Nouvelle Chine
Une BD de Clarke chez Quadrants - 2024
03/2024 (06 mars 2024) 96 pages 9782302102781 Format normal 494813
L'opiniâtre Viktor Eberhart enquête sur une série de meurtres commis dans les parcs berlinois, sans lien apparent avec l'épidémie de Chuánran ou l'occupation chinoise depuis que Mao prodigue un vaccin aux populations d'Europe et du Moyen Orient. Tant mieux, il se méfie de la politique. C'est pourtant vers la résistance que l'entraîne son enquête.
Inutile de refaire le pitch.
J’aime les uchronies et celle-ci est fort bien construite à la croisée du Maître du haut château de P.K Dick, de l’épidémie planétaire de Coronavirus, d’un thriller psychologique à la manière de Seven… bref un cocktail shaké habilement qui distille son ivresse tout au long du récit jusqu’à à la chute qui relie tous les ingrédients de cette mixture savoureuse… franchement, c’est bien conduit du début à la fin !
Le dessin très encré est de très bonne facture mais, bien que j’apprécie particulièrement le noir et blanc, il me semble que l’encrage un peu superficiel par endroits justifierait une mise en couleur subtile… la place pour une seconde version colorée que cette très bonne histoire mériterait si le succès commercial est au rdv…
La couverture nous montre la ville de Berlin mais avec un titre et une couverture de rouge pourpre qui rappelle la Chine de Mao. En fait, la capitale allemande est occupée en 1975 par les chinois tout comme la majorité de l’Europe après que ces derniers ont répandu un virus destructeur à travers le monde qui a fait des millions de mort. Cela ne vous rappelle rien ?
En fait, ces événements ont eu lieu peu après la Seconde Guerre Mondiale alors que l’Europe tentait de se reconstruire sans l’aide des Etats-Unis menant une politique isolationniste. On aurait pu penser que la Russie de Staline allait envahir l’Europe mais cette uchronie emprunte une toute autre direction pour nous dire que le véritable péril était jaune. Il fallait y penser.
Une fois qu’on a accepté le principe, on va suivre un vieil inspecteur incorruptible dans une enquête pour des meurtres en série dans les parcs de la ville. On lui colle un jeunot dans les pattes. Ils vont former un tandem. Rien de plus classique que le duo mal assorti d’autant que l’inspecteur est veuf et que même sa fille unique l’a quitté voilà plusieurs années. Il faut dire qu’il s’est plongé dans son travail mais également dans l’alcool.
Le dessin est en noir et blanc ce qui peut surprendre au premier abord car la couverture et le format laissaient présager de la couleur. C’est assez inhabituel mais on s’y fait. Il faut dire que l’ambiance voulu par l’auteur est celui d’un polar noir dans la plus pure tradition. Le trait demeure net et précis tout en restant dans un style réaliste ce qui est pour moi un modèle de lisibilité.
Et c’est là où le bât blesse un peu car nous avons un mélange d’uchronie politique avec une enquête criminelle classique. Il y a aura forcément un mélange de genre qui donne quelque chose d’assez original et sans doute trop pour être crédible. On ressort quand même un peu décontenancé d’un tel récit.
Pour autant, l’auteur Clarke a pris son temps pour nous présenter une intrigue policière avec un personnage qui a de l’épaisseur. A noter également un effort dans le découpage du scénario pour donner du rythme à l’ensemble.
La moralité de cette BD est que nul ne peut échapper à la politique même si on souhaite la fuir. Après tout, on vit dans un pays et sous un régime plus ou moins autoritaire. A un moment donné, les enjeux politiques nous rattrapent et il faut payer la note. A-t-on envie de vivre dans cette Chine nouvelle ? Certainement pas.