance, de poids même, aux moindres incidents, anodins ou dramatiques de "Où le Regard ne Porte Pas..."

    pokespagne Le 22/01/2016 à 09:16:26

    "Dropsie Avenue", dernier volume de la trilogie "eisnerienne" sur le Bronx, n'atteint pas tout-à-fait la perfection de certaines autres œuvres du maître comme, au hasard, "un Contrat avec Dieu" ou encore "l'Appel de l'Espace", sans doute parce que son sujet même - narrer la vie d'un quartier sur plus d'un siècle, plutôt que suivre le destin d'un ou de plusieurs individu(s) particuliers (même s'il ne manque pas ici de personnages dont la vie nous est narrée presque du début à la fin, lorsque cette vie se mêle intimement à celle de Dropsie Avenue, comme c'est le cas de l'avocat juif Gold) - empêche une véritable identification du lecteur aux "héros" du livre. C'est néanmoins par la pertinence de sa description de la construction de l'Amérique, couche d'immigrants après couche d'immigrants, que "Dropsie Avenue" gagne le statut de lecture indispensable en 2016, alors que la question de l'intégration et de la cohabitation entre cultures différentes et mœurs conflictuels est certainement l'une des plus essentielles à la survie de nos civilisations. Eisner est tout sauf un moraliste (son propos ici pourrait d'ailleurs être assimilé à celui d'un théoricien de l'urbanisme), et il ne dissimule aucune tare de l'être humain, aucune abjection à laquelle se livrent des personnages souvent corrompus jusqu'à la moelle : chez Eisner, l'homme est mauvais, le bon est impitoyablement écrasé, et tout finira forcément mal, comme l'illustre la dégradation interminable - pourtant évitable, on le voit bien - de ce quartier livré régulièrement à des scènes de haine et de violence inter-confessionnelles ou inter-raciales. Pourtant, point de nihilisme, point de désespoir, mais une sorte d'admiration devant l'énergie et la résilience de l'être humain, aussi haïssable ou au contraire naïf soit-il, qui rend la fin du livre particulièrement émouvante. Oui, "Dropsie Avenue" a été finalement rasée, puis remplacée par une utopie qui fera long feu... mais la société constituée tant bien que mal par ces groupes ethniques "inassimilables" a fini par fonctionner. Et plus important sans doute, des enfants ont grandi, des hommes et des femmes se sont aimées, des familles ont vécu ici. Ce beau livre en témoigne.

    pokespagne Le 12/01/2016 à 11:46:55
    Monsieur Jean - Tome 1 - Monsieur Jean, l'amour, la concierge.

    Je l'avoue d'emblée : "Monsieur Jean" et Dupuy / Berberian m'irritent plutôt, avec leur discours finalement assez convenu sur le milieu "bobo" parisien, et un certain nombrilisme complaisant. Il suffit de comparer la gentillesse anodine de leur vision avec la manière dont Martin Veyron étrillait littéralement la société parisienne et le monde de l'Art et des affaires dans les années 80 avec son "Bernard Lermite" pour se rendre compte de combien on est ici dans l'anodin. Les stéréotypes sur l'amour - la séduction, la drague, les coups d'un soir dans les milieux "intellos" parisiens : bâillement ! - sur les copains qui abusent de vous, et pire, sur les concierges, grosses, poilues et hargneuses, ça distrait cinq minutes, certes, mais ça ne fait pas une "œuvre" vraiment consistante : aussitôt lu, aussitôt oublié.

    PS : A noter aussi dans ce premier tome, le manque de maturité du dessin, qui évolue au fil des pages, mais dont la simplicité est, il est vrai, assez charmante.

    pokespagne Le 09/01/2016 à 11:03:39
    Le chat du Rabbin - Tome 6 - Tu n'auras pas d'autre dieu que moi

    Le "Chat du Rabbin" nous avait manqué. Pas Sfar, hyper actif, omniprésent. Ou alors le Sfar du "Chat du Rabbin" : plus simple, plus drôle, plus profond, plus essentiel, paradoxalement, dans son œuvre la plus populaire. Excessivement réussi même s'il reprend les chemins balisés des 5 tomes précédents, "Tu n'auras pas d'autre Dieu que moi" passionne et bouleverse à la fois, parce qu'il parle d'amour avec une justesse rare. D'amour, de trahison, d'abandon, de résignation, de consolation. De changement et d'immuabilité. Du temps qui passe pour les hommes. Et pour les chats, à une vitesse différente. Au milieu de ce conte amoureux qui pourrait faire partie des Contes Moraux d'un Rohmer (se croire abandonné, aller voir ailleurs comment on y pratique l'amour et le mensonge, et revenir dire les mots qu'il faut - "chaque instant sans toi est trop long..."), quelques pages de discussions sur le rôle et l'utilité de la prière quand on ne croit pas en Dieu : des pages fines, légères, amusantes même, qui en disent un peu sur les moments de désarroi de l'auteur (un décès, une séparation, et puis le chaos du monde et des religions, puisqu'on sait que la parole de Sfar a été audible pendant les événements de 2015). Du coup, on referme ce beau livre (Sfar s'est appliqué, c'est visible) avec la larme à l’œil. Et aussi plus sage. BRAVO !

    pokespagne Le 22/12/2015 à 08:38:11

    Fan de la Mano Negra ou non, l'ex-adolescent perdu dans une province somnolente où les rêves menacent toujours de finir écrasés par la banalité de la vie et le renoncement facile se reconnaîtra aisément dans cette épopée à mobylette (chez moi, on disait à "chiotte", c'était dans les années 70) pour essayer d'aller voir son groupe favori jouer loin, trop loin de chez soi. Pour vibrer à leur musique comme on vibre vraiment à cet âge-là. Pour oublier aussi les crises familiales (pour Duchazeau, le divorce douloureux de ses parents, qui lui arraché les membres un par un), ou bien les filles qu'on commence à trouver belles mais tellement inaccessibles. Pour vivre, avant tout. Et vivre AUJOURD'HUI. "We want the world and we want it now" chantait Jim Morrison, ma Mano Negra à moi. Bon, "la Main Heureuse" est un livre qui frappe juste, et fort. Grâce à un dessin remarquable, dans le dépouillement mas également dans la précision. Grâce, je l'ai dit, à la pertinence de cette représentation, assez noire finalement, de nos existence bornées mais qui résistent. Pourtant, au final, on sort de ces 100 pages élégantes avec une frustration très forte : c'est que, même si l'on ne contredira pas le choix de l'ellipse finale (ce concert parfait, nos deux ados l'avaient déjà tellement vécus dans leur tête qu'il ne fallait sans doute pas le représenter), le rôle croissant des pages "oniriques" dans le récit de Duchazeau, qui intrigue au début, finit vite par lasser, puis par irriter : en dé-réalisant une chronique dont la force vient au contraire de son absolue véracité, et de son universalité, Duchazeau perd le fil, et l'attention de ses lecteurs. Abandonnés sur le bas côté d'une histoire qui était pourtant la nôtre, nous en voulons beaucoup à Duchazeau pour cet échec.

    pokespagne Le 08/12/2015 à 09:55:10
    Largo Winch - Tome 20 - 20 secondes

    Dans la droite ligne de leur "Chassé Croisé" déjà plutôt réussi, Van Hamme et Francq enfoncent le clou avec ce "20 secondes" (et 20ème album de la série à succès "Largo Winch", semble-t-il dernier scénarisé par Van Hamme !), qui multiplie plus les coucheries et les rencontres manquées, plus théâtre de boulevard (voire Lubistch si on se sent généreux), que coups de théâtre ! Un joli suspense final qui réconfortera peut-être les lecteurs frustrés par l'apathie complète de leur héros Largo, ici amoureux transi et complètement dépassé par les femmes qui l'entourent, de beaux personnages originaux, comme l'impressionnante néerlandaise qui rejoint le Board du Groupe W, et un sentiment ludique qui fait souvent défaut aux BDs aussi établies et populaires que l'est "Largo Winch" : voici un livre fort plaisant, qui montre une voie possible pour la série, alors que les nombreux tomes précédents ressassaient les mêmes mécanismes. Du coup, il n'est pas sûr qu'un changement de scénariste soit la meilleure chose à ce point où en est arrivée la série ! On remarquera aussi que pour la première fois, on n'est pas en présence d'un réel diptyque, l'histoire devant se poursuivre dans le tome suivant.

    pokespagne Le 18/11/2015 à 11:10:33
    Le cycle de Cyann - Tome 4 - Les Couleurs de Marcade

    Avec ce quatrième tome du "Cycle de Cyann", on s'approche dangereusement du n'importe quoi, voire même du mépris pur et simple du lecteur. Jugez-en plutôt : on a droit à une ballade sans queue ni tête dans un nouvel univers - la planète de Marcade - au fonctionnement sensé être pittoresque, mais se révélant purement aberrant (montrant au passage combien Bourgeon se moque de la moindre cohérence dans ses créations ) ; on enchaîne par un retour rapide sur IO, qui permet à Cyann de renouer avec ce qu'elle y a toujours fait, c'est à dire se glisser clandestinement d'un lieu à l'autre (bâillement de profond ennui !) : l'aspect intrigant des changements induits par une temporalité visiblement différente est évacué pour sans doute pouvoir y revenir dans un autre tome ; et Bourgeon conclut sur un nouveau départ spatio temporel qui pourrait nous stimuler si on ne craignait que Bourgeon ne bâcle tout cela à sa manière habituelle. Si l'on ajoute que le dessin est sensiblement inférieur à celui des 2 tomes précédents, il ne nous reste plus qu'à savourer quelques brefs passages érotiques, affadis en outre par la superficialité grandissante de notre héroïne. Bref "les couleurs de Marcade" est un mauvais livre, un point c'est tout.

    pokespagne Le 10/11/2015 à 12:52:36

    Je connaissais le Joe Sacco chroniqueur politique et humain engagé sur de nombreux conflits, et je n'avais même pas imaginé qu'entre ses reportages en Palestine ou dans d'autres zones de guerre, le même Joe Sacco puisse avoir eu / avoir encore une relation aussi passionnée avec le Rock en général, et avec les Stones ou le Blues en particulier ! S'ouvrant sur une introduction hilarante, "le Rock et Moi" regroupe tous (?) les travaux de Sacco ayant rapport avec ses passions (ou non) musicales, dans un style graphique plus "souple" que son travail habituel, en fait assez caractéristique des Comix underground US - dont Crumb serait le représentant le plus connu ici en France. La première partie de "le Rock et moi" s'épanche avec un fiel assez délectable sur les déviances du Rock des 70's - 80's, ridiculisant sans pitié ce tout petit monde d'idiots mégalomanes et cocaïnés, ainsi que tous les profiteurs tournant autour (producteurs rapaces, tourneurs incompétents, groupies interchangeables) : c'est très drôle mais assez convenu, il faut bien l'admettre. C'est quand Sacco avoue sa passion pour les Stones et les diverses désillusions occasionnées par celle-ci que "le Rock et moi" devient touchant, parce que plus personnel et plus juste aussi. Au final, voici un livre un peu anecdotique, mais que j'ai néanmoins tendance à considérer comme un must pour tout "fan de Rock"...

    pokespagne Le 06/11/2015 à 17:52:26
    Le vent des Dieux - Tome 3 - L'homme oublié

    "L'homme oublié" voit Cothias ramener son histoire à la réalité, ce qui ravira je suppose la vaste majorité de ses lecteurs : au final, cet onirisme déployé avec autant d'emphase ne débouche pas sur grand chose... Un héros amnésique juste ce qu'il faut (pourquoi est-ce que je pense à Jason Bourne ou à XIII ?) pour la suite de ses aventures, et l'habituelle dose de scepticisme trivial de la part de l'auteur, logique représentant de l'Occident en dépit de l'érudition déployée ici quant aux croyances et aux rituels japonais de l'époque. L'aventure reprend donc, oui, mais à une allure de sénateur, puisque, au final, "l'homme oublié" ne nous offre guère qu'une péripétie marquante, l'attaque d'un village de paysans par l'horrible Kozo, qui assume clairement ici le rôle du grand méchant qu'on adorera haïr. Non, ce qui élève ce tome bien au dessus de ses prédécesseurs, pour qui n'est pas follement intéressé par les intentions pédagogiques de Cothias quant aux mœurs de la société nippone du Moyen Age, c'est bien le dessin d'Adamov, qui atteint ici une véritable excellence, en particulier dans la représentation minutieuse et pourtant lyrique des bâtiments et des villes. Soit une excellente raison de poursuivre notre lecture du "Vent des Dieux" !

    pokespagne Le 02/11/2015 à 12:27:30
    Le vent des Dieux - Tome 2 - Le ventre du dragon

    Quel étrange livre que ce "Ventre du Dragon" qui voit Cothias, scénariste habituellement plutôt classique, larguer toutes les amarres de la rationalité pour nous conter l'odyssée "inconsciente" d'un samouraï mourant, confronté à diverses épreuves pour le moins oniriques, qui détermineront (ou non, on n'est pas toujours sûrs de bien comprendre, n'étant pas expert en religions extrêmes-orientales !) s'il aura accès à l'immortalité de l'âme. Il faut d'abord souligner combien les dessins et les couleurs de Patrick Adamov sont superbes, et marquent un progrès certain par rapport au premier tome du "Vent des Dieux". Maintenant, ce livre est-il passionnant ? Je suppose que cela dépend de la patience du lecteur vis à vis de scènes délirantes qui ne font guère avancer la narration, tout au moins dans le monde réel, et qui donnent finalement l'impression de lire un épisode "qui ne sert à rien". Notons aussi le peu de vraisemblance de la transformation de la jolie courtisane du premier tome en maîtresse samouraï invincible ! On attendra quand même le troisième volet des aventures de Tchen Qin pour formuler un avis clair sur cette série euh... déconcertante.

    pokespagne Le 01/11/2015 à 19:15:12
    Billy Bat - Tome 16 - Volume 16

    Sans aucun doute l'un des volumes les plus faibles à date de la saga "Billy Bat", ce seizième tome voit Urasawa et Nagasaki bégayer tristement : entre la loooongue découverte de la menace contre les Twin Towers, le remplacement de Kevin par un nouveau jeune dessinateur communiquant avec Billy, et les plans morbides de Duvivier, il n'y a absolument aucune idée nouvelle ici, aucun élément surprenant. Pire, ne se dégage de ces deux cent pages aucune émotion particulière, et le lecteur se sent tiré vers le bas, comme par une terrible lassitude devant une histoire qui aurait du se conclure déjà il y a un bon moment déjà. La seule chose que ma foi en Urasawa me souffle à l'oreille, c'est qu'un tel pensum ne peut que nous préparer à une nouvelle surprise, un nouveau choc dans le Tome 17. On parie ?

    pokespagne Le 25/10/2015 à 21:14:42
    Le vent des Dieux - Tome 1 - Le sang de la lune

    Patrick Cothias est un scénariste ayant fait ses preuves ("les 7 vies de l'Epervier"). Adamov quant à lui - à l'époque où sort ce premier volume du "Vent des Dieux" - est un jeune dessinateur singulier, venant de l'illustration, qui révélera dans "le Sang de la Lune" un style baroque et vigoureux, sortant clairement de l'ordinaire de la BD franco-belge. L'époque et l'univers de Japon féodal (même si le récit n'est pas précisément daté) sont fascinants, tout au moins pour moi, et en tout cas d'une formidable richesse fictionnelle. Pourtant, "le Sang de la Lune" ne fonctionne pas complètement. Est-ce le choix audacieux de la vulgarité des dialogues et de l’obscénité des images qui nous changent aussi bien de la théâtralisation lyrique de Kurosawa que des classiques du film de sabre ? Est-ce une certaine lourdeur dans la manière dont Cothias nous "enseigne" ce que nous devons savoir sur la culture de l'époque pour pouvoir saisir aussi bien les enjeux que les péripéties de son récit ? Est-ce plus simplement le fait que ce tome 1, qui se termine par la disparition du personnage principal, n'est guère qu'une sorte d'introduction à ce que l'on anticipe être un longue saga en devenir ? En tous cas, "le Sang de la Lune" manque curieusement de substance alors qu'il n'arrête pas d'interpeller notre curiosité, voire de choquer nos partis pris. A suivre, en tous cas, et sans aucune hésitation !

    pokespagne Le 17/10/2015 à 18:23:39
    Le cycle de Cyann - Tome 3 - Aïeïa d'Aldaal

    Il aura donc fallu plus de 7 ans à Bourgeon pour se démêler de son conflit avec son éditeur et pour nous donner une suite au "Cycle de Cyann". Résultat : le bougre a encore amélioré son dessin, et arrive sur "Aïeïa d'Aldaal" à une sorte de perfection formelle, qui fait que le lecteur a envie de faire une pause sur chaque page pour savourer les beautés qui s'offrent à lui. Dommage néanmoins que ces 7 années n'aient pas été mises à profit pour développer un scénario digne de ce nom, car, s'il faut noter quelques petits progrès par rapport aux tomes précédents, c'est toujours au niveau du récit que le bât blesse : accumulation insane de détails sur la planète "visitée" cette fois par Cyann, qui se fait au dépens de vrais enjeux scénaristiques. L'amour à sens unique d'Aïeïa pour Cyann est traité comme une sorte de plaisanterie et ne donne lieu qu'à un seul moment fort, celui des adieux de la scène finale. Les enjeux politiques et sociaux autour de l'utilisation des Portes par une société capitaliste contrôlant le pouvoir et réduisant les habitants d'Aldaal à la misère totale sont totalement esquivés, les révélations successives se faisant, comme toujours chez Bourgeon, par la bouche des protagonistes. Quand à l'abandon pur et simple de la trame narrative de base du "Cycle de Cyann" - le mensonge des DeO -, il est entériné avec une négligence ahurissante, qui semble dénoter que Bourgeon n'avait simplement plus envie de raconter la même histoire et préfère s'adonner à sa véritable passion : dessiner de nouveaux mondes imaginaires. Tant mieux pour lui et tant pis pour ses lecteurs.

    pokespagne Le 14/10/2015 à 08:48:38
    Le cycle de Cyann - Tome 2 - Six saisons sur ilO

    Second tome du "Cycle de Cyann", "Six Saisons sur ilO" nous emmène en balade sur une nouvelle planète dont nous découvrons les mystères, les charmes et les dangers avec nos héroïnes (toujours aussi peu vêtues, qu'on se rassure, Bourgeois préfère visiblement le climat de ses planètes chaud pour ne pas encombrer ses créatures de trop de vêtements !) : la flore, la faune et les paysages de ilO, soigneusement croqués par un Bourgeon meilleur que jamais constituent indubitablement la vraie raison de lire ce livre, au rythme indolent de la poursuite au ralenti que se livrent Cyann et Crysane, sans grande logique par rapport au but pourtant urgent (trouver l'antidote à la maladie décimant la population mâle de leur planète) de la mission sur ilO. Ce qui est curieux dans la narration, c'est la manière dont Lacroix et Bourgeon donnent un coup d'accélérateur à 15 pages de la fin, comme s'ils se rappelaient qu'ils ont une "énigme" à résoudre et une planète à sauver. Du coup, on a droit à toutes les ficelles du genre, depuis le personnage qui dévoile en ne longue explication ce que le livre n'a pas pris la peine de nous laisser découvrir avant (qui sont les affreux méchants, en bref) jusqu'au "deus ex machina" au sens littéral du terme qui vient régler tous les problèmes du haut de sa toute puissance. A ce niveau là, on frôle le foutage de gueule complet en termes de narration. Bref Bourgeon dessine comme un dieu, mais il est incapable de raconter une histoire. Dommage quand même parce que dans ces conditions, il est difficile de voir comment "le Cycle de Cyann" pourra sortir de l'anecdotique.

    pokespagne Le 09/10/2015 à 07:11:07
    Le cycle de Cyann - Tome 1 - La sOurce et la sOnde

    Soyons parfaitement clairs, l'un des principaux motifs pour lesquels on lit les livres de Bourgeon, c'est pour se rincer l’œil à coups de poitrines généreuses et de croupes tendues, et ce d'autant que les jolies demoiselles qu'il se plait à croquer sont souvent très peu vêtues et engagées régulièrement (pas assez à notre goût, toutefois) dans des entreprises charnelles. Parce que sinon, il ne serait pas certain que ses œuvres soient particulièrement mémorables ! "La sOurce et la sOnde" est l'illustration parfaite de cette prépondérance du dessin - régulièrement splendide de Bourgeon - sur le scénario, qui frise ici occasionnellement le n'importe quoi au long de cette petite centaine de pages pas toujours lisibles et parfois même indigestes. Le livre commence très mal, d'ailleurs, du fait du parti pris - certes honorable - de nous larguer sans carte ni boussole dans un monde fort étranger, dont nous devons d'abord nous efforcer de comprendre à demi-mot le fonctionnement et les défis. Ce pourrait être ludique, ce ne l'est pas vraiment du fait du manque de fluidité narrative - une faiblesse endémique des livres de Bourgeon à mon sens - qui rend vraiment difficile notre acclimatation à cet univers extraterrestre. Heureusement, la deuxième partie de "la sOurce et la sOnde", que je me plais à comparer de par la similitude de son sujet au fameux "Objectif Lune" de Hergé (les préparatifs d'un voyage spatial, avec agissements criminels pour saboter le départ de la fusée et embrouillaminis entre les "astronautes"), est beaucoup plus intéressante et fonctionne bien, nous laissant finalement plutôt satisfaits de ce premier tome d'un "Cycle de Cyann" que l'on poursuivra avec curiosité... malgré quand même la personnalité pas très attachante de l'héroïne, tête à claques à la sexualité débridée.

    pokespagne Le 01/10/2015 à 16:49:58
    La vallée des merveilles (Sfar) - Tome 1 - Chasseur-Cueilleur

    "La Vallée des Merveilles" était en 2006 la promesse d'une nouvelle série du prolixe et généreux Joann Sfar : qui plus est, une série qui tenait tout autant du journal fantasmé de Sfar (la peinture de la vie familiale, tendre, chaleureuse ; les prises de positions "politiques" sur des thèmes fort d'actualité, comme le fanatisme religieux ou l'orthodoxie écologiste) que du récit d'aventures enfantines, franchissant généralement la limite du franc "n'importe quoi". En 2015, la promesse d'un volume annuel n'a pas été tenue, on peut donc craindre que "Chasseur Cueilleur" n'ait été qu'un one off, et on le lit avec une indéniable frustration : cet univers fascinant, cette Côte d'Azur "préhistorique" matinée de jungle caribéenne, où s'amusent les monstres les plus improbables, on aurait bien aimé l'explorer un peu plus en compagnie de nos deux chasseurs farfelus, jouisseurs plutôt que guerriers, promeneurs plutôt qu'aventuriers. Il nous faudra donc a priori nous satisfaire de cette courte partie de chasse, zébrée de moments surréalistes, parfois très beaux, régulièrement grotesques, occasionnellement un peu lamentables (c'est le risque de "l'écriture automatique" que pratique Sfar, il y a forcément du bon et du moins bon...), mais on sera de nouveau reconnaissant envers Sfar pour cette tentative de "bonheur en BD", follement originale, parfaitement généreuse (donc...). A noter aussi un chapitre de "making of" - un peu comme un supplément sur un DVD -, qui permet au lecteur de jeter un regard différent sur "Chasseur Cueilleur" !

    pokespagne Le 29/09/2015 à 16:40:40
    Les bidochon - Tome 7 - Les Bidochon, assujettis sociaux

    Moins sensible que la large majorité de mes contemporains aux charges de Binet contre le travers des Français moyens, je suis largement passé à côté de cette BD... Et ce n'est pas ce septième tome, condamnation sévère et franchement pas très drôle du fonctionnement de l'hôpital français qui va me réconcilier avec Binet. Si l'on sent un vrai vécu derrière la peinture des comportements du personnel hospitalier comme des patients, on ne peut pas dire non plus que tout cela soit vraiment pertinent, et est même certainement injuste. Cette vision pourrait passer si elle était irrésistiblement drôle ou si elle permettait un minimum de réflexion, mais c'est loin d'être le cas. Les seuls moments "intéressants" du livre sont ceux où l'angoisse (devant la maladie et la mort) perce chez les Bidochon, mais là non plus, Binet n'en fait pas grand chose, préférant se cantonner dans son rôle convenu "d'humoriste". Bref, et en dépit du graphisme toujours efficace de Binet, "Asujettis Sociaux" est un livre plutôt "tiède".

    pokespagne Le 29/09/2015 à 16:34:13
    Les aigles Décapitées - Tome 9 - L'otage

    Dans la stricte continuation du tome précédent ("la Marque de Nolwenn"), Kraehn et Pierret nous proposent cet "Otage", qui nous laissera avec les mêmes sentiments mitigés : un dessin qui s'améliore progressivement sans être particulièrement brillant - de nombreuses maladresses dans la représentation des personnages gâchent le travail plutôt bien fait au niveau des décors -, mais surtout ce scénario répétitif dans sa succession d'épisodes assez semblables, qui ne réussit pas à tirer parti de l'ambiguïté pourtant prometteuse des personnages. L'exemple le plus frappant de cette "impuissance" créatrice est évidemment Nolwenn, qui devrait être fascinante, mais qui reste, malgré les épreuves dans lesquelles la plonge le récit, totalement uni-dimensionnelle. Ajoutons dans ce tome des commentaires particulièrement mal venus sur la troupe de brigands, traitée avec un mépris indescriptible par les auteurs : nulle œuvre d'art, aussi mineure soit elle, ne gagne jamais rien à surplomber ainsi ses personnages, à les noyer dans le mépris et l'abjection. C'est une règle basique que Kraehn semble pourtant ignorer, et qui rend certains passages de "l'Otage" répugnants.

    pokespagne Le 28/09/2015 à 11:45:12
    Les aigles Décapitées - Tome 8 - La marque de Nolwenn

    Il a fallu un peu de temps à Pierret, après sa reprise du dessin des "Aigles Décapitées", pour trouver le style qui conviendrait sans doute le mieux à cette BD d'aventures "historiques" (on notera que les ambitions réellement historiques qui constituaient le fond de commerce des premiers tomes sont désormais totalement abandonnées, et c'est sans doute aussi bien comme ça...) : on est désormais dans un graphisme qui évoque celui du regretté Jacques Martin ("Alix"), avec toutefois moins de caractère et d'élégance. De plus, reste toujours, comme au temps de Kraehn, ce flottement des visages, féminins en particulier, qui n'arrivent pas à "se ressembler" d'une case à l'autre... ce qui est pour moi l'une des différences fondamentales entre les bons dessinateurs et la masse des autres. Si nous nous intéressons maintenant au scénario de cette "Marque de Nolwenn", force est de constater que "les Aigles..." sont désormais centré sur le conflit complexe qui oppose Hughes l'usurpateur à ceux (Ravenaud en premier lieu) qui n'entendent pas se laisser déposséder par son apparition, conflit qui s'entremêle avec les conséquences du mariage de Hughes avec Nolween. Rien à y redire, même si Kraehn tombe encore une fois dans la facilité des allers et retours incessants des personnages entre les différents "châteaux" et des retournements de situation et changements d'alliance un peu trop nombreux pour être crédibles. Bref, d'un côté, on sent dans "la Marque de Nolween" le potentiel d'une vraie BD d'aventures, tandis que d'un autre, on n'arrête pas d'être déçus par la conduite du récit.

    pokespagne Le 20/09/2015 à 22:44:02
    Les aigles Décapitées - Tome 7 - La prisonnière du donjon

    Il semble que Pierret ait pris la mesure du désastre formel qu'avait été "Alix", et décidé de réorienter son graphisme vers plus de réalisme, pour retrouver l'esprit des tous premiers tomes des "Aigles Décapitées" : on évite du coup la laideur qui caractérisait les tomes les plus récents, même si on est loin de la beauté et de la force qu'on serait en droit d'attendre à la fin du XXè siècle d'une série "historique" réellement professionnelle (ma référence personnelle restant le travail sublime d'un Hermann dans les "Tours de Bois Maury" par exemple). Du côté du scénario, Kraehn se remue un peu les méninges avec ces allers et retours et ces échanges de position de force et de faiblesse incessants entre tous ses personnages, si caractéristiques de la série, mais une fois de plus, la résolution semble bâclée, trop facile par rapport à la situation construite au cours des tomes 6 et 7. On peut aussi regretter l'abandon du contexte historique fouillé, qui était l'un des rares points forts des "Aigles Décapitées" : on a l'impression d'être ici dans un Moyen Age de pure convention, et les clichés qui abondent (le méchant si laid qui est un tueur de chats, n'en jetez plus !) n'aident pas à crédibiliser "la Prisonnière du Donjon".

    pokespagne Le 20/09/2015 à 22:18:04
    Les aigles Décapitées - Tome 6 - Alix

    Soyons directs : ce tome 6 des "Aigles Décapitées" est une petite horreur, le pire à date d'une série qui ne vole déjà pas très haut de manière générale ! Le dessin de Pierret, qui s'échine à copier la ligne moderne et simplifiée que Kraehn avait tout juste adoptée avant la "passation", est d'une maladresse tragique, et "Alix" est un monument de laideur graphique. Et cette fois, malheureusement, le scénario très faible de Kraehn ne rattrape rien : on a droit, sous le prétexte de délivrer cette Alix dont on n'avait plus entendu parler depuis 3 ans, à un nouveau périple pas très intelligent d'un Hughes qui s'avère une fois de plus un personnage falot, d'une incompétence rare, auquel il est bien difficile de trouver le moindre intérêt. Méchants de pacotille aux expressions de traîtres caricaturaux, situations incohérentes, manque de rythme endémique... toute la faiblesse des "Aigles Décapitées" éclate ici.

    pokespagne Le 19/09/2015 à 16:33:12
    Les aigles Décapitées - Tome 5 - Saint-Malo de l'Isle

    "Saint-Malo de l'Isle" est le second volet de la nouvelle aventure de Hughes débutée avec "l'Hérétique", qu'il clôt avec le même je-m’en-foutisme dont Pellerin avait fait preuve à la fin du premier "cycle" de 3 albums : Kraehn n'a donc rien appris, abusant à son tour de flashback explicatif délivré par un personnage qui permet de boucler en une page un récit qui aurait mérité bien mieux ? Cette manière de construire - ou plutôt de ne pas savoir construire - un récit est stupéfiante au mieux, consternante plutôt : d'un côté on accumule les péripéties sans grand intérêt, comme si on voulait étirer la fiction, d'un autre on bâcle le dénouement de l'histoire principale (ici la captivité de Sigwald en danger de mort, l'emprise de l'hérétique Goliard sur les pastouraux) en quelques cases narrées par un protagonistes ! Sinon, un autre sujet de consternation est la substitution en plein album (page 18) de Kraehn au dessin par Pierret, qui commence évidemment par le singer, avant de - très logiquement - dériver : au delà du problème de cohérence que tout cela pose à une série qui n'en est qu'à son cinquième tome (et qui n'a clairement pas encore trouver son style), le résultat reste peu satisfaisant, avec - toujours - ce manque de caractérisation des visages, et un brai manque de vie (faiblesses des gestes et des mouvements en particulier). Au crédit de "Saint-Malo de l'Isle", on peut néanmoins verser, comme à chaque fois, l'intérêt "historique" dans la description de cette ville si particulière politiquement, et la complexité du personnage de Nolwenn. C'est malheureusement peu !

    pokespagne Le 18/09/2015 à 13:37:14
    Les aigles Décapitées - Tome 4 - L'hérétique

    Quatrième tome de la saga des "Aigles décapitées", "l'Hérétique" est donc celui de la rupture : Pellerin parti - le désastre scénaristique du tome précédent trahissait sans nul doute son désengagement du projet -, Kraehn prend la totalité de l’œuvre à sa charge, et le moins qu'on puisse dire, c'est qu"on semble y gagner au change : tout en poursuivant son passionnant travail de mise en lumière d'histoires largement ignorées du Moyen âge (ici les "pastoureaux", ces bandes d'adolescents errant sous la direction de "gourous" déviants abusant de leur crédulité), "les Aigles" retrouve ses marques en contant une vraie histoire, à la fois riche en péripéties et simple narrativement, avec des personnages complexes (le juif, Nolween), donc émotionnellement engageants pour le lecteur (ce qui n'était pas le point fort des précédents volumes). Mieux, Kraehen prend acte de la fadeur essentielle de son "héros" pour en faire un vecteur de fiction, puisque son statut d'objet du désir et de la fiction des autres est au cœur du récit. Autre changement notable, même s'il est progressif au fil des pages de "l'Hérétique", Kraehn change de style graphique, tentant la modernisation de son trait, allant vers une ligne plus stylisée qui contraste certes avec le contexte de "vérité historique" de la série, mais se révèle fort plaisante en dépit d'une certaine maladresse (toujours ces visages changeant...). En tous cas, "les Aigles Décapitées" gagne ici une seconde vie !

    pokespagne Le 15/09/2015 à 14:38:52
    Les aigles Décapitées - Tome 3 - Les éperons d'or

    Au troisième tome des "Aigles Décapitées", voilà que Pellerin, le scénariste, auquel il faut bien dire que l'on devait l'intérêt de cette série historique conventionnelle au risque d'être périmée dès sa publication, lâche la rampe. Ou lâche l'affaire, puisque la suite de la saga se fera sans lui. D'où le grand n'importe quoi de ces "Eperons d'Or" à la structure brouillonne, qui bâcle sans vergogne tous les fils narratifs ouverts durant les deux premiers tomes. On liquide très vite les personnages secondaires, on résout comme par enchantement (la découverte quasi miraculeuse de la tentative d'empoisonnement de St Louis que Pellerin nous sort de son chapeau vaut son pesant de Carambars) la problématique principale des "Aigles", et tout est bien qui finit bien. Et Alix ? Disparue de la fiction par un tour de passe passe éhonté (heureusement que notre beau jongleur se souvient in extremis qu'elle existe !). Et la complexité du réseau de mensonges qui a été tissé auparavant ? Tout se résout dans un immense pardon général, envers et contre toute logique et toute véracité psychologique. Comme il faut foncer pour terminer tout cela dans le cadre des 48 pages réglementaires, on a multiplié les ellipses, les coïncidences et les coups du sort, et on a consciencieusement rempli, une fois de plus, les cases, de dialogue et de texte jusqu'à l'asphyxie. Triste conclusion d'un cycle, donc.

    pokespagne Le 11/09/2015 à 14:16:24
    Les aigles Décapitées - Tome 2 - L'héritier sans nom

    Si au niveau du dessin de Jean-Charles Kraehn, on enregistre des petits progrès par rapport aux maladresses du premier tome, "l'Héritier sans Nom" continue de souffrir des mêmes tares : imprécision des visages que Kraehn a du mal à "figer", et excès de dialogues dans certaines cases, qui nuit à la fluidité de la lecture et qui privilégie la parole à l'action. C'est plus le scénario des Aigles Décapitées qui attirera l'attention par sa maturité dans la description des conflits entre les personnages, et ses "coups de théâtre" malins, comme la révélation assez impressionnante qui conclut ce second tome, et donne très envie de poursuivre la lecture. On déplorera quand même cette fois le manque de crédibilité de la relation naissante entre "le jongleur" et Alix, mais on soulignera avec plaisir le joli travail sur les couleurs, typique d'une époque où la colorisation des BDs n'était pas purement une affaire de logiciel.

    pokespagne Le 09/09/2015 à 21:34:27
    Les aigles Décapitées - Tome 1 - La nuit des jongleurs

    Années 80 : la "BD pour adultes" franco-belge a pris son envol, et Glénat s'impose comme l'un des éditeurs les plus actifs en publiant à tour de bras de la BD d'aventures "historiques", c'est-à-dire en restant dans la tradition de la BD pour enfants / adultes, tout en y injectant un peu de violence, un soupçon de sexe, et des intrigues plus complexes. Honnêtement, il n'est pas facile à l'époque de séparer le bon grain de l'ivraie, tout cela se ressemblant plus qu'un peu : personnellement, je fais à l’époque le pari des "7 Vies de l'Epervier", que je ne regretterai pas, mais passe complètement à côté de ces "Aigles Décapitées" (pourquoi ce féminin ? Je ne peux que supposer qu'il s'agit d'un terme d'armoiries). 30 ans après, l'intrigue de la "Nuit des Jongleurs" tient encore bien la route, même si elle est un peu longue à démarrer : ces luttes de pouvoir dans un monde médiéval ne se sont pas démodées du tout, il suffit de penser à "Game of Thrones". Non, la limite de cette saga, du moins au niveau de son premier tome, c'est la faiblesse du dessin, à la fois très (trop ?) classique - on est loin du travail d'Hermann par exemple, sur les "Tours de Bois-Maury" - et assez flottant, avec des personnages à la caractérisation incertaine, changeant de visage d'une page, voire d'une case à l'autre. Pire, on peut trouver la construction des cases encore peu lisible, avec trop de bulles venant phagocyter l'espace, surtout dans la première partie du livre. Défauts de jeunesse, sans doute... En tous cas, on est prêt à faire un bout de chemin avec nos héros, intrigué que l'on se trouve à la fin de ce premier tome, par le potentiel du récit.

    pokespagne Le 05/09/2015 à 12:20:43
    A Silent Voice - Tome 1 - Tome 1

    A priori, il semble que ce "premier tome" de "A Silent Voice" ait été à l'origine - et avant le succès qu'il a rencontré - un one shot. De fait, ce récit minutieux et formidablement intelligent de l'exclusion progressive d'une petite sourd-muette par une classe toute entière (on est semble-t-il en fin de primaire, juste avant l'entrée au collège) tient parfaitement bien tout seul, même s'il se clôt d'une manière ouverte par les retrouvailles des protagonistes Shoko et Shoya six ans plus tard. Yoshitoki Oima gère parfaitement son récit pour éviter de tomber dans le piège évident du sentimentalisme, et retourne même le point de vue conventionnel en faisant du tortionnaire la principale victime, alors que la jeune infirme poursuit sa route, mûrie de manière précoce - du moins on l'imagine - par les épreuves traversées. De même, la force de "A Silent Voice" vient de la description objective des mécanismes de rejets, souvent dissimulés derrière une apparente bienveillance (de la part de l'enseignant par exemple) et derrière les grands principes. Rien de manichéen donc ici, l'attention sensible aux détails remplaçant avantageusement la critique facile. Ajoutons que le dessin est aussi beau que facilement lisible (ce n'est pas le cas, on le sait, de bien des mangas pour adolescents), et on a une véritable petite réussite. Reste maintenant à savoir en quoi de nouveaux tomes pourront bien enrichir un récit aussi bien conduit.

    pokespagne Le 24/08/2015 à 20:22:25
    XIII - Tome 1 - Le jour du soleil noir

    Cela me désole de l'écrire, mais le point de départ de l'excellente saga "XIII", la découverte de cet homme sans mémoire qui se découvrira un passé de tueur, est bien un plagiat direct de "la Mémoire dans la Peau" de Ludlum, puisque le best seller est paru en 1980, quatre ans avant ce magnifique "Jour du Soleil Noir". Magnifique parce que Van Hamme dépasse ici de toute manière la simple copie en créant des personnages passionnants (aussi bien les impayables méchants archétypaux que les bonnes âmes qui vont aider XIII au long de sa périlleuse enquête sont parfaitement croqués et crédibles) et en faisant vivre à son héros à la fascinante virginité des péripéties rocambolesques mais excitantes. Ce premier tome est donc une réussite exaltante, faisant passer son lecteur par toute une palette de sentiments (jusqu'à la compassion pour les victimes) dénotant une profondeur "adulte" vraiment inhabituelle pour une simple BD grand public. On pourra déplorer les faiblesses du dessin de Vance, plus à l'aise dans la composition d'excellents décors que dans les mouvements ou la physionomie de ses personnages, mais, curieusement, cela ne gêne jamais la lecture de ce très bel album, qui lance donc brillamment une série à succès (mérité).

    pokespagne Le 24/08/2015 à 20:10:36
    Ric Hochet (Les nouvelles enquêtes de) - Tome 1 - R.I.P., Ric !

    J'avais abandonné Ric Hochet vers le numéro 50 de son épuisante saga, écoeuré par le ressassement mécanique d'histoires désormais ridicules auquel se livrait un Duchateau en roue libre. Du coup, je n'ai pour une fois aucune objection valable à présenter contre l'inévitable reboot qui suit la mort de Tibet. Et ce d'autant que "R.I.P. Ric" est une parfaite réussite, tant au niveau du concept - une mise en abime percutante, à la fois drôle et tendre, des "fondamentaux" de la série originelle - que du scénario - un thriller tendu qui n'épargne pas ses personnages, tournant autour d'un plan démentiel alimenté par une soif atroce de vengeance : on est donc loin des territoires pseudo fantastiques où s'était mortellement enlisé le boy scout aux horribles vestes blanches et noires ! Quel plaisir de voir Ric s'envoyer enfin cette petite allumeuse qu'est la nièce de Bourdon. Ou le même Bourdon avouer son passé de collabo au sein de la police de Pétain. Ou même simplement de reconnaître qu'une bombe, cela tue, même dans une BD ! Plus trivialement, quel bon sens de la part des auteurs que de repartir dans les années 60, juste avant "le Monstre de Noirville", quand les enquêtes de Ric Hochet étaient encore en adéquation avec une certaine réalité de leur époque, et de convoquer à bon escient nos souvenirs des tous premiers albums ! Alors, un petit chef d'oeuvre ? Eh bien malheureusement non, car tout cela est partiellement gâché par un dessin aussi mauvais techniquement (beaucoup d'erreurs dans les positions, les mouvements, beaucoup d'imprécision dans les traits inexpressifs des personnages...) que furieusement laid... Pourquoi donc ne pas poursuivre cette nouvelle série avec d'autres dessinateurs ? Le lecteur ayant retrouvé son amour d'antan pour un héros parfaitement "modernisé" en serait tellement reconnaissant !

    pokespagne Le 26/07/2015 à 21:48:41
    Les petits riens de Lewis Trondheim - Tome 7 - Un arbre en furie

    Septième tome des "Petits Riens"de Trondheim, et malgré notre enthousiasme vis à vis de cette compilation sympathique de commentaires pince-sans-rire et de mini-chroniques sur sa vie quotidienne, Lewis Trondheim semble ici arriver au bout de son rouleau : moins pertinent, moins amusant, pour tout dire moins intéressant que ces prédécesseurs, cet "Arbre en Furie" est une vraie déception. Sans doute Trondheim nous a-t-il déjà que trop familiarisés avec ses petites manies, ses peurs plus ou moins fondées, ses interrogations fondamentales sur la vie et sa perplexité "d'honnête homme" devant les rites et les machines de notre XXIème siècle, pour pouvoir encore nous surprendre ou même nous amuser. Du coup, le plus intéressant de ce septième tome réside dans les dessins précis de lieux ou de bâtiments effectués au cours des voyages de Trondheim, et c'est quand même un peu juste. Allons, Lewis, il est temps de passer à autre chose !

    pokespagne Le 18/07/2015 à 18:02:20
    Les passagers du vent - Tome 5 - Le bois d'ébène

    Conclusion parfaitement logique d'une saga que je peux désormais juger (après l'avoir enfin lue) terriblement surestimée (comme quoi avoir des préjugés peut s'avérer de temps en temps justifié !), "le Bois d'Ebène" semble concentrer toutes les qualités (indiscutables) et les défauts (criants) de l’œuvre de Bourgeon. Le foisonnement d'intrigues et de morts violentes atteint un véritable paroxysme au cours de ce long huis clos sur un navire soumis à une terrible tempête et à une non moins terrible mutinerie, mais le lecteur reste bien souvent en rade, tant la narration de Bourgeon est impuissante à traduire l'action, et trahit complètement le souffle feuilletonesque dont rêve l'auteur : incapables de comprendre ce qui se passe au fil de cases souvent mal composées, on en devient assez vite indifférents quant à qui se fait tuer et qui survit. Fatigués par l'abondance de dialogues et de caisses de textes explicatifs visant à pallier la confusion créée par l'image (preuve s'il en est que Bourgeon se sait un piètre "metteur en scène"), on a rapidement envie que "le Bois d'Ebène" se termine... On peut aussi malheureusement déplorer que Bourgeon ait clairement une tendance à bâcler ses mini-fictions, abandonnant ses personnages secondaires à leur destin et passant négligemment à autre chose : cela pourrait être un style, j'ai l'impression qu'il s'agit plutôt de maladresse. Bref, au rsique de faire hurler les fans que je sais enragés, j'ai envie de dire que les meilleures pages des "Passagers du Vent" sont les toutes dernières, les seules où Bourgeon semble prendre son temps, laisser à ses superbes aquarelles le temps de nous dire quelque chose de profond sur son personnage principal, oui, autorisant enfin à son récit une respiration. Une vie, qui a terriblement manqué au cours de tout ce qui a précédé.

    pokespagne Le 15/07/2015 à 20:47:52
    Valérian - Tome 5 - Les Oiseaux du maître

    Avec les "Oiseaux du Maître", on est pleinement dans la période faste de la saga "Valérian et Laureline" : Mézières maîtrise désormais son graphisme, et, c'est encore plus important, sa narration. Christin apporte des sujets - largement politiques, c'est le dada de Christin - qui, pour n'être pas toujours construits de manière parfaite, sont vraiment originaux et passionnants. En sus, il y a cette touche d'humour léger qui distingue cette série de toute les autres. Démarrant dans une ambiance assez classiquement Heroic-Fantasy, construit sur des dessins plus sombres et plus adultes que ceux des tomes précédents, 'les Oiseaux du Maître" se boucle en posant les grandes questions du pouvoir absolu et de son acceptation par l'être humain. Peut-être pas un livre parfait, certes, mais un livre passionnant.

    pokespagne Le 15/07/2015 à 20:46:38
    Valérian - Tome 20 - L'Ordre des pierres

    Valérian et Laureline perdus dans le Grand Rien...
    ... et nous aussi, oserais-je ajouter, sans craindre la facilité ! Il y a plus de 30 ans, Valérian (sympathique abruti) et Laureline (intelligente et sexy) nous avaient entrainés à leur suite dans des aventures spatio-temporelles (si, si !) qui fleuraient bon les grandes idées de notre génération soixante-huitarde : on avait donc découvert que les galaxies était peuplées de dictateurs aussi corrompus que pitoyables, qu'un jour leurs peuples les renverseraient, mais surtout que la femme était tellement l'égale de l'homme qu'elle lui était bien supérieure. Et puis, Christin et Mézières nous avaient offert le premier "roulage de pelle" entre deux héros de BD pour enfants (sûr que Valérian lui avait mis la langue !). En 2007, Christin ne peut que constater que les jeunes chinoises font de redoutables CEOs redressant des industries à coup de délocalisations, ce qui, admettons-le, ne surprendra personne. Par contre, dans le Grand Rien, on ne nous entendra pas bailler d'ennui : en convoquant les personnages de maintes aventures précédentes dans un inventaire à la Prévert, en cherchant désespérément, non pas la Planète Terre volatilisée dans l'Espace-Temps, mais le fil d'une saga qui s'est depuis un jour égarée, Christin ne s'est pas aperçu qu'il ne nous raconte plus rien depuis longtemps...

    pokespagne Le 15/07/2015 à 20:45:22
    Valérian - Tome 17 - L'Orphelin des astres

    Dans cette suite injustifiée et incohérente des "Otages de l'Ultralum", Valérian et Laureline errent sans but dans des aventures anodines, ce qui fait de cet album le plus faible de la série. Heureusement, le niveau remontera marginalement par la suite, mais il faut bien avouer que tant de j'menfoutisme de la part de Christin, qui ne se fatigue même pas à inventer la moindre histoire, et se contente de décliner des personnages ridicules, frôle l'inadmissible. Faut-il que nous ayons beaucoup aimé Valérian durant des années pour avoir pardonné !

    pokespagne Le 15/07/2015 à 15:01:34
    Tintin - Tome 10 - L'étoile mystérieuse

    Je garde depuis ma tendre enfance, et ma première lecture de 'l'Etoile Mystérieuse", une tendresse particulière pour cet album qui n'apparaît pourtant pas - en général - dans le Top 5 des meilleurs "Tintin" établi par les experts de tout poil. C'est que l'ambiance fantastique qui règne dans les quelques dix premières pages du livre (la fin du monde proche, le dérèglement du quotidien sous la chaleur grandissante, la folie qui contamine les personnages, puis la délivrance du tremblement de terre) n'a pas d'équivalent me semble-t-il dans l’œuvre d'Hergé, et a marqué durablement mon inconscient. Si l'on ajoute la toute dernière partie du livre, quand l'effet du métal extraterrestre sur la nature se traduit en visions délirantes de champignons géants explosifs et d'insectes cauchemardesques, on se rend compte combien "l'Etoile Mystérieuse" est un livre singulier. La partie centrale, décrivant - signe des temps puisque le livre date de 1942 - une course maritime entre un navire affrété par l'Europe nazie (les bons) et un autre américain financé par un juif au nez crochu (les méchants, prêts à toutes les fourberies pour triompher) est la plus faible, mais reste très amusante grâce à l'accumulation de gags très "slapsticks" (chutes, chocs, etc.) et à un Capitaine Haddock à l'alcoolisme joyeux, célébré par Hergé avec une allégresse bien éloignée du politiquement correct actuel.

    PS : Il est intéressant de relever un détail qui achève de distinguer stylistiquement "l'Etoile Mystérieuse" des autres "Tintin", la présence d'ombres portées dans les pages 6, 7 et 8, qui accentuent le caractère expressionniste de ces scènes angoissantes.

    pokespagne Le 15/07/2015 à 14:24:13
    Les passagers du vent - Tome 4 - L'heure du serpent

    "L'heure du serpent" semble avoir moins bonne réputation que ces prédécesseurs auprès des thuriféraires des "Passagers du vent", alors qu'il me paraît quant à moi légèrement supérieur au "Comptoir de Juda" avec lequel il constitue une sorte diptyque : c'est dans ce quatrième tome que se concluent en effet toutes les intrigues ouvertes dans le précédent, certaines de manière un peu "légère" il est vrai (la guérison de Hoel, qui était au départ l'enjeu majeur du livre, survient sans guère d'explications...). Il y a dans ce livre gorgé jusqu'à la saturation de péripéties toutes plus violentes les unes que les autres, deux vrais temps forts : d'abord la visite au roi, chargée de menaces et lourde de conséquence, et ensuite la réapparition d'un Smolett fou à lier qui s’achèvera de manière dramatique dans les marais. On peut d'ailleurs considérer que ces scènes de poursuite et de folie nocturne sont ce que "les Passagers du Vent" nous ont offert de mieux jusqu'à présent. Maintenant, et en dépit de nouveaux progrès notables de la technique de Bourgeon, les limites de la série restent les mêmes : exagération d'un récit en perpétuelle surchauffe, alignant les morts violentes sans pitié pour les nerfs du lecteur (c'est d'ailleurs sans doute l'un des aspects les plus malheureusement "modernes" des "Passagers du Vent", cette sorte de complaisance dans l'horreur), et encore pas mal de problèmes avec les physionomies des personnages (voir la féminité mal contrôlée des visages de Vignebelle et d'Aouan...).

    pokespagne Le 15/07/2015 à 09:33:39
    Jean-Claude Tergal - Tome 6 - Portraits de famille

    Bien sûr, nous sommes tous Jean-Claude Tergal, pour peu que nous ayons eu une maman obsédée par l'ordre et l'hygiène, et fondamentalement incapable de nous témoigner son amour autrement que par des conseils et des reproches quant à notre hygiène. Ou un papa que nous pensions invincible mais qui en fait était le souffre douleur de son chef au boulot. Ou des tantes, grand-mères et cousines affligées de tics ou au moins de marottes assez effrayantes ou dégoûtantes... Alors, du coup, au delà des exagérations évidemment destinées à nous faire rire - assez grassement, il faut l'avouer, Tronchet ne rechignant jamais devant la grosse rigolade pipi-caca -, "Portraits de Famille" nous touche pas très loin du cœur. En fait, "Portraits de Famille" est un livre qu'on aimerait adorer, mais qui s'arrête juste en deçà de l'excellence qu'il aurait pu atteindre : est-ce la faute de vignettes un peu trop courtes ? d'un dessin évocateur, pas si mal que ça, mais quand même un peu lourd ? ou tout simplement de la pudeur de Tronchet, qui, même lorsqu'il se laisse aller à avouer tout l'amour qu'il y a derrière ses chroniques, dans la dernière partie du livre, préfère conclure sur une dernière pirouette conceptuelle plus irritante qu'autre chose ? Oui, on est passés près d'un vrai BON livre.

    pokespagne Le 14/07/2015 à 17:36:06
    Les passagers du vent - Tome 3 - Le comptoir de Juda

    Loin de la mer, sous le soleil brûlant de l'Afrique (bien rendu par les couleurs des aquarelles de Bourgeon), "les Passagers du Vent" perdent une bonne partie de leur magie dans ce troisième tome qui se révèle très pesant. Techniquement, on reste proche du tome précédent, le dessin souffrant des mêmes défauts : un déficit d'expression dans les visages, qui plombe un récit sensé être plein de bruit et de fureur (... sans même parler de l'étrange féminité de Aouan !), et surtout ce problème endémique que Bourgeon semble avoir pour exprimer des mouvements complexes. Alors que le péripéties abondent - encore une fois, sans doute un peu trop même - dans le scénario du "Comptoir de Juda", les scènes d'action sont illisibles, et donc vont à l'encontre de l'efficacité du récit : il suffit de voir comment Bourgeon échoue à "montrer" ce qui se passe dans le village de Caraçon pour saisir le handicap fondamental des "Passagers du Vent", un décalage fatal entre les ambitions du récit et les compétences techniques de Bourgeon. Car, une fois encore, on peut louer Bourgeon pour ses ambitions pédagogiques (nous expliquer le plus clairement possibles le mécanisme de la traite des nègres au XVIIIème siècle, ainsi que les mentalités de l'époque), pour la précision de la description d'une époque fascinante, et pour la complexité des rapports humains qu'il met en scène. De ce point de vue, il est indiscutable que Bourgeon, quelles que soient les nombreuses limites formelles de ses "Passagers du Vent", a participé de manière notable à la transition au début des années 80 vers une BD "adulte".

    pokespagne Le 13/07/2015 à 17:16:51
    Les passagers du vent - Tome 2 - Le ponton

    Le second tome des "Passagers du Vent" voit Bourgeon effectuer un saut qualitatif remarquable par rapport au premier : quasiment tous les problèmes de lisibilité qui entachaient le premier album sont résolus, c'est le début de la maturité pour ce dessinateur qui va d'ailleurs devenir de plus en plus maître de son art au fil des années... Par contre, "le Ponton" souffre encore de petits défauts en matière de mise en image - de nombreuses cases ne traduisent pas correctement la dynamique des mouvements des personnages, allant jusqu'à rendre invraisemblables certaines scènes -, et plus gênant à mon sens, Bourgeon a du mal à nous faire percevoir le temps qui passe : alors que l'intrigue, très déliée il faut le dire, du "Ponton" s'étale sur de nombreux mois, les longues périodes d'attente de nos héros sont tout simplement imperceptibles au lecteur, sans qu'on puisse non plus parler d'ellipses. (Quand je lis que certains lecteurs parlent de "langage cinématographique" à propos des "Passagers du Vent", je me dis qu'ils n'ont jamais vu le travail d'un Urasawa, par exemple !). Il y a chez Bourgeon une sorte de besoin de combler chaque page, chaque case d'action qui le relie encore fermement avec l'aspect le plus enfantin - ou pré-ado - de la BD. C'est dommage d'autant que Bourgeon a un vrai talent pour ancrer son récit dans une vérité historique crédible (et originale), ainsi que pour créer des personnages hauts en couleurs, qui nous deviennent vite familiers, voire chers. C'est avec plaisir qu'on les suivra donc dans le prochain tome de cette belle aventure maritime.

    pokespagne Le 13/07/2015 à 13:18:15
    Lucky Luke (Les aventures de) - Tome 1 - La belle province

    C'est devenu pire qu'une sale habitude des héritiers, maisons d'édition et autres profiteurs avides de prolonger jusqu'à la nausée les juteux bénéfices d'une franchise populaire, c'est désormais à une véritable destruction en règle de notre patrimoine de la BD franco-belge à laquelle on assiste, impuissants, désemparés. Désemparés aussi parce que le grand public continue à porter la main au porte feuille à chaque sortie d'un "nouvel" album de ses héros préférés, sans sembler se rendre compte de la tragique descente aux enfers que traduit quasi systématiquement cet acharnement thérapeutique intéressé. "Lucky Luke", comme "Astérix", aurait mourir d'une chute de cheval lorsque Goscinny a passé l'arme à gauche, mais il a poursuivi son chemin de cowboy solitaire au fil d'aventures de plus en plus pâlichonnes et ennuyeuses. Morris disparu, rien n'arrête plus "Lucky Luke", otage désormais d'une bande de tristes arnaqueurs qui font feu de tout bois dans cette "Belle Province" navrante de démagogie et d'impuissance créative. Démagogie parce qu'on caresse ici l'esprit français anti-américain et anti-anglais dans le sens du poil, et parce que le recours à des références "modernes" de la culture québecoise (Céline Dion, Charlebois, etc.) est le genre de clin d’œil facile qui n'a rien à faire dans un album de Lucky Luke (c'est plutôt le domaine d'Astérix, me semble-t-il ?). Impuissance créative car cette histoire d'escroquerie, de collusion entre un banquier et des bandits de grands chemins, d'outlaw dissimulé sous les oripeaux d'un "butler", on a tout simplement l'impression de l'avoir déjà vu quinze fois dans "Lucky Luke".

    pokespagne Le 12/07/2015 à 08:58:25
    Les passagers du vent - Tome 1 - La fille sous la dunette

    Je n'avais encore jamais lu "les Passagers du Vent", par pure réaction, je l'avoue honteusement, au concert de cris d'admiration qui accompagna la sortie de cette BD devenue, comme on dit, un "pilier" du genre franco-belge, et qui a, comme c'est souvent le cas, littéralement créé un nouveau genre (on va dire le roman fleuve historique pour adultes, pour raccourcir). Ouvrir ce "classique" aujourd'hui, sans préjugés, nous expose au choc de défauts pour le moins surprenants : une importance trop grande accordée au texte (dialogues et narration), par ailleurs assez mal calligraphié ; des dessins très fouillis, avec des "cadrages" serrés sur le personnages qui font perdre ce sens de la topographie qui est pour moi tellement essentiel, en particulier dans un récit où le mouvement à l'intérieur d'un espace clos (le navire) est la clé de l'histoire ; un certain flottement dans la caractérisation des protagonistes, qui les rend quelques fois difficilement reconnaissables (même s'il s'agit là, il faut le reconnaître, justement du point de départ de la fiction) ; bref une lisibilité réduite, qui oblige dès lors le lecteur à pas mal d'efforts pour pénétrer dans le récit de Bourgeon. Bien sûr, les qualités de "la Fille Sous la Dunette" sont tout aussi prégnantes : la grande beauté des couleurs, la dynamique des mouvements, l'originalité du thème - la marine du XVIIIè siècle - et la force de l'histoire (avec ce beau "twist" central sur l'échange d'identité), tous deux originaux, le renouvellement grâce au féminisme des mécanismes du grand récit d'aventures classique, le souffle romanesque d'une manière générale expliquent l'engouement un peu démesuré provoqué au début des années 80 par la saga des "Passagers du Vent". Un peu gâché par un dernier chapitre - le sauvetage par les Anglais - capilotracté, "la Fille sous la Dunette" n'est pas le chef d’œuvre que j'espérais au fond de moi, mais s'avère une œuvre solide et même puissante. A suivre.

    pokespagne Le 01/07/2015 à 15:37:03
    Billy Bat - Tome 15 - Volume 15

    Ce quinzième volume de "Billy Bat", que je n'attendais pas forcément après la magnifique conclusion du quatorzième, m'a d'abord frustré, et même déstabilisé : Urasawa m'a donné le sentiment qu'il me tordait le bras pour me faire revenir sur des fils narratifs de sa saga démentielle qu'il n'avait pas encore poursuivi (en gros : qu'est devenu Duvivier après sa chute ? Où est le rouleau, qui en est désormais le détenteur et pour en faire quoi ? Qui était l'étrange apparition entourée de chauve-souris ? Jusqu'où va le talent psychique du jeune Kevin Goodman ?)... mais qui m'allaient plutôt bien comme ça ! Pire encore, avoir évité la catastrophe ultime grâce à un moment de sidération de son principal "méchant" semble désormais un simple argument pour relancer une nouvelle intrigue sur la prochaine "fin du monde potentielle", intrigue centrée cette fois sur la prédiction du "9-11". A ce petit jeu là, "Billy Bat" peut encore durer une bonne dizaine de tomes, et sombrer définitivement dans le grand n'importe quoi que nombre de ses détracteurs l'accuse déjà d'être... Bon, mettons un frein à notre mauvaise humeure pour admettre que, bien sûr, Urasawa sait comment faire pour nous intriguer et nous émouvoir : à ce titre, le passage sur "la vraie vie de Kiyoshi", uchronie idéalisant une vie de mangakan célèbre comme alternative à celle de criminel, est magnifique, en ce qu'il relativise et enrichit à la fois l'histoire que nous venons de lire. De même, retrouver l'attachant Agent Smith (en maison de retraite !) et le répugnant Finney en 1990 est loin d'être inintéressant... Attendons néanmoins le prochain volume pour savoir si "Billy Bat" se relèvera de l'effet-tiroir abusif caractérisant ce quinzième tome, et s'il faut abandonner tout espoir quant à la capacité d'Urasawa de le transformer en sommet de sa longue carrière.

    pokespagne Le 18/06/2015 à 17:58:39
    L'arabe du futur - Tome 2 - Une jeunesse au Moyen-Orient (1984-1985)

    Je l'avoue avec beaucoup d'allégresse (car j'aime en général le travail de Riad Sattouf), les réticences que j'avais eues à la lecture du premier tome de "l'Arabe du Futur" se sont vues partiellement dissipées par ce second volume du "journal" de l'enfance de Sattouf. Peut-être parce que je me suis peu à peu habitué à la noirceur univoque de son récit auto-biographique. Plus certainement parce que cette seconde "tranche de vie" est narrée de manière plus fine que la première : centré sur la Syrie (un seul passage en fin de livre en France, pour offrir un contrepoint assez saisissant), le livre est à la fois plus "politique", au point que j'y ai retrouvé un peu des échos des livres de Guy Delisle, dans sa description de l'absurdité du régime syrien, mais aussi de la barbarie de la société (ces "crimes d'honneur", dont l'impunité conclut le livre de manière accablante), mais est aussi plus "humain". La bêtise aveugle du père de Riad, qui condamne sa famille à une vie sans joie, l'absence de rébellion de la part de son épouse, la méchanceté systématique des enseignants, des voisins, des parents en Syrie, se voient contrebalancées par quelques moments de légèreté, de bonheur presque (la découverte de Tintin, le crabe...) qui permettent d'admettre enfin que tout dans la vie n'est pas un cauchemar. Et ce rai de lumière qui perce par ci, par là, change beaucoup de chose au plaisir du lecteur. Il faut aussi souligner que le dessin de Sattouf acquiert dans ce livre une vraie élégance, qualificatif qu'on avait en général du mal à lui attribuer : comme il l'annonce lui-même dans de récents interviews, son admiration pour la "ligne claire" commence à se traduire dans son style, et c'est vraiment un point positif de plus. Au final, même si la lecture de "l'Arabe du Futur" reste un exercice assez déprimant, la richesse des informations qu'il apporte sur un pays et une époque méconnus, et le début de sympathie qu'on se surprend à ressentir pour certains personnages emportent cette fois le morceau.

    pokespagne Le 31/05/2015 à 07:55:00

    Époustouflé par la lecture de "Moi, Assassin", j'avais très hâte de découvrir le roman graphique le plus célèbre d'Antonio Altarriba, cet "Art de Voler" qui a reçu les plus hauts honneurs en Espagne. Et j'y ai en effet retrouvé "l'art de conter" magistral de l'auteur, mis ici au service d'un récit beaucoup moins "intellectuel", puisqu'il s'agit pour lui de rendre hommage à la vie de souffrances de son père, une vie qui s'est terminée après 15 ans de dépression sévère, par un envol depuis la fenêtre la plus haute de la maison de retraite où il était confiné. Avant de se plonger dans ce livre touffu, le lecteur devrait recevoir un avertissement du genre : "Toi qui pénètre ici, abandonne tout espoir !", car hormis quelques jolis (et rares) moments de plaisir sexuel, fugaces et semble-t-il toujours entachés de malaise, la vie d'Antonio ne sera qu'une succession de drames, de tortures, de crises... Depuis son enfance misérable dans une Espagne campagnarde, primitive et âpre au gain, jusqu'à l'enfermement dans cette maison de retraite où il sera la victime d'un personnel sadique, en passant par la débâcle des républicains face à Franco, par un passage par des camps de concentration dans une France bien peu accueillante, par un retour asphyxiant dans l'Espagne de la dictature, Antonio (père) ne semble connaître - en tous cas, du point de son fils qui a reconstruit la vie de son père à partir d'éléments disparates - aucun moment de réel bonheur, voire même de simple tranquillité. Et c'est là sans doute la première limite de "l'Art de Voler", puisque même ce fameux "vol" libérateur ne s'exprime guère, si ce n'est dans la chute final, n'offrant aucun répit au lecteur vite assommé par cette accumulation de malheurs. L'autre problème du livre, qui l'empêche à mon avis d'atteindre au statut de "chef d’œuvre" de la BD que beaucoup lui attribuent, c'est la difficulté de la lecture : cases trop petites pour la complexité des dessins de Kim, déséquilibre en faveur d'un texte par trop envahissant, manque de "pauses" visuelles dans le récit, qui permettraient de prendre du recul par rapport à un récit aussi riche, le "media BD" n'est malheureusement pas utilisé ici - et contrairement à ce que l'auteur prétend dans la postface - au mieux. Reste que la lecture de "l'Art de Voler" est un must absolu pour qui aime l'Espagne, et veut la comprendre mieux, au delà des clichés touristiques et culturels qui dissimulent souvent sa véritable nature, peinte ici sans aucune complaisance.

    pokespagne Le 14/04/2015 à 07:06:38
    Billy Bat - Tome 14 - Volume 14

    A l'heure où j'écris ces lignes, je ne sais pas si ce quatorzième volume de l'édition française de "Billy Bat" (qui se termine par le chapitre 117 : "la dernière scène") sera le dernier, ou non ! En tout cas, j'ai envie que cela le soit, tant cette conclusion est belle, à la fois humaniste (le super méchant renonce finalement à la victoire qui est à sa portée, emporté par les souvenirs de l'amour de son père et par la beauté de ce qu'il contemple...) et impressionnante (... la terre vue depuis le sol lunaire, quand même !). En plus, Urasawa et Nagasaki ont quand même réussi dans ces 200 dernières (?) pages à recoller la plupart des morceaux de leur histoire délirante, au fil de nombreux va-et-vients temporels parfaitement maîtrisés qui comblent les trous des précédents tomes. Bien joué ! Et presque inattendu en fait... Alors, pour peu qu'on souscrive aux préceptes de base de "Billy Bat", sérieusement délirants quand même (on apprend cette fois que la lune s'est séparée de la terre suite à une collision astrale, emportant avec elle une partie de Billy Bat - c'est-à-dire plus ou moins Dieu -, la partie "méchante" en fait !!!), on est obligé de reconnaître que l'histoire se tient. Meilleurs passages : la ballade sur la lune, construite en parallèle avec sa narration par Kevin...

    PS: ... Kevin, pour la troisième fois consécutive en couverture, quelle fainéantise de la part des éditeurs !

    pokespagne Le 22/03/2015 à 08:00:00
    Pandora Hearts - Tome 2 - Tome 2

    S'il y a un léger mieux dans ce second tome de "Pandora Hearts"par rapport au premier - ce qui n'est pas difficile, il faut bien l'admettre - c'est qu'on a le sentiment que l'intrigue prend un peu de hauteur, avec ce qui semble prendre le chemin d'une poursuite des "contractants illégaux" par l'organisation secrète appelée Pandora (de nouveau, si j'ai bien compris quelque chose au bout de quand même 400 pages !). C'est aussi qu'on a droit à un premier "coup de théâtre" (il paraît en effet que ces retournements de situation, ces "twists" comme on dit désormais, sont les "plus" de "Pandora Hearts") plutôt bien amené. Malheureusement, le plaisir reste portion congrue, du fait du talent certain qu'a Jun Mochizuki pour rendre quasi incompréhensible chaque scène, chaque échange entre les personnages, d'ailleurs tous plus ou moins dessinés de la même manière, ce qui les rend difficilement distinguables les uns des autres. Trop de labeur, pas assez de bonheur à la lecture de "Pandora Hearts", je n'ira pas au delà de ce second tome.

    pokespagne Le 22/03/2015 à 07:45:00
    Pandora Hearts - Tome 1 - Tome 1

    Il doit y avoir quand même - et ça me coûte de l'admettre, je vous le jure - une limite d'âge pour la lecture de shônens comme ce "Pandora Hearts", qui m'avait été pourtant chaudement recommandé par un libraire de confiance : même si l'on peut passer sur le graphisme typique du genre, à la fois niais - dans sa représentation d'un XIXème siècle européen "gothiquissime" et ultra-froufrouteux - et finalement peu lisible dès que ça s'agite un peu... sur la banalité passe-partout de la transcription des angoisses existentielles des tourments de l'adolescence (avec un peu d'efforts, on se souviendra que, oui, c'est vrai, on a eu ce genre de trucs compliqués dans la tête à 15 ans)...Non, ce qui rend la lecture de ce premier tome de "Pandora Hearts" terriblement pénible, c'est la confusion permanente de la narration, qui transforme ce qui pourrait être une idée intéressante - en particulier ce personnage d'Alice (au Pays des Merveilles) / lapin possédant le corps du héros pour partir à la recherche de ses souvenirs (... enfin, si j'ai bien compris, ce qui est loin d'être sûr !) - en véritable calvaire pour le pauvre lecteur.

    pokespagne Le 09/03/2015 à 16:00:01
    Ralph Azham - Tome 7 - Une fin à toute chose

    Après un parcours assez erratique, voici donc la fin de la saga "Ralph Azham" et on pariera sans risque sur le fait que ce volume, ni bon ni mauvais, ne changera rien à l'opinion générale que chacun a pu se faire au fil des allbums sur cette série... moyenne... de Trondheim. Une fois encore, rien de honteux ici dans cette heroic fantasy passe-partout, certes joliment imaginative, mais cette fois curieusement dépourvue d'humour, et, plus grave sans doute, de véritable magie. On appréciera le réalisme politique de la conclusion - accepter le pouvoir pour éviter qu'un dirigeant bien pire n'y accède, voici un thème d'actualité - mais on déplorera aussi que Trondheim plante là ses personnages sans plus leur donner la moindre attention une fois l'aspect "guerrier" de la saga résolu : on aurait aimé quelques scènes expliquant le devenir de chacun de ces "héros" qu'on a suivi, même de manière distraite, durant plus de 6 ans, et ce d'autant que "le Donjon" par exemple avait su conclure, lui, l'aspect "humain" de son histoire. A moins, bien sûr, que Trondheim ne nous ménage une suite ?

    pokespagne Le 09/03/2015 à 12:56:54
    Blake et Mortimer (Les Aventures de) - Tome 21 - Le Serment des cinq lords

    Ayant zappė, en attendant d'y revenir un jour, pas mal d'albums de la nouvelle série des Blake et Mortimer "postumes", ce retour assez fidèle à l'atmosphère à la fois compassée et fantastique de l'univers "jacobsien", recréé de manière plutôt convaincante par Juillard - malgré un très léger déficit de "vie" -, s'est avéré assez agréable. C'est néanmoins, au delà de l'aspect un peu mortifère de la récréation appliquée d'un imaginaire aussi marqué dans l'espace comme dans le temps, grâce au remarquable scenario de Yves Sente que "le Serment des Cinq Lords" passe bien mieux que nombre des volumes l'ayant précédé : cette fiction construite sur des fragments du mythe de T.E. Lawrence et de ses démêlés avec les services de Sa Majesté s'avère absolument passionnante pour quiconque a un peu de goût pour l'histoire, transcendant les rebondissements un peu convenus d'une histoire policière standard. Si le lecteur n'aura guère de mal à élucider rapidement l'énigme proposée par Sente, et donc à anticiper certaines "révélations", comment pourrait-il bouder (par exemple) devant la re-création du célèbre accident de moto qui coûtera la vie à Lawrence d'Arabie ?

    pokespagne Le 25/02/2015 à 22:33:02
    Le grand Mort - Tome 1 - Larmes d'abeille

    Que penser de ces "Larmes d'Abeille", premier volume d'une nouvelle saga signée Loisel ? Pas grand chose, malheureusement, si ce n'est qu'il s'agit d'un début, ni plus ni moins, et qu'on est bien incapable en refermant ce livre de deviner si l'on a affaire à un futur "Peter Pan", un nouvel "Oiseau du Temps", ou à un autre flop comme la BD franco-belge, surtout de tendance "fantasy", nous en fourgue plus que de raison. Déjà, on peut s'irriter du fait qu'un scénario de Loisel implique systématiquement que le dessinateur copie le "style Loisel", alors qu'on aimerait un peu plus d'audace, justement. Ensuite, on est surpris - agréablement cette fois - par le sujet de "Larmes d'Abeille", la rencontre conflictuelle et (probablement) amoureuse entre une chieuse obsédée par ses études et un gros lourd (a priori bien monté, l'animal !) : une comédie Hawksienne ? Pas tout-à-fait malheureusement, mais il y a de l'idée... Par contre, la partie "fantasy", elle, passe à la trappe : un univers parallèle à la fois conventionnel et pas assez (pas encore ?) développé, une suite de scènes peu vraisemblables (il me semble que le scénario se prend les pieds dans les deux temporalités non synchrones, mais il faudra voir la suite...), des comportements des personnages superficiels, pas de quoi s'émerveiller, donc !. Du coup, alors que ce premier tome se termine sans qu'il se soit passé grand chose, l'indécision règne : donnera-t-on sa chance au "Grand Mort" ? Lira-t-on même le second tome ?

    pokespagne Le 19/02/2015 à 18:23:07
    Largo Winch - Tome 19 - Chassé-Croisé

    Après une petite pause de 4 ans qui m'aura fait perdre (pour l'instant) la conclusion du diptyque "Mer Noire / Colère Rouge", retour à Largo Winch avec ce "Chassé Croisé" qui emprunte avec plus de légèreté que de coutume les chemins du vaudeville (tout le monde couche ou a envie de coucher) et de comédie des masques (personne n'est qui l'ont croit) - soit une variation plutôt sympathique par rapport aux thèmes habituels de la série. Entorse à la règle des "premiers tomes", on assiste même à l'apparente résolution de l'un des fils narratifs du scénario, tandis que la sempiternelle conspiration contre Largo et son groupe n'atteint pas la tension "habituelle". Si l'introduction du thème jihadiste montre que Van Hamme tient toujours l'actualité, on peut se demander s'il n'est pas trop "facile" (SPOILER) de faire aussi rapidement des principaux acteurs du complot terroriste des marionnettes ou des agents de la CIA, sans parler même du risque - identifié par Van Hamme, c'est vrai - de rejoindre les délires conspirationnistes. Mais bon, l'accumulation des couches de double jeu (le chassé croisé du titre) a aussi un aspect ludique, exagéré, qui fait largement le charme du livre. Signalons aussi la persistance avec laquelle Van Hamme dédouane son beau héros des dérives capitalistes en insistant - non sans naïveté parfois - sur ses préoccupations sociales et son intérêt pour les énergies nouvelles, créant ainsi un indéniable manichéisme là où plus d'ambiguïté rendrait les aventures de Largo Winch plus adultes et sans doute plus fascinantes. A suivre avec "20 secondes" l'année prochaine.

    pokespagne Le 30/01/2015 à 10:55:15
    Monster (Urasawa) - Tome 15 - La porte de la mémoire

    Construit en deux parties distinctes, "La Porte de la Mémoire" nous offre d'abord la conclusion de la rencontre entre Eva, un personnage décidément de plus en plus intéressant (alors que les personnages féminins ne sont pas toujours complexes dans les grandes sagas d'Urasawa), et son "garde du corps" Martin, dans une ambiance émotionnelle forte, voire romantique - puisqu'Urasawa use cette fois du cliché très cinématographique des retrouvailles manquées sur le quai d'une gare. La force du personnage de Martin, et la séduction qu'il dégage, ne rend d'ailleurs que plus cruel la pâleur du personnage principal de "Monster", Tenma, qui est de moins en moins crédible lorsqu'il prend un air décidé et annonce pour la nième fois qu'il va tuer le monstre ! La seconde partie nous ramène à Prague, où nous retrouvons nombre de personnages secondaires - qui font, on le sait, la richesse des livres d'Urasawa - et assistons aux efforts, cette fois couronnés de succès, de Nina pour retrouver la mémoire, et nous en dire plus sur ce passé mystérieux qu'elle partage avec son frère jumeau. Un point intéressant de ce tome très riche est le retour à des considération politiques, le monstre manipulant (ou étant manipulé ?) par l'extrême droite allemande pour créer un nouveau führer (ce qui n'est pas vraiment une surprise, cette piste politique ayant déjà été ébauchée plus tôt dans la saga, de même que la question du racisme anti-turcs, à nouveau subtilement évoqué ici).

    pokespagne Le 13/01/2015 à 14:00:50
    Monster (Urasawa) - Tome 14 - Cette nuit-là

    Le 14ème chapitre de l'édition originale de "Monster" est un moment-clé de la saga, puisqu'une partie importante (sinon la totalité) du mystère de la Villa des Roses y est révélé, et qu'il nous offre (enfin !) une perspective claire sur la gémellité, l'identification de Johann à sa soeur, et le massacre de Düsseldorf en 1986 qui a mis en branle l'histoire. On pourra bien rechigner en disant que nombre de mystères subsistent, mais n'a-t-on pas appris avec la pratique d'Urasawa que c'est là le sort habituel qu'il nous réserve à nous pauvres lecteurs fidèles ? Après ces moments-clé de l'oeuvre, comme à son habitude, Urasawa part sur des chemins de campagne en nous contant cette fois la touchante, paradoxale et tragique relation entre Eva et Martin, soit l'un de ces moments à fort teneur sentimentale qui nous permettent de reprendre un peu notre souffle entre deux sommets.

    pokespagne Le 07/01/2015 à 17:59:54
    Happy Books - Tome 4 - Happy parents

    La série "Happy Books" avait démarré sur les chapeaux de roue avec l'excellent (et provocateur) "Happy Sex", puis avait perdu sa crédibilité en recyclant honteusement "l'enfer des concerts" en "Happy Rock", avant de nous proposer un pâle "Happy Girls". Ce n'est pas ce triste "Happy Parents" qui nous fera aimer à nouveau le Zep "hors Titeuf", et ce d'autant que Titeuf n'est jamais loin ici, en particulier dans la seconde partie du livre, qui parle des joies d'être parents de pré-adolescents qui ressemblent à s'y méprendre à l'idole des français. Bref, on aura certes souri aux premières planches qui nous rappellent les affres des premiers mois avec bébé, mais on aura ensuite rapidement sombré dans une routine d' un humour qui finalement nous caresse honteusement dans le sens du poil...

    pokespagne Le 06/01/2015 à 19:55:42
    Toxic - Tome 3 - Calavera

    Sans retrouver la puissance d'envoûtement de "Toxic", "Calavera" transcende l'horreur facile (?) et oppressante de "la Ruche" et permet à Burns de clore sa trilogie en beauté, tout en apportant à ses lecteurs les plus rationnels (les pauvres...) quelques éléments de réponse aux nombreuses questions qu'avaient fait naître les deux premiers tomes. En centrant son récit sur l'évolution de la vie - amoureuse principalement, mais pas que... - de Doug, son héros, que l'on voit peu à peu abandonner les audaces de son adolescence pour se résigner à la "médiocrité" adulte, Burns fait mouche : on comprend alors que tous les traumas recyclés symboliquement par l'imaginaire de Doug sont les plus communs du monde... Pire, qu'ils sont les nôtres, qu'ils illustrent symboliquement (je pense á ces scènes troublantes où un Doug "simplifié" et sous influence Hergé tente de se débattre au milieu de représentations obsédantes de ses échecs) notre culpabilité vis à vis de tous ceux que nous n'avons pas pu sauver, ni même souvent aimer convenablement. Le but de la trilogie apparaît alors dans toute sa superbe honnêteté : nous faire jeter le masque sur nos propres prétentions artistiques, créatrices, voire même simplement humaines, pour accepter notre insignifiance et notre lâcheté. Au final, rien ne sert de se rêver en Tintin exilé dans un univers extra-terrestre absurde et cruel, si nous ne réussissons même pas à être le héros de notre vie toute simple. Moins impressionnant formellement que "Black Hole" (la couleur, qui est un élément nouveau chez Burns, est sans doute moins forte que le noir et blanc tranchant), voici néanmoins un livre puissant, qui transcende les malaise de l'adolescence (et de la post-adolescence !) pour nous parler de nos difficultés à être tout simplement adultes.

    pokespagne Le 05/01/2015 à 19:38:43
    Trilogie du Moi - Tome 1 - Moi, assassin

    Je dois avouer à ma grande honte que je ne connaissais ni Antonio Altarriba, ni Keko, et je me suis donc pris ce "Moi Assassin" comme une grande claque autant esthétique que conceptuelle. Le remarquable travail en clair obscur de Keko combine un réalisme quasi photographique des lieux (les amoureux de Madrid ou de la Place des Vosges en seront enchantés) avec la profondeur métaphysique que nécessite le sujet du livre. Mais c'est surtout le scénario et le récit de Atarriba qui font de ce livre une oeuvre marquante, voire exceptionnelle : au delà des délires artistico-criminels de son personnage principal, Altarriba nous livre une description minutieuse et cruelle du petit monde de l'université et de l'art espagnol, déchiré par des conflits politiques (la question basque, blessure ouverte dans le flanc de la démocratie espagnole) autant que par les ambitions personnelles et les inévitables mesquineries entre collègues et concurrents. La construction du livre, entre flashbacks illustrant les théories du professeur Ramírez et ses crimes inventifs, et chronique précise de la dérive d'une vie qui s'effondre progressivement, avec l'implacabilité du destin typique du roman noir, conduit le lecteur vers une fin peut-être un peu frustrante mais parfaitement logique.

    pokespagne Le 05/01/2015 à 13:50:31
    Billy Bat - Tome 13 - Volume 13

    Une petite curiosité tout d'abord que cette couverture très similaire à celle du tome précédent : négligence de l'éditeur français ou message aux lecteurs ? Il est en effet clair que le "jeune Kevin" a pris la relève de son parrain japonais et risque d'être celui par lequel les secrets de la chauve souris nous seront révélés (... enfin si Urasawa a la moindre idée de la manière dont il va se tirer de l'embrouillaminis qu'il a créé !). La fin de ce 13ème tome nous propose le premier véritable suspense insoutenable (!) de "Billy Bat", l'écriture du dernier épisode des aventures de la chauve-souris restant suspendu aux visions de Kevin sous la menace des sbires de Culkin Corp. Pour le reste, si nous n'obtenons malheureusement pas encore de réponse quant à l'inscription découverte sur le sol lunaire, nous aurons le "plaisir" de découvrir les origines de l'un des personnages les plus mystérieux de la saga, et d'assister avec horreur au grand tremblement de terre de 1923 (qui fera plus de 100.000 morts et détruira Tokyo), magistralement évoqué par Urasawa et point d'orgue de ce volume. On déplorera neanmoins le choix de faire se rencontrer Hitler et Einstein en 1931, dans une scène révisionniste inutile et forcément déplaisante de par ses échos historiques.

    pokespagne Le 05/01/2015 à 13:42:20
    Billy Bat - Tome 12 - Volume 12

    Alors qu'on était assez confortablement installé dans une fiction autour de Kevin et des rouleaux mystérieux qui semblait pouvoir conduire à dénouer l'écheveau complexe de "Billy Bat", voici que ce diable d'Urasawa nous fait un nouveau "reboot" en nous propulsant au tout début des années 80 à la suite du "petit" Kevin, qui réapparaît quinze ans après les événements de Dallas en jeune "street artist" métis à l'apparence inspirée par Michael Jackson, lui aussi obsédé par la chauve-souris. S'il nous faut un petit temps d'adaptation à cette nouvelle branche uchronique - Michael Jackson existe-t-il dans cette version de notre monde où un groupe de tâcherons ringards ont composé "Thriller" ? Nous aurons la réponse en passant un peu plus tard dans ce douzième tome -, le plaisir revient vite, alors que Urasawa et Nagasaki relient cette nouvelle histoire à quelques fils précédents : la mise en scène de l'alunissage, les origines de Chuck Culkin. Si l'on peut regretter l'inclusion d'Adolf Hitler dans "Billy Bat" (comme dans le cas de Jésus au début de la saga, on est un peu dans le "too much", non ?), on se délectera particulièrement ici devant quelques pages magistrales (page 78 - l'homme-poivron ou page 110 - le lecteur de BDs) qui confortent notre addiction.

    pokespagne Le 07/12/2014 à 19:45:33
    Walking Dead - Tome 8 - Une vie de souffrance

    N'ayant jamais été avare en critiques envers ce comic book à mon avis grandement surévalué, je ne pensais jamais arriver à en louer les mérites de manière aussi catégorique, mais l'honnêteté me pousse à reconnaître que ce huitième tome ("Made to Suffer" en version originale) est un vrai chef d'oeuvre. Que cela soit du fait de l'extrémisme d'un scénario qui sacrifie de nombreux personnages "principaux" dans la saga sans en faire tout un plat, ou bien de l'excellence de la narration qui joue entre plusieurs fils et ménage un suspens infernal, sans parler cette fois d'un découpage d'une redoutable efficacité, tout concourt à asphyxier le lecteur par une succession de scènes fortes, voire traumatisantes. Kirkman et Adlard semblent donc être arrivés exactement là où ils le souhaitaient, et parviennent finalement à justifier bien des circonvolutions pesantes qu'on leur a reprochées dans les précédents tomes : la morale, implacable, de "Walking Dead" (l'homme est un loup pour l'homme, ou quelque chose du genre) nous explose à la figure, et on n'en sort pas indemne. Le seul reproche que je puisse imaginer faire à ce livre exceptionnel, c'est de se conclure par "A Suivre", alors que le mot "Fin" aurait permis à "The Walking Dead" de se clore dans une remarquable apothéose.

    pokespagne Le 01/12/2014 à 14:11:56
    Walking Dead - Tome 7 - Dans l'œil du cyclone

    Un volume de transition, comme le titre (original) l'indique bien d'ailleurs, donc centré sur les rapports entre les membres de la petite communauté menée par Rick et désormais retranchée dans la prison en attendant une hypothétique attaque du Governor. Le problème, c'est que, du fait de notre manque d'attachement aux personnages - indifférenciés à cause de la terrible faiblesse graphique de "Walking Dead", mais également très pauvres sur le plan humain - on ne peut que s'ennuyer ferme tout au long de ce septième tome qui paraît bien interminable, en dépit de quelques scènes de tension ou de violence qui viennent entre couper cette longue, longue attente. A noter aussi que, à ce point du récit, le décalage par rapport à la série TV quant à qui a survécu et qui est mort crée un parasitage constant dans l'esprit du lecteur (je suppose que ceux qui ont lu la BD avant de voir la série ont ressenti l'effet inverse), et qu'on ne peut s' empêcher de penser que les choix scénaristiques de l'adaptation sont plus malins que ceux de Kirkman.

    pokespagne Le 14/10/2014 à 15:39:47
    Klezmer - Tome 1 - Conquête de l'Est

    Au sein de l'oeuvre pléthorique de Sfar, on a pris l'habitude distinguer - un peu arbitrairement - l'indispensable ("le Chat du Rabbin", "le Donjon" avec Trondheim, ou "Grand Vampire") du simplement sympathique ("l'Ancien Temps", par exemple), afin de n'être pas noyé sous sa production. "Klezmer", à cause d'un dessin moins "soigné" qu'à l'habitude, m'avait semblé faire partie de ses oeuvres plus confidentielles, auxquelles je jetterais seulement un oeil lorsque l'occasion s'en présenterait. Quelle erreur ! Car, s'il est vrai que les très belles aquarelles de "Klezmer" sacrifient - quelque fois même assez radicalement - le dessin (on est presque parfois chez Reiser, ici... ce qui n'est pas une critique de ma part, loin de là !), le souffle de la fiction, exotique (... car que connaît-on de la vie errante des juifs ukrainiens ?), souvent romantique, parfois brutale, régulièrement enivrante pour tout dire, emporte tout sur son passage, plaçant clairement "Klezmer" là haut, tout au sommet, du travail de Sfar. Mais, au delà de l'énergie finalement joyeuse, et souvent drôle, qui se dégage de ce récit plein d'espiéglerie de la création d'un "Klezmer Band" dans un monde plus qu'hostile, il est passionnant de voir comment Sfar essaye de relever le défi énorme qu'il s'est lancé : créer une version "BD" de la musique des juifs ashkénazes. Dans l'impossibilité frustrante de nous faire entendre cette musique de vie et de passion, c'est le rythme tout entier du récit, emballé, irrespectueux, au flux brisé par des dissertations farfelues, qui en retranscrit la vitalité. Et c'est magnifique.

    PS: A noter aussi une postface remarquable d'intelligence et d'audace, qui prouve que Sfar, au delà de son statut d'auteur de BD déjà reconnu, est aussi un "honnête homme", dont on savourera chaque propos, prolongeant ainsi la magie du livre par une réflexion pertinente sur la judaïté.

    pokespagne Le 11/10/2014 à 23:10:15
    Le roi des mouches - Tome 3 - Sourire suivant

    Il est terriblement dommage que dans la première moitié de ce "Sourire Suivant", le troisième et dernier tome du "Roi des Mouches", Pirus ait fait le choix de l'onirisme à fond, du délire complet : certes justifiées par l'état mental et l'abus de drogues des personnages (qui sont passés à l'engrais comme drogue dure...), ces pages sont surtout inutilement confuses, portées par un texte hallucinatoire qui a certes ses moments, mais qui sent surtout le tour de force. Bref, Pirus n'est malheureusement pas Lautréamont (... mais qui l'est, de nos jours ?), et honnêtement,on frise parfois le ridicule, et surtout, on s'ennuie un peu pendant de longues, longues pages qui ne font finalement pas avancer la fiction pourtant passionnante du "Roides Mouches". Heureusement, à mi parcours, tout cela se dresse et on s'engage dans une sorte de sprint final qui nous emmène vers une résolution diablement satisfaisante des nombreuses fictions entremêlées, mais - et c'est un soulagement - vers aucun happy end forcé. La dernière page, extraordinaire, est sans doute la plus forte et la plus juste conclusion que les auteurs pouvaient apporter à leur oeuvre maîtresse : on ne change pas, jamais, on ne fait que refaire les mêmes erreurs idiotes, avec à chaque fois des conséquences plus dramatiques.

    PS: Tiens, j'aimerais bien savoir si la quille contenue dans le fameux sac est une référence au "En Quatrième Vitesse" de Robert Aldrich ? En tout cas, j'ai voulu y croire, et j'ai aimé le clin d'oeil.

    pokespagne Le 06/10/2014 à 23:24:45
    Pascal Brutal - Tome 4 - Le Roi des hommes

    Autant j’ai “intellectuellement” du mal avec le Ryad Sattouf de “la Vie Secrète des Jeunes" ou de "l’Arabe du Futur", qui me semblent trahir par leur pessimisme une vision "sans empathie" d’une humanité bornée, sans avenir, autant Sattouf me semble exploser complètement ces réserves avec sa brillante série "Pascal Brutal", et démontrer a contrario qu’il est plus que capable de transcender la simple observation satirique de la bêtise pour atteindre à la fois des sommets comiques et une plus grande finesse dans son analyse politique (voire sociologique). Et ce qui est fantastique, c’est qu’au quatrième album des aventures bestiales du plus grand héros français (quelqu’un se souvient du SuperDupont de Gotlib et Lob ? Le principe est a priori le même, mais la réussite de Sattouf beaucoup plus évidente), la veine semble toujours inépuisable : l’idée géniale de ce « Quattro », c’est de faire endosser à Pascal les oripeaux des modèles (ou anti-modèles, selon le cas) masculins de notre époque, du rappeur au footballeur, en passant par le stand up comedian ou le fils à papa dégénéré, et de pousser ainsi jusqu’au bout la logique « du spectacle » en exagérant les stéréotypes qui la nourrissent. Sattouf développe ainsi une véritable parole politique autour des thèmes les plus sensibles de la société française, tout en n’oubliant pas de munir son héros de « failles » qui le rendent sympathique au delà du ridicule des situations : la tendance homosexuelle de Pascal, qui revient régulièrement et humanise le personnage, en est bien sûr le plus bel exemple. On peut aussi reconnaître ici, en mois poussé il est vrai, une poésie de l’absurde qui évoque le meilleur de Pierre La Police. Et bien sûr, répétons-le, le tout est incroyablement drôle !

    pokespagne Le 30/09/2014 à 14:14:47
    La vie secrète des jeunes - Tome 2 - La vie secrète des jeunes II

    Second tome de "La Vie Secrète des Jeunes", poursuivant dans la ligne directe du premier, soit l'observation - précise - et la retranscription - impitoyable - de scènes "de la vie quotidienne". Alors, quoi de neuf par rapport au premier volume ? Pas grand chose en fait, les thèmes principaux émergeant de ces chroniques pour le moins brutales restant grosso modo les mêmes : parents abusifs, ados bas du front, musulmans au discours ambigu vis à vis de la société française, histoires de cul ou d'amour parfois compliquées mais généralement triviales... C'est un portrait assez noir de l'humanité que dresse Sattouf ! Au point que, malgré le rythme addictif de ces pages, malgré la force et la justesse du dessin, malgré les sourires que le livre nous arrache ça et là, c'est une sorte d'accablement qui nous gagne, à force. Mais ce qui finalement est le plus gênant, c'est que l'apparente "neutralité" de Sattouf derrière son principe - assez froid - de transcription du réel encourage paradoxalement une vision un peu surplombante de cet enfer (les Autres) auquel le lecteur se refusera logiquement d'appartenir : les non-Parisiens y verront une raison supplémentaire de hair Paris, les racistes y trouveront la confirmation que les Arabes et les Blacks devraient être chassés, les vieux cons détesteront les jeunes cons, et vice versa... Alors, s'il y a quelques pages qui transcendent le livre (qui le sauvent, à elles seules ?), ce sont celles - terribles - décrivant l'inconscience totale des "meufs" du Gang des Barbares : là, Sattouf touche quelque chose de vertigineux, et met son objectivité au service d'une vérité essentielle, même si largement incompréhensible.

    pokespagne Le 29/09/2014 à 19:52:14
    Les petits riens de Lewis Trondheim - Tome 1 - La malédiction du parapluie

    Le premier tome de l'excellente série des "Petits Riens", compilation d'un blog en BD narrant les "aventures" quotidiennes d'un Lewis Trondheim qui se prend visiblement la tête plus qu'à son tour, "la Malédiction du Parapluie" n'a peut être pas encore l'excellence formelle qui se développera peu à peu avec la maturation du "concept", et avec la croissante maîtrise de l'aquarelle dont témoignera Trondheim, mais il a sans doute sur ses successeurs l'avantage de la fraîcheur. L'empathie que crée Trondheim avec ses lecteurs est remarquable, et on se laisse rapidement séduire, et même parfois émouvoir, par ce regard pour le moins curieux que Trondheim jette sur le monde, sur les autres, sur la vie. Un regard jamais surplombant, jamais arrogant - Trondheim lui-même étant normalement la première victime du ridicule -, un regard qu'apprécieront surtout, il faut bien le dire, les plus paranoïaques et les plus hypocondriaques d'entre nous.

    pokespagne Le 14/09/2014 à 17:24:38
    La vie secrète des jeunes - Tome 1 - La vie secrète des jeunes

    Quand il se promène dans la rue, Riad Sattouf ne garde pas les yeux rivés sur son smartphone, isolé du monde par les écouteurs de son walkman. Non, il regarde, il écoute, la plupart du temps sans intervenir, les dialogues, les discussions, les conflits parfois même, de ses concitoyens... Pas que des jeunes d'ailleurs, et c'est là que le titre du livre est un peu trompeur (quand au "secret", il est bien étalé au grand jour, aux yeux de tous...), mais ce n'est pas vraiment grave. Ce qui est brillant ici, ce n'est pas le dessin de Sattouf - qu'on l'aime ou qu'on ne l'aime pas, c'est une question de goût -, mais la précision avec laquelle il rend compte de ces micro-événements, qui semble sélectionnés pour peindre un portrait extrêmement juste, précis, de l'état de notre société : pas seulement parisienne d'ailleurs, française au moins, mais sans doute globale. On rit beaucoup, car nous sommes souvent drôles, volontairement ou malgré nous. On grimace encore plus, parce que le miroir que nous tend Sattouf nous laisse à voir la bêtise sans fond de nos préjugés, de nos peurs, de nos haines (de nos amours aussi, en fait !). En fait, lire plus de quelques planches à la fois de ce livre extrêmement addictif par son format (un "gag" par page, on a hâte de passer au prochain) peut se révéler nuisible à notre santé, et engendrer désespoir, voire dépression. Un autre conseil, pendant qu'on y est : avant de faire un scandale au restau ou même dans la rue, jetez un coup d'oeil autour de vous, et vérifiez que Sattouf n'est pas dans le coin !